21
Un soleil pâlichon montait dans le ciel. Luke était en train de travailler sur le bidon de réfrigérant quand les rancors arrivèrent. Han et Isolder avaient retrouvé le conteneur, les générateurs et les capteurs. Bientôt, il serait temps de partir, car les hommes de Gethzerion ne tarderaient plus.
Descendant de sa monture, Chewbacca poussa de longs cris de joie.
— Pour l’amour du ciel, s’exclama C-3P0, nous vous avons trouvés ! (Il se tourna vers R2 et Chewie.) Je vous avais dit que tout irait bien. Sa Majesté le roi Solo n’est pas du genre à se laisser pulvériser en vol. Mais que faites-vous donc là, maître Luke ?
— Nous avons sauté du vaisseau avant l’explosion. Un bidon est fêlé. J’ai rebouché la fissure, mais il faut attendre que ça sèche. Cela dit, nous sommes très heureux de vous voir.
— C’est moi qui vous ai trouvés, fanfaronna C-3P0. Grâce à mon super Verbo-processeur AA-1, j’ai décodé le message des Impériaux. (R2 protesta vigoureusement.) Avec l’aide du petit tonneau, bien sûr. Nous étions en route pour vous prévenir…
— Nous prévenir de quoi, monsieur Verbo-truc ? demanda Han.
— Gethzerion ! s’exclama le droïd. Elle avait l’intention de vous tendre un piège…
— On s’en est aperçu, Bâton d’Or. En tombant dedans !
— Mais ça n’est pas tout, continua C-3P0. Montre-leur le dernier message, R2.
Le petit droïd projeta dans l’air l’image en 3D de deux personnes : Gethzerion et un jeune officier vêtu de l’uniforme gris des commandos de Zsinj.
— Général Melvar, dit la sorcière, vous pouvez informer votre chef que nous avons capturé Han Solo. En conséquence, nous attendons la navette qu’il nous a promise en échange.
La vieille femme avait les mains croisées sur l’estomac. Melvar la fixait de son regard de tueur, se grattant le menton avec des ongles en platine aiguisés comme des griffes. Ces implants coûtaient une fortune et posaient quelques problèmes, leurs propriétaires s’infligeant maintes blessures accidentelles. Les joues du général, grêlées de micro-cicatrices, n’échappaient pas à la règle.
— Le seigneur Zsinj a reconsidéré son offre. Il est navré d’avoir dû faire détruire le vaisseau qui tentait de quitter la prison. A présent que le Faucon n’existe plus, rien n’est pareil. Car c’était bien le navire de Solo ?
Gethzerion fit oui de la tête.
— Qui était à bord ?
— Des soldats, mentit la sorcière. Voyant le navire en réparation, ils ont tenté de le voler. Si Zsinj ne les avait pas tués, je l’aurais fait…
— Je m’en doutais… (Il sourit.) J’espérais tellement que ce soit vous, chère amie, qui pilotiez le Faucon. Mais assez badiné ! Vous avez Solo, et vous voulez une navette…
Gethzerion acquiesça.
— Comprenez que votre proposition, sans le vaisseau, perd de son intérêt. Dans sa grande bonté, le seigneur Zsinj daigne cependant faire une offre à votre bande de… hum… mégères…
— Voilà qui ne m’étonne pas, contre-attaqua Gethzerion. (Le général baissa les yeux, agacé d’avoir été deviné.) Tout le monde sait que Zsinj tient sa parole quand ça l’arrange. Je sais qu’il n’a pas envie de nous laisser quitter Dathomir. Alors, je vous écoute…
— Dans trente-six heures, le seigneur viendra en personne prendre livraison de Solo. En échange, il ne détruira pas votre planète.
— En un mot, il ne nous offre rien !
— Si, vos vies. Ça devrait vous ravir.
— Vous ne comprenez pas les Sœurs de la Nuit, général. Nos vies ne comptent pas. Donc, il ne nous offre rien.
— Qu’importe ces arguties ! Nous voulons Solo. La mort est un état permanent, sorcière. Prenez le temps de la réflexion…
— Faites à Zsinj la contre-proposition suivante : s’il nous laisse quitter Dathomir, nous le servirons.
— Comment être sûrs de votre loyauté ? demanda Melvar, soudain intéressé.
— Nous lui confierons nos filles et nos petites-filles, toutes celles qui ont moins de dix ans. Il les gardera en otages. Si nous lui déplaisons, il pourra les tuer.
— Tout à l’heure, vous disiez ne pas tenir à la vie. Pourquoi hésiteriez-vous à sacrifier vos enfants ?
La voix de Gethzerion se chargea d’émotion.
— Aucune mère ne peut être aussi cruelle. Que Zsinj réfléchisse à notre offre comme nous examinerons la sienne.
L’hologramme disparut.
— Alors, demanda Han, quelqu’un a une idée de ce que Zsinj prépare ? Un bombardement ?
Leia s’abstint de rappeler que le seigneur envisageait de détruire la planète.
— Il a peut-être un as dans sa manche, hasarda-t-elle.
— Une nouvelle Etoile Noire ? proposa Luke. Non, je ne crois pas…
— Je ne sais que penser, avoua Han. Gethzerion prend Zsinj pour un idiot. Elle prétend me garder dans ses geôles et avoir détruit mon vaisseau… Elle ferait n’importe quoi pour quitter cette planète.
— Zsinj semble prêt à tout pour t’avoir, fit remarquer Leia.
— Ouais, grommela Han. Gethzerion et lui ont beaucoup de points communs. Si on les présentait l’un à l’autre, ce serait le coup de foudre assuré.
Le front plissé par la concentration, Leia regarda Han.
— Je n’y comprends rien, souffla-t-elle. Zsinj, venir ici en personne ? Il se donne beaucoup de mal, non ? Qu’est-ce qu’il a contre toi ?
Solo se gratta le menton. D’un grognement, Chewie l’encouragea à parler. Luke devina que la déclaration allait valoir son pesant d’or.
— Eh bien… Après avoir détruit son destroyer Super Star, je… Hum, je l’ai appelé sur le Holonet, et j’ai un peu… dansé sur sa tombe…
— Dansé sur sa tombe ? répéta Leia.
— J’ai oublié les mots exacts, mais je me suis vanté d’avoir désintégré le vaisseau, et j’ai dû finir sur quelque chose comme : « Va te faire voir chez les Wookiees. »
Chewie éclata de rire.
— Résumons-nous, intervint Isolder, tu as insulté le plus puissant seigneur de la guerre de la galaxie ?
— D’accord, d’accord, concéda Han, j’ai eu tort. Inutile de retourner le couteau dans la plaie. C’était dans l’excitation de la victoire…
Le Hapien flanqua une grande claque dans le dos de Han.
— Mon ami, tu es encore plus bête que je le pensais ! Quel numéro tu fais ! Mais j’aurais donné cher pour voir la tête de Zsinj quand tu lui as sorti ça !
Skywalker ne manqua pas de s’étonner de la cordialité du prince avec son rival. Mon ami ?
— Ça ne m’aurait pas attristée non plus, avoua Leia. Han, tu aurais pu vendre des billets !
Solo chercha le regard du Hapien.
— Tu penses ce que tu dis, Ta Grâce ? Bon sang, il était écarlate ! Mais sais-tu que c’est un génie ? Il peut jurer en quelque soixante langues. J’en ai entendu des vertes et des pas mûres dans ma vie, mais ça dépassait tout.
— Je te crois ! renchérit le Hapien. Tu sais qu’il voudra voir ta tête sur un plateau ? Considérant sa réputation, il risque bien de la manger…
— Et alors ? Ce genre de défi rend la vie intéressante !
— On se souciera de Zsinj plus tard, coupa Luke. Pour l’heure, dépêchons-nous d’amener les pièces au Faucon. Ne traînons pas ici. Quand Gethzerion aura compris que nous avons survécu, les environs deviendront malsains…
Il regarda le bidon. Avant sa réparation, la moitié du réfrigérant s’était répandue dans la nature. Pour sauter dans l’hyperespace sans risque, la moindre goutte pouvait être vitale.
Leia lui tapota l’épaule.
— On se débrouillera, ne t’inquiète pas…
Faute de pouvoir faire mieux, le Jedi hocha la tête.
Après avoir chargé les pièces sur les rancors, le petit groupe se dirigea à vive allure vers les collines. Au terme d’un tour de cadran sans sommeil, tous étaient épuisés. Les rancors étant en bonne forme, ils avancèrent néanmoins jusqu’à la tombée de la nuit.
Malgré la fatigue, Luke ne put s’endormir. Pour se calmer, il grimpa au sommet d’une colline.
Tandis qu’il regardait au loin, la vision s’imposa de nouveau à lui. La nuit éternelle, murmura une voix dans sa tête. Elle vient.
Le Jedi se demanda si tout cela n’était pas simplement une représentation de sa propre mort.
Il se concentra sur la Force et sentit combien elle était troublée. L’armée conduite par les Sœurs de la Nuit était à mi-chemin de la forteresse du clan de Teneniel. Gethzerion disposait d’un landspeeder. Le voyage ne lui prendrait qu’une heure. En attendant, elle avait tout loisir de peaufiner sa stratégie.
Par le passé, Luke avait souvent imaginé les batailles pour mieux s’y préparer. A ces occasions, la Force l’avait toujours guidé, lui soufflant des idées qu’il n’aurait pas eues sans elle. Cette fois, c’était différent. La brève visite à la prison ne lui avait presque rien appris sur la puissance des Sœurs de la Nuit. Il regretta que Yoda ou Ben ne soient pas là pour le conseiller. Puis il se souvint du maître de Dagobah disant : « Les sorcières nous ont repoussés… »
Yoda avait été un Jedi dix fois supérieur à Luke. Pourtant, les sorcières l’avaient vaincu, alors qu’il combattait aux côtés de Chevaliers Jedi compétents. Luke douta soudain de son pouvoir. La Force. D’où venait-elle vraiment ? Yoda disait qu’elle était de la pure énergie créée par la vie. En ce cas, pouvait-il l’utiliser en toute conscience ? S’il enlevait de l’énergie aux autres, un peu comme un vampire leur prend du sang, ses actions étaient-elles justifiables ?
Il y avait plus gênant. Dans ses affrontements contre Dark Vador et l’Empereur, il n’avait pas poussé son pouvoir à ses limites. Désirant le convertir, Vador n’avait jamais tenté de le tuer. Gethzerion ne serait pas aussi complaisante.
— Que se passe-t-il sur ce monde, Ben ? murmura le Jedi. Est-ce une épreuve ? Veux-tu savoir si je suis enfin capable de m’en sortir seul ? Crois-tu que je n’ai plus besoin de ton aide ?
Obi-Wan Kenobi ne répondit pas. Une brise vespérale soufflait, qui soulevait mollement les feuilles mortes. Regardant le soleil couchant, Luke fut surpris par la beauté du paysage. Abstraction faite de Zsinj et des Sœurs de la Nuit, Dathomir était un monde superbe. Si la carte d’Augwynne disait vrai, seul un centième de la surface habitable avait été exploré.
Skywalker soupira. A l’échelle du temps ou de la galaxie, Gethzerion n’était rien, et ses manigances comptaient beaucoup moins que le premier cri d’un nouveau-né.
Cette pensée réconforta le jeune homme…
Pendant que Luke méditait, Isolder, assis près du feu, écoutait Han discourir avec C-3P0. Leia dormait déjà.
S’apercevant que Teneniel était seule un peu plus loin, le Hapien se leva et alla la rejoindre.
— Quand je dors dehors, souffla-t-elle, j’aime regarder les étoiles en me demandant à quoi ressemblent les gens qui les peuplent.
Isolder leva les yeux. Doué pour l’astronomie, le Hapien connaissait ce secteur de la galaxie pour l’avoir sillonné pendant ses années de contrebande.
— J’ai souvent fait de même, confia-t-il à la jeune femme. Mon éducation et mes voyages m’ont beaucoup apporté. Choisis une étoile, et je te dirai tout d’elle.
— Celle-là !
La jeune sorcière avait désigné l’astre qui brillait le plus intensément à l’horizon.
— Ça n’est pas une étoile, mais une planète, objecta Isolder.
— Je sais. Il fallait bien que je teste tes connaissances. D’accord : tu vois les six étoiles qui forment un cercle, sur notre droite. Parle-moi de la plus brillante…
Le prince étudia un instant la question.
— C’est le système Cedre. Il n’est qu’à trois années-lumière d’ici. Il n’y a pas de vie autour de ton étoile, car elle est trop jeune. Sa lueur est bleue… Sélectionne plutôt une jaune, ou une orange.
— Parle-moi de la grosse qu’on voit loin sur la gauche.
— C’est un soleil double appelé Fere. Ça n’est pas la porte à côté, tu peux me croire. Il y a deux cents ans, la planète du même nom abritait une civilisation remarquable. Ces gens construisirent quelques-uns des meilleurs vaisseaux de la galaxie. Des petits croiseurs de luxe… Un de mes oncles collectionne les navires anciens. Il possède un croiseur ferien.
— Ce peuple ne fabrique plus de nefs ?
— Non. A cause d’on ne sait trop quelle guerre, des réfugiés se sont posés sur Fere. L’un d’eux était porteur d’un virus qui tua les Feriens en quelques jours. Pourtant, avec un télescope assez puissant, tu pourrais encore les voir tels qu’ils étaient, très grands, avec une peau ivoire et six doigts très fins à chaque main.
— S’ils sont morts, objecta Teneniel, comment pourrais-je les voir ?
— Parce que ton télescope capterait la lumière que leur monde reflétait il y a des centaines d’années. Ainsi, tu observerais le passé.
— Je comprends… Avez-vous des télescopes de ce genre, sur ton monde ?
— Hélas non. Personne ne sait les faire aussi bons…
— Parle-moi de l’étoile qu’on voit derrière Fere, à présent.
— C’est Orelon. Je la connais bien… D’ici, c’est le seul astre de la Confédération Hapienne qu’on peut voir. En réalité, il y a soixante-trois planètes dans notre système. Ma mère règne sur toutes.
— Elle a donc tant de pouvoir ? s’étonna la jeune sorcière.
— Oui…
— A-t-elle une armée ? Une flotte spatiale ?
— Des milliards de soldats, des milliers de vaisseaux…
Teneniel blêmit. Isolder comprit que ses réponses l’avaient effrayée.
— Pourquoi ne m’avoir rien dit ? J’ignorais que mon esclave avait une mère si importante.
— Je t’ai révélé qu’elle était une reine, et que ma femme le deviendrait à son tour.
— Je croyais qu’elle régnait sur un clan… (La jeune femme semblait abasourdie.) Alors, quand tu seras parti, je saurai où tu es en regardant ce soleil ?
— Exact.
— Pourras-tu regarder le mien et penser à moi ? demanda Teneniel, la voix inquiète.
— Ton soleil ne brille pas assez pour qu’on le voie de Hapes. Ma planète a sept lunes qui absorbent toute la lumière des astres peu brillants.
Le ton de la jeune femme le surprenait. Il tenta de sonder son expression, mais la vision nocturne des Hapiens était très mauvaise. Avec sept lunes, qui aurait besoin d’être nyctalope ?
— Teneniel, je ne te comprends pas. Que suis-je pour toi ? Tu m’appelles ton esclave, pourtant tu me traites comme un ami…
— Je serais incapable de t’imposer quelque chose par la force… D’autres femmes du clan n’auraient pas ces scrupules…
Isolder se souvint de la façon dont elle l’avait capturé. Sa lente approche, son sourire, la corde tendue… En fait, elle lui avait laissé toute latitude de s’enfuir, et il n’avait pas bougé.
Ce rite nuptial n’était pas plus bizarre que d’autres. Encore fallait-il que les deux parties en comprennent les règles.
— Je vois… souffla le prince. Imagine que je reste et qu’on ne s’aime pas, ou que notre mariage tourne au cauchemar. Que se passerait-il ?
— Je pourrais toujours te vendre. Si tu préférais une autre femme, il serait de mon devoir de trouver un terrain d’entente avec elle.
— Et si je ne voulais personne ?
— Tu pourrais t’enfuir dans la forêt pour exprimer ton insatisfaction. Je devrais alors te rattraper et t’offrir une meilleure vie. Tu vois, les possibilités ne te manqueraient pas.
Isolder dut en convenir. Même s’il semblait barbare de prime abord, le « régime matrimonial » des sorcières tenait la route. Comme sur son monde natal, les femmes dominaient, mais les hommes n’étaient pas dépourvus de moyens de se défendre. Il songea au passé de Dathomir : des petits groupes d’humains affrontant sans armes des hordes de rancors. En ce temps-là, épouser une sorcière et bénéficier de sa protection était une chance, même s’il fallait devenir son esclave.
Teneniel lui offrait la liberté. En retour, elle souhaitait qu’il ne l’oublie pas.
Songeant à la cupidité de ses tantes et à l’avarice de sa mère, il se demanda combien de Hapiennes auraient su se montrer si généreuses.
Cette femme avait décidément une grande beauté intérieure…
Isolder se pencha vers elle et l’embrassa sur la joue, conscient que c’était une manière de lui dire adieu.
Il sentit de l’humidité sous ses lèvres ; elle pleurait.
— Si je parviens à revenir sur Hapes, je ne t’oublierai pas. Certains soirs, je regarderai en direction de Dathomir, et je me demanderai si tu es en train de penser à moi…
Une heure plus tard, Skywalker réveilla ses compagnons. Ils partirent aussitôt, menant les rancors à un train d’enfer. Très tard dans la nuit, ils firent une deuxième halte à une vingtaine de kilomètres de la forteresse. Leurs montures, exténuées, n’auraient pas fait cent mètres de plus.
Luke aurait aimé continuer, mais il dut se rendre à l’évidence.
— On va se reposer, concéda-t-il.
Se laissant glisser sur le sol, ses compagnons s’enroulèrent dans leurs couvertures. C-3P0 et R2 s’étaient déjà désactivés pour la nuit.
Luke mangea un peu pendant que Teneniel faisait boire les rancors. Ensuite, elle les bichonna du mieux qu’elle put, leur passant un tissu humide sur la peau.
Luke s’étonna de ce manège, puis il se souvint que ces animaux n’avaient pas de glandes sudoripares. Ils souffraient donc horriblement de la chaleur.
Le Jedi approcha de la sorcière.
— Utilise la Force pour les aider, lui conseilla-t-il. Elle peut refroidir leurs corps.
Il posa la main sur le premier rancor, qui soupira bientôt de satisfaction.
Teneniel ne cacha pas son agacement.
— Je ne comprends toujours pas comment tu fais. Un sort me semblerait tellement plus simple…
— Si tu as besoin de mots pour te concentrer, ça ne peut pas faire de mal. Mais la Force ne doit pas être inféodée aux mots.
— Luke, je suis désolée de ce que j’ai fait à la prison. J’ai failli tuer ces femmes. Ma fureur était telle que tes paroles en perdaient tout sens. Je voulais en finir avec le mal, comprends-tu ?
— Elles te tendaient un piège. Si tu avais basculé du côté de la haine…
— Je sais. Mais je ne sentais pas combien le bon côté de la Force est plus fort que le mauvais.
— Jamais je n’ai prétendu qu’il l’était… Si tu cherches la puissance, les deux côtés peuvent te l’apporter. Mais vois les Sœurs de la Nuit, et regarde ce qu’offre le Côté Obscur : la peur au lieu de l’amour, la guerre en place de la paix, et une ambition dévorante plutôt que la sérénité.
« Le Côté Obscur donne le pouvoir à ceux qui le désirent. Mais il les prive de tout le reste…
Luke soulagea tous les rancors de leur souffrance. Teneniel lui passa les bras autour de la poitrine et se blottit contre son dos.
— Et si je désire l’amour plus que toute chose ? demanda-t-elle. Le bon côté de la Force me le donnera-t-il ?
Ne pas comprendre la question eût été un exploit. Pourtant, Luke aurait volontiers joué les simples d’esprit. Il trouvait la jeune femme séduisante, mais parler d’amour aurait été… dangereux.
— Je ne sais pas, répondit-il. Je crois que oui…
— Avant votre arrivée, je vous ai aperçus en rêve, Isolder et toi. J’étais seule depuis si longtemps que je voulais seulement trouver un mari et retourner dans mon clan. Je venais de lancer un sort de divination quand je vous ai vus. Peut-être êtes-vous mon destin. Es-tu mon destin…
Luke lui prit les mains.
— Je ne crois pas au destin. Chacun décide de sa vie. Nos choix font notre avenir. Teneniel, je dois te dire une chose, même si elle risque de te blesser : nous nous connaissons à peine, il vaudrait mieux ne pas nous emballer.
— Tu veux dire qu’il vaudrait mieux que je ne m’emballe pas. Dans mon peuple, nous choisissons un mari très vite, parfois dès le premier coup d’œil. Quand je t’ai vu, j’ai compris que tu étais fait pour moi. Je n’ai pas changé d’avis. Toi, tu sembles penser que l’amour doit naître lentement.
— J’ignore comment il naît, avoua Luke, mais je sais qu’il meurt souvent de mort subite.
— Et alors ? Si notre amour devait mourir, qu’aurons-nous perdu à essayer ?
— Je ne peux faire ça. L’amour est plus que la curiosité ou l’excitation d’un moment. Deux personnes ne peuvent savoir s’il est réel avant d’avoir passé du temps ensemble. Il leur faut une histoire commune, comprends-tu ? Moi, j’ai un devoir à accomplir. Je dois achever mon initiation de Jedi. Quand j’aurai quitté cette planète, il est probable que nous ne nous reverrons plus. Alors, comment se connaître ?
Il aurait aimé lui en dire plus, ajouter qu’il avait toujours espéré rencontrer une femme comme elle, mais sous les arbres, Han bougea dans son sommeil, leva une main, et cria :
— Non ! Non !
Puis il tira la couverture sur sa tête.
Luke trouva cela étrange. Jamais il n’avait entendu Han parler dans son sommeil. Pourtant, ils avaient longtemps bourlingué ensemble…
Alors le Jedi sentit une distorsion dans la Force, comme si une présence invisible les suivait. Pensant qu’il s’agissait d’un animal, il fut vite détrompé.
Quelque chose lui serrait la tête comme si on venait de la couvrir d’un casque d’obscurité. Un frisson courut le long de sa colonne vertébrale. Luttant pour rester calme, le Jedi identifia une sorte de sonde mentale.
— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Teneniel.
Luke lui fit signe de se taire. Il lutta pendant quelques minutes, puis il sentit la présence se retirer.
Alors Teneniel cria de surprise. On eût dit qu’on venait de l’asperger d’eau froide.
Elle se prit la tête à deux mains, leva les yeux, et rit.
— Gethzerion, tu ne tireras de moi aucune information !
La voix rauque de la sorcière résonna dans les bois :
— J’ai puisé dans ton esprit tout ce qu’il me fallait, ma fille. Je sais que Solo est vivant, et qu’il rêve de réparer son vaisseau. Je suis ravie qu’il ait pu récupérer ses précieux générateurs. J’espère autant que vous que le Faucon volera bientôt.
Luke lança un tentacule de Force pour essayer de toucher l’esprit de Gethzerion. Il y puisa l’image d’une colonne de bipodes avançant dans le noir.
Très vite, la sorcière le repoussa.
— Il faut seller les rancors ! déclara Luke, se félicitant d’avoir aidé les bêtes à récupérer. Nous devons partir. Gethzerion fait marcher ses troupes de nuit. L’attaque est pour demain.