CHAPITRE XXVII

De leurs temples et idoles et comment ils se comportent au service de leurs dieux.

Tous leurs prêtres ont la tête rase et la barbe coupée ; ils sont vêtus de couleur jaune, et se tiennent cent et deux cents ensemble en une même congrégation ; les jours où ils vont au temple ils s’assoient sur deux bancs vis-à-vis du chœur, ayant à la main des livres, que quelquefois ils posent sur ces bancs ; ils demeurent la tête découverte tant qu’ils sont au temple, lisant tout bas, et gardant exactement le silence ; de sorte qu’étant un jour entré dans un de leurs oratoires et les ayant trouvés assis de la sorte, j’essayai plusieurs fois de les faire parler, mais je n’en pus jamais venir à bout. Ils portent toujours, partout où ils vont, une certaine corde de cent ou deux cents grains enfilés, de même que nous portons des chapelets, et disent toujours ces paroles en leur langue : Ou mam hactavi (Seigneur, tu le connais, ainsi qu’un d’entre eux me l’interpréta) : ils en attendent une récompense de Dieu.

À l’entour de leurs temples ils font toujours un beau parvis environné d’une bonne muraille ; la porte est vers le midi, fort grande, où ils s’assoient pour parler et discourir entre eux. Au-dessus de cette porte ils élèvent une longue perche dont le bout peut être vu de toute la ville ; par là on reconnaît que c’est un temple d’idoles. Cela est commun à tous les idolâtres. Quand donc j’entrai, comme j’ai dit, en une de leurs synagogues, je trouvai les prêtres assis à la porte au dehors, et il me sembla voir des religieux de notre pays, ayant tous la barbe rasée. Ils portaient des mitres de papier sur la tête. Tous les prêtres de ces Jugures ont cet habit partout où ils vont, savoir des tuniques jaunes assez étroites, et ceintes par-dessus, comme ceux de France ; avec un manteau sur l’épaule gauche, qui descend par plis sur l’estomac, et par derrière au côté droit, comme nos diacres, quand ils portent la chape en carême.

Les Tartares commencent leur écriture par en haut, qui, comme une ligne, va finir en bas, qu’ils lisent de même façon, et ils rangent leurs lignes de gauche à droite. Ils se servent fort de billets et caractères pour des sortilèges ; de sorte que leurs temples sont tout remplis de ces sortes de billets suspendus.

Ils brûlent leurs morts, comme les anciens, et en gardent les cendres, qu’ils mettent sur de hautes pyramides. M’étant assis avec ces prêtres dans leur temple et ayant vu leur multitude d’idoles grandes et petites, je leur demandai quelle idée ils avaient de Dieu ; ils me répondirent qu’ils ne croyaient qu’en un seul Dieu. M’informant s’ils croyaient que Dieu fût un esprit ou quelque substance ayant corps, ils me dirent qu’ils le croyaient être un esprit ; et, leur ayant demandé s’ils croyaient que ce Dieu eût jamais pris nature humaine, ils me répondirent que non.

Ils ne croient qu’un Dieu seul, et toutefois ils font des images de feutre de leurs morts, les vêtent de riches habillements et les mettent sur un ou deux chariots, que personne n’ose toucher ; mais ils sont donnés en garde à leurs devins. Ces devins demeurent toujours devant la tente de Mangu-Khan et des autres princes, et seigneurs riches ; les pauvres n’en ont point, à moins qu’ils soient de la race de Cingis.

Quand les grands doivent voyager, les devins vont devant, comme faisait la colonne de nuée devant les enfants d’Israël. Ils considèrent bien la place où il faut asseoir le camp ; puis ils posent leurs maisons, et après eux tout le reste de la cour en fait de même. Quand c’est un jour de fête, ou le premier du mois, ils tirent dehors ces belles images et les mettent par ordre tout à l’entour dans leur maison ; les Moals viennent, entrent dedans, s’inclinent devant ces images et les adorent ; il n’est permis à aucun étranger d’entrer dedans ; comme une fois je voulais y entrer, ils me grondèrent et repoussèrent bien rudement.

Deux voyages en Asie au XIIIe siècle
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