Une lettre par exprès arriva de Hiroshi donnant des nouvelles de son voyage. Comme il n’était pas sûr qu’une lettre par poste ordinaire n’arriverait pas après son retour, il avait envoyé par exprès une carte représentant le temple de Kiyomizu, portant le cachet violet du temple en souvenir de sa visite. Avant d’avoir lu sa lettre, sa mère bougonna en disant qu’envoyer une carte par exprès était du gaspillage, que les enfants d’aujourd’hui ne connaissaient pas la valeur de l’argent.
Sur sa carte Hiroshi ne parlait pas des sites célèbres, des vestiges du passé ; il raconta qu’il était allé pour la première fois dans un grand cinéma.
« Le premier soir, à Tôkyô, on nous a laissé notre liberté. Tous les trois, Sochan, Katchan et moi, nous sommes allés tout de suite à un grand cinéma tout près. C’est vraiment très beau. C’est comme un palais. Toutefois les sièges sont très étroits, durs ; en nous asseyant nous nous serions crus assis sur un bâton de poulailler ; on avait mal aux fesses ; on ne pouvait rester tranquilles. Au bout de quelque temps un homme par-derrière cria : Assis ! Assis !… Comme nous étions assis nous trouvions cela bizarre mais l’homme derrière nous nous a aimablement montré que ce sont des sièges qui se replient. Si on les rabat, ils deviennent des sièges ordinaires. Nous avons senti que nous avions fait tous les trois une erreur ; nous nous sommes gratté la tête, nous les avons rabattus et c’était mou comme un siège pour l’Empereur ; j’ai pensé que je voudrais faire asseoir un jour Mère sur un siège pareil. »
S’étant fait lire la carte par Shinji, la mère eut les larmes aux yeux en écoutant la phrase finale. Elle plaça la carte sur l’autel des ancêtres et demanda à Shinji de prier avec elle pour que la tempête de l’avant-veille n’ait pas gêné le voyage de Hiroshi et que rien ne lui arrive jusqu’à son retour le surlendemain.
Quelques instants après, comme si cette idée lui venait à l’esprit, elle dit à Shinji qu’il lisait et écrivait mal ; qu’il était heureux que Hiroshi montrât des capacités, enfin elle accabla Shinji sans ménagement. Avoir des capacités n’était pas autre chose que le pouvoir de faire verser à sa mère des larmes de bonheur.
Elle alla sans perte de temps montrer la carte aux parents de Sochan et de Katchan. Puis elle se rendit au bain public avec Shinji. Dans la buée qui emplissait la pièce elle rencontra la femme du directeur de la poste ; elle s’agenouilla devant elle avec ses genoux nus et la remercia de lui avoir ponctuellement fait parvenir la carte par exprès.
Shinji prit vite son bain. Sorti de la maison des bains, il attendit sa mère à la sortie du côté des femmes. L’avant-toit de la maison présentait des bois sculptés dont la peinture s’écaillait là où la vapeur sortait en volutes. La nuit était tiède ; la mer était calme.
Shinji remarqua quelqu’un qui lui tournait le dos et paraissait regarder l’auvent de l’une des maisons plus loin. Il avait les mains enfoncées dans les poches de son pantalon ; il frappait en cadence les dalles de pierre avec ses socques de bois. À la lumière du crépuscule, Shinji put voir que l’homme portait une veste de cuir marron. Dans l’île, ce n’était pas le premier venu qui portait une coûteuse veste de cuir. C’était sûrement Yasuo.
Au moment où Shinji allait l’appeler, Yasuo se retourna. Shinji commença à sourire mais Yasuo le regarda fixement d’un visage fermé, tourna le dos et partit.
Shinji ne s’inquiéta pas outre mesure de cette attitude désagréable d’un ami, mais la trouva bizarre. À ce moment, sa mère sortit de la maison de bains ; le jeune homme, silencieux comme d’habitude, prit avec elle le chemin de leur maison.
La veille, après le retour de la pêche, pendant la journée de beau temps qui avait suivi la tempête, Chiyoko était venue voir Yasuo. Elle lui dit qu’elle avait accompagné sa mère pour des achats dans le village et qu’elle avait décidé de passer chez lui en expliquant qu’elle était venue seule parce que sa mère était allée voir le chef de la Coopérative qui habitait tout près.
Ce qu’entendit Yasuo de la bouche de Chiyoko fut un déchirement pour la fierté de l’orgueilleux jeune homme. Il y pensa toute la nuit. Le lendemain soir lorsque Shinji l’aperçut, Yasuo était en train de lire un avis affiché sous l’auvent d’une maison de la rue en pente passant au milieu du village.
Utajima n’avait pas d’eau en quantité suffisante. C’était au premier mois de l’ancien calendrier que la pénurie se faisait le plus sentir et donnait lieu à d’interminables querelles entre les habitants. La seule source d’eau du village était celle du ruisseau étroit longeant la rue de galets et tombant de degré en degré à travers le milieu du village. Pendant la saison des pluies ou après une pluie violente le ruisseau devenait un torrent boueux et sur ses bords les femmes du village lavaient leur linge dans un caquetage bruyant. Les enfants y procédaient au lancement de leurs bateaux de guerre en bois construits de leurs mains. Mais dans la saison sèche il se transformait en un marais desséché qui n’avait même plus la force d’entraîner la moindre parcelle d’ordures. Le ruisseau venait d’une source. Était-ce l’eau des pluies tombées sur les sommets de l’île qui filtrait au travers du sol et se rassemblait dans cette source ? En tout cas, il n’y en avait pas d’autre dans l’île. La mairie du village fixait l’ordre dans lequel les habitants pouvaient puiser leur eau, l’ordre variant par roulement chaque semaine. Le puisage de l’eau était l’ouvrage des femmes. Au phare seulement l’eau de pluie était recueillie dans un réservoir mais les habitants de l’intérieur du village qui ne disposaient que de la source devaient supporter l’inconvénient d’aller chercher leur eau parfois au milieu de la nuit. Toutefois après quelques semaines de puisage en pleine nuit, chaque maison avait l’avantage de prendre l’eau à une heure plus commode dans la matinée.
Yasuo avait donc regardé le tour de puisage affiché là où passait le plus de monde. Il trouva le nom de Miyata dans la colonne de deux heures du matin. C’était le tour de Hatsue.
Yasuo fit claquer sa langue. Il aurait souhaité que ce fût encore la saison des poulpes car alors les bateaux ne partaient pas tout à fait si tôt le matin, mais en saison de pêche aux seiches, comme en ce moment, les bateaux devaient être rendus à la pointe de l’aube dans la zone de pêche du canal d’Irako. Chaque famille était sur pied en temps voulu pour préparer le petit déjeuner à trois heures au plus tard ; il y avait des maisons impatientes d’où la fumée de la cuisine sortait avant trois heures.
Même dans ces conditions ce moment était préférable à celui de la semaine suivante quand le tour de Hatsue viendrait à trois heures. Yasuo se jura d’avoir Hatsue avant le départ des bateaux pour la pêche le lendemain matin. C’est pendant qu’il regardait l’affiche et qu’il prenait cette ferme décision qu’il aperçut Shinji devant l’entrée des hommes à la maison de bains. Pris de haine il oublia sa dignité habituelle.
Yasuo retourna chez lui. Il jeta un œil en passant sur le salon où son père et son frère aîné se versaient mutuellement le saké du soir en écoutant un chanteur de ballade à la radio qui tonitruait dans toute la maison. Il partit dans sa chambre au premier étage et alluma une cigarette pour tuer le temps.
N’écoutant que le bon sens qu’il croyait avoir, Yasuo pensa ceci. Shinji, ayant violé Hatsue, n’était pas vierge, à n’en pas douter. À l’Association des jeunes gens il était toujours là entourant les genoux de ses bras comme un adulte, écoutant d’un air niais et approbateur ce que disaient les autres, montrant un visage enfantin, et pourtant il connaissait parfaitement les femmes. Sale petit renard ! Et pourtant Yasuo ne pouvait admettre de la duplicité dans l’esprit de Shinji. Il devait en conclure, bien que cette supposition lui fût insupportable, que Shinji était un garçon d’une honnêteté sans égale qui avait eu Hatsue d’une manière correcte et digne.
Ce soir-là, Yasuo dans son lit se pinçait les cuisses pour s’empêcher de dormir. Ce n’était pourtant pas nécessaire : son animosité à l’égard de Shinji et la jalousie qu’il ressentait pour avoir été devancé par lui suffisaient largement à le priver de sommeil.
Yasuo possédait une montre à cadran lumineux qu’il montrait à tout le monde avec fierté. Ce soir-là il l’avait conservée à son poignet, il s’était mis furtivement au lit en gardant sa veste et son pantalon. De temps en temps il portait sa montre à son oreille, regardant son cadran phosphorescent. Yasuo s’imaginait que le fait de posséder une pareille montre le qualifiait pour conquérir les femmes. Au milieu de la nuit, à 1 h 20, Yasuo se glissa hors de la maison dans la nuit profonde. Dans le silence nocturne le bruit des vagues retentissait, la lune brillait, le village était silencieux.
Il n’y avait que quatre réverbères dans l’île, un à la jetée, deux le long de la rue montueuse passant par le milieu du village, un autre sur la montagne à côté de la source. En dehors du ferry-boat il n’y avait dans le port que les bateaux de pêche de sorte qu’il n’y avait aucune lumière au haut des mâts pour y animer la nuit ; les dernières lumières des maisons étaient éteintes.
À la campagne, les rangées de toits sombres et épais font les nuits plus pesantes mais dans ce village de pêcheurs dont les toits étaient couverts de tuiles ou de tôle galvanisée il n’y avait pas de ces toitures de chaume intimidantes la nuit.
Yasuo grimpa prestement la rue en pente remplie de cailloux, ayant aux pieds des chaussures de sport qui ne faisaient aucun bruit. Il passa par la cour de l’école primaire entourée de rangées de cerisiers dont la moitié des fleurs étaient ouvertes. C’était un terrain de jeux, extension récente de l’école. Les rangs de cerisiers avaient été amenés de la montagne. Un jeune cerisier avait été renversé par la tempête et son tronc noir au clair de lune gisait à côté d’un tas de sable.
Yasuo monta les marches de pierre le long de la rivière et arriva à un point où l’on pouvait entendre le bruit de la fontaine dont la lumière du réverbère soulignait les contours.
L’eau claire coulait d’une fente entre les rochers moussus dans une vasque de pierre et passait par-dessus l’un des côtés de la pierre qui était couverte d’une mousse glissante. Il semblait que ce n’était pas de l’eau qui coulait sur la mousse mais que la mousse était recouverte d’un magnifique vernis transparent.
Au fond du bois touffu qui entourait la fontaine, une chouette ululait.
Yasuo se cacha derrière le réverbère. Un oiseau s’envola dans un léger bruissement d’ailes. Il s’appuya au tronc d’un orme et attendit, regardant attentivement à son poignet sa montre lumineuse.
Un peu après deux heures Hatsue apparut dans la cour de l’école portant sur les épaules une perche à laquelle deux seaux étaient suspendus. Sa silhouette était nettement dessinée par le clair de lune.
Quoique un travail en pleine nuit ne soit pas agréable aux femmes, à Utajima hommes et femmes, riches ou pauvres, accomplissaient leur tâche. Cependant Hatsue, rendue robuste par la pratique du rude travail des plongeuses, montait allègrement les marches de pierre, balançant ses seaux vides en avant et en arrière, et avait plutôt l’air de s’acquitter de ce travail à une heure insolite avec une joie enfantine.
Hatsue disposa ses seaux près de la fontaine. C’était le moment où Yasuo avait l’intention de sauter près d’elle, mais il hésita et résolut d’avoir la patience d’attendre qu’elle eût fini de tirer son eau. Se préparant à bondir le moment venu, il s’accrocha de la main gauche à une branche. Puis, il ne fit plus un mouvement, s’imaginant qu’il était une statue de pierre. Il regardait les fortes mains de la fille, rougies avec quelques engelures, qui emplissaient les seaux d’une eau qui tombait avec un bruit lourd et son corps de femme jeune et frais qui excitait son imagination et son plaisir.
Or, au poignet de la main de Yasuo qui tenait la branche d’orme, la montre lumineuse dont il était si fier émettait sa lueur phosphorescente en faisant entendre un tic-tac faible mais distinct. Ceci tira de leur sommeil les guêpes qui avaient construit leur nid sur la même branche et excita vivement leur curiosité. Timidement, une guêpe vint se poser sur la montre. Elle se trouva devant un coléoptère qui émettait une faible lueur, poussait un cri régulier et dont la carapace était faite d’une feuille glissante et froide de verre. Peut-être déçue, la guêpe porta son aiguillon sur la peau du poignet de Yasuo et elle l’enfonça de toute sa force.
Yasuo jeta un cri. Hatsue se redressa et se tourna dans sa direction. Elle ne poussa pas un cri de détresse mais elle détacha en un clin d’œil les cordes de sa perche de portage et tenant la perche en travers de son corps prit une attitude de défense.
Yasuo lui-même dut admettre qu’il avait un air gauche aux yeux de Hatsue. Continuant de se tenir en garde, la jeune fille recula d’un pas ou deux. Pensant qu’il valait mieux tourner la chose en plaisanterie, Yasuo éclata d’un rire idiot et dit :
— Ah ! Je vous ai fait peur, hein ? Vous avez cru que j’étais un revenant ?
— Alors, c’est vous, frère Yasuo ?
— Je pensais me cacher ici pour vous faire peur.
— Comme cela, au milieu de la nuit ?
La jeune fille ne savait pas encore combien elle était attrayante. Elle l’aurait peut-être su si elle y avait réfléchi suffisamment mais en ce moment elle accepta l’explication de Yasuo : qu’il ne s’était caché là que pour lui faire peur.
Profitant de sa confiance, Yasuo arracha la perche à Hatsue et lui saisit le poignet droit. La peau de la veste de Yasuo crissait.
Reprenant sa dignité, il regarda fixement Hatsue. Il avait l’intention de séduire la fille. Calmement, tête haute, il se prit à imiter inconsciemment la manière franche et ouverte dont il s’imaginait que Shinji usait en pareille circonstance.
— C’est bon. Voulez-vous m’écouter ? sinon vous le regretterez. Vous ferez bien de m’écouter à moins que vous ne teniez à ce que tout le monde apprenne vos histoires avec Shinji.
Les joues de Hatsue s’empourprèrent. Elle avait peine à respirer.
— Lâchez mon bras ! Qu’est-ce que ces histoires avec Shinji ?
— Ne faites pas l’innocente ! Comme si vous n’aviez pas filé le parfait amour avec Shinji !
— Ne dites pas de choses ridicules. Je n’ai jamais rien fait de pareil !
— Moi, je sais tout. Que faisiez-vous avec Shinji dans la montagne le jour de la tempête ?… Tenez, elle en rougit !… Eh bien, faites la même chose avec moi. Cela n’a pas d’importance !
— Cessez ! Cessez !
Hatsue se débattait, essayant de s’échapper.
Yasuo ne voulait pas la voir s’enfuir. Si elle s’enfuyait avant que la chose soit faite, elle dirait tout à son père. La chose faite, elle n’en soufflerait mot à personne. Yasuo se délectait à la lecture de ces romans grossiers apportés de la ville et dans lesquels abondent les confessions de filles que l’on avait « forcées ». Pouvoir infliger un tourment à une fille qui ne pourrait parler ! Quelle aubaine !
À ce moment, Yasuo avait plaqué sous lui Hatsue sur le sol à côté de la fontaine. L’un des seaux avait été renversé et l’eau coulait sur la terre couverte de mousse. La lumière du réverbère montrait les frémissements des narines de Hatsue, les éclairs que lançaient ses yeux ; la moitié de sa chevelure trempait dans l’eau.
Elle avança soudain ses lèvres et cracha en plein sur le menton de Yasuo.
Ce geste excita encore plus la passion du garçon ; il sentait la poitrine de Hatsue battre fortement sous sa propre poitrine ; il colla son visage sur la joue de la jeune fille. À ce moment, il poussa un cri et se remit debout. La guêpe l’avait piqué de nouveau, cette fois à la nuque.
Au comble de la rage, Yasuo essayait au hasard d’attraper la guêpe, et, pendant qu’il sautait çà et là, Hatsue s’enfuyait vers l’escalier de pierre. Yasuo était tout interdit. Que faire ? Poursuivre la guêpe et la tuer, puis rattraper Hatsue ? Pendant un moment il ne sut que faire, par quoi commencer. Quoi qu’il en soit, il se saisit de nouveau de Hatsue. Il n’avait pas plutôt renversé de nouveau sur la mousse son corps de femme faite que la rusée guêpe se porta cette fois sur le pantalon de Yasuo et lui enfonça profondément son aiguillon dans la fesse. D’un bond il se releva mais Hatsue qui était maintenant habituée à se sauver, s’enfuit cette fois derrière la fontaine. Elle pénétra sous bois et se cacha dans les fougères. En chemin elle découvrit une grosse pierre. Elle la brandit d’une main au-dessus de sa tête et reprit enfin son souffle. Elle regarda en bas vers la fontaine.
À vrai dire, Hatsue ne savait pas quelle divinité avait pu venir à son secours. Toutefois, en voyant les folles contorsions de Yasuo près de la fontaine elle comprit que c’était l’œuvre d’une guêpe rusée car elle vit au bout des doigts de Yasuo qui les avait prises au vol deux petites ailes dorées luisant à la lumière du réverbère.
Après avoir attrapé la guêpe, Yasuo restait le regard vague, essuyant de son mouchoir la sueur dont son visage était couvert. Puis il chercha autour de lui en quête de Hatsue. Il ne la voyait nulle part. Réunissant ses deux mains en cornet il l’appela timidement à voix basse.
Hatsue fit bruire exprès les feuilles de fougère avec la pointe de son pied.
— Ah ! vous étiez là. Ne voulez-vous pas descendre ? je ne vous ferai plus rien.
— Non, je ne veux pas.
— Si vous descendez…
Il se préparait à monter vers elle mais Hatsue brandit sa pierre. Yasuo se replia.
— Que faites-vous ? C’est dangereux. Que dois-je faire pour que vous descendiez ?
Yasuo se serait bien sauvé sans demander son reste, mais la peur de voir Hatsue raconter tout à son père lui fit répéter avec obstination :
— Voyons. Qu’est-ce que je pourrais faire pour que vous descendiez ? Vous allez probablement parler de cela à votre père ?
Pas de réponse.
— Allons, ne dites rien à votre père. Que dois-je faire pour que vous ne lui parliez pas ?
— Si vous puisez de l’eau pour moi et si vous la transportez jusqu’à la maison…
— Vrai ?
— Vrai.
— C’est que l’oncle Teru est terrible !
Alors Yasuo se mit en silence à sa tâche, comme s’il avait été saisi de la nécessité d’accomplir un devoir, mais il était parfaitement ridicule en vérité. Il remplit les seaux qui avaient été renversés, passa leurs cordes dans la perche de portage et les chargeant sur son épaule il s’en alla.
Au bout d’un moment, il se retourna et vit que Hatsue était venue, il ne savait quand, à deux mètres derrière lui et le suivait. La jeune fille avait le sourire. Si Yasuo s’arrêtait, elle s’arrêtait. Lorsque le garçon descendit les marches de pierre la jeune fille descendit.
Le village était plongé dans le sommeil, ses toits baignant dans le clair de lune. Mais lorsque marche après marche ils arrivèrent vers le village le chant des coqs monta de tous côtés vers eux : signe que l’aube était proche.