40
Odessa, Texas
Ames était de retour devant les écrans de contrôle et buvait une tasse de café quand le camion sauta. Il était juste en train de le fixer quand il se transforma en boule de feu, saturant d’un éclat blanc aveuglant les capteurs et les filtres des caméras. Il sentit la salle vibrer et entendit l’écho de l’explosion résonner autour de lui.
Il reposa délicatement sa tasse de café et se frotta les yeux, sans cesser de fixer les moniteurs.
Quand l’image revint, il vit ce qui restait du véhicule, tout au plus le châssis et les roues, qui étaient la proie des flammes. Même les pneus brûlaient.
Des trois hommes qui s’étaient trouvés là, aucune trace.
Désintégrés, sans doute.
Qu’est-ce qui avait pu se produire ? Une fuite de carburant ? Peut-être que le camion avait contenu des explosifs. Non. Il secoua la tête. Il avait pu constater qu’il était vide.
Il hocha de nouveau la tête, but une gorgée de café. Que pouvait-il faire ? Y avait-il même quelque chose à faire ? Rien pour les trois hommes en tout cas. Il ne les avait plus vus depuis plusieurs minutes et avait supposé qu’ils étaient remontés à bord, après avoir constaté qu’ils ne pouvaient pas réparer la panne. Si tel avait bien été le cas – et ça l’était sans doute parce qu’il ne les avait pas vus aux alentours -, alors ils étaient carbonisés.
Il pourrait certes appeler la police d’État pour signaler l’accident, mais il n’avait pas vraiment envie que l’on note sa présence. Bien sûr, il était curieux, mais pas au point de parler à la police. Après tout, cela ne le concernait pas et il n’allait pas renoncer au calme et au secret qu’il avait eu tout ce mal à instaurer.
De toute façon, on ne pouvait plus rien faire pour les occupants du camion. Au moins n’avaient-ils sans doute pas su ce qui leur arrivait.
Là où se trouvaient peu auparavant une dalle de béton et des barres d’acier, il n’y avait plus qu’un cratère. Mais il restait encore de la terre à retirer.
« Reaves, Holder, devant et au milieu ! ordonna Fernandez. Faites-moi bosser ce matos ! »
Les deux soldats munis d’exosquelettes s’avancèrent ; si leur démarche ne ressemblait pas à celle de zombies, ce n’était pas non plus celle d’hommes normaux. Accompagnés par le bruit des moteurs et de vérins hydrauliques, ils se mirent à évacuer de nouveau la terre.
« Il a certainement entendu notre explosion, dit Michaels en indiquant le cratère.
– S’il est bien là-dessous, sûrement, confirma Howard. C’était inévitable, c’est bien pourquoi on a minuté l’opération pour faire sauter le leurre pile au même moment. La question demeure : est-ce que ça a marché ?
– J’imagine qu’on ne va pas tarder à le savoir. »
Ames regarda brûler le camion quelques temps encore, mais il n’y eut pas de nouvelles explosions et son intérêt s’émoussa au bout de quelques minutes. Il décida d’aller se manger un peut quelque chose, avant de retourner se coucher. Ce n’est pas une tasse de café qui l’empêcherait de dormir.
Il chargea néanmoins des bandes neuves dans les magnétos. Il les examinerait dans la matinée, pour voir combien de temps avait mis la patrouille de la police d’État pour arriver, et ce qu’ils avaient fait une fois sur place. Il voulait également s’assurer qu’ils seraient tous repartis, une fois qu’ils auraient terminé.
Il ne voulait pas d’autres intrus sur son domaine.
« Nous avons terminé, mon général », dit Reaves.
Derrière lui, Holden le retenait d’une main, les vérins bloquant celle-ci sur le bras de Reaves, pour l’empêcher de basculer dans le trou qu’il venait de creuser.
Howard hocha la tête. « Lieutenant, l’échelle de corde. »
Junior s’approcha, déroulant la corde de nylon munie de barreaux à lamelles.
« À vue de nez, il y a bien sept mètres jusqu’au palier, mon général, observa Fernandez. On va rester suspendus.
– Pas grave, dit Howard.
– Bien, dit Michaels. Allons chercher ce gars, d’accord ?
– Affirmatif, commandant. C’est exactement ce que je pensais. »
Assis dans la cuisine, Ames mangeait une omelette accompagnée de pain de seigle grillé tartiné de confiture de mûres. Il marqua un temps d’arrêt, la tartine à mi-chemin de sa bouche.
Qu’était-ce encore ?
Il prêta attentivement l’oreille.
Rien que le ronronnement des réfrigérateurs. Il attendit quelques secondes encore mais n’entendit rien d’autre.
Un des problèmes avec un lieu aussi vaste et aussi vétuste c’est qu’il était plein de trucs qui couinaient et grinçaient. Même à cette profondeur sous la surface, une partie de la chaleur devait réussir à s’infiltrer et provoquer des dilatations et des contractions. Mais à moins qu’il n’y ait des fantômes, il était seul ici. Il se trouvait plus en sûreté que dans la chambre forte d’une banque… et personne n’avait la combinaison de ses portes.
Ames termina son casse-croûte, lava et essuya les assiettes, retourna dans la chambre. On ne laissait pas traîner des assiettes sales quand on risquait de s’absenter ensuite six ou huit mois. Il n’avait pas vu de fourmis, et elles n’étaient pas censées parvenir jusqu’ici. D’un autre côté, ils avaient bien trouvé un cafard à bord d’une des stations spatiales, deux ans plus tôt, alors pourquoi tenter le diable ?
Il s’assit sur son lit. Il était en train d’ôter ses chaussures quand il entendit un autre bruit.
Un de ses détecteurs s’était déclenché.
Le plus bizarre, c’est qu’il ne s’agissait pas d’une des alarmes périmétriques. Non, c’était un clignotant rouge qui signalait l’obstruction du filtre à air d’une des gaines de ventilation.
Ce qui était bizarre, c’est qu’il nettoyait et vérifiait régulièrement les filtres. En plein désert, c’était indispensable. Sinon, pour qu’un filtre se bouche aussi vite, il aurait fallu qu’il laisse ouverte la porte derrière lui.
Il s’arrêta, soudain glacé.
Ou que quelqu’un ait trouvé un autre moyen d’entrer.
Michaels regarda le général Howard. Ce dernier étudiait une carte sur sa tablette-écran. Au bout d’un moment, il indiqua le bout du couloir. « Si Ames est toujours ici, il devrait se trouver par là. La chambre la plus proche de la salle des détecteurs n’est qu’à une centaine de mètres dans cette direction. C’est en tout cas là-bas que je m’installerais. » Michaels acquiesça.
Howard et ses hommes étaient munis de pistolets-mitrailleurs 9 mm, en plus de leur arme de poing. Michaels avait un pistolet, un des H&K tactiques de leur dotation normale, et il avait ordre de ne pas tirer à moins d’avoir un adversaire en face de lui qui lui tirait dessus. Si Howard, Julio et les deux soldats se retrouvaient en infériorité devant un seul malheureux avocat, alors le pistolet ne lui serait de toute façon pas d’une grande utilité.
« Écartez-vous, ordonna Howard. Et restez silencieux. On communique par signes de la main, à partir de maintenant. »
Le pistolet pointé vers le sol, le doigt à l’extérieur du pontet, Ames progressait avec précaution dans le corridor. Il avait dû être le jouet de son imagination, non ?
Peut-être. Mais il y a un truc qui cloche. D’abord, un camion apparaît, puis il explose comme une bombe, et ensuite, voilà que tu te retrouves avec le témoin d’alerte d’obstruction d’un filtre. Peut-être que les deux faits sont liés ?
Il n’aimait pas les coïncidences.
Supposons un instant le pire scénario : il y a quelqu’un ici.
Si c’était le cas, alors c’était une mauvaise nouvelle, une très mauvaise nouvelle. Parce que ça voulait dire qu’on était venu exprès pour lui. Que les intrus étaient organisés, bien informés, et bien équipés, non seulement pour l’avoir retrouvé, mais pour avoir organisé un assaut et s’être introduits dans la place sans se faire détecter.
Non. Impossible. Impossible qu’ils aient été capables de court-circuiter ses détecteurs, et même ainsi, ils n’auraient pas pu entrer. Impossible.
Peut-être qu’il y a une entrée secrète dont tu ignores l’existence ?
Non. Il avait vu les plans. Il avait exploré le moindre recoin de l’abri. Pas de portes secrètes dont il ignorerait l’existence.
Il s’arrêta, tendit l’oreille.
Rien.
Il essaya de se rassurer. Le filtre déconnait ou c’était le système d’alarme. Obligé. C’était certainement plus logique.
Peut-être. Mais il était bien décidé à ne plus prendre aucun risque. Il allait tout vérifier, scrupuleusement, et s’il y avait le moindre signe qu’il n’était plus seul, il s’enfuirait. Pas plus compliqué que ça.
Il se sentit mieux.
Puis il tourna un angle et vit le soldat armé d’une mitraillette qui se dirigeait vers lui…
« Cible ! » dit Julio.
À peine ce mot avait-il quitté ses lèvres que ladite cible ouvrit le feu avec une arme. Howard ne vit ni l’un ni l’autre, et l’équipement électronique du casque atténua le son, mais cela lui fit l’effet d’une arme de poing. Trois coups en succession rapide – bam, bam, barri !
D’instinct, Howard se plaqua contre le mur.
Quatre mètres devant lui, Julio riposta avec son arme automatique, deux salves de trois balles.
Derrière Howard, Michaels se retrouva à terre, tassé sur lui-même. Reaves et Holder s’accroupirent, le canon de leur arme cherchant des cibles.
« Il a filé ! s’écria Julio.
– T’es touché ?
– Négatif, mon général.
– Tu l’as touché ?
– Je ne crois pas. Il a détalé rudement vite. »
Ils se relevèrent, mais le corridor était vide, en effet. Il n’y avait pas de sang par terre.
« OK, il sait que nous sommes ici. Avançons. Activons ces capteurs thermiques, pour voir si on peut le repérer ainsi. Commandant, vous fermez la marche. »
Michaels ne discuta pas. Il avait assez de jugeote pour être conscient de ce qu’il ne savait pas.
Les cinq hommes avancèrent, Julio ouvrant la marche, brandissant un petit appareil capable de détecter la chaleur corporelle d’un individu.
Pas trace manifeste d’Ames.
« Tout doux, lieutenant.
– Toujours, mon général, toujours. »
Ames tenait d’une main moite la crosse de bois et d’acier de son revolver. Voilà qu’il se retrouvait avec une espèce de commando, des militaires ! Qu’est-ce qu’il allait faire ?
Et qui étaient-ils, d’abord ?
Il n’avait pas de chargeur de rechange pour son pistolet. Combien de balles avait-il tirées ? Deux ? Trois ?
La panique l’envahit.
La voix de la raison essaya de s’infiltrer : Qu’est-ce que tu es en train de faire, imbécile ! ? Pose ton arme et lève les mains en l’air ! Laisse-toi arrêter ! Tu es un avocat brillant, nom de Dieu ! Ils n’ont rien contre toi qui puisse tenir devant un tribunal. Et une fois au tribunal, c’est toi qui auras le dessus.
Ames se contraignit à prendre une profonde inspiration. Oui. C’était vrai. Mais… S’ils étaient venus pour l’arrêter ? Et s’il s’agissait d’une opération commando clandestine ? Et s’ils étaient des assassins ?
À coup sûr, ce n’était pas des policiers ordinaires. Personne n’avait crié : « Police, on ne bouge plus ! » D’accord, il leur avait tiré dessus, mais ils avaient riposté tout de suite, et personne n’avait lancé la moindre sommation.
Ils avaient dû faire des efforts pour venir le traquer jusqu’ici – prendre des mesures hors du commun, à vrai dire, juste pour le prendre par surprise. Ils avaient fait sauter un camion pour couvrir leur intrusion. Et ils étaient armés jusqu’aux dents.
Qui étaient-ils ? Comment les semer pour gagner l’écoutille de sortie ?
Y en aurait-il d’autres en surface, pour l’attendre ?
Se rendre demeurait la solution la plus intelligente, non ?
Mais s’il déposait son arme et levait les mains en l’air, imaginons qu’ils se contentent de sourire avant de le tailler en pièces ? Il serait mort et ne saurait jamais qui l’avait tué, ni pourquoi…
Il secoua la tête. Non, il ne pouvait pas se rendre comme ça. Pas encore. Il devait d’abord en savoir plus sur eux, s’assurer d’abord de ne courir aucun risque.
Et pour ça, il devait rester en vie.
Le pistolet pointé vers le sol, Michaels se tenait quinze mètres derrière le dernier de la file. Sa respiration était rapide mais il n’avait pas peur. Il était nerveux, ça oui, et excité, mais pas effrayé.
Cet endroit était un dédale de corridors et de portes, qu’ils franchissaient toujours avec précaution, Fernandez et Howard se glissant dans chaque pièce pour vérifier si elle était vide tandis que Michaels restait derrière dans le couloir.
Le complexe était immense, avec quantité d’endroits où l’on pouvait se cacher. Même avec leurs détecteurs, ils pouvaient fort bien le rater. Et ce serait un beau merdier. Il avait bien fait de songer à prendre sa retraite parce qu’il se ferait virer à coup sûr si jamais cette histoire tournait mal.
Ames ignorait combien ils étaient, ils pouvaient aussi bien être dix que cinquante. Pas question de déclencher une fusillade. Ils étaient manifestement mieux armés, et de toute façon, il était en infériorité numérique. S’il ne se rendait pas, alors la seule autre option était de se cacher et d’attendre une occasion de s’échapper.
Et après, quoi ? Eh bien, il s’en soucierait le moment venu.
Son avantage était qu’il connaissait mieux les lieux qu’eux, même s’ils avaient des plans de l’abri. Ils ne pouvaient pas savoir où il avait entreposé les approvisionnements ou s’il avait déplacé le mobilier, par exemple. S’il pouvait se cacher momentanément à leur insu, repasser derrière eux, descendre à un des niveaux inférieurs, il pourrait peut-être se faufiler. C’était sa meilleure carte.
La cuisine principale était un bon endroit. Avec des tas de placards, de chambres froides, de garde-manger. S’ils réussissaient malgré tout à le trouver, il pourrait toujours essayer de se rendre. S’ils étaient des représentants de la loi, ils n’allaient pas lui tirer dessus.
C’était une chance à courir, de toute manière, et pour l’heure, c’était apparemment la seule.
« J’ai un point chaud, là-dedans, annonça Julio en indiquant une porte ouverte. On dirait une cuisine. »
Howard s’approcha. « Passe à gauche, je prends à droite. Reaves, surveillez la porte. Holder, couvrez le reste du couloir, juste devant. Commandant, si vous voulez bien rester où vous êtes et vous assurer que personne ne nous prend à revers ? »
Michaels acquiesça. « Pigé.
– OK, Julio. À trois. Un… deux… trois ! »
Julio entra le premier, penché, passa à gauche. Howard suivit juste derrière, un peu plus haut, en couvrant le reste de la pièce qui était immense.
C’était en effet une cuisine. Vaste, avec trois cuisinières, des réfrigérateurs, des éviers, des paillasses, des placards et des garde-manger pour collectivités.
D’un signe de tête, Julio indiqua les cuisinières. Tous deux se dirigèrent dans cette direction, l’arme dégainée, prête à tirer.
Julio plaqua une main sur la cuisinière. « Voilà la source de chaleur. Il a dû se préparer un petit souper.
– Le détecteur capte autre chose ?
– Négatif.
– Bien. Faisons entrer Reaves et Holder, qu’ils poursuivent les recherches. Nous, on continue. »
Ames entendit les voix et même si elles étaient assourdies parce qu’il s’était dissimulé dans le frigo ambulant, il reconnut l’une d’elles : c’était John Howard, le chef de la branche militaire de la Net Force.
Ah. Ça se tenait, plus ou moins. D’une manière ou d’une autre, ils avaient donc établi le lien entre lui et Junior. Peut-être ce dernier n’était-il pas mort sur le coup lors de la fusillade. Ames sourit. Peut-être même n’était-il pas mort du tout. Il pouvait s’agir d’une campagne d’intoxication. Peut-être que Junior était en vie, en parfaite santé, et qu’il chantait comme un vol de canaris…
Le fait que ce soit la Net Force changeait la donne. Pour les poursuivre en justice, il avait argué que tout le personnel de la Net Force formait un groupe d’autodéfense enclin à la violence, une bande de maniaques de la gâchette prêts à en découdre et prompts à recourir à la force meurtrière en toute occasion, mais il savait que ce n’était pas vrai. Et jusqu’à cet instant, peu lui importait.
Ce n’était plus le cas désormais.
Il avait lu personnellement les rapports. Bien obligé pour pouvoir être en mesure de les présenter devant un jury. Et il savait qu’il pouvait déposer son arme et sortir de la chambre froide sans courir plus de risque que s’il se trouvait dans ses bureaux.
Excepté qu’ils le conduiraient en prison. Et si la Net Force était bien de la partie, c’est qu’ils détenaient quelque chose de concret, même s’il n’avait aucune idée de ce que c’était. Ils avaient déjà franchi la ligne, il le savait, mais il savait également que son action en justice avait porté un éclairage particulier sur leurs actes. Il était exclu qu’ils agissent ici dans le cadre d’un coup de bluff. Impossible.
Ce qui signifiait qu’il ne pouvait pas se rendre. Pas encore. Pas tant qu’il n’aurait pas pris le temps de réfléchir, de découvrir peut-être ce qu’ils détenaient – ou croyaient détenir – contre lui, et d’avoir un plan pour y parer. Alors seulement, il pourrait se laisser capturer.
Mais pas tant qu’il n’aurait pas en main un joker pour lui éviter la prison.
Il fronça les sourcils, puis vérifia le nombre de balles restant dans son chargeur. S’en sortir allait être coton, c’était sûr, surtout que d’autres allaient débarquer ici pour le rechercher et que ce ne serait pas une bonne idée de leur tirer dessus. Il décida de se bouger. Rejoindre le passe-plats, descendre d’un niveau et ainsi leur fausser compagnie. C’était le seul moyen. Go !
Michaels contrôlait sa respiration – enfin, plus ou moins – et il se trouvait encore dix mètres derrière John. Les deux soldats étaient entrés dans l’immense cuisine pour la fouiller. Michaels commençait à se dire qu’Ames allait encore leur échapper, ce qui serait vraiment le comble après tous les efforts qu’ils avaient déployés.
Il passait devant une cage d’escalier qui descendait quand il entendit un bruit.
Pas grand-chose, juste un petit déclic, qui sans doute ne signifiait rien. Il se pencha toutefois et regarda au bas des marches. Rien… quoique, qu’est-ce que c’était que ça ? Une ombre fugitive, comme si quelqu’un était passé devant une source lumineuse…
« John. »
Devant lui, Howard se retourna. « Oui ?
– Je crois bien qu’il a descendu l’escalier ! »
Sans plus réfléchir, Michaels entama la descente.
« Alex, attendez… ! »
Mais Michaels avait déjà dévalé quatre marches et pressait le pas.
Il n’y avait pas de porte sur le palier du bas, juste une large ouverture débouchant sur le niveau inférieur. Sans doute n’avaient-ils pas dû se préoccuper des réglementations anti-incendie lors de la construction de ce complexe.
Il prit soin de ne pas foncer comme un dératé à travers l’ouverture. Il ralentit, passa la tête, et vit en effet un homme qui s’éloignait d’un pas précipité au bout du corridor, à une trentaine de mètres. Ce devait être Ames.
Michaels s’engagea dans le couloir, leva son pistolet.
« On ne bouge plus ! lança-t-il. Net Force ! »
Il entendait le martèlement des bottes de Howard dans l’escalier derrière lui.
Ames tourna, le vit, écarquilla les yeux. Il avait une arme dans la main droite, mais elle était pointée vers le sol.
« Ne tirez pas ! dit-il. Je me rends ! »
Michaels se décontracta légèrement. Bien. Il n’était pas sûr qu’il aurait réussi à l’atteindre à cette distance avec une arme de poing, de toute manière.
« Déposez votre arme !
– D’accord ! Ne vous énervez pas ! » Ames se pencha et fit le geste de déposer son pistolet par terre…
… sauf qu’il n’en fît rien. Il le redressa brusquement et se mit à tirer !
Michaels sentit les balles l’atteindre, deux au moins, en pleine poitrine. Même s’il portait un blindage protecteur, les impacts lui donnèrent l’impression d’avoir été frappé à coups de marteau. Il se jeta sur le côté pour s’éloigner de la ligne de mire, riposta avec son propre pistolet…
Howard lui cria derrière lui : « Commandant ! Couchez-vous ! »
Michaels se baissa, tout en gardant son arme tendue devant lui.
La mitraillette de Howard rugit, et son bruit se joignit à celui des armes de Michaels et d’Ames.
Ames vit Michaels s’effontirer, il était sûr de l’avoir touché, mais voilà que le second type était là et faisait feu…
Pourquoi avait-il tiré ? Pourquoi ne s’était-il pas rendu, comme il l’avait dit ?
Mais il n’avait pas de réponse. Cela n’avait pas été une décision. Ç’avait été un réflexe, un geste né de quelque chose d’enfoui en lui, quelque chose dont il avait jusqu’ici ignoré l’existence.
Du feu s’épanouit dans sa poitrine, son épaule, sa jambe. Il pivota, comme pour échapper à la douleur, mais celle-ci le poursuivit. Il abaissa les yeux, vit le sang…
D’autres impacts. L’arme tomba de ses doigts soudain privés de force, rebondit par terre avec fracas, mais c’était bien le cadet de ses soucis. Il se sentait faible, trop faible pour tenir debout. Il tomba, heurta le mur, glissa au sol en position assise. Il avait du mal à respirer…
Il vit les deux hommes se diriger vers lui. Il aurait dû faire quelque chose mais il se sentait soudain si las…
Je vais juste me reposer une seconde. Récupérer mes forces. Fermer les yeux une minute, et puis ça ira mieux…
Howard s’avança prestement, Michaels désormais sur ses talons. Ames était au sol, couvert de sang. Il n’avait pas l’air de respirer.
D’un coup de pied, Howard expédia le pistolet de l’homme au loin dans le couloir, puis il se pencha et posa deux doigts sur sa carotide droite.
Rien.
Julio arrivait au pas de course et s’arrêta pile au moment même où Howard hochait la tête.
« Est-ce que je l’ai touché ? demanda Michaels.
– Difficile à dire, répondit le général, mais je crois que celle dans la jambe est à vous.
– Bien. »
Howard regarda Michaels, perplexe.
« Cet homme avait envoyé chez moi un tueur, expliqua le patron du service. Il avait menacé mon enfant. »
Howard opina. « Le mien aussi. Dieu le jugera pour ses actes mais je ne suis pas fâché que ça se passe pour lui plus tôt que prévu.
– Amen », conclut Julio.