EPILOGUE
Tel un requin qui remonte des profondeurs glauques de l’océan, la navette antigravifique au nez effilé comme une dague identifia l’énorme YC-IO dans son capteur.
Elle affina légèrement sa trajectoire sans même moduler son effarante vitesse, recala son cap sur la position « future » de l’hypernef, la poursuivit, la rattrapa et vint se coller contre l’énorme masse du moteur photonique.
Il y eut avant et il y eut après. Et ceci sans la moindre transition.
« Avant », c’était Dalak et Lyanne qui, enlacés tous les deux, suivaient en souriant l’approche rapide de la navette porteuse du prodigieux antidote. « Avant », c’était Lobor et Waxmann qui souriaient sur les écrans de la télévidéo. « Avant », c’était l’oubli de ce qu’ils venaient tous de vivre, c’était l’amour, c’était un immense espoir de survie et de bonheur.
« Après », c’était un flash aveuglant. « Après », c’était l’explosion silencieuse du missile atomique et la désintégration instantanée de l’YC-IO. « Après », c’était le néant absolu.
— Les deux échos se rapprochent… Les deux échos sont confondus… Les deux échos ont disparu…
Waxmann écrasa avec rage l’interrupteur de l’interphone de la salle de traquage. Livide, il se tourna vers Lobor qui fixait d’un œil absent la batterie d’écran. Là où il avait vu jusqu’à l’ultime seconde les visages rayonnants de Lyanne et de Dalak, il n’y avait plus que des lignes parallèles et le noir absolu.
Au bout d’une éternité, il poussa un soupir. C’est d’une voix cassée qu’il chuchota :
— Au moins, Waxmann, vous les avez fait mourir heureux…
Statufié, l’ancien cosmonaute vit le vieil homme se lever de son siège, d’où il avait pendant dix minutes joué avec un courage tragique cette effroyable pantomime de l’espoir insensé, et quitter la pièce. Sans bruit.
Comme une ombre.
Comme un souvenir…