CHAPITRE II

Al Rhazi détailla avec intérêt la jeune fille qui se profilait dans la clarté lunaire. À en juger par sa taille frêle et ses hanches fines, elle devait être à peine pubère. De longs cheveux noirs et huileux tombaient sur ses épaules, caressant la naissance de ses seins menus, à peine marqués. La courbe sensuelle de ses lèvres rehaussait un visage plébéien, au nez busqué, non dénué d’une touche de perversité.

Ceci n’était pas pour déplaire à l’Arabe. Il sourit dans la pénombre, en songeant qu’il s’offrait peut-être là l’une des dernières douceurs terrestres avant longtemps. Cette pensée ne fit que décupler son désir, et sous le drap de soie, sa verge se dressa comme un cobra prêt à mordre. Sans quitter sa position étendue, il attira la silhouette gracile contre lui. Il sentit un soupçon de réticence chez la jeune fille.

— Que se passe-t-il, Leïla ? Je te fais peur ?

Un courant d’air souleva les pans de la moustiquaire.

— Tu es… brûlant. Comme la braise.

Il décela une lueur tremblante dans ses yeux noirs, outrageusement fardés.

— Le désir de t’avoir près de moi, voilà tout. Et la chaleur…

— La chaleur ? Moi, j’ai froid. Pourquoi laisses-tu tout ouvert ?

— J’aime regarder la lune quand je fais l’amour.

Elle se cabrait comme une pouliche effrayée, refusant de venir le rejoindre, aussi se redressa-t-il sur sa couche. Un rien trop vite. Elle prit peur et, dégageant son poignet, partit se réfugier à l’autre bout de la chambre. Il crut un instant qu’elle allait s’enfuir de la maison et fit un effort surhumain pour dompter la fièvre qui le tisonnait. Puis il déploya son long corps au teint cuivré, contractant sa musculature fine et harmonieuse. Il était entièrement nu et savait qu’en cet instant, aucune femme n’aurait pu rester insensible à sa séduction physique.

De fait, Leïla parut se rasséréner. Il sentit son regard le parcourir, d’abord hésitant, puis empli d’une curiosité concupiscente. Il sut alors qu’il la tenait enfin à sa merci, sans avoir usé d’autre charme que le sien propre. S’approchant d’elle, il riva ses yeux dans les siens. Elle n’esquissa pas le moindre geste de recul lorsqu’il tendit les doigts vers elle. Il caressa son visage, promenant un doigt sur ses lèvres charnues.

— Je commençais à croire que tu n’avais jamais vu un homme de ta vie.

— Non, ce n’est pas ça, répondit-elle en secouant la tête. Tu es… drogué ?

— Drogué, moi ? Non.

— Tu as l’air bizarre.

— Je vais partir en voyage. Je n’aurai sans doute pas l’occasion de toucher une femme avant un certain temps. Cela me peine et m’excite à la fois. Tu comprends ?

Elle acquiesça, tout en fléchissant les genoux, presque rassurée. La vue du sexe qui battait contre le ventre de l’homme lui rendit ses réflexes professionnels : elle fit jouer sa langue très rapidement sur l’extrémité du phallus. C’était agréable, comme le passage fugace d’insectes désorientés, enivrés par la fragrance entêtante du désir. Ce le fut plus encore lorsqu’elle fit alterner ces agacements avec de longues et patientes succions, engloutissant la verge jusqu’à la racine avec un savoir-faire surprenant pour son jeune âge.

Al Rhazi tourna le regard vers la fenêtre. Il considéra la pleine lune, semblable à l’œil hagard incrusté sur le front ténébreux d’un cyclope. Le vent avait fraîchi et faisait battre la tenture de damas. Il tendit l’oreille, attentif aux rumeurs portées par la nuit. Un sourire découvrit ses dents très blanches, et ses yeux s’agrandirent d’exaltation. Une fraction de seconde, ses traits s’illuminèrent d’un fanatisme inquiétant. Puis cela passa, comme ce nuage qui venait d’intercepter la clarté de l’astre livide.

Il reporta son attention sur la jeune fille, toujours à l’œuvre à ses pieds, et décida de faire cesser ces préliminaires. Il la souleva du sol tel un fétu de paille pour la déposer à plat ventre sur la couche. Elle ne broncha pas tandis qu’il se glissait en elle, l’écrasant de tout son poids. Il la besogna avec lenteur, sans cesser de surveiller la fenêtre. À un certain moment, elle se mit à onduler sous lui, se prenant au jeu ou feignant de le faire. Il n’y prêta aucune attention, concentré sur ses seules perceptions.

Quand il sentit le plaisir déborder enfin de ses reins, il marmonna une étrange imprécation, dans un dialecte ancien. Simultanément, un grand bruit se fit entendre sur la terrasse, au-dessus d’eux. À nouveau prise de peur, l’adolescente esquissa un mouvement, mais il la maintint solidement sous lui tout en achevant de se vider au fond de son ventre, sans un râle ni un cri.

— Qu’est-ce que c’est ? Il y a quelqu’un ?

Il la rassura d’une caresse.

— Non. Calme-toi. J’ai entassé quelques ballots là-haut, et ils ont dû glisser. Je vais aller vérifier que rien n’est cassé. Si je t’appelle, tu viendras me rejoindre. Telle que tu es…

Elle opina lentement. Elle n’avait plus très envie de rester dans cette étrange maison. Mais elle n’osait ramasser ses frusques et courir au-dehors, craignant d’exciter la colère de son client. Après tout, il l’avait honnêtement payée. Al Rhazi lut tout cela dans son esprit, et il sut qu’elle ne bougerait pas aussi longtemps qu’il ne lui en aurait pas donné la permission.

Il enfila prestement une chemise puis grimpa les quelques marches de pierre menant à la terrasse ouverte en plein ciel. De cet observatoire, il pouvait embrasser tout Tunis du regard, au sud jusqu’à l’orée du désert, au nord et à l’ouest loin par-delà la baie que protégeait l’épaulement des collines. Mais surtout, il avait le sentiment de pouvoir arracher un lambeau de nuit rien qu’en levant le bras, taquiner les étoiles de l’ongle ainsi qu’on le fait avec les insectes nocturnes qui tourbillonnent au-dessus des lampes. Et ce soir plus que jamais, cette sensation possédait tout son être.

Il aperçut immédiatement l’objet, abandonné sur le muret côté rue. C’était une sorte de catalogue de parchemins édentés, craquelés, rongés par l’âge et la poussière du désert. Seul un miracle pouvait expliquer qu’ils ne se soient pas déjà effrités en mille confettis de cendre grise et malodorante. Des lanières de cuir retenaient l’ensemble sans grande rigueur, de sorte que çà et là, des pages en jaillissaient tels des rameaux desséchés pour en bouleverser l’ordonnance approximative.

Une profonde émotion s’empara d’Al Rhazi, mélange de bonheur douloureux et d’exaltation terrifiée. Il esquissa un mouvement pour s’approcher du manuscrit mais s’interrompit aussitôt, conscient de n’être pas seul, d’être observé par deux yeux qui rougeoyaient dans l’ombre de la terrasse. Il déglutit avec peine.

— Tu as bien œuvré, dit-il. La puissance d’Al Làt est grande et te tient à ma merci.

Il se déplaça d’un pas sur sa gauche, afin de se mettre sous la protection d’un cercle gravé dans la pierre, dont le pourtour s’ornait d’étranges symboles issus du vieil arabe. L’espace d’un instant, il avait failli oublier la plus élémentaire des prudences. Mais il n’arrivait pas à détacher les yeux de l’ouvrage maculé de poussière et de taches. Son parfum envoûtant – révélant quelque séjour au fond d’abîmes insondables et infernaux –, arrivait jusqu’à ses narines et agissait sur ses nerfs avec la force d’un stupéfiant.

— L’œuvre était facile, répondit gravement la forme cauchemardesque. D’autres avaient accompli le plus ardu. Maintenant, le Bashamay t’appartient. Mais prends bien garde. Il vit de sa vie propre. Il deviendra le maître et toi l’esclave. Sa malédiction pèsera sur toi comme un fardeau de rochers.

— Tais-toi. Nous verrons qui des deux servira l’autre. Ce n’est pas la première fois que nous nous rencontrons. J’ai de grands projets.

— Je te dois l’obéissance et la vérité. Telle est la tâche pour laquelle tu m’as invoqué.

— Merci. Merci mille fois, railla Al Rhazi. Je sens combien est grande et sincère ta sollicitude à mon égard.

Il se baissa lentement, afin de ramasser au centre du cercle une boîte rectangulaire sertie de gemmes étranges qu’il ouvrit lentement. L’esprit ombreux frémit à cette vue.

— Attends, l’arrêta-t-il d’une voix péremptoire. Écoute-moi pour ton bien. Des ennemis te menacent. Tu dois les détruire, ou ils te nuiront.

— Qui me menace ? Cette princesse nymphomane ? Je la connais. Elle ne vaut pas la salive d’une malédiction.

— Elle peut invoquer un allié puissant qui gênerait tes projets.

Al Rhazi tressaillit.

— Un allié, djinn ? Elle n’est pas magicienne. Comment pourrait-elle seulement…

— Te voici prévenu. Le désert n’est pas à l’abri de l’orage, souviens-t’en.

— Désert et orage seront bientôt ma possession. Disparais.

Il prononça les paroles magiques. La silhouette ténébreuse s’éleva en l’air telle une fumée puis plongea tout entière à l’intérieur de la boîte. Al Rhazi referma aussitôt le couvercle et le verrouilla avec soin. Enfin d’un bond, il abandonna le cercle protecteur et s’approcha du manuscrit. Il avait attendu cet instant si longtemps. La dernière page, tachée de sang, avait souillé le muret. L’Arabe émit un gloussement.

— J’écrirai d’autres chapitres sur la peau d’hommes en vie, Bashamay. J’ajouterai à l’œuvre de mes prédécesseurs et plus encore…

Il tendit des doigts tremblants vers l’ouvrage qui frémissait dans l’air glacé. À l’ultime instant, il se ravisa.

— Leïla ! appela-t-il. Leïla, viens près de moi, chérie.

Quelques secondes s’écoulèrent, puis le pas hésitant de pieds nus se fit entendre. Al Rhazi se retourna. Les bras croisés sur la poitrine, frémissant dans l’air nocturne, la jeune fille approchait de lui dans le plus simple appareil, ainsi qu’il le lui avait demandé. Sans doute s’imaginait-elle devoir se plier à quelque nouveau caprice. Elle vint à ses côtés sans méfiance.

D’un geste cérémonieux, il désigna le manuscrit.

— Regarde, n’est-ce pas magnifique ?

— Ça sent mauvais.

— Oui, parce que c’est une œuvre très ancienne, qui dormait au fond du désert en attendant son nouveau maître…

— Le papier a une drôle de couleur.

— Chacune des pages a une couleur différente. Sais-tu pourquoi ?

L’adolescente secoua la tête, épiant la relique d’un air méfiant.

— Penche-toi et lis au hasard. Allons.

Elle obtempéra, plus pour ne pas déplaire à cet homme étrange possédé par la fièvre – ou quelque chose de pire – que par réelle curiosité. Surmontant sa répulsion, elle ouvrit à une page au hasard. Au toucher, elle sut que cette matière trop souple, finement nervurée de sillons bruns, n’était pas un papier ordinaire. Était-ce même seulement du papier ? On aurait plutôt dit un cuir d’une minceur inhabituelle. Il en émanait un parfum âcre, à peine respirable. Une étrange chaleur s’empara d’elle. Son cœur accéléra ses battements. Une sueur malsaine inonda sa nuque et rendit ses mains moites.

Elle esquissa un geste de recul, mais Al Rhazi la maintint par les épaules, l’obligeant à regarder les lettres étranges qui grouillaient sur les feuilles tachées à la façon de serpents s’entre-dévorant. Effet d’optique ou symptôme de délire, elles se mirent à onduler devant elle, échappant à la prison des fibres craquelées. Telle une myriade de bactéries sous la lentille d’un microscope, elles entamèrent une sarabande folle, déployant leurs appendices griffus, leurs queues annelées, dévoilant soudain des visages larvaires et grotesques inspirés de monstruosités blasphématoires.

Elle voulut se cacher les yeux, échapper à la vision de cette chorégraphie obscène, mais elle en fut incapable, soumise à l’hypnose d’un vertige pervers. Les signes tourbillonnaient sur un rythme endiablé, plus vite, toujours plus vite. Plus près, encore plus près. Ils montaient du gouffre livide tel un maelström d’éléments algébriques soulevé par un délire contre nature. Ils se scindèrent soudain en deux flèches acérées qui plongèrent dans ses yeux.

Son cri déchirant fut étouffé par l’obscurité dense qui s’était refermée sur elle comme un nuage. Un flot de sang et d’humeur jaillit de ses orbites ravagées, emportant dans sa furie des globes oculaires que n’ancrait plus le moindre ligament. Comme sous la pression d’un torrent de lave en fusion, son visage devint écarlate et boursouflé. Sa bouche distendue par la douleur n’émettait plus qu’une longue plainte muette. Ses joues fondaient comme la cire au contact d’une flamme. Ses cheveux s’embrasèrent soudain et brûlèrent à la vitesse d’une récolte de blé sec. Dans un dérisoire réflexe de protection, elle porta les mains à sa face pour tenter de retenir un peu de cette substance qui était elle, dont la flaque s’élargissait à ses pieds.

Elle mourut une seconde avant que sa boîte crânienne ne se fissure, laissant échapper le magma spongieux de son cerveau tel un grenier trop plein.

Al Rhazi considéra son cadavre affreusement mutilé d’un air songeur. Les écrits disaient vrai. Le Bashamay disposait de défenses propres capables de le préserver des regards profanes. Dans quelle mesure recelait-il d’autres pouvoirs intrinsèques, échappant au contrôle du sorcier qui l’utilisait ? L’avertissement du djinn résonnait encore à ses oreilles.

Il chassa ces craintes d’un hochement de tête : il se sentait de taille à affronter le péril. N’avait-il pas déjà domestiqué des esprits de l’au-delà, soumis un djinn à sa volonté pour accomplir la conquête du bien le plus précieux jamais rendu par le désert ? Il songea à l’avenir. Avant l’aube, il serait loin, loin de ce pays desséché, aux médiocres ressources, qu’il haïssait. Al Rhazi voulait dévorer le monde, et le monde, dans son esprit, n’était pas ici.

Il referma le sombre manuscrit, ignorant les taches de sang frais qui déteignaient sur ses mains. Le pacte était consommé.

*
* *

Vautrée dans une posture provocante, la princesse Marfa observa avec une délectation morbide son garde du corps qui émergeait d’une douloureuse léthargie. Son torse était meurtri d’ecchymoses et son dos strié de zébrures mauves. À la signature de la cravache se mêlaient quelques estafilades superficielles. Un collier de caoutchouc noir enserrait toujours son cou, dont la chaîne serpentait, lâche au pied du lit.

Il se redressa à demi, osant à peine croiser le regard de sa maîtresse. Son visage n’exprimait aucune émotion, aucune rancœur, seulement l’humilité veule et repentante d’un animal accoutumé aux punitions. Sa contemptrice admira cette fois encore son endurance à la douleur, son absence de crainte ou de colère, et sa faculté de soumission aux pires excès.

Il était son objet, son esclave au sens antique du terme. Elle avait sur lui pouvoir de vie et de mort. Lui qui aurait pu la briser d’une seule main ! Mais il n’avait jamais manifesté la moindre velléité de rébellion. Il fallait croire que leurs tempéraments s’accordaient à un degré de symbiose difficilement imitable.

Cet ascendant lui inspirait un enivrant sentiment de puissance.

— Libère-toi, jeta-t-elle sèchement. Nous partons.

Sans un mot, le géant se redressa, faisant jouer son impressionnante musculature, luisante comme des prothèses en plastique. Le regard de la jeune femme vacilla, tandis qu’il s’attardait sur les cuisses massives et le sexe au repos, de taille imposante. C’est seulement ainsi qu’elle se sentait capable d’éprouver quelque attirance pour ces mâles répugnants : lorsqu’ils dégouttaient de sueur et de sang, perclus de souffrance, égarés au bout d’eux-mêmes. Elle ne se lassait pas de ce spectacle rare et le renouvelait aussi souvent qu’il lui était possible.

Elle éprouva des picotements entre les cuisses et, un court instant, fut tentée d’y remédier par un moyen ou un autre. S’habiller, descendre flâner au bar… Quelques minutes lui suffisaient pour faire rendre les armes à n’importe quel homme. Depuis son arrivée, elle n’avait eu que l’embarras du choix. Partout où elle passait, elle sentait les regards masculins remonter le long de ses jambes gainées de noir. Seule la stature dissuasive de Laszlo lui valait de n’être pas importunée à chaque coin de rue.

La tentation s’évanouit aussi rapidement qu’elle était venue. La jeune femme alluma une cigarette.

— Le Bashamay n’est plus à Tunis.

Laszlo achevait d’enfiler ses vêtements. La surprise se peignit sur ses traits.

— Krasavitsa… Qui vous l’a dit ?

Marfa haussa les épaules.

— C’est dans le journal. Regarde.

Elle jeta le quotidien froissé aux pieds de son homme de main. Celui-ci n’avait aucune connaissance de l’arabe, mais la photo qui s’étalait en première page suffit à le convaincre.

— Une jeune pute, qu’on a retrouvée morte dans une maison à la sortie de la ville. Les lieux appartiendraient à un certain Al Rhazi. Il aura utilisé la fille pour tester les défenses du grimoire. Nous savons quelle punition inflige le Bashamay s’il est ouvert par un non-initié. J’ai déjà entendu parler de cet homme dans les souks. Il se prétend sorcier. Et il l’est, assurément. Regarde bien la photo.

Laszlo fronça les sourcils pour attester de son effort. Il ne vit cependant rien de plus que le cadavre méconnaissable et calciné.

— En haut, à gauche, il y a un morceau d’un pentacle magique gravé dans le sol. Ce n’est pas un hasard. Aucun doute, c’est cet homme qui nous a dérobé le Bashamay et a assassiné Abdul.

— La police a mis la main dessus ?

— Non. Il a déjà quitté le pays, par le premier vol pour les États-Unis ; c’est écrit dans l’article. Sans même prendre la peine de brouiller les pistes. Il se sent sûr de lui, protégé par le pouvoir de la relique, c’est évident.

Marfa s’étira devant la fenêtre, puis accomplit quelques assouplissements qui mirent en valeur sa morphologie délicate et sensuelle. Son corps était toujours aussi beau que lorsqu’elle était danseuse étoile du Ballet Kirov. Les sévices qu’elle avait fait endurer à son serviteur, la veille, n’avaient qu’imparfaitement calmé ses nerfs. Elle n’avait pu fermer l’œil de la nuit, hantée par son désir de revanche, sa faim de possession.

— J’ai bien réfléchi au problème, reprit-elle. Al Rhazi est puissant. Notre erreur serait de le sous-estimer. Nous devons donc trouver un allié. Un homme qui comme lui soit versé en sorcellerie, un occultiste qui soit à sa mesure…

— Les magiciens sont devenus rares, krasavitsa. Comment pourrons-nous en trouver un et lui faire accepter de prendre de tels risques pour nous ?

Le regard de Marfa plongea vers la mer d’huile qui scintillait sous le grand soleil.

— Je connais quelqu’un. Al Rhazi ne se doute pas qu’en un sens, il est allé au-devant du seul homme capable de lui reprendre mon bien.