5
Ce soir-là, Han Solo s’offrit une plongée dans les sous-sols mal famés de Coruscant. Le casino où il se rendit n’avait pas vu le jour depuis près de dix-neuf mille ans, car des couches successives de bâtiments et de rues en faisaient une sorte de fossile enchâssé dans son sédiment. En ce lieu, l’air saturé d’humidité empestait la moisissure et le tombeau. Mais les nombreuses races de la galaxie conçues pour vivre sous terre s’y sentaient comme au paradis. Dans la pénombre de la grande salle de jeu, Solo vit briller une multitude de paires d’yeux qui observaient les flambeurs à la dérobée.
Han avait demandé une grosse partie. Après avoir fait sauter la banque à trois tables mineures, il obtint ce qu’il désirait.
Les choses allaient même au-delà de ses espérances. A sa gauche était assis un conseiller columien affublé d’un harnais antigrav. Sa tête translucide était si grosse que les veines bleues qui puisaient tout autour se révélaient plus longues que ses jambes hypertrophiées et inutiles.
Le colossal cerveau du Columi en faisait un des joueurs les plus redoutés de la galaxie.
En face de Solo se tenait Omogg, une princesse de la guerre connue pour sa formidable fortune. Ses écailles bleues étaient polies comme l’acier ; dans son casque, des volutes de méthane dissimulaient au regard son museau et ses dents pointues.
A la droite du général corellien était assis le Gotal qui assistait à la procession dans la loge d’Alderaan. Il jouait les yeux fermés, se fiant à ses cornes pour sonder les émotions des autres joueurs et deviner leur stratégie.
Han n’avait jamais joué au sabacc avec du si beau linge. A dire vrai, il ne pratiquait plus du tout depuis des années et une sueur froide ruisselait dans son dos.
A cette table d’élite, on jouait une variante du jeu nommée « sabacc force ». Au sabacc classique, un module mémoire intégré à la table modifiait périodiquement la valeur des cartes, conférant ainsi une bonne partie de son intérêt à un jeu en vogue depuis des générations.
Au sabacc force, le module était désactivé et les joueurs se chargeaient à tour de rôle de le remplacer. Après tirage de la première carte de la main, chaque participant devait décider si sa donne était « Claire » ou « Obscure ». Celui qui détenait la plus forte combinaison de cartes gagnait à condition que la force de la diagonale « Claire », s’il avait fait ce choix, soit supérieure à celle de l’« Obscure ».
Par exemple, aHant opté pour l’Obscure, Han serait sûr de perdre si aucun des autres joueurs n’avait fait de même.
La donne en cours lui arracha une grimace. Le deux de Sabre, le Malfaisant, et l’idiot. Une main Obscure, à l’évidence, mais des plus faibles. Solo avait gagné les tours précédents en jouant sous l’obédience Claire. Changer brusquement ne lui disait rien. Hélas, il fallait bien faire avec ce que le hasard lui affectait.
— Je suis votre ouverture, dit le Gotal, et j’ajoute quarante millions de crédits.
Derrière Solo, Chewbacca grogna. C-3P0 se pencha pour murmurer à l’oreille de Han :
— Général, puis-je vous rappeler que les chances de gagner huit donnes de suite sont d’une contre soixante-cinq mille cinq cent trente-six ?
Il ne dit rien de plus, mais Solo savait ce qu’il pensait : « Et elles sont encore moins bonnes avec une main pourrie comme celle-là. »
— Je suis, dit Han en poussant devant lui les titres de propriété minière d’un système solaire désert dont seul le Columi aurait pu prononcer le nom. Et j’ajoute quatre-vingts millions.
Il jeta sur la table une puce représentant des intérêts considérables dans les mines d’épices de Kessel.
Sa nervosité dut troubler le Gotal, qui se couvrit les cornes d’une main.
Tenant cette réaction pour un indice de la faiblesse du jeu de Solo, le Columi ouvrit les yeux pour regarder de nouveau ses cartes.
— Quelqu’un joue contre moi ? demanda Solo, priant pour que tous ses adversaires passent.
— Moi, déclara le Gotal.
Les quatre joueurs déposèrent leurs cartes sur le tapis. Le Gotal avait aussi une main Obscure. Pour l’instant, elle était inférieure à celle de Han. La Drackmarienne et le Columi possédaient des combinaisons Claires. Chacune pouvait battre Solo avec un tirage favorable.
Le droïd qui distribuait les cartes se mit en mouvement.
On entendit un bruit de rouages grippés quand les bras de l’antique robot se tendirent vers le Columi. Une dernière carte atterrit à côté des trois précédentes.
L’énorme joueur effleura du bout du doigt le dos du petit rectangle de plastique et la chaleur de son corps activa les microcircuits. Une figurine apparut.
Han sentit son cœur sauter dans sa poitrine. Le commander d’Argent, le commander de Flacons, et les deux reines d’Air et l’Obscurité.
Avec vingt-deux points, c’était un jeu presque imbattable. Seule la force additionnée des deux mains Obscures pouvait le menacer.
Le droïd servit la Drackmarienne. Elle reçut un Chevalier Jedi de Modération. Cette « couleur » inversait la dominante de la main de la princesse guerrière, soudain en possession d’une combinaison Obscure qui venait ajouter sa force à celle de Han et du Gotal.
Ce pouvait être le tournant de la partie. Mais les règles autorisaient la Drackmarienne à refuser une carte. Elle se débarrassa du Chevalier Jedi, conservant ainsi les seize points de sa main Claire.
Le droïd servit un sept de Crosse au Gotal. Bien que mineure, cette carte renforçait la diagonale Obscure.
L’être aux cornes sensitives détenait le roi d’Air, l’as de Balance et le dix de Veuvage. Cela lui donnait un total de dix-neuf points négatifs.
Han sentit l’espoir lui revenir. Contre toute attente, la diagonale Obscure avait de bonnes chances de l’emporter. Pensant que son adversaire humain se réjouissait parce qu’il se croyait personnellement vainqueur, le Gotal refusa le sept de Crosse. Sa main étant désormais d’une valeur de vingt-trois points négatifs, la donne fut déclarée en Impasse. En clair, l’obédience Obscure avait automatiquement perdu, sauf si Han arrivait lui aussi à vingt-trois points, qu’ils fussent positifs ou négatifs.
Solo étudia de nouveau ses cartes. L’Idiot ne valait rien. Le Malfaisant représentant quinze points négatifs, il lui en restait treize une fois déduit le deux de Sabre.
Sa meilleure chance de triompher était de miser sur l’Idiot. En le gardant avec le deux, n’importe quel trois lui assurerait un vingt-trois graphique. Bien sûr, la probabilité de tirer un trois était faible, mais il n’y avait pas d’autre manœuvre potentiellement gagnante.
La main mécanique déposa une carte devant Solo. D’un doigt tremblant, il en effleura le dos. C’était un huit d’Endurance. Un huit négatif ! En écartant le deux, il se retrouvait à la tête d’un vingt-trois arithmétique. Un sabacc sec ! Imbattable.
— Victoire ! cria C-3P0 tandis que le Gotal poussait de petits cris étranglés.
Le Columi prit les choses avec plus de calme :
— Félicitations, général Solo. A mon grand regret, les enjeux de cette partie dépassent mes modestes moyens.
Il activa le moteur de son unité antigrav et s’éloigna en prenant garde de ne pas cogner son cerveau démesuré contre un obstacle.
Le Gotal se leva à son tour et disparut dans les ombres de la salle.
— Te voiaalà très riiiche, huuumain, siffla la Drackmarienne à travers les haut-parleurs de son casque. (Elle posa ses pattes gigantesques sur la table, les griffes faisant crisser le métal.) Tuu riisques de ne paas soortiir viivaant des souous-sools…
— On parie ? lança Han en tapotant le blaster rangé dans un holster fixé sous son aisselle gauche.
Derrière la visière du casque, les yeux noirs de la guerrière cherchaient à détecter ses faiblesses. D’une main qui ne tremblait pas, Han tira ses gains vers lui. Plus de huit cents millions de crédits. Une fortune dont il n’aurait pas osé rêver. Pourtant, ça ne suffisait pas…
La Drackmarienne se pencha sur la table et saisit le poignet du général.
— Encoore uune main…
Solo réfléchit à la proposition en essaHant de paraître serein. La bouche sèche, il s’octroya une bonne rasade de bière corellienne.
— Quitte ou double ? offrit-il.
La Drackmarienne acquiesça. Dans les tuyaux de son casque, le débit de méthane s’accéléra.
Parmi les adversaires de Han, seule la guerrière possédait ce qu’il voulait. Un monde. Avec ce qu’il y avait sur la table, elle ne pouvait rien miser de moins.
La Drackmarienne chuchota quelques mots au droïd garde du corps qui se tenait derrière elle. Celui-ci braqua un blaster sur Han, puis ouvrit une niche aménagée dans son ventre. La guerrière en sortit un holocube.
— Ceciii appaartient à maa faamille deepuis des généraaations. Çaa vaut deux miilliards de crédiiits. Sii tuu gaagnes, laa plaaanète est à toi, mais je gaaarde le reste du poot pour compenser la diifférence de priix. Sii je gaagne, j’empooche tout…
Elle appuya sur une touche de l’holocube et l’image d’un monde se matérialisa dans l’air. C’était une planète de classe M : gaz carbonique et oxygène. Han distingua trois continents entourés d’un unique océan. Passant en vue rapprochée, l’holocube montra un paysage luxuriant où évoluait un troupeau d’animaux à deux pattes. Sous les rayons bleuâtres du soleil, des oiseaux volaient en V, rasant un sol indigo.
Parfait !
— Le nom de ma future résidence secondaire ? demanda Han.
— Daaathooomiiir…
— Dathomir ? répéta Solo, fasciné.
Chewie grogna puis posa une main sur l’avant-bras de son ami pour l’implorer d’être prudent.
C-3P0 murmura :
— Une contre cent trente et un mille soixante-douze, général. Voilà la probabilité de gagner neuf donnes de suite.
Quand Leia ouvrit la porte de ses appartements, à l’ambassade d’Alderaan, ce fut pour découvrir un Han Solo dans un état épouvantable. Inondé de sueur, les cheveux en bataille, les vêtements froissés, l’homme qui venait de sonner à son huis ressemblait à un clochard.
Empestant la fumée, il souriait de toutes ses dents, les yeux brillant de joie. Il tenait une petite boîte enveloppée dans du papier doré.
— Han, si tu viens encore t’excuser, sache que je te pardonne, mais n’insiste pas lourdement, car je n’ai pas une minute à moi. Je dois rencontrer le prince Isolder, et un espion barabel demande à me parler.
— Ouvre mon cadeau ! s’exclama Solo en lui tendant la boîte. Vas-y, ouvre !
— Qu’est-ce que c’est ? s’enquit Leia, soudain consciente que l’objet n’était pas emballé dans du papier mais dans une feuille d’or.
— Regarde par toi-même.
Leia déballa la boîte et l’ouvrit. Elle contenait un holocube. Activant l’appareil, la princesse vit apparaître l’image d’une planète autour de laquelle tournaient quatre petites lunes. Quand l’holocube zooma sur le continent, la jeune femme s’émerveilla de la splendide végétation et de la beauté du ciel…
— Quel est le nom de ce monde merveilleux, Han ?
— Dathomir.
Le front de Leia se plissa.
— Dathomir… Où donc en ai-je entendu parler ? Enfin, qu’importe… Où est-elle située ?
— Dans le système drackmarien. Je l’ai gagnée à la guerrière Omogg.
Leia fronça les sourcils.
— Tu dois te tromper, Han. Ta planète n’a qu’un soleil. Le système drackmarien en compte deux.
Elle alla s’asseoir devant la console de l’ordinateur et lui demanda les coordonnées de Dathomir. Malgré sa puissance, la machine eut besoin de plus d’une minute pour les afficher. Leia vit la joie de Solo mourir sur son visage.
— Bon sang, c’est dans le secteur de Quelii ! grogna-t-il. Le territoire de Zsinj !
Leia sourit tristement et lui ébouriffa les cheveux comme elle l’eût fait à un sale gosse.
— Han, tu seras toujours le même ! Je savais que c’était trop beau pour être vrai. Mais l’intention était si touchante. Tu es vraiment adorable !
Elle lui posa un rapide baiser sur la joue.
Il recula, sonné comme un boxeur.
— Le secteur de Quelii ?
— Rentre te coucher, lui conseilla Leia, déjà occupée à penser à autre chose. Ressasser ce sale coup ne t’avancera à rien. Ça t’apprendra à jouer aux cartes avec une Drackmarienne.
Elle l’accompagna jusqu’à la porte du bâtiment. Dans la rue, Han resta planté sur ses pieds un long moment, se frottant les yeux comme quelqu’un qui vient de faire un cauchemar.
Il avait imaginé que Leia adorerait sa nouvelle planète ; il l’avait vue se jeter dans ses bras, des armes de joies aux paupières. C’était à ce moment qu’il avait prévu de lui demander sa main.
Quel bide il venait de ramasser ! Tout ce qu’il avait gagné, c’était une planète sans valeur et une bise de grande sœur indulgente.
Pour sûr que je dois avoir l’air idiot ! songea-t-il. Le parfait pigeon !
Il fouilla dans sa poche et trouva assez de crédipuces pour sortir le Faucon des docks. Chewie avait eu la présence d’esprit de retirer la somme du pot.
Près de deux milliards de crédits gagnés puis perdus en quelques heures. Han était trop vieux pour pleurer, mais il ne s’en fallait pas de beaucoup.
Titubant, il prit la direction du petit appartement qu’il louait sur la planète. Leia avait raison : dormir lui ferait beaucoup de bien.
— Tu ne devrais pas aller à ce rendez-vous, dit Isolder à Leia. Je déteste l’idée de te savoir seule dans les bas-fonds.
La princesse sourit avec indulgence. Après tout, son nouvel ami – le passage au tutoiement était très récent – cherchait seulement à la protéger. Mais à force de trouver sans cesse les amazones dans ses jambes, la jeune Alderaanienne estimait qu’il exagérait un peu.
— Tout ira bien, lui assura-t-elle. J’ai l’habitude de ce genre d’individus…
— Si les informations de cet espion sont si importantes, insista Isolder, pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour te les donner ? Ce rendez-vous sent le piège.
— L’homme est un Barabel. Tu sais combien les prédateurs n’aiment pas se sentir dans le rôle du gibier. S’il connaît vraiment les plans de bataille de ses compatriotes, et la date de l’attaque, il me faut ces données avant de partir pour le système de Roche. Les Verpine doivent être prévenus.
Le prince la dévisagea de son regard profond. Une cape jaune jetée sur ses épaules, il portait un large ceinturon en or et des bracelets de force du même métal qui accentuaient la couleur bronze de sa peau.
Il avança et posa les mains sur les épaules de Leia, qui frissonna à ce contact.
— Si tu y vas, je t’accompagne ! (Leia voulut protester, mais il lui intima le silence d’un index posé sur ses lèvres.) Je t’en prie, fais-moi cette faveur. Tu as sans doute raison, tout ira bien. Mais je ne pourrai plus me regarder dans un miroir si quelque chose devait t’arriver.
Leia n’avait rien à objecter à cette déclaration, d’autant que sa vie était réellement menacée. Isolder l’avait avertie que certains Hapiens ne se réjouissaient pas du futur mariage. Par le réseau d’espionnage de la Nouvelle République, elle savait que les seigneurs de la guerre, à l’autre bout de la galaxie, réfléchissaient au meilleur moyen de l’empêcher. Evidemment, ils ne tenaient pas à voir la flotte hapienne se joindre à celle de la République. Au centre de tant de complots, la princesse avait un avant-goût des pouvoirs d’une reine-mère, et des ennuis qui allaient avec.
— Très bien, tu peux venir, annonça-t-elle au prince.
Elle admirait le jeune homme d’avoir eu la courtoisie de demander. A sa place, Han aurait exigé.
Leia ignorait si les bonnes manières d’Isolder étaient naturelles, ou si elles lui venaient d’avoir grandi dans une société matriarcale. Quoi qu’il en soit, elle trouvait ça charmant.
Il lui prit le bras et ils sortirent du bâtiment, toujours flanqués des deux amazones. Devant la porte, ils attendirent le glisseur de Leia.
Le vieux Threkin Horm arriva sur ces entrefaites, sa chaise antigrav avançant à toute vitesse. A cette heure, la rue était déserte, à l’exception d’un couple d’Ishis Tibis qui flânait et d’un vieux droïd d’entretien occupé à repeindre les lampadaires.
Threkin salua les deux jeunes gens comme s’il ne faisait que passer, mais il s’incrusta, coupant même les propulseurs de sa chaise.
— Il paraît qu’on voit un ciel magnifique au sommet des gratte-ciel, les informa-t-il. J’ai presque envie d’aller prendre un bain de soleil…
Isolder serra tendrement le bras de Leia, qui souhaita voir Horm se transformer en fumée. Elle regarda le prince, qui devina sans mal ses pensées.
— Ah, voici votre glisseur ! s’exclama le gros homme.
Un véhicule noir ralentit devant eux. La glace fumée de la portière du passager s’ouvrit.
— A plat ventre ! cria une des gardes d’Isolder.
Le canon d’un blaster venait d’apparaître dans l’encadrement de la vitre.
L’amazone hapienne qui avait crié se jeta devant Leia ; la décharge d’énergie la toucha à la poitrine, l’envoHant voler dans les airs. Du sang jaillit. Leia sentit l’odeur hélas familière de la chair brûlée.
Threkin Horm appuya sur un bouton du tableau de commande de sa chaise. Hurlant comme un beau diable, il disparut presque aussi vite que s’il avait piloté un speeder.
Isolder poussa Leia derrière une colonne de marbre. Aussitôt après, vif comme l’éclair, il enleva sa ceinture. La boucle se révéla être un mini-déflecteur. La brandissant de la main gauche, il dégaina un petit blaster.
Leia entendit un bourdonnement caractéristique. Le tueur venait de tirer une seconde salve qui se heurta au champ de force et explosa dans le vide.
Une aura bleue entourait Isolder.
Un bouclier individuel, pensa Leia.
Profitant de la diversion créée par le prince, la seconde amazone – une rousse – sortit son comlink pour appeler du renfort.
Alors le vieux droïd peintre pointa un blaster sur eux et fit feu.
— Astara, le robot ! cria Isolder.
Son champ de force ne pouvait les protéger d’un tir croisé, et les colonnes ne résisteraient pas longtemps. Leia s’empara de l’arme de l’amazone morte et tira deux fois sur le droïd, l’obligeant à se cacher derrière le lampadaire. En un quart de seconde, la princesse remarqua que la peinture usée du robot était un leurre.
A sa façon de bouger, à ses longues jambes et à son corps élancé, Leia reconnut un droïd assassin modèle 434.
Un véritable ange exterminateur !
Astara ouvrit également le feu sur le tueur de métal.
Le glisseur s’immobilisa. Deux hommes en sortirent en tirant.
Le bouclier individuel d’Isolder ne tiendrait plus longtemps. C’était le défaut de ces appareils, trop petits pour avoir une grande autonomie. Le champ de force, lui, chauffait tellement que le moindre contact accidentel risquait d’être mortel. Isolder tenait l’émetteur aussi loin que possible devant lui, mais le danger restait réel.
Deux traits d’énergie frôlèrent sa tête. Astara tira. Leia vit qu’elle avait fait mouche. Cueilli à la poitrine, le droïd implosa.
Le prince balançait son champ de force comme une arme, forçant ses adversaires à reculer. Bientôt acculés contre un mur, les deux hommes se trouvèrent à court de solutions. Le premier lâcha son blaster et hurla quand l’énergie bleutée le toucha au visage. Alors Isolder lança l’émetteur sur le deuxième.
Aussi sûrement qu’un sabrolaser l’aurait fait, l’électricité crépitante le coupa en deux.
Le prince braqua son arme sur le tueur survivant.
Malgré ses multiples brûlures, on voyait que cet homme avait été d’une grande beauté.
Très grande, songea Leia. C’est un Hapien.
— Pour qui travailles-tu ? demanda Isolder.
— Llarel ! Remarme ! cria le tueur.
— Teba illarven ? lança Isolder en hapien.
— At ! Remarme… supplia l’homme.
Isolder garda son arme braquée sur la poitrine du tueur, qui cria de nouveau, des lambeaux de chair carbonisée se détachant de ses joues. VoHant que le prince hésitait, l’homme plongea dans le caniveau pour récupérer son blaster. Il le cala sous son menton et se fit exploser le crâne.
Leia détourna le regard. L’amazone hapienne la tira soudain par le bras.
— A l’intérieur du bâtiment, vite !
Isolder accourut et l’aida à pousser la princesse dans la maison.
Ils s’immobilisèrent dans le hall, près du vestibule. Astara se hâta de verrouiller la porte. Comme toutes celles des ambassades, elle était blindée et pouvait résister à un assaut en règle.
L’amazone parla de nouveau dans son comlink. Leia ne comprenait pas un mot de hapien, mais la rousse semblait plutôt énervée.
— Qui les a envoyés ? demanda Leia.
— Il n’a rien dit, souffla Isolder. Il m’implorait seulement de l’abattre.
Dehors, la sécurité de la Nouvelle République avait entrepris d’investir le terrain. Leia entendit des cris et des bruits de pas…
Isolder tendait l’oreille, à bout de souffle, tentant de déterminer s’ils étaient de nouveau en sécurité.
Il avait passé un bras autour des épaules de Leia, qu’il serrait contre lui pour la protéger. Le cœur battant la chamade, la jeune femme s’écarta doucement.
— Merci de m’avoir sauvée…
Le Hapien était tellement concentré qu’il ne sembla pas remarquer qu’elle essayait de se dégager.
Enfin, il baissa les yeux sur elle, lui prit le menton, et l’embrassa passionnément. Leurs corps se collèrent l’un à l’autre.
Leia perdit toute lucidité, la peau devenue comme électrique. Tremblant comme une feuille, elle rendit son baiser à Isolder avec une fougue qu’elle ne se serait pas soupçonnée.
Une pensée explosa dans sa tête :
Je suis en train de trahir Han. Je ne veux pas lui faire de mal…
A cet instant, Isolder cessa de l’embrasser et lui murmura de douces paroles à l’oreille.
— Accompagne-moi sur Hapes ! Viens voir les mondes que tu gouverneras.
Leia éclata en sanglots. Jamais elle n’avait imaginé qu’une chose pareille se produirait. Mais à cet instant, toute la tendresse qu’elle éprouvait pour Han sembla se dissoudre dans l’air comme le parfum d’une fleur coupée depuis trop longtemps.
Comme un soleil rouge, Isolder brillait de tous ses feux dans l’esprit enfiévré de la princesse.
Les larmes ruisselant sur ses joues, elle le serra de toutes ses forces et gémit :
— Je viendrai… Oui, je viendrai…