IIe MOUVEMENT
DE LA FIN DE L’HISTOIRE À LA PAIX DES MÉNINGES

Quand on va à la plage – certains y vont encore même si ça fait pauvre et sale –, on se rend compte d’une chose, liée toujours à notre bon vieux vieillissement : les gens ne font rien. Ils s’étalent, ils s’endorment, ils s’enduisent d’huile. « J’aime qu’on m’enduise d’huile » dit toujours OSS 117 qui, du coup, va passer pour gay (apparemment le public ne sait plus que, dans un hammam, ce sont les hommes qui massent les hommes ; alors il rit, comme les blondes). Ils s’exposent au soleil. J’en ai connu une qui disait ainsi adorer son Râ – pas la souris (d’ailleurs elle avait un chat), non, le soleil.

Dans ce grand sommeil estival et désormais éternel puisque de Caraïbes en sida, on peut bronzer et dormir bourré toute l’année à coups de séjours tout compris, on peut sans doute atteindre le nirvana. Je n’ai jamais cru à tous ces mystiques hindous qui s’accommodent d’un tas de boue et qui, par paquets de millions, se déchaînent pour un dieu au nom incertain. On prétend qu’ils atteignent un niveau sidéral et mental, un peu comme Superman, mais a-t-on les moyens de le vérifier ? En attendant, les cours de la bourse de Mumbai ont dû monter bien plus haut que nos extatiques rêveurs et nos grands paresseux.

Mais notre Occidental moyen, notre bien oxydé, peroxydé, bon teint, blond et bronzé, musclé ou métrosexuel, notre réalisé bien vivant, lui a atteint pour sa part la paix des méninges. Il n’a plus qu’à survivre ainsi pendant encore quarante ans.

Je me rappelle ainsi une vision instructive à Mar del Plata. Un vieux bonhomme assez maigre, bien âgé, avec la peau complètement brûlée. C’était Cramé contre Kramer. Il avait dû en son temps penser qu’il fallait dormir au soleil, que c’était le gage de la réussite solaire et sociale, spirituelle même. Tant il est vrai qu’une journée passée au soleil éteint en nous toute flamme, toute velléité de penser. En tout cas, voilà un beau moyen d’atteindre la paix des méninges. Partir en vacance, au singulier, et surtout ne penser à rien. Pour les penseurs, il y a les antidépresseurs et les benzodiazépines.

Les autres n’ont plus à lire : Nietzsche, Hegel, Marx, trop dialectiques, vive les soporifiques ! Le modèle tropical appliqué à la planète qui ne veut plus souffrir s’applique parfaitement à la société posthistorique. On ne se réveillera qu’en cas de coup dur – encore faut-il être prévenu. J’ai personnellement abandonné presque tout contact avec l’information, donc peut-être qu’en cas de fin du monde, je ne la vivrai pas ou ne la comprendrai pas… Et si c’était ceux-là les survivants à la Fin du Monde, ceux qui ne savent pas que l’événement, banal en somme, qui se produit, c’est l’ultime ?

Il y a plusieurs moyens d’instaurer la paix des méninges : la démocratie consumériste (mais pas toujours) ; l’exaltation de la crasse ignorance (il y avait des guerres quand il y avait des idées ou au moins des convictions) ; la désexualisation.

 

Je vais encore parler de contes de fées. Philippe Muray remarquait à la fin des années 90 que l’abondance d’hyperboles (le train à très grande vitesse, la très grande bibliothèque, le très violent attentat de Bagdad) traduisait une régression mentale mais surtout un esprit enfantin ahuri : on s’émerveille d’un rien par les temps qui courent. Qui dit conte de fées dit abolition de l’histoire avec princesses, princes, absence de vie réelle (ils vécurent heureux, etc.), luxe à tous les étages et âpre rivalité ou appétits sexuels et monétaires inavouables.

J’ignore encore quel titre donner à ce deuxième mouvement, qui est presque une symphonie de l’ancien monde. Je pensais l’intituler « De la Fin de l’Histoire à la paix des méninges » et voilà que je pense plutôt à la fin des sexes. Je me serais bien lancé dans une diatribe contre une Paris Hilton ou les pétasses liftées à chihuahuas. Mais, outre que l’on s’en moque assez comme cela, est-ce une idée de s’attaquer au produit d’un système social ?

On a créé des adolescentes de conte de fées par myriades. Elles sont toutes des Cendrillon à vouloir se dorer la pilule sur des yachts de luxe, à voyager en jet et s’habiller en Prada (pour les plus pauvres). Comme les sœurs de Cendrillon, elles estiment toutes bien le valoir et se disent tout de go : « Pourquoi pas moi ? » On oublie simplement que, quand on veut être princesse, il faut supporter de l’être. Au quotidien, c’est dur d’être quoi que ce soit. La place de Dieu le père, je n’en voudrais pas, c’est un cul-de-sac, disait déjà Napoléon.

Il faut remarquer à la décharge de Perrault ou de madame d’Aulnoy que ce ne sont pas eux qui ont transformé les filles en poupées Barbie. Personne ne lit les contes, on lit plutôt Musso à cet âge « las ». L’iPod toujours présent, le téléphone portable (vieux groupe nominal), le Blackberry, tous ont joué un rôle plus grand pour altérer la santé mentale des jeunes que la presse à imprimer de Gutenberg pour répandre les simagrées du protestantisme et déclencher des siècles de guerres civiles européennes. La fille est maintenant entourée d’un réseau de jeunes filles, comme Cendrillon autour de ses sœurs ou les petites filles de l’ogre. Les garçons sont devenus des sujets de conversation, ils ont été numérisés, idéalisés, et d’ailleurs ils ne demandaient pas mieux. Le vice de l’homme, c’est la vue, le vice de la femme, c’est l’ouïe. Telle mère, tel vice. Alors elles passent leur temps pendues au téléphone, dans une position d’attente, un peu hébétées, ou sur le trottoir sans le faire (encore que…).

On les voit aussi courir comme de petits robots accompagnées ou non de leur bulldog français (cela court mal, cet engin-là), écoutant leur musique de salon Lounge portable et rêvant de se nettoyer le cerveau des impuretés qui pourraient le guetter. On se demande d’ailleurs pourquoi Men’s health n’est pas devenu Women’s health. L’Afterwoman, puisque c’est bien d’Afterwoman qu’il s’agit, comme il y a des néo-vieux, est en tout cas un programme bien présent dans les contes. Ils ne racontent pas d’histoires. Ils n’observent pas, comme nos couillons de romanciers naturalistes ; ils voient.

Et que voit-on ? Déjà la peur de l’homme. Pour le petit chaperon rouge, il n’y a que des loups sur la grand-route. La prochaine fois, le chaperon se portera non pas comme un charme mais comme une grand-mère. Il faut apprendre à se méfier des hommes, sauf sur Meetic où ils ne sont pas en chair et en os. L’idéalisation de l’homme en prince rejoint cette numérisation de la chair actuelle : on n’est sortable qu’à condition d’être une fois encore dématérialisé. Sinon on est une bêêête…

La Belle et la Bête fournit aussi un modèle à suivre. L’homme est une grosse bête pleine de poils, de rots, de maladies et il effraie notre jeune chevalière à la rose. Il faut donc que la femme, qui n’est faite que d’air et d’esprit, comme le pensait l’alchimiste Agrippa de Nettesheim, surmonte son dégoût pour ce tas de viande et de poils… Le conte prépare ainsi une société post-sexuelle de gens bien avertis.

L’image même de la bête est presque plaisante : si, pour Aragon, la femme était l’avenir de l’homme, le chihuahua ou la bête à poils sont l’avenir de l’Afterwoman. On est dans une autre dimension, où la bête de l’Apocalypse devient bébête de la post-apocalypse, bien au-delà des plus optimistes ou pessimistes prévisions. L’Afterwoman, d’ailleurs, rêve d’être incinérée avec son colifichet à fourrure (les spéculateurs immobiliers seront contents, ils pourront récupérer les terrains des cimetières pour les vendre aux Mercuriens) ou bien qu’on lui achète son sac Vuitton spécial transport pour se rendre en grand cortège à sa clinique vétérinaire…

Certaines regretteront la bête, celles qui aimaient vraiment les hommes. À la fin de son film visionnaire et malicieux, Cocteau nous donne la clé : la Belle se moque un peu de son jobard et regrette un peu sa bête pleurnicharde mais si poilue…

Pour leur plaire, il reste encore un moyen : le chat botté. Ce bâtard de meunier (appelons-le Miller, cela fera plus british) est, lui, le digne fils de mère bâtarde Thatcher et de son oncle néoglobal. Il se déguise, frappe, tue et ment comme un tisserand – pardon, comme un arracheur de dents.

Paré de toutes les richesses et même célèbre comme un animal de la Ferme de TF1 ou un prévôt nudiste de l’Île de la tentation, notre marquis de Carabas, notre Miller connu comme le loup blanc, rend la fille du roi folle de lui. Dans ce programme néocapitaliste digne de la fable des abeilles de Mandeville (« Si en toutes parts le Vice s’installe / Le tout est un paradis véritable : même Marx n’en revenait pas ! »), on a tous les ingrédients du mariage people actuel…

 

La Paris Hilton des contes de fées est donc bien d’actualité. Il faut remarquer qu’elle n’a rien de polémique, la Paris. Son registre est plutôt comique (qu’elle est conne, quand même) et épidictique (allez voir ce que cela veut dire). Disons qu’il faut en faire l’éloge car de quoi aurait-on l’air ? En tout cas, Paris n’est pas du tout de la guerre des sexes. Je n’ai pas dit qu’elle ou les grognasses de sa génération détestaient les hommes (elles les sautent, plutôt entre 12 et 15 ans, puis restent anesthésiées, comme me disait un jeune Argentin), j’ai dit qu’elles les ignoraient s’ils ne sont pas riches et célèbres, c’est-à-dire des princes. Les féministes modernes, elles, aimaient les hommes, même si elles les critiquaient. Pas les Post-women, plus héritières en cela des féministes postmodernes branchées sorcellerie et paganisme, dame Nature et mœurs bizarres. Elles s’amusent aussi avec leurs colifichets, comme dans Tristan et Iseult, et elles les collectionnent, quand elles n’ont pas de princes marchands, à des prix modiques : le Vuitton, le Chanel, l’Hermès, le Gucci deviennent alors des signes de pauvreté. Toute shampouineuse, toute caissière, toute prolétaire contemporaine se doit d’arborer cette panoplie du pauvre. Pinault et Arnault habillent les pauvres, il faut que cela se sache ; plus un riche n’achètera une marque de luxe. Cela fait déplacé. Le diable roule crado en Ferrari. La pauvre s’habille en Prada. Le luxe est devenu un signe de pauvreté en ces temps prolétaires où il n’y a ni ouvriers, ni enfants.

Ici encore, pas de rancune. Quand on est face à un produit bio, néo, naturel et Sthéno (c’est le nom de la sœur de la Gorgone, celle qui transforme les hommes en pierre !), on ne peut rien lui reprocher. On est simplement content de trouver sa Cendrillon quelque part et de la garder au chaud. On se débrouillera pour la prendre bien jeune puisque, en ces temps de néoantiquité, voire de barbarie préhistorique, on peut se réclamer d’Hésiode : « Épouse une jeune vierge afin de lui apprendre les bons principes »…

Michel Houellebecq, penseur du siècle dernier, observait que le néolibéralisme (pourquoi néo ? Il est vrai que le préfixe désigne un cancer en jargon médical) avait détruit la famille parce que c’était le dernier obstacle entre l’individu et le marché. Isolé, il consomme plus, il a besoin d’un toit pour lui, d’une voiture pour lui, il n’a pas droit aux réductions, il a besoin de sortir plus, d’appeler plus et de se droguer plus, au propre et au figuré, pour survivre, l’individu isolé face au marché. Et son pet, son animal domestique, va finir par lui coûter 200 ou 300 euros par mois. On a donc intérêt à l’isoler comme dans un quartier de haute sécurité, dans sa cellule payante trop chauffée et son effet de serre… Il faut donc qu’il soit bien seul et bien soumis au milieu d’un troupeau asexué où la guerre des sexes n’a pas cours. Il est loin le temps des Frank Capra, des George Cukor, des Ernst Lubitsch. Il est vrai qu’à cette époque, le mariage avait été remplacé par le divorce, pas par l’absence de mariage… J’imagine le remake inversé de l’Odyssée qu’aurait pu faire Lubitsch : les filles y sont folles d’Ulysse parce qu’il est roi, parce qu’il est connu, a du pognon, est costaud et velu… Du coup, la pauvre Pénélope attend vingt ans son mari pendant que Calypso vit six ans avec lui, Circé deux, et que le vil coquin écoute en bandant tous ses muscles le chant serein de nos sirènes.

 

La société se féminise – observation faite déjà par Weininger et sans doute avant lui par Sénèque ou Montesquieu puisque tout est déjà dans Montesquieu, Sénèque, ou même dans Molière. Le dramaturge français est définitivement plus actuel, c’est-à-dire postmoderne, que l’ennuyeux Shakespeare, avec ses précieuses à chihuahuas, ses médecins imaginaires (les banquiers, les eurocrates, les politiques…), ses avares qui ne crèvent plus et déshéritent leurs enfants sexagénaires, ces bourgeois gentilshommes qui font venir leurs coachs à domicile et cette domesticité, surtout, qui se répand un peu partout avec la prolétarisation évoquée plus haut. L’humanité de Molière est post-apocalyptique en ce qu’elle est distraite, maniaco-dépressive, automate, vaine. Elle manque d’amour.

 

Chez lui, Molière donc, la famille est un amoncellement d’atomes, la société un tas de courtisans, un « conglomérat de solitudes sans illusions ». Les personnages jouent tous à quelque chose et ne sont plus rien par eux-mêmes. Même Don Juan est fatigant, rêvant d’imiter les méthodes des dévots pour produire du politiquement correct et harceler son prochain. Don Juan, héros de tripot et mythe bourgeois qui ne rêve d’ailleurs que de vivre à crédit et ne respecte ni Dieu ni père, sinon son créancier. Quel dommage que le système éducatif fasse tout pour nous dégoûter de Molière, que l’on rabâche depuis trois siècles sur les tréteaux et à l’école. Il ne se remettrait d’une séance de théâtre-vérité, ce serait plus douloureux que du Brecht ou de l’autre idiot irlandais.

Quand je dis que la société se féminise, je veux dire qu’elle prend en grande part les défauts des femmes, plus faciles à recycler depuis Eve que les qualités (la piété, l’amour des siens, le travail domestique…). L’obsession du people, amplifiée par l’apparition d’Internet, dont tous les portails ne se préoccupent QUE DE CELA, est déjà décrite par Sénèque : « De la curiosité provient un vice affreux : celui d’écouter tout ce qui se raconte, de s’enquérir indiscrètement des petites nouvelles [auscultatio et publicorum secretorumque inquisitio], tant intimes que publiques, et d’être toujours plein d’histoires. »

Le monde devient un réservoir de potins, comme chez Proust, et l’information aussi avec son souci de la petite info pratique pour radasses en mal de soin, d’affect et de produits de beauté. Aufeminin.com fut d’ailleurs la plus belle affaire boursière des années 2000, Afterwoman ayant réussi à cerner le cerveau humain : l’horoscope, la crème de beauté et la nourriture pour chien. Et quand, sur la page de gauche de son magazine, Afterwoman, un rien nerveuse entre ses cheveux mal blondis et son sac Gucci, a bien médité le coût du sac Chanel ou du bibelot un tel, alors elle peut se préoccuper du sort de la femme afghane ou de l’Esquimaude victime du réchauffement climatique. Et elle organise un raout humanitaire où l’on va claquer 10 ou 100 000 euros (ou 100 millions ?) pour en récolter 40 (de dollars). Une vraie expédition à la Napoléon III… Sénèque, si critiqué dans nos manuels, évoque aussi l’insupportable obsession humanitaire de nos temps médiatiques : « C’est une torture sans fin que de se laisser tourmenter des maux d’autrui » (« Nam alienis malis torqueri aeterna miseria est »).

S’adonner à la plate misogynie a toujours été un luxe d’ours un peu solitaire ; en outre, j’ai une femme d’exception ; je me tairai donc sur la classique misogynie. Mais l’industrialisation de la féminitude relève d’une science sociale. On est en face d’un phénomène qui a transformé la paysanne socialisée en sotte consommatrice et exploité des vices bien humains et surtout bien féminins pour altérer l’espèce et la muer en troupeau docile. Tocqueville aussi tenait à décrire l’inquiétante « jeune fille » américaine « à l’esprit peu chaste » qui allait venir, avec ses cartons de lois persécutrices, de poupées Barbie et de parfums Giorgio de Beverly Hills. La femme castratrice qui, divorcée, allait, comme la sorcière Médée, tuer rituellement ses enfants issus de celui qui avait conquis la Toison d’or, allait ainsi être reproduite à la chaîne, comme une chienne de garde et d’Hécate.

Mais là encore, je ne vois même plus de guerre des sexes. En fait, comme la sœur Anne, je ne vois plus rien venir, pas même les frères mousquetaires venus tuer leur beau-frère à la barbe fleurie et au porte-monnaie bien garni (cela lui apprendra). Car à la transformation féminine qui, d’ailleurs, s’est déjà produite dans l’Antiquité romaine – il n’y a qu’à relire Ovide, Tibulle ou Properce –, a correspondu une transformation tout aussi fascinante. Qui parlera de guerre des sexes quand il n’y a plus de sexes ?

Il faut dire aussi que l’homme se dévirilise. On ne le voit plus aimer ni la guerre, ni l’amour, ni même se préoccuper de femmes ou de moteurs. Il ne veut bien sûr plus commander à la maison ou même prendre des décisions : « Tu en penses quoi, chérie ? »

C’est la femme qui décide, et c’est la femme qui part, comme chez les Bovary. Le machin masculin, l’homoncule, apparaît comme un simple travailleur spécialisé, un OS de la famille qui atteint son heure de départ au bout de 6 ou 9 ans. C’est par cycle que ça le prend. Parfois, il se barre avec la bonne philippine parce qu’elle le masse un peu.

Surtout, la société numérique a dématérialisé le monde et donc l’homme et donc l’amour et donc la conquête sexuelle et donc tout le reste. Et en abandonnant les travaux des champs et ceux de l’industrie, l’homme se retrouve à égalité de malchance avec la femme puisqu’il exécute les mêmes travaux qu’elle. Demandez-lui après cela, devant son clavier d’ordinateur, sa console (sic) de jeu ou même sur son siège de bus, puisqu’il n’a presque plus droit à la bagnole, de se comporter non pas en mec, non pas en macho, mais en Vir… Vir ou homo, il faut choisir.

On a choisi la voie de la dévirilisation comme dans la Rome impériale – réécrire ainsi le De viris illustribus urbis Romae en le dévirilisant serait un plaisir de gourmet… après les douze travaux d’Hercule. Ce n’est pas un hasard, d’ailleurs, et je le sais de source sûre, si sur les plateaux de cinéma les actrices se précipitent sur les derniers Viri en place, les doubleurs et bien sûr les cascadeurs… De même à Rome, les matrones riches et immorales se précipitaient dans les bras noueux du gladiateur, comme on nous l’apprend dans le film éponyme… À Rome justement, on avait dévirilisé l’homme pour le conditionner et le préparer à vivre en insecte dans une métropole d’un million d’âmes qui absorbait le quart du produit brut de la planète. Un peu comme l’Amérique de Reagan ou Clinton, avec ses 6% de populace, pardon de plèbe, et ses 30% de pouvoir d’absorption du produit planétaire. On a presque l’impression que l’Histoire non pas régresse mais marche à rebours puisque l’on marche sur les brisées des Romains avec les mêmes tares mais pas les mêmes talents. Il faudra mettre un « therme » à tout cela, dirait Astérix, qui voit déjà les dégâts du domaine des dieux s’étendre à sa forêt gauloise.

 

Les grosses conurbations ont toujours produit de la pédérastie. Les Indo-Européens, nos chers, je dis bien nos très chers ancêtres, avaient compris cela, qui laissaient les eunuques aux Chinois, Musulmans et autres Grecs.

Sénèque : « Omnis vita servitio est »2 J’aime cette notion de service, j’aime cette vie de service, j’aime cette société postindustrielle, postagricole, post-tout, cette société de La Troisième Vague célébrée par l’autre idiot de Toffler, et qui est la société du « troisième vague ».

On nous a dit : quelle merveille que les progrès de la productivité ! Fin des machines, fin du travail à la chaîne ! Gain de temps, gain d’espace, gain de culture ! Comme on peut l’observer, le « gain de temps » ne sert, depuis 1950, qu’à regarder la télé, à passer son temps dans les embouteillages et les aéroports, ou à rester connecté, possédé par le démon des médias : neuf heures par jour en moyenne pour que, dans notre esprit, se déverse le flot de purin de la mélodie mondiale… Moins ambitieux, ou encore plus con, en tout cas moins à la mode, le même futurologue (Quezaco ?) Alvin Toffler a laissé tomber ses vieilles lunes du technologiquement correct pour s’adonner, trente ans après Sulitzer, à l’adoration du pognon en signant La Richesse révolutionnaire, comme si ce pitre, pardon ce titre, pouvait avoir un sens.

Et l’on récolte quoi dans la société de services ? Une société tiers-mondiste et romanisée, une société arrosée à l’Antiquité puisque ce qui caractérise justement ces sociétés-là, c’est qu’elles sont des sociétés de services, de serviteurs, des sociétés de serons, et donc des sociétés d’esclaves. Il faut sourire tout le jour à la clientèle, la servir, « l’attendre » en étant le plus neutre possible. Il faut lui cirer les pompes.

Mais si encore on nous les cirait ! J’ai gardé de bons contacts avec les cireurs de chaussures en Amérique du Sud. Ces gens d’expérience, parfois froids, parfois communicatifs, ne peuvent rien, hélas, contre Nike ou Reebok qui les ont « Nikés ». Il ne reste au Péruvien que d’aller gagner ses 100 dollars dans un fast-food globalisé (sino-yankee-rhino quelque chose), qui achèvera de rendre obèse une population bourrée de sucreries comme Hansel et Gretel.

Créer une société de serviteurs, du secteur quaternaire ou plutôt quinquagénaire, c’est ça que l’on a fait depuis Reagan et Thatcher. De petits travailleurs pas embêtants pour deux sous, et qui ne peuvent plus se permettre de rêver à grand-chose entre leurs heures de workhouse et de transports. On les amuse comme on peut avec les comiques, comme au temps de Néron d’ailleurs. Sénèque observe : « Certains maîtres achètent de jeunes esclaves effrontés et aiguisent leur impudence afin de leur faire proférer bien à propos des paroles injurieuses que nous n’appelons pas insultes, mais bons mots. » Seuls les comiques font fortune.

 

Ces petits travailleurs ont donc des préoccupations de çoudras, la caste des serviteurs en Inde traditionnelle. Ou pour parler plus simplement, d’esclaves romains. Ils font gonfler leurs muscles, ils s’épilent, ils se baisent, ils se congratulent. Ce ne sont plus des ouvriers, d’ailleurs, ce sont des serveurs et des livreurs de pizzas, des livreurs de textiles, des masseurs, des promeneurs de chiens de riches. La Métropole planétaire génère alors un nouveau type humain : l’Underman (le « sous-homme »), le métrosexuel… Ce « chauve qui peut » général s’exécute, comme toutes les conspirations, dans la clandestinité. On essaie les modèles posthumains de nuit et on les sort au grand jour cinq ou dix ans plus tard. J’ai connu ça à Paris dans les années 80… On se préparait, comme à Tahiti quand, dans les années 70, les navigateurs trop solitaires se baisaient les rérés, les taxi-boys locaux…

Le système a pourtant plusieurs cordes à son « arche » et il arrive à étrenner tout au plus cinq ou six modèles de déjantés interchangeables aux quatre coins du monde. Il n’est pas créatif, le système. S’il crée de l’humain transgénique, ce n’est pas par myriades. C’est pour reproduire de l’automate de forme masculine ou féminine, pas pour reproduire les innombrables types humains de jadis que l’on rencontrait à Londres ou à Paris. Edgar Poe, déjà, voyait poindre la menace (dans l’Homme des foules), et d’autres avec lui.

L’individu posthistorique et dévirilisé, l’Underman donc, a été baptisé bobo, comme nous l’avons vu. Naît-on bobo ou le devient-on progressivement, sous la pression implacable du système qui, là, relève encore et toujours de ce cannibalisme sidérurgique qui, comme disait Balzac, « vulcanise » l’être humain ? C’est ainsi que je me suis réveillé un beau matin, pas dans les années 2000, peut-être dans les années 90, entouré de bobos ! Pas forcément ignares, forcément bobos ! Féminisés, positivés, chargés d’ions négatifs, toujours ludiques, un rien rustiques, bien écolos, antifiscaux et remariés. Cela serait pour les soixante-huitards. Après on a eu les « chauves qui peut » métrosexuels, musculeux, tatoués, promenant leurs marmots en landau géant, en char d’assaut MacLaren pour aller faire les courses à Carrefour (on se demande s’ils n’ont pas commandé l’enfant, avec le caddie, à vie). Après il y a eu les… Après j’ai arrêté de compter. Au prix de l’immobilier, il va d’ailleurs falloir les loger tous en tente Quechua. La société sera encore plus nomade que ne le rêvait Attali…

Ce monde romain, en tout cas, d’esclaves mignons et gominés, entretenus, çoudras de choix et de hautbois, dansants, pas encombrants, prêts pour tous les métiers, neveux de Rameau de la pacotille globalisée, a opéré un retour en force avec cette société postmatérielle, manipulatrice de symboles, un rien politiquement correct. Au sens strict, le « politiquement correct » consiste à ne pas bousculer les gens dans la rue, comme dans la fourmilière. À ne pas faire grève, à ne pas dresser de barricades, à ne pas montrer du poing le parlement. Et à prendre des photos, surtout, prendre des photos. Le monde politiquement correct, c’est quand le citoyen s’est habitué à se comporter comme un métèque ou même mieux, comme un immigré clandestin.

 

Il est clair aussi que le métissage romain a inspiré nos élites actuelles, obsédées par l’immigration au point d’en faire une obligation. Il s’agit à chaque fois non pas de faire nombre, mais de changer la qualité d’une population. Le Tibet, dont tout le monde se fout, a vu sa population remplacée par le néocapitalisme chinois. Et à chaque fois c’est le même processus, appliqué aussi bien par l’Inca que par Machiavel : déplacer des populations (mit-mac, en quechua), les couper de leurs racines, en faire des citoyens du monde, des fainéants du néant. En détruisant le passé, on détruit aussi le futur. La déportation, jusque dans les années 70, en Angleterre comme en France ou ailleurs dans le monde, c’était la possibilité d’en finir avec un système nihiliste et désespérant. Furent donc appliquées des méthodes économiques (ruiner l’industrie, les classes moyennes, le reste), pédagogiques (la fin des humanités), chimiques (la pharmacie pour transformer le rebelle en déprimé) et démographiques (transformer le Français en métropolitain).

C’est un ancien collabo français, ministre de Pompidou, qui demanda le rapport Ozbekhan-Perlmutter (cela ne s’invente pas…) après mai 68 pour savoir comment en finir avec l’insupportable gauloiserie. La réponse vint, formulée ainsi : faire de Paris une métropole du futur et lui donner un air plus cosmopolite. Les Français ne représenteraient plus que la moitié d’une population un peu hétéroclite. Et, pour ne pas être traités de racistes, de contrevenants recouverts de contraventions ils deviendraient des gays, des bobos (« imbéciles », en espagnol) et toutes sortes de bourgeois caviar. Bourgeois aux œufs de saumon, bourgeois aux œufs de lompe, bourgeois aux œufs de perdrix. On était prêts pour la race à prix unique, prêts pour lire enfin Karl Marx : « Le système capitaliste développe aussi les moyens de tirer plus de travail du salarié en remplaçant une force supérieure et plus chère par plusieurs forces inférieures et a bon marché, l’homme par la femme, l’adulte par l’adolescent et l’enfant, un Yankee par trois Chinois. Voilà autant de méthodes pour diminuer la demande de travail et en rendre l’offre surabondante, en un mot, pour fabriquer des surnuméraires… »

 

Je n’ai d’ailleurs jamais bien compris les bourgeois parisiens qui, jamais à court de domesticité philippine ou mauricienne, ne manquent jamais de critiquer le laisser-aller socialiste en matière d’immigration. Comme s’ils ne savaient pas que ce sont eux, et personne d’autre, qui ont demandé à tous ces pauvres gens d’affluer et de remplacer leur insolent valet moliéresque…

Bien actuelle aussi, hélas, cette dénonciation par Marx du lumpenproletariat si actif, cet hiver, place de la Concorde pour dévorer les 100 000 euros d’une boîte acoquinée avec les plus grands noms du capital français. Cette « masse strictement différenciée du prolétariat industriel, recrutée dans les bas-fonds, voleurs et criminels de toutes sortes, vivant en marge de la société. des gens sans travail défini, sans foi ni loi ». Ici, pour faire plaisir à nos capitaux optimistes, je dirais que oui, nous avons vu le futur en marche ou, au pis, un remake d’Orange mécanique. Car à quoi servent les voyous allogènes, comme disent les courageux, que le RER a rendus rois du centre de Paris, eux qui avaient déjà, avec nos chers urbanistes, exterminé le peuple des banlieues cher à Jacques Prévert ou Eugène Dabit ? Pensons encore à Orange mécanique et à sa fin fabuleuse : les voyous sous contrôle, entre les mains d’un pouvoir tory, pardon néoconservateur, et qui a pour tâche d’aider au contrôle des populations. La théorie de Burgess et Kubrick a d’ailleurs été depuis explicitée : les voyous omniprésents et permanents servent de supplétifs à une police démotivée. Ce système de terreur sert à inhiber le citoyen, écrasé de taxes, de règlements et d’interdictions : comme dit la doyenne des journalistes, Danièle Breem, l’Assemblée nationale n’est plus un lieu où l’on s’exprime bien, c’est une usine à projets de lois. À peine remis de sa misère morale, juridique et fiscale, le citoyen doit subir la misère physique. C’est là qu’intervient le voyou. Marx avait aussi parlé de l’armée sociale de « réserve ». Ici, il y a une armée raciale et policière de réserve, une armée de nouveaux sans-culottes s’exprimant comme des membres de comités de Salut public et dont la mission est de répandre la peur. C’est à coups de cette peur que l’on est entré d’ailleurs dans la grande terreur révolutionnaire. On verra où ce cirque nous mènera. Il ne reste aux survivants qu’à baisser la tête en signe de « dhimmitude » ou, pour faire plaisir aux autres, de « palestinitude ». On passe ainsi des cours de récré de plus en plus petites aux cours de prison de plus en plus immenses, à l’échelle d’un territoire protocolaire ou d’un pénitencier texan. Regrettera qui veut la Place Rouge ?

Marx avait mieux que quiconque prévu les méfaits de l’immigration. Et Pompidou, grand bourgeois élevé à l’époque dans la culture de la peur (maintenant le bourgeois est élevé dans la culture de l’arrogance, il est habitué à dominer, à faire plier le pauvre), savait aussi que l’immigration fait baisser la tension sociale. Je cite cet autre extrait magnifique du grand Karl (« l’homme libre » en vieil allemand), maître d’œuvre de la première Internationale. Alors que les patrons anglais avaient fait venir des ouvriers de Belgique pour briser une grève à Newcastle, « il fut aussitôt décidé de se mettre en relation avec la Section belge en vue d’arrêter l’immigration d’ouvriers belges ».

À la lecture de ces lignes étonnantes, on ne peut aussi que rappeler que le communisme, ou le socialisme, ou le bolchevisme – sans nier l’absence de liberté de parole et de déplacement –, avaient su préserver trois choses : les nations qu’ils encadraient, avec leurs aspirations, leurs traditions, leurs caractéristiques ethniques et culturelles ; les familles aussi, puisque l’indice de fécondité était demeuré supérieur à 2 partout en Europe de l’Est. Et l’individu, enfin, puisque le seul moyen de le préserver est l’éducation, qui repose entre autres, comme l’observait ce bon Platon, sur la musique et la gymnastique. Et qui n’a rêvé d’être un pianiste ou un gymnaste soviétique ? Contrairement à ce que prétendait Raymond Aron, qui n’avait dû quitter ni les tréteaux de l’université ni ceux de la télé, cette humanité soviétique valait mieux que la nôtre. L’homme ou la femme de Dniepropetrovsk ou de Magnitogorsk valait mieux que la faune du Bronx ou du 9-3, que les bobos déjantés de Saint-Germain-des-Prés. Ceux qui s’y sont rendus sans les lunettes de l’Inquisition pourront en témoigner.

Soljenitsyne l’observa d’ailleurs à la fin de sa vie : le peuple avait accès à la culture, là-bas. Qu’il y retourne, après les catastrophes des thérapies de choc. Sénèque, toujours : « Si te ad stadia reuocaueris, omne uitae fastidiuvi effugeris »3… Le communisme de la fin aura été certes, de ce point de vue, une parenthèse enchantée de l’Histoire (avec, comme toute civilisation, son cortège de morts, et puis après ?), quand l’objet n’abrutissait pas les sujets et ne noyait pas son objet.

Au contraire, notre bon vieux capitalisme increvable écrase et broie tout le monde. De Maistre, qui voyait poindre le métissage à venir, le dit d’ailleurs avec cette espèce d’exaltation imbécile qui le caractérise (« le sang est l’engrais de cette plante que l’on nomme le génie… ») : « Nous ne sommes broyés que pour être mêlés. » Détail intéressant, comme si la mécanisation du monde annonçait sa stérilisation, De Maistre annonce la fin de la création des mots, tout n’est fait que d’emprunts, comme en économie. Et la novlangue de l’Afterwoman ou de l’Underman ne fait aussi qu’avaliser cette constatation : on recycle sottement du vocable saxon, du lexique du renégat Robin des Bois…

La conséquence est celle-ci en tout cas : la paix des méninges. Durant des années, on nous a répété que les Français se bourraient de tranquillisants ; mais cela ne les empêchait pas de chanter, de baiser, de voyager, voire de voter Le Pen (je parle des années 80 et du début des années 90). Les tranquillisants ont fait leur travail : le pays ne bouge plus ou presque, essentiellement parce qu’il se fait vieux et que la racaille des banlieues a de quoi jouer avec ses explosifs et ses bonbons hallucinogènes. Lorsque le président actuel de l’Hexagonie, bien préparé à manipuler, à regarder avec morgue et mépris son électoral, a pris son envol en jet pour gagner le yacht d’un grossium enrichi dans les ports africains, on a compris qu’il les considérait tous comme bien éteints, ses électeurs. On est déjà, avec ce conglomérat d’humanoïdes associés, dans la Troie de Virgile (si cela peut nous rassurer…) :

 

« Sopor fessos complectitur artus. » (« Le sommeil a engourdi leurs membres épuisés. »)

 

« Invadunt urbem somno vinoque sepultum », (« Ils [les envahisseurs grecs] envahissent la ville ensevelie dans le sommeil et le vin. »)

 

Car c’est bien ainsi que l’on nous circonvient, camarades ; non par les beautés de la rhétorique démosthénienne, mais par les pharmacopées (sortilèges, dit-on, dans les beautés johannites de notre Apocalypse) de notre industrie si moderne. Et c’est ainsi qu’au verbe enflammé de Lénine succéda le sont a plus lénifiant d’Huxley.

Huxley, me direz-vous, qui est-ce ? Un gentil organisateur qui nous voit comme nous sommes, plus ou moins un troupeau : « Dans toute l’histoire de l’espèce, il n’y a eu que quelques milliers d’hommes réels. Le reste d’entre nous, que sommes-nous ? Des animaux éducables… Il y a eu des nations entières de chiens. » Ce troupeau, aujourd’hui parqué et contrôlé par les machines, est si perfectionné qu’il se surveille lui-même, s’espionne lui-même, via Facebook ou le portable. On est loin du Panoptique de Bentham : les hommes ne sont pas en prison, comme Gain, ils se mettent eux-mêmes en prison, ils s’affichent eux-mêmes, ils s’adonnent aux joies bestiales de l’exhibitionnisme, ils se clouent eux-mêmes, ils se copient eux-mêmes, ils sont tout à la joie de se ressembler les uns les autres en affirmant être eux-mêmes, tout à la joie de se vouloir naturels pour être plus artificiels. Rien ne ressemble plus à une princesse qu’une autre princesse, pas vrai ?

Il n’est pas menaçant, le troupeau ; il réagit de moins en moins conformément aux prédictions du début du XIXe siècle. Il se tient à carreau. Après tout, a-t-il tort et l’humanoïde a-t-il jamais cessé d’être un animal éducable, aimant finalement vivre en colonies ou en métropoles ? Ceux qui célèbrent l’albatros vivent souvent avec les cormorans. Et j’aurais du mal à ne pas rappeler avec toute ma bonne foi que les tyrans, pour La Boétie, tiennent les hommes par les tavernes, les bordels et la servitude volontaire. Tout de même, on a connu des temps plus aventureux, des esprits plus nobles que « ces hommes semblables et égaux qui tournent sans cesse sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs »…

D’un autre côté, on se félicitera de ne pas avoir à se lamenter dans les tranchées. Être un troupeau, soit. Mais mieux vaut dans un champ électrifié qu’à l’abattoir. De ce point de vue, la démocratie nous aura beaucoup apporté ; pour la peine, nous allons lui régler son compte. Pas question d’être reconnaissant envers un système qui nous épargne avec aussi peu de considération.