Chapitre 2
Quels sont les chantiers prioritaires ?

Morale publique : il y a urgence

Le quinquennat qui s’achève aura été un tourbillon d’affaires, de conflits d’intérêt et de corruption, un tourbillon profondément malsain qui aura fini par donner le tournis aux Français, souvent jusqu’à la nausée.

Entre les promesses de 2007 et les faits, là encore le contraste est saisissant. De la « République irréprochable » et de « l’État exemplaire » il ne reste que le souvenir de quelques clips de campagne, très vite démentis et même infirmés par une pratique jouissive du pouvoir.

En Sarkozie en effet, on n’exerce pas le pouvoir, on se vautre dedans. Parfois en toute légalité, mais dans une immoralité choquante : le Fouquet’s, l’EPAD et le yacht de Bolloré en sont les exemples les plus marquants. Trop souvent on a flirté avec l’illégalité et la corruption. Nous ne les développerons pas ici, mais la liste des affaires qui ont secoué le mandat est impressionnante : Amara, Blanc, Joyandet, Woerth, Mitterrand, Alliot-Marie, Bettencourt, Karachi bien sûr, pour n’en citer que quelques-unes.

À l’heure où ces lignes sont écrites, ces deux dernières affaires recèlent encore nombre de mystères, et c’est bien tout un système qui vacille, allant jusqu’à mettre en cause l’impartialité d’institutions de la République aussi éminentes que le Conseil constitutionnel, suspecté d’avoir validé des comptes de campagne manifestement truqués en 1995.

Ces travers ne sont pas seulement le fait d’un camp, bien sûr. Empêtré dans des affaires de corruption aux deux extrémités géographiques du pays, Bouches-du-Rhône et Nord-Pas-de-Calais, le Parti socialiste a vu en 2011 son candidat à la présidentielle exploser en plein vol, rattrapé par des mœurs pathologiques qu’on m’a accusée dans un premier temps d’avoir seule dénoncées, avant que l’ensemble des éléments issus des innombrables « dossiers DSK » ne viennent brutalement apprendre la terrible vérité aux Français : l’immoralité publique règne au plus haut niveau de l’État et dans les sphères du pouvoir.

Le silence gêné de tout ce que la France compte d’esprits éclairés sur l’affaire Dominique Strauss-Kahn en dit d’ailleurs très long sur la solidarité de classe de cette France d’en haut. Dans son bloc-notes du 7 juillet 2011, intitulé « Les cinq leçons de la non-affaire Strauss-Kahn », le philosophe Bernard-Henri Lévy écrivait par exemple : « Il y a d’ores et déjà, comme je l’avais tout de suite soupçonné, une victime dans cette affaire : cet homme, Dominique Strauss-Kahn, dont on a jeté aux chiens la vie et l’honneur. »

La morale publique ne se décrète pas : elle se fera si les Français décident d’engager un puissant processus de renouvellement de leurs élites. Les lois sont bien sûr perfectibles, et, de la publication obligatoire des notes de frais aux enquêtes de moralité sur les ministres je propose nombre de réformes très pragmatiques, mais je suis intimement convaincue que dans le domaine aussi sensible de la morale publique il y aura toujours deux catégories de responsables politiques, opposés : ceux qu’on corrompt facilement, et ceux qui ont des principes.

N’est pas de Gaulle qui veut. Général de Gaulle qui, installé à l’Élysée, avait fait poser un compteur EDF distinct pour quantifier ses consommations personnelles d’électricité, et les payer sur son argent propre… Que cette époque semble lointaine !

La France aspire à des hommes nouveaux, des hommes connectés à la réalité du peuple, et qui partagent avec lui l’éthique et le respect d’une certaine morale dans la vie. Trente ans d’affaires ont profondément discrédité la classe politique actuelle, jusqu’au quinquennat caricatural de Nicolas Sarkozy, marqué par une immoralité record. C’est cette page-là qu’il faudra tourner.

La France a aussi besoin d’hommes libres, qui ne dépendent d’aucune puissance d’argent, qui ne doivent leur existence politique à aucun groupe d’intérêt. La collusion des élites médiatiques, politiques et financières traduit une interpénétration de leurs intérêts, qui ne peut que conduire à des phénomènes de vassalité, de services rendus et, in fine, toujours de corruption.

Des règles précises devront être posées pour garantir la liberté du responsable politique. La France attend une vaste opération mains propres, qu’il faudra engager sans tarder, à tous les niveaux : État, grandes entreprises, syndicats, collectivités territoriales.

L’arme de l’inéligibilité devra être utilisée avec beaucoup plus de rigueur. Les sphères médiatique, économique et politique seront plus sûrement séparées par l’interdiction qui sera faite aux grands groupes qui vivent de la commande publique de posséder des groupes de presse. Trente ans d’errance, d’échec et de mensonges imposent au responsable politique l’humilité et la modestie. C’est sur ces bases essentielles que la morale publique sera restaurée. C’est sur ces bases que j’entends mener ce combat.

L’État régalien

La première des missions que doit assurer un État digne de ce nom, c’est la sécurité de ses citoyens. Cela semble une évidence, mais il y a pourtant sur ce sujet, depuis longtemps déjà en France, un écart considérable entre les mâles intentions affichées par les dirigeants politiques et la réalité de leur action. C’est peut-être sur ce droit essentiel, le droit à la sécurité, qu’on perçoit le mieux à quel point l’État n’est plus en France qu’une entité virtuelle et qu’il y a urgence à le redresser, à restaurer la plénitude de ses attributs régaliens. Comme ailleurs, les Français ont pu croire – abusés par un pouvoir sans scrupule, et par des médias peu indépendants – qu’on était passé en matière de lutte contre l’insécurité de l’incurie généralisée au volontarisme forcené.

Il y a en effet un monde entre les propos de Lionel Jospin, avouant penaud au JT de TF1 en mars 2002 qu’il avait péché par excès de naïveté sur le sujet, et ceux de Nicolas Sarkozy quelques mois plus tard, nouveau chef d’une police ragaillardie, celui-là même qui cinq ans après, candidat à la présidence de la République, allait encore plus loin et promettait de passer nos banlieues au Karcher… Du côté des faits, en revanche, du gouvernement socialiste à nos jours, rien de nouveau. Depuis quelques mois la situation s’est tellement aggravée que les chiffres officiels sont eux-mêmes repassés au rouge. En réalité la délinquance n’avait à aucun moment reculé ces dernières années : l’embellie dans les statistiques du ministère de l’Intérieur de 2002 à 2008, surexploitée par Nicolas Sarkozy et les médias, cachait une montée continue des violences aux personnes, les plus graves, et une radicalisation des formes de délinquance : explosion du nombre de bandes, multiplication des armes à feu, voire des armes de guerre. Point de Karcher dans nos banlieues, mais plutôt des Kalachnikovs, comme celles découvertes régulièrement depuis 2009 dans les caves de la Courneuve et d’ailleurs. Après dix ans de sarkozysme, d’abord comme ministre de l’Intérieur puis comme prési-dent de la République, les statistiques parlent d’elles-mêmes. Cette réalité très sombre n’empêche pourtant pas le pouvoir de persévérer dans une communication tonitruante qui ne recule devant aucune contre-vérité. À l’écart depuis le bide du discours de Grenoble du 31 juillet 2010, Nicolas Sarkozy a fait monter au créneau deux chargés de communication : son ministre de l’Intérieur Claude Guéant et un groupe de députés UMP missionnés pour « parler comme le Front national et Marine Le Pen », la « Droite populaire », que j’ai qualifiée très vite, et avec justesse, d’agence de publicité mensongère. Fidèles à la stratégie classique d’enfumage du sarkozysme, Guéant et sa valetaille de la Droite populaire multiplient depuis des mois les discours fracassants, les petites phrases chocs, et autres sorties musclées devant les caméras et les micros. Il ne se passe quasiment pas un jour sans que le ministre de l’Intérieur ne se prévale d’une saillie verbale destinée à séduire l’oreille des électeurs venus de l’UMP et qui m’ont déjà rejoint. Quant aux missionnaires de la Droite populaire, ils n’hésitent jamais à enfiler leurs gros sabots électoralistes dès qu’une caméra de télévision traîne… Mais des mots à l’action, il y a un monde. Et croire qu’il s’agirait de prononcer les bons mots pour ramener dans le giron sarkozyste les électeurs déçus révèle un profond mépris pour l’intelligence citoyenne des Français et leur capacité de discernement.

Car sur ce dossier, les Français sont de moins en moins dupes, ils vivent dans leur quotidien l’insécurité et l’immigration, et voient très bien l’écart abyssal entre les discours et les actes, qui peinent à suivre. Ces oubliés et ces sans-grades apparaissent de plus en plus en demande d’action, ressentant au plus profond de leur chair les méfaits de la négligence et du laxisme, et ceux peut-être plus graves encore, parce que plus insultants, des écrans de fumée envoyés par Nicolas Sarkozy. À la faveur du débat sur l’identité nationale, aux conséquences imprévues car mal maîtrisées par le pouvoir, la parole semble s’être libérée et nombreux sont ceux aujourd’hui qui font enfin le lien entre le caractère massif de l’immigration que subit notre pays et l’augmentation constante des faits de délinquance qu’elle engendre.

C’est bien de ce côté que se situe le cœur de l’action à mener en matière d’insécurité. Il faut cesser de nier les évidences, et avoir le courage politique de relier les phénomènes migratoires massifs (et souvent illégaux) et l’insécurité grandissante dans les villes. L’État doit retrouver la force et la légitimité d’agir pour la protection de ses ressortissants et de retrouver ses capacités d’action sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, il est urgent d’instaurer le retour de l’État dans les centaines de zones de non droit envahies par une immigration de masse, et il ne faut plus accepter le fait que dans des quartiers entiers, voire des agglomérations entières, la police ou les services publics ne puissent plus pénétrer. Bien plus que les psychologues et les sociologues, ce sont les criminologues qu’il faut écouter, eux qui ont démontré que l’essentiel de la criminalité était le fait de cinq mille chefs de bande environ, qui sévissent dans un certain nombre de quartiers parfaitement identifiés. Notre action doit se concentrer sur la mise hors d’état de nuire de ces cinq mille criminels et grands délinquants, souvent liés au trafic de drogue, face auxquels les pouvoirs publics semblent avoir largement baissé les bras. J’engagerai cette grande bataille contre la drogue, je neutraliserai pour de bon ces cinq mille crapules, et je mettrai en place l’injonction civile, qui interdira à certains délinquants condamnés par la justice de revenir pendant une période de temps déterminée dans le quartier de leurs méfaits, là où ils ont leurs habitudes et leurs acolytes.

Au-delà de ce raffermissement de principe qui nécessite un véritable courage sur les principes, d’autres solutions d’urgence s’imposent.

Il convient en premier lieu de stopper l’hémorragie des effectifs en matière de sécurité. Certains Français ignorent encore sans doute que chaque année, le gouvernement de Nicolas Sarkozy supprime dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (la RGPP) trois mille postes de policiers et gendarmes. Sur le terrain, la situation devient ingérable, et le mécontentement va croissant dans les rangs des forces de l’ordre ; de l’aveu même de certains préfets, qui semblent s’époumoner dans le désert, il n’est plus possible dans ces conditions d’assurer un minimum d’ordre : on court à la catastrophe.

Rétablir les effectifs de la police et de la gendarmerie, cela suppose d’allouer aux ministères concernés des budgets accrus, quitte à faire des économies sur d’autres projets qui ont montré leur inefficacité, comme ceux de la politique de la ville.

Soulignons en particulier qu’il est nécessaire de rassurer les gendarmes, aujourd’hui en proie à un doute légitime sur le maintien à terme de leur statut militaire : la gendarmerie a tout fait vocation à rester une arme et à être administrée par le ministère de la Défense, et ce d’autant plus que nos campagnes, de plus en plus victimes elles aussi de formes graves d’insécurité, comptent sur elle. Toujours en ce qui concerne les forces de l’ordre, il m’apparaît essentiel de valoriser leur travail, de souligner les difficultés d’exercice de leur métier, et de ne jamais porter atteinte ni à leur réputation, ni à leur mobilisation, ni à leur moral. De ce point de vue, il est de la responsabilité de l’État de veiller à ce que les policiers et les gendarmes soient davantage protégés, notamment au regard des conséquences judiciaires de certaines situations que l’on a abusivement pris l’habitude d’appeler « bavures ». Avant de jeter l’opprobre sur un agent ou une institution, lorsque dans des conditions nécessairement complexes un représentant de l’ordre a dû faire usage de son arme de service, il convient de laisser la Justice faire son travail pour démêler le vrai du faux. Elle ne pourra le faire sereinement, sans succomber à la pression médiatique ou populaire, que lorsque sera enfin reconnue une présomption de légitime défense à tout fonctionnaire chargé du maintien de l’ordre.

Pour que la police et la gendarmerie puissent remplir les tâches qui leur incombent en toute efficacité, il faut également que le traitement judiciaire des délinquants et criminels soit à la hauteur de nos exigences en matière de sécurité. À cet égard, il est tout à fait regrettable que la Justice ne puisse aujourd’hui faire preuve de la sévérité nécessaire dans la mesure où elle est fortement contrainte par le nombre insuffisant de places de prison disponibles. Dans notre pays, la surpopulation carcérale, au-delà des problèmes considérables et indéniables qu’elle pose en matière de respect des droits de l’homme, a pour conséquence première d’accroître l’impunité de nombre de responsables d’actes inacceptables. Nous proposons ainsi la création de quarante mille places de prison supplémentaires dans un délai de cinq ans, ce qui nous placera dans la moyenne européenne et permettra aussi aux prisonniers de vivre dans des conditions plus humaines.

Relevons enfin que plusieurs évolutions qui peuvent paraître anodines ont en réalité des conséquences symboliques graves et doivent être contrées pour favoriser les conditions de la tranquillité et de la sécurité publiques. À cet égard, certains renoncements à des civilités de base doivent être combattus parce qu’ils portent en germe un manquement généralisé aux règles qui fondent la vie en communauté : ainsi, le policier, ni plus que le délinquant lui-même évidemment, ne doit utiliser le tutoiement au cours d’une altercation. Ce renforcement des exigences en matière de courtoisie, indispensable à l’acceptation collective du respect de l’ordre, est bien difficile à concevoir, il est vrai, lorsque le président de la République en personne tutoie ses interlocuteurs à tout va, qu’il s’agisse d’amis, d’opposants, de journalistes ou de quidams, quand il ne va pas jusqu’à les insulter… Par ailleurs, une véritable dérive a envahi nos conceptions en matière de sécurité et de justice, et trahit un abandon criminel de ce qui fonde la légitimité des lois de la République et leur application, à savoir l’égalité des citoyens devant la règle commune. Il est ainsi insupportable qu’on laisse des pans entiers de notre territoire échapper à la main de la Justice sous prétexte de respect des cultures et modes de vie. Que penser en effet de la manière dont on refuse depuis des années de s’intéresser à ces campements gigantesques de Roms, qui sont présents partout, qui vivent soi-disant dans une grande pauvreté alors qu’ils exhibent souvent des signes extérieurs de richesse totalement exubérants, et qui s’installent où bon leur semble en dépit de toutes les règles de la domanialité publique et d’inviolabilité de la propriété privée ? Ne serait-il pas temps de mener l’enquête au sujet de ces populations et de remettre un peu d’égalité devant la loi ?

Au-delà du discours de Grenoble et du show télévisé d’août 2010, qu’a donc fait le pouvoir contre ce fléau ? Rien. Chacun constate que les camps et les bidonvilles n’ont pas été démontés, et que les quelques familles reconduites à une frontière qui n’existe plus, un chèque substantiel en poche, se sont fait un plaisir de revenir au bout de quelques semaines, si ce n’est quelques heures…

On le voit, le gouvernement actuel est en échec total dans sa gestion de l’insécurité. Et ses lois aussi nombreuses qu’inutiles sur la récidive, ou la délinquance des mineurs, n’y changeront rien, tout simplement parce qu’il n’a pas la volonté réelle de faire bouger les lignes. Il convient de poser un vrai diagnostic, puis de changer de braquet, et de ne jamais oublier que pour être efficace, une politique de sécurité doit agir sur tous les plans à la fois, en étant inspirée par le principe de la restauration de l’État dans toute sa légitimité et sa capacité d’action.

L’État protecteur

Restaurer l’État, c’est se donner les moyens d’assurer partout la sécurité. C’est aussi protéger les travailleurs français. C’est peut-être sur ce terrain que l’État a été le plus largement désarmé au cours des dernières décennies, sous l’effet conjugué d’une fascination pour le libre-échange, revers du mondialisme, et de l’anesthésie bruxelloise dans le cadre de l’Union européenne.

Longtemps nié par nos élites, le phénomène des délocalisations est enfin reconnu aujourd’hui, trente ans après le début de l’hémorragie. Cette dramatique réalité touche progressivement l’ensemble de nos secteurs économiques, à mesure que montent en gamme les pays qui attirent comme des aimants nos usines et nos emplois : la Chine, l’Inde, bien sûr, mais aussi la Turquie, l’Europe de l’Est et le Maghreb. Il est illusoire de croire qu’on pourra s’en sortir dans le cadre actuel par la seule innovation, parce que ces pays concurrents sont eux aussi capables d’innover, ayant eu l’intelligence d’investir massivement dans une éducation de pointe, en mesure de leur fournir de bons techniciens et des ingénieurs de haut niveau. La situation est évidemment plus grave encore quand l’effort d’innovation est à la traîne comme c’est aujourd’hui le cas en France, par exemple par rapport à l’Allemagne et aux États-Unis.

Le système actuel, qui se traduit par l’ouverture totale et naïve des frontières, est un jeu de dupes. Hier, après beaucoup d’autres, on ouvrait le marché du textile européen, aujourd’hui c’est celui de l’automobile ; demain, plus aucune production, plus aucun salarié français, ne sera à l’abri. Dans ce cadre, seules deux perspectives s’ouvrent aux Français, aussi peu réjouissantes l’une que l’autre : le transfert des lieux de production et des centres de recherche vers les pays à moindre coût de main-d’œuvre, autrement dit les délocalisations, ou la baisse des salaires ici, pour espérer rester concurrentiel. C’est encore plus vrai, et plus rapide, en Europe, pour deux raisons principales : d’une part parce que l’euro est une monnaie chère, ce qui pénalise nos industries et accroît le coût de nos productions, d’autre part parce que l’Union européenne est devenue, traité après traité, la zone la plus ouverte aux quatre vents du monde.

Faire souffler aussi fort les rafales de la mondialisation débridée sur notre sol se traduit naturellement par une progression des délocalisations. Publiée les derniers jours de l’année 2011 dans Les Échos, une étude a fait grand bruit, en montrant que neuf cents usines ont fermé leurs portes en France ces trois dernières années. Ce cataclysme économique et social est le fruit de choix politiques désastreux, libre-échange en tête : le coût de l’importation en France de biens fabriqués dans des centres de production délocalisés étant devenu presque nul, du fait de la suppression des barrières douanières et de la baisse continue des frais de transport, et par conséquent une pression insupportable s’exerce sur les productions nationales. Celles-ci sont confrontées à une concurrence à bien des égards déloyale : sur un plan social, comment lutter face à des pays qui paient cinq, dix ou trente fois moins leurs travailleurs ? Sur un plan qualitatif, les entreprises des pays émergents ne sont pas soumises aux mêmes règles que les nôtres, on l’a malheureusement constaté au travers de tragiques exemples (des jouets pour nourrissons pas aux normes de sécurité par exemple). Quant au plan environnemental, c’est simple : il n’y a quasiment pas de normes sur la pollution dans la plupart de ces pays.

Je pense que ce choix de l’ouverture totale des frontières, à un niveau record en Europe et donc en France, est pure folie. Par obsession du marché ou rejet idéologique de l’idée de frontière, nos élites paraissant fascinées par le libre-échange, au point de l’avoir appliqué avec un zèle tout particulier chez nous, sans jamais s’émouvoir des dégâts éventuels. Cette fascination, ce dogmatisme presque religieux, qui ne supporte aucune critique ni contradiction, est d’autant plus incompréhensible que les résultats n’ont jamais été au rendez-vous. Il suffit de prendre un peu de recul, de consulter les statistiques, mêmes officielles, du chômage, de la croissance et du pouvoir d’achat, pour constater que plus l’Europe s’ouvre aux vents de la mondialisation, plus son économie plonge, et plus ses populations s’appauvrissent.

Là aussi, il faut restaurer la volonté politique et l’État. L’État protecteur que j’appelle de mes vœux se fixera comme objectif de sortir de l’idéologie mortifère du libre-échange généralisé pour protéger les travailleurs français. J’entends déjà les sarcasmes des bien-pensants qui me diront, n’ayant rien d’autre à répondre, que je veux reconstituer une sorte de « ligne Maginot » économique, ce qui est selon eux impossible.

Tout ça n’est pas sérieux. Je souhaite simplement mettre en place des solutions qui ont fait leurs preuves partout où il est possible de les appliquer, c’est-à-dire partout ailleurs que dans l’Europe de Bruxelles, où sont régulièrement réaffirmés des principes religieux de libre-échange issus de traités absurdes pensés dans les années cinquante… Comme notre Prix Nobel d’économie feu Maurice Allais, mais aussi comme Emmanuel Todd, comme les économistes Jean-Luc Gréau et Jacques Sapir, comme un autre Prix Nobel, Paul Krugman, je pense que le libre-échange n’est pas un horizon indépassable. Lorsque j’apprends que notre ministère de l’Agriculture lui-même ne propose pas forcément des fruits français à ses agents le midi à la cantine, oui, je me dis que quelque chose ne tourne pas rond !

J’en suis venue à la conclusion que seul l’État avait la capacité de mettre en place ces protections. L’Europe ne le fera jamais, parce que l’essence même de l’Union européenne, c’est le libre-échange. Encore dans le Traité de Lisbonne cette idée est rappelée avec force, à l’article 206 notamment. Croire qu’on pourra mettre en place des protections aux frontières de l’Europe dans le cadre de l’actuelle organisation bruxelloise est donc une utopie, et ceux qui l’espèrent risquent fort d’attendre très longtemps le début d’un commencement de réalisation.

Puisque l’Europe ne veut pas le faire, c’est à la France, cinquième puissance mondiale, de prendre ses responsabilités pour protéger son peuple et ses intérêts. L’État protecteur vise à ce que produire et consommer fran-çais ne soit plus un souvenir mais un objectif pour demain. Consommer français passera par l’instauration aux frontières de protections sociales et environnementales ciblées. Quand les États-Unis se sont sentis menacés de façon déloyale par les pneus fabriqués en Chine, ils ont décidé sans plus de manières de leur appliquer une taxe de 30 %. Nous devrions être capables d’avoir la même réactivité, et le même volontarisme. Quand la Russie souhaite donner un coup de pouce à ses producteurs de fruits et légumes en danger, elle met en place des normes phytosanitaires très strictes, constituant des filtres efficaces, quand bien même le PIB de ce pays reste très inférieur au nôtre. Nous ne devons pas nous interdire d’user des mêmes armes que les autres. Les « lignes Maginot » sont très loin de ma pensée, il s’agit simplement de ne plus accepter de regarder le monde en spectateur, arnaqué, mais de redevenir acteur de notre destin. La prospérité mondiale existe, mais nous n’en profitons plus depuis des années. La France n’est plus dans le jeu des nations en pointe parce qu’elle s’est isolée dans une politique économique absurde, de désarmement face à la mondialisation : c’est la politique de l’Union européenne, aggravée dans la zone euro. Je ne me résous pas à cet isolement de notre pays et de notre continent sur la scène mondiale. Notre retour dans le jeu est parfaitement possible, à condition de changer les règles d’un modèle économique dépassé, qui nous entrave et nous affaiblit.

L’État protecteur, c’est aussi consommer français. Dans cet objectif, une série d’instruments seront à notre disposition, à condition une nouvelle fois d’échapper au dogme européiste. Je n’ai pas l’intention de rentrer ici dans le détail, mais je lancerai quelques pistes sérieuses : rendre obligatoire l’achat par les administrations et les collectivités locales de produits fabriqués en France dans le cadre d’une loi « Achetons français » bâtie sur le modèle des lois « Buy Brazilian » ou « Buy American », créer des aides au rapatriement des centres de production d’entreprises ayant délocalisé sous la contrainte, conditionner systématiquement à l’interdiction de délocaliser les aides publiques aux entreprises (ce qui est aujourd’hui interdit par les traités européens), faire la promotion des produits fabriqués en France via de vastes campagnes régionales et nationales de communication (sur le modèle du « Buy English » anglais), mettre en place un « small business act » à la française, c’est-à-dire un soutien particulier aux PME françaises via l’attribution prioritaire de marchés publics. Sur ce dernier point, souvenons-nous de la campagne présidentielle de 2007 : deux candidats, François Bayrou et Nicolas Sarkozy avaient fait cette même proposition. Mais avaient-ils pris le soin de nous expliquer que cela nécessitait de revoir en profondeur les traités européens qui interdisent de telles mesures préférentielles ? Certainement pas. Les PME espèrent toujours aujourd’hui le « small business act » qu’on leur avait promis ; et je peux vous garantir qu’elles risquent de l’attendre longtemps encore, Nicolas Sarkozy ayant gravé dans le marbre du Traité de Lisbonne son impossibilité technique. Bel exemple d’hypocrisie électoraliste !

Voilà quelques idées, qui s’inscrivent dans un schéma de rupture cohérent et ambitieux. Les plus accros au libre-échange me diront que la forme de protectionnisme que je propose se traduira par une hausse du prix des produits vendus et donc un appauvrissement du consommateur. Je leur répondrai que le système actuel, sous prétexte d’aider le consommateur, appauvrit considérablement le salarié en rendant impossible la hausse des salaires. Un salarié appauvri ne peut pas devenir par miracle un consommateur enrichi. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de faire un bilan de la politique menée depuis trente ans et de mesurer si in fine le consommateur est bien gagnant. Est-on certain que l’envahissement des linéaires de grandes surfaces par des produits chinois a profité aux consommateurs ? Pourquoi des produits achetés en masse une bouchée de pain sont-ils vendus l’équivalent d’une heure de SMIC dans les grandes surfaces ? N’est-il pas temps aussi de poser la question des marges indécentes de la grande distribution, marges avant et marges arrière, qui constituent l’une des captations les plus scandaleuses du pouvoir d’achat de nos compatriotes ? Je ferai trembler les bastilles de la grande distribution et des centrales d’achat, ces amis du pouvoir, de tous les pouvoirs, que personne n’ose contester en face.

Enfin, la planification stratégique de la réindustrialisation, que je souhaite mettre en place directement auprès du Premier ministre, ne sera pleinement efficace qu’à condition que notre pays sorte de la nasse de la crise de l’euro. Voilà des mois et des années que j’alerte dans toutes mes réunions publiques, et sur tous les plateaux de télévision, l’opinion publique et que je prédis la crise systémique de l’euro. Je l’ai fait sous les railleries d’un système qui n’a jamais rien prévu à l’avance, mais qui est toujours prompt à décrédibiliser les ennemis du statu quo ; j’ai décrit précisément la crise de l’euro, son mécanisme, et les solutions pour en sortir. Je n’ai pas de mérite particulier, j’ai simplement agi en responsable politique digne de ce nom, sans œillères idéologiques, soucieuse de confronter tous les points de vue et d’écouter tous les économistes. À la différence d’un gouvernement et de vieux partis autistes, embourbés dans leur idéologique de « l’euro à tout prix », j’ai très vite mesuré la gravité de la crise et proposé un plan de redressement national via la liberté monétaire.
J’ai alors touché au Dogme absolu. L’euro, symbole s’il en est de l’échec d’une génération, de l’échec d’une idéologie totale qui a tant promis, qui a tant menti, qui a tant trahi. Une monnaie qui nous plombe depuis sa création il y a dix ans : la zone euro est la région du monde qui connaît la plus faible croissance, qui voit la dette augmenter le plus vite. Les pays européens qui ont fait le choix de conserver leur monnaie nationale sont plus vigoureux : la Suède, accrochée à sa fière couronne suédoise, voit en 2011 son PIB croître de 4 %, dans un contexte d’excédent budgétaire. Et pourtant, que n’avait-on pas dit aux Suédois en 2003 lors d’un référendum sur l’euro pour les inciter à accepter la monnaie unique ?

On leur avait promis l’enfer, l’isolement et la marginalisation s’ils osaient repousser la monnaie unique. Gauche, droite, syndicats, patronat, médias : toute la Caste avait entonné cette chanson, celle que les Français entendent dès qu’il est question de changer les règles du jeu. Les Suédois, avec un courage et une lucidité remarquables, n’ont écouté qu’eux-mêmes et décidé à 57 % de conserver la couronne suédoise. Quelle excellente décision, dont ils bénéficient à plein aujourd’hui ! Les derniers sondages révèlent que plus de 80 % des Suédois ne veulent pas entendre parler de l’euro, un record…

À l’aube de cette année 2012, le débat progresse enfin en France. Certes, nous ne sommes pas encore l’Allemagne, pays où la question de la monnaie unique est discutée sans tabous ni préjugés depuis des mois déjà. Mais mes coups de bélier contre la porte d’un système cadenassé à triple tour ont déjà produit leurs premiers effets : le débat avance. Ici et là, dans Le Monde du 21 décembre 2011 par exemple, on admet que d’autres se préparent à la fin de l’euro, qu’ils l’anticipent pour ne pas la subir, ce qui correspond exactement à ce que je préconise depuis le départ. Ainsi, nous avons appris que de grandes banques, de grandes entreprises comme Legrand ou Adidas ont défini des plans de retour aux monnaies nationales, pour que la transition se fasse dans l’organisation et non le chaos.

Je le dis et le répète, avec tant d’économistes pas suffisamment écoutés : l’euro n’est pas une monnaie viable, il est hors de question de tout sacrifier, notre modèle social et nos retraites en premier lieu, pour tenter de sauver ce nouveau Dieu : c’est une posture d’autant plus absurde que cette monnaie n’a jamais fait ses preuves. Il est anormal et inadmissible que la France ait alourdi sa dette, en catimini, de 50 milliards d’euros supplémentaires pour renflouer la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Nous devons, en concertation avec nos partenaires européens, organiser l’après-euro et mettre fin à cette expérience ratée. Le couple franco-allemand pourra jouer un rôle moteur dans ce processus de retour aux monnaies nationales, qui se fera progressivement, sur une durée de six à huit mois.

Bref, j’appelle la Caste aux manettes à se décongeler les neurones et à accepter de revoir son logiciel idéologique. Si elle s’y refuse, elle doit laisser sa place à ceux qui ont vu juste et qui ont les solutions pour sortir la France du bourbier de l’euro. L’euro n’est qu’un instrument monétaire et non un totem à qui on sacrifie tout. Il est temps de s’en rappeler, pour cesser de courir droit vers le mur.

Je ne peux clore ce chapitre sans préciser que cette politique de réindustralisation et de relocalisation des activités est la seule qui permettra l’écologie véritable. C’est en produisant sur place, au plus près des lieux de consommation, qu’on évite les transports polluants et l’importation massive de produits conçus dans des pays sans normes environnementales. Alors que les transports constituent de loin la première source de gaz à effet de serre (plus de 40 % du total), et que la Chine est devenue le plus gros pollueur du monde, on comprend aisément que le système mondialiste fondé sur le libre-échange intégral n’est pas acceptable d’un point de vue écologique. C’est bien d’ailleurs à ce niveau que se situe la contradiction majeure du courant écologique politique français, incarné par Daniel Cohn-Bendit ou Éva Joly, qui pré-tend d’une part sauver la planète de la pollution, mais qui d’autre part est toujours le premier à soutenir l’Europe de Bruxelles, ses traités et son acceptation béate de la mondialisation. Je l’écris sans détour : se dire écologiste et défendre l’Union européenne actuelle relève d’une complète imposture. L’Union européenne est une machine à faire de la mondialisation, du libre-échange, et à dissocier lieux de production et de consommation. C’est donc une machine à polluer et à émettre du CO2.
Tant que les écologistes français, à l’instar de l’UMP et du PS qui prétendent eux aussi avoir la fibre verte, continueront de soutenir, voter et appliquer un système qui met dix mille kilomètres entre les lieux où l’on produit, ceux où l’on consomme et ceux où l’on recycle, alors ils continueront de duper leurs électeurs.

Rappelons au passage qu’ils les trompent davantage encore quand ils cessent de parler des pollutions avérées, celles qui contaminent nos terres et nos eaux, et qu’ils focalisent leur attention sur un seul et unique problème. Ces pollutions sont pourtant celles qui font le plus de dégâts sur les écosystèmes végétaux, animaux et humains. Sous la pression de puissants lobbies, plus personne n’en parle. Moi je n’ai pas l’intention de me taire.

Produire et consommer français, sur place, est la seule politique environnementale sérieuse. Pour cette raison, l’État protecteur est un État social, mais aussi un État écolo.

L’État solidaire

À la célèbre phrase de Jaurès déjà citée, j’ajoute que la patrie a le devoir d’aider celui qui n’a plus rien, de rendre vivant le principe de solidarité nationale. En effet, qu’est-ce qu’une nation sans solidarité ? La fraternité, la vraie, ce n’est pas se prévaloir la main sur le cœur des « droits de l’homme » dans tous ses discours. C’est celle qui a des effets concrets, via la solidarité dans le cadre national, parce que c’est bien là qu’existe un lien naturel entre les citoyens, qu’on a les moyens d’agir, et qu’un responsable politique mandaté par le peuple a le devoir de le faire.

Au service de cette ambition, il y a l’État. L’État solidaire que je promeus, c’est l’État qui n’oublie personne, ni aucun territoire. Qu’ils vivent en ville ou à la campagne, les Français doivent pouvoir bénéficier des mêmes droits. À cet égard, la disparition progressive des services publics des campagnes et des lointaines banlieues est une faute majeure, parce qu’elle pénalise en premier ceux qui sont déjà le plus à l’écart des emplois, de l’activité, des lieux de loisir et de culture. Rendez-vous compte que certains villages ont perdu en l’espace de quelques années leur caserne, leur collège, leur gendarmerie, et maintenant leur bureau de poste ! Ce recul du service public est vécu dans la plupart des cas comme un profond traumatisme, qui accélère la désertification, le découragement et renforce le sentiment d’abandon. C’est d’autant plus regrettable qu’on assiste depuis quelque temps à un réveil des campagnes, à l’initiative de mouvements associatifs et de maires pleins d’idées et d’envie. Il ne faut pas briser cet élan. Il faut au contraire l’encourager, et apporter le soutien de la communauté nationale à cette énergie en partant à la reconquête de ces régions. Cela passera par un retour massif du service public et de l’État qui doit cesser de laisser la seule logique du marché et du profit l’emporter.

Il ne faut pas se contenter, comme trop souvent, d’affirmer cet attachement au service public. Il faut aussi se donner les moyens de rendre possible cette politique, et c’est là que notre cohérence fait la différence. Rien en effet ne sera envisageable tant que nous n’aurons pas rompu avec le dogmatisme euro-libéral : sans volonté de revoir les traités européens, tout n’est au fond que verbiage et mensonge. Le 13 décembre 2009, en application d’injonctions européennes, ce fut au tour du transport sur rail des voyageurs d’entamer sa libéralisation. La SNCF a perdu son monopole, au profit d’opérateurs privés, souvent étrangers, qui sont, on s’en doute, peu sensibilisés aux problématiques françaises de service public. La Poste a connu le même sort, obligée par d’autres directives de Bruxelles d’ouvrir son marché et par là même de fermer la moitié de ses bureaux, les moins « rentables » bien sûr. Rappelons qu’en Espagne, la société de courrier locale Correos a appliqué en 2007 la libéralisation européenne et que désormais dans ce pays, les habitations situées à plus de deux cent cinquante mètres d’une voie principale ne sont plus desservies. Cette perspective, je ne la souhaite pas pour notre pays, et c’est pourtant vers elle que nous mènent les politiques de destruction du service public conduites avec le même entrain par les gouvernements de gauche et de droite depuis près de deux décennies. Je l’ai dit : je redonnerai à la Poste son statut naturel, celui d’établissement public de l’État, et non de société anonyme, parce qu’on prépare en douce sa privatisation.

L’État solidaire, c’est donc l’État qui réaffirme les services publics, qui en assure la maîtrise, qui ne laisse aucun territoire de côté, conscient de l’impératif de modernisation et d’innovation. La situation budgétaire que nous lèguent les gouvernements précédents ne permettra pas une reconquête immédiate du capital des entreprises stratégiques de service public, mais cet objectif sera atteint progressivement au fur et à mesure du redressement des comptes de la nation.

L’État solidaire assurera aussi une redistribution équitable des richesses aux niveaux national et local. L’impôt se justifie pleinement sur le principe, à condition qu’il soit juste, progressif et qu’il corresponde à une réelle nécessité. Les trente taxes mises en place par Nicolas Sarkozy depuis son arrivée à l’Élysée ne remplissent pas ces conditions, de même que l’alourdissement ahurissant des impôts locaux, fruit d’une gestion sans rigueur et d’une décentralisation non maîtrisée. Outre le fait qu’elle est inutile, la taxe carbone illustre d’ailleurs parfaitement cette fiscalité injuste, opposée à la fiscalité solidaire que je préconise. Une fiscalité solidaire sera celle qui cessera d’écraser les classes moyennes, déjà accablées par la hausse des impôts locaux et les taxes Sarkozy : elle frappera très lourdement les comportements hyper spéculatifs irresponsables et les bonus obtenus sur le dos des activités de production. Elle cessera aussi de considérer de la même façon la firme multinationale à hauts rendements, qui fait la force de la France si elle respecte les règles d’éthique et qu’elle investit dans notre pays, et la petite et moyenne entreprise, qui repose sur le dévouement des petits patrons et d’éventuels employés qui ne comptent pas leurs heures. La France a besoin d’un tissu dense de TPE et PME, ce qui justifie une plus grande progressivité de la fiscalité sur les entreprises et implique qu’on cesse de les accabler. Il faut aider davantage les entreprises les plus fragiles, celles qui ont besoin d’un vrai coup de pouce fiscal pour décoller. Nous en sommes très loin. Les quarante plus importantes sociétés françaises payent deux 2,3 fois moins d’impôts sur les bénéfices que les petites et moyennes entreprises, selon plusieurs rapports du Conseil des prélèvements obligatoires.

Enfin, l’État solidaire n’oubliera pas celles à qui nous devons tout, celles qui ont, par leur travail et leurs efforts, contribué à bâtir notre nation : les personnes âgées. Parmi les promesses non tenues de Nicolas Sarkozy, l’abandon de nos aînés est peut-être ce qui me révolte le plus. Je suis frappée de rencontrer quotidiennement au fil de mes visites et déplacements un nombre croissant de Français âgés dans un état de précarité, voire de dénuement, intolérable. Il n’est pas acceptable que ceux à qui nous devons tant de choses, ceux qui se sont parfois battus pour notre liberté et notre indépendance, ceux qui ont reconstruit nos villes, entretenu nos paysages, soient à ce point abandonnés.

D’une façon plus indirecte que les travailleurs, les personnes âgées aussi subissent le dogmatisme fou du mondialisme et du libre-échange européen. Cet élément a rarement été perçu, il est pourtant évident que l’atonie de la croissance économique, conséquence de ce modèle, les pénalise en pesant sur les budgets sociaux qui leur sont destinés. Ainsi, il faut permettre une vraie revalorisation de leur pouvoir d’achat, via une augmentation des petites pensions et du minimum vieillesse. Il faut d’une manière générale s’occuper bien davantage qu’on ne le fait aujourd’hui des Français des troisième et quatrième âges. La politique de restauration de la France et de la volonté politique que je propose s’adresse donc aussi pleinement à elles. Peut-être même d’abord à elles, parce qu’un pays qui commet la faute morale de ne pas prendre soin de ses anciens est voué à l’explosion sociale, incapable de s’appuyer sur de solides fondations pour construire l’avenir.

Je souhaite en outre que nos seniors aient toute leur place dans la réindustrialisation de la France. Ils sont détenteurs d’un savoir-faire et de compétences que nous n’avons pas le droit de perdre, et qui seront indispensables aux nouvelles générations pour redresser la barre. Dans tous les domaines, industriel bien sûr, mais aussi artisanal et agricole, l’État devra organiser avec les filières adéquates la transmission des savoir-faire et des compétences de nos seniors vers les jeunes. Souvent jetés du marché du travail à cinquante-trois ou cinquante-cinq ans, les seniors pourront relever ce défi que je leur propose, défi également ouvert à nos jeunes retraités volontaires. Le savoir-faire français est un trésor, il n’est pas question de le voir s’éteindre.

L’État stratège

Peut-on vraiment dire que la France ces dernières décennies a été mal gouvernée ? Je ne le pense pas. Ce serait en effet faire trop d’honneur aux responsables politiques qui se sont succédé à la tête de l’État que de considérer qu’ils ont d’une quelconque manière tenu le gouvernail du pays. Ils se sont en réalité contentés de « gérer » la France, au jour le jour, en reprenant, sans les questionner, les dogmes des équipes précédentes. La France n’est pas gouvernée, elle n’est même pas dirigée, ne sachant pas dans quelle direction elle va. Elle n’est que gérée, et de surcroît mal gérée. Le mandat de Nicolas Sarkozy en aura donné un nouvel exemple, peut-être le plus abracadabrant de tous, en défaisant méthodiquement en fin de mandat tout ce qu’il a fait les premières années… Citons par exemple la suppression du bouclier fiscal, présenté auparavant comme un remède miracle. De surcroît tout ceci se fait au prix d’une insécurité juridique très déstabilisante pour les acteurs économiques.

Cette situation s’explique à mon sens par le manque de confiance de nos élites dans la France. Comment en effet dessiner un cap pour un pays quand on ne croit pas en son avenir ? Comment lui indiquer une direction à moyen et long terme quand on a pour obsession de le fondre dans le magma de la mondialisation et de l’Europe ?

Le bateau France navigue à courte vue. Il ne suit aucun cap. Sans capitaine, il ne peut éviter les obstacles qui se dressent sur sa route qu’au dernier moment. Sans capitaine, chacun vaque sans se préoccuper de l’autre.

La France a besoin de savoir où elle va. Il est indispensable qu’elle se fixe des projets à horizon de plusieurs années ou décennies, de façon à relever les défis de l’innovation, de cesser de prendre les trains en marche et de redevenir une locomotive. La France est l’un de ces pays qui est capable du meilleur à condition qu’il sache où il va, et pourquoi il y va.

Il est temps de remettre de la stratégie dans la direction des affaires de la France.

L’État stratège que je suggère aura pour mission de réveiller notre pays, d’impulser et de catalyser les meilleurs projets pour demain, de mobiliser ses innombrables talents. La France par exemple dispose d’organismes de recherche publics d’envergure internationale présents sur tous les secteurs de l’innovation : CNRS, CEA, INSERM, Institut Pasteur, INRA, etc. Nos grandes écoles sont réputées dans le monde entier. Nous avons dans un passé récent été moteurs de projets magnifiques, Ariane et Airbus bien sûr, qui ne doivent rien à la super-technocratie européenne, mais aussi dans les domaines agroalimentaire et scientifique.

Si l’État stratège occupe le devant de la scène, s’il retrouve son rôle moteur quand la France avance, s’il fait coopérer des acteurs privés, publics, français et étrangers quand ils apportent une valeur ajoutée au projet, alors j’entrevois le meilleur pour notre pays. La France a les moyens d’être une grande puissance du XXIe siècle. Elle pourra par exemple exploiter au mieux ses gigantesques richesses agricoles et contribuer à nourrir une Terre peuplée de 9 milliards d’habitants en 2050, alors que l’inaction actuelle décime nos paysans, qui ont vu en deux ans leurs revenus fondre de près de 50 %. La France doit aussi participer beaucoup plus activement qu’aujourd’hui à l’aventure spatiale, elle a les moyens d’incarner une puissance scientifique de premier plan. La France aussi, ne l’oublions jamais, c’est un vaste territoire outremer, qui doit être mieux arrimé à la République, conformément à la volonté de nos concitoyens ultra-marins, parce qu’il est synonyme d’une présence et d’un rayonnement planétaire ; partout dans le monde, les Français doivent se sentir impliqués dans une dynamique nationale qui n’est pas que celle de la métropole. « Sans ambition il n’y a pas de talent » disait Nina Berberova, écrivain francophone issue d’un autre grand pays, la Russie.

Relever cette ambition suppose de réunir plusieurs facteurs : il faudra en premier lieu modifier radicalement la perception qu’on se fait du pays en haut lieu. C’est en misant sur son avenir qu’on le rendra possible, pas en pratiquant une politique systématique de rabaissement, de repentance et de dilution des volontés collectives.

Il faudra ensuite, sur ce plan également, réarmer l’État en lui donnant les moyens d’avoir une réelle vision prospective. Après la suppression du commissariat au plan, le Centre d’analyse stratégique, rattaché au Premier ministre, n’a pas été en mesure d’atteindre ce but, n’ayant ni le soutien politique ni les moyens nécessaires. L’État stratège dégagera des marges de manœuvre bien plus conséquentes qu’aujourd’hui pour l’investissement, en contrepartie d’économies qu’il est urgent de réaliser sur des postes de dépenses aussi inutiles que nocives pour la nation. Pensons à la fraude sociale, évaluée dans un rapport parlementaire publié en juin 2011 à 20 milliards d’euros par an et à l’immigration, dont les belles âmes affirment qu’elle enrichit le pays alors que les travaux sérieux tels ceux des universitaires Jean-Paul Gourévitch ou Yves-Marie Laulan évaluent son coût net entre 30 et 70 milliards d’euros par an.

L’Aide médicale d’État notamment, créée par Lionel Jospin en 2000, réservée aux clandestins et dont le coût explose chaque année (plus de 600 millions d’euros en 2011), est un scandale auquel il faut mettre fin, plus encore à l’heure où des priorités budgétaires amènent nos gouvernements à allonger sans cesse la liste des médicaments déremboursés, à augmenter le forfait hospitalier et à pousser à la hausse le tarif des mutuelles. N’oublions pas le coût formidable des plans de renflouement à répétition des pays victimes de l’euro (32 milliards d’endettement supplémentaire pour la seule Grèce), qui pèse sur notre dette publique, et donc sur les échéances que nous remboursons, et qui demain se concrétiseront à coup sûr par des dépenses supplémentaires. En outre, chaque année, la France verse 20 milliards d’euros au budget de l’Union européenne, pour n’en récupérer que 13, aides agricoles de la PAC comprises. Il y a là aussi d’urgentes économies à réaliser. Ce programme devra être mis en musique par des dirigeants politiques dignes de ce nom, pour qui ambition, prévision et imagination ne sont pas que des mots.

L’imagination au pouvoir, voilà un slogan que je reprendrais bien à mon compte… Nos dirigeants depuis une trentaine d’années en manquent si cruellement ! Parce qu’une certaine idéologie leur a dit un beau jour que l’État n’était plus à la mode, ils l’ont laissé tomber. Je suis persuadée qu’on doit au contraire s’appuyer sur la puissance d’action qu’il incarne, et inventer de nouvelles façons de faire. L’État stratège reste largement à construire. Il ne sera pas l’État colbertiste des années soixante, parce que cinquante ans ont passé depuis, mais il ne s’interdira pas de reprendre les meilleures choses de l’époque et de traduire dans les faits le volontarisme de l’action publique. Il ne sera en aucune manière non plus l’État minimal imposé par le modèle euro-libéral. Il sera un État ambitieux et fier, celui dont j’ai dessiné ici les contours et les grands principes. La France a besoin de renouveler sans cesse son modèle, sans copier les autres sous prétexte de suivre telle ou telle mode. Trouver cet équilibre suppose un effort d’imagination auquel nos élites ne s’astreignent plus suffisamment, faute d’ambition pour la France.

L’État influent

La mondialisation ultralibérale n’exerce pas ses ravages exclusivement dans le domaine économique ou moral. Elle ravale la France, par la seule volonté de dirigeants asservis aux diktats du mondialisme, au rang de puissance de seconde zone. La France ne parle plus dans le monde, elle aboie comme le roquet des Américains, en Irak, en Afghanistan, en Libye, et peut-être demain en Iran.

Du statut de puissance respectée, entendue et écoutée sous de Gaulle, on est passé à celui de toutou des États-Unis. Entre les deux ? Une longue chaîne de renoncements. Force est de constater que Nicolas Sarkozy n’est pas le responsable unique de ce déclassement mais qu’il est bien celui d’une acceptation décomplexée de l’asservissement total de notre pays.

La France n’est pourtant pas que cette petite péninsule occidentale de l’immense Eurasie, elle n’est pas seulement 1 % de la population du monde. La France c’est une Histoire millénaire, un apport essentiel à la civilisation, le corpus chrétien laïcisé par le Siècle des Lumières, une langue universelle.

Après avoir été la Mère des armes, des arts et des lois, elle proclamait à la face de l’univers Liberté, Égalité, Fraternité ; par les guerres certes, la colonisation bien sûr, avec son cortège de drames, d’atrocités, d’échecs mais aussi de réussites, d’aventures humaines magnifiques, de progrès flamboyants. Ce qui faisait dire au roi Albert : « Le génie de la France est une source où de tout temps puisa la pensée des peuples libres ». Ce qui explique, quoi qu’en disent nos spécialistes de l’auto-flagellation et de la repentance, que l’écho de la parole de la France dans le monde a survécu, quand elle est libre.

La politique étrangère conduite depuis la dernière décennie tourne le dos à cette tradition, et à nos intérêts. L’alignement sur les États-Unis va à l’encontre de la vocation de notre pays, normalement toujours en lutte contre les blocs ou la puissance dominante de l’époque, pour proposer aux peuples du monde une autre voie.

Contre Charles-Quint et l’empire espagnol, contre les Habsbourg, la prédominance anglaise ou l’empire allemand, la France a toujours cherché à obtenir un équilibre stratégique qui lui permette d’exister et de faire entendre sa voix dans le monde.

Cette politique étrangère s’est à travers les siècles généralement appuyée sur l’alliance avec la Russie et une politique arabe (Haroun Al-Rachid et Charlemagne ou François Ier et Soliman la symbolisaient déjà), des rapprochements avec les non-alignés de toutes les époques, au bénéfice de notre commerce extérieur et de cette indépendance nationale à laquelle les Français demeurent très attachés.

L’incarnation de cette politique étrangère conforme aux seuls intérêts de la France fut celle du Général de Gaulle, qui nous assura une autonomie réelle, par la constitution de la force de frappe nucléaire, des liens avec les pays arabes nous permettant un approvisionnement énergétique régulier, et une influence réelle dans le Tiers-monde. Un jeu subtil permit à la France d’être entendue entre les deux grands, États-Unis et URSS.

Un esprit a-historique comme celui de notre président est incapable de concevoir les permanences et les pesanteurs qui sous-tendent les politiques étrangères des nations. Elles sont pourtant le creuset fondamental de l’intérêt national.

La politique étrangère que j’appelle de mes vœux passe par la réhabilitation du concept de puissance, concept que nous avons abandonné à mesure que nous nous défaisions de nos outils d’influence et que nous nous fondions dans le magma européen. Dans ce cadre, notre intérêt national est de renouer l’alliance traditionnelle avec la Russie pour contrebalancer l’impérialisme exacerbé d’une Amérique aujourd’hui sans contrepoids, cherchant à obtenir l’endiguement de cette puissance renaissante. S’appuyer sur la Russie aujourd’hui c’est créer le véritable espace européen de l’Atlantique à l’Oural, l’Europe des patries poursuivant leurs intérêts nationaux et associées dans une communauté de civilisation, bien éloignée du modèle communautariste ultralibéral américain vers lequel l’Union européenne nous conduit.

Se tourner vers la Russie, c’est aussi lui éviter la tentation de l’action solitaire, porte ouverte à toutes les aventures, comme le montre l’exemple des États-Unis exerçant seuls leur hégémonie mondiale en Irak, en Afghanistan ou dans leurs rapports avec l’Iran.

La confrontation que l’on pressent déjà entre les États-Unis et l’empire du Milieu, une Chine en expansion continue, nécessitera aussi une voix libre et indépendante, celle de la France. Elle devra aussi renouer le dialogue avec le Moyen-Orient et se tourner vers les puissances arabes.

En Afrique et en Asie, la France devra cesser d’abandonner ses anciennes colonies, devenues aujourd’hui partenaires de cœur et d’intérêt. Elle devra forger avec elles une nouvelle relation décomplexée et fondée sur une politique de co-développement, corollaire indispensable à nos actions vigoureuses en France contre l’immigration clandestine.

Cette nouvelle politique d’influence que je viens de brosser à grands traits ne sera cependant possible qu’à deux conditions.

Il faudra d’abord retrouver notre liberté et notre voix en nous dégageant du carcan européen. Vassalisée aux États-Unis, l’Union européenne n’envisage pas une seule seconde d’incarner une puissance de contrepoids. On a vendu le projet européiste aux Français en tentant de faire croire le contraire, en les persuadant que c’était le seul moyen de retrouver une influence perdue, ils perçoivent désormais qu’à chaque crise internationale, la position officielle de l’UE est en réalité le décalque de celle des États-Unis, l’expression d’une faiblesse et non celle d’une puissance. Ils ont vu que l’actuel président de la commission de Bruxelles, le Portugais

José Manuel Barroso, avait engagé son pays dans la guerre en Irak aux côtés de George Bush alors qu’il était Premier ministre en 2003. Ils doivent aussi savoir que les traités européens mentionnent désormais explicitement l’OTAN, organisation militaire à la botte des États-Unis, comme « le fondement de la défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».

À ce sujet, l’Union eut pendant de longues années, jusque 2009, un haut représentant pour la politique extérieure en la personne de Javier Solana, ancien secrétaire général de l’OTAN… La France n’agira pas de façon isolée, c’est certain, mais elle n’agira de toute façon plus du tout si elle reste dans le cadre anesthésiant de l’Europe de Bruxelles. Entre les deux, il y a le chemin que j’ai tracé.

Pour conduire sa politique mondiale, j’ai l’intime conviction que la France doit bien davantage s’appuyer sur l’une de ses plus grandes forces, son formidable espace maritime, le deuxième du monde. La mer est une richesse infinie, à tous les niveaux, que nous sommes loin d’avoir fini de sonder. Puissance maritime, la France prendra appui sur ses départements et collectivités d’outre-mer, restaurés dans leur fierté et leur dynamisme pour partir ensemble à la conquête de l’or bleu.

La seconde condition de la grandeur et de la liberté pour la France s’appuiera sur la restauration de notre outil de défense, dont les dépenses devront représenter 2 % du PIB d’ici 2017. Il faudra cesser de démanteler l’armée, saignée encore de quarante-cinq mille emplois civils et militaires supplémentaires dans le cadre du livre blanc. Il est criminel dans le contexte international actuel de réduire à peau de chagrin notre défense nationale et de multiplier les fermetures de casernes. Iront-ils jusqu’à remettre en cause la dissuasion nucléaire ? Espérons qu’ils n’auront pas le temps de nous engager dans cette folie… J’appelle sur ce sujet-là aussi à ce qu’on retrouve foi en la France. Nous ne sommes pas rien. Nous avons les moyens de nos légitimes ambitions, sous réserve qu’on change rapidement de cap.

L’État solide

Cette voie du redressement ne pourra être empruntée que si les bases financières du pays sont saines. Dire que ce n’est pas le cas aujourd’hui est un doux euphémisme. En trente ans, pas un budget de l’État n’a été voté en équilibre, depuis Raymond Barre ! L’éclatement de la crise de la dette, qui a pris un tour dramatique en 2011, en particulier au sein de la zone euro, a mis le projecteur sur l’état de délitement des finances publiques de nos pays, et de la France en particulier. Les collectivités locales peuvent se permettre de ne pas afficher de déficit trop sévère uniquement parce qu’elles reçoivent de l’État des sommes faramineuses, en augmentation constante (près de 60 milliards d’euros cette année). Inutile de nous appesantir sur l’état catastrophique des budgets sociaux, le « trou de la Sécu » est devenu un abîme… Il y a une voie d’eau dans les finances publiques, qui grossit chaque année, et qui finit par menacer le bateau. Le compteur de la dette publique française s’emballe, affichant désormais 1 700 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter environ 1000 milliards de provisions pour assurer le financement des retraites des fonctionnaires.

La France est aujourd’hui en proie à deux accélérateurs de dette : Nicolas Sarkozy, le Président de la dette qui affiche le record peu enviable d’accroissement de la dette maximale pour un président (+ 500 milliards d’euros durant le quinquennat), et l’euro, la monnaie de la dette, qui a précipité dans le surendettement les pays qui l’ont adopté. Survenue sur un organisme profondément affaibli par la monnaie unique, la crise de 2008 a provoqué dans la zone euro des dégâts économiques et sociaux inégalés ailleurs.

La dette est-elle indolore ? À l’évidence non. Toute dette contractée aujourd’hui est évidemment un impôt pour demain, et après-demain ! Ce sont nos enfants, et leurs enfants, et sûrement même les enfants de leurs enfants, que nous sommes en train d’accabler par notre impéritie. Dans ce contexte, le débat sur le fameux « grand emprunt » voulu par Nicolas Sarkozy à la fin de l’année 2009 avait quelque chose de surréaliste. Les 35 milliards d’euros supplémentaires empruntés auprès des marchés ne représentent qu’une dette de plus, et ne peuvent en aucun cas être qualifiés d’acte courageux, ou même de « défi », comme j’ai pu le lire ici ou là. Rien n’est plus simple que de s’endetter. Rien n’est plus facile que de rester prisonnier du « Système euro », un système de mutualisation de la dette, à travers le FMI, le FESF puis le MES, qui oblige les pays membres de l’euro à participer au renflouement des autres pays victimes de la monnaie unique. L’opération symbolique des jeunes militants du Front national en septembre 2011, qui devant l’Assemblée nationale ont jeté de faux billets de 500 euros à la Seine, visait à faire prendre conscience aux Français de ce que leur représentation nationale est en train, dans leur dos et sans débat, de jeter leur argent par les fenêtres dans le seul but, illusoire, de renflouer une monnaie unique dont le cours haut ne favorise que les riches. Cette politique d’aggravation de notre surendettement s’assimile davantage à de l’acharnement thérapeutique qu’à une saine gestion des deniers publics. L’euro est une monnaie morte qu’on essaie de ranimer à coup de centaines de milliards d’euros, qui ne tombent pas du ciel, mais qui manqueront cruellement aux Français et aux plus misérables d’entre nous, un jour ou l’autre.

Les Français ont le droit d’exiger l’arrêt de cette politique de fuite en avant. Ils peuvent réclamer l’État solide, c’est-à-dire l’État qui prendra les décisions capables de combler les trous et de remettre les comptes publics à flots.

Deux pistes complémentaires se dessinent. D’abord, il faut revenir sur ce principe complètement fou qui veut que l’État soit obligé d’emprunter auprès des banques et des institutions financières, au prix d’intérêts très élevés. Rembourser deux fois la dette en raison des intérêts est inacceptable. Ce système, d’inspiration ultralibérale et imposé sous la pression du lobby des banques et de la finance internationale, est celui qui prévaut en France depuis une loi de 1973, considérablement durcie par le Traité de Maastricht, qui dans son article 104 interdit aux banques centrales d’accorder tout type de crédit au Trésor public et à tout organisme public. La banque de France doit retrouver la possibilité de prêter à l’État à taux nul. Une nouvelle fois, le carcan européen nuit à notre prospérité, et profite d’abord à certains groupes de pression très influents. Il faudra donc sur ce plan-là aussi nous en dégager, nous libérer du joug d’une banque centrale de Francfort qui nous a conduits d’échec en échec, et renouer avec le volontarisme, en reprenant le contrôle de notre politique monétaire.

Dans ce nouveau cadre, comment rétablir la situation ? Il faudra faire des économies, certes, mais les bonnes ! Entendons-nous bien, par économies, je vise la mauvaise dépense publique, c’est-à-dire les dépenses inutiles, voire nocives, dont personne n’ose jamais parler, qui représentent pourtant des marges considérables. Je pense au coût de l’immigration, qui pèse sur nos finances publiques à tous les niveaux, logement, école, transports, aides sociales, et dont la charge financière est estimée à environ 60 milliards d’euros par an, dont plusieurs milliards imputables à la seule politique de la ville menée à fonds perdus. La fraude sociale est aussi une source de dérives de premier ordre. Il y a dans notre pays 10 millions de cartes vitales de plus qu’il n’y a d’assurés sociaux. La fraude à la Sécurité sociale est massive, et doit être combattue non seulement parce qu’elle obère fortement nos budgets sociaux, mais aussi parce qu’elle est moralement scandaleuse. Les fils de la fraude sont devenus tellement inextricables que seule une grande opération nationale de recensement des assurés sociaux pourrait remettre de l’ordre. Je propose ainsi que sur une durée de trois mois l’ensemble des titulaires d’une carte vitale se présentent en préfecture, sous-préfecture ou dans un centre de Sécurité sociale afin de se signaler ; l’ensemble des cartes qui n’auront trouvé aucun titulaire au bout de ces trois mois seront désactivées. Voilà qui permettrait, en peu de temps, et à moindre frais, de réduire la fraude dans de très fortes proportions, et de récupérer une manne financière considérable. Voilà aussi qui serait socialement plus juste que de continuer à dérembourser les médicaments, ou encore d’instaurer des franchises médicales.

Je note enfin deux sources d’économies aux deux extrémités de la politique d’affaiblissement de l’État : l’Europe et la décentralisation. La décentralisation, je n’y reviens pas, constitue un poste faramineux de dépenses inutiles. « Processus désordonné et coûteux » selon les propres termes de la Cour des comptes dans un rapport d’octobre 2009, elle ne doit pas être considérée comme le produit d’un prétendu « sens de l’Histoire ». Pas plus que l’Europe de Bruxelles. D’une manière générale, cette expression doit toujours éveiller notre prudence. Quand une évolution est unanimement présentée comme allant « dans le sens de l’Histoire », c’est généralement qu’elle est nocive et que ses promoteurs ont renoncé à la défendre de façon argumentée. Si l’intercommunalité représente un surcoût de 4 milliards d’euros par an, sans valeur ajoutée démontrée, il faut avoir le courage de défier les potentats locaux et d’y renoncer. S’il y a du clientélisme, des dérives féodales, toujours chèrement payées, soyons intransigeants. Nettoyons les écuries d’Augias, et soyons économes. Passons aussi au tamis les innombrables cadeaux aux amis du pouvoir, telle la niche fiscale dite « Copé » qui bénéficie essentiellement aux très grandes entreprises, sans résultats probants sur l’emploi, et dont le coût budgétaire est estimé à 3,5 milliards d’euros par an.

Ces économies seront salutaires à tous les points de vue, soulageant très largement notre déficit, et offrant de surcroît la perspective de financer une vraie politique cohérente de rétablissement de l’État.

Elles tranchent avec les économies dangereuses que les gouvernements réalisent depuis plusieurs années, fermant des collèges, des casernes, des hôpitaux, des tribunaux et des consulats, au mépris du service public, et pour des gains financiers en réalité dérisoires. Le gouvernement actuel a ainsi estimé les économies issues de la révision générale des politiques publiques, une vaste entreprise de destruction de l’État contraire à notre intérêt, à 7 milliards d’euros sur trois ans… Combien de villages sacrifiés, de fonctionnaires démotivés et de Français privés de services publics pour 7 malheureux milliards ? Cette inversion des priorités n’est pas saine : le gouvernement coupe dans la bonne dépense publique mais laisse prospérer la mauvaise. Je souhaite remettre la France à l’endroit ! Sur ce sujet encore, le courage et la volonté sont les principales qualités que doit réunir le vrai responsable politique. Elles seront les seules à pouvoir nous extirper de la spirale de la dette et à permettre à la France d’avoir les moyens de ses légitimes ambitions. Dès lors, tout deviendra, cette fois, vraiment possible…