Chapitre 36

—Putain de merde.

Le guerrier vêtu de noir assis à l'avant du 4 x 4

à côté de Tess - il répondait au nom de Chase - ouvrit la portière conducteur et bondit à l'extérieur au moment où Dante et un autre homme sortaient en courant de la clinique.

Sauf que Dante trébuchait plus qu'il ne courait, le corps soutenu par le guerrier qui l'aidait. Il avait la tête baissée contre sa poitrine découverte, et le devant de son treillis était déchiré, exposant la peau de son torse, qui était d'un rouge vif dans la lumière éclatante du matin.

Chase ouvrit la portière arrière du 4 x 4 et aida l'autre homme à y faire monter Dante. Les canines de Dante étaient allongées, et les pointes blanches acérées luisaient à chacune des respirations qu'il prenait. Son visage était déformé par la douleur, ses pupilles réduites à deux fentes minces au centre des iris ambre. Sa transformation était complète ; il était ce vampire que Tess aurait dû craindre, et pourtant elle ne le pouvait plus.

Ses amis s'activèrent dans un silence sinistre qui glaça le sang de Tess. Chase referma la portière arrière et courut vers le siège conducteur. Il sauta à l'intérieur, démarra le véhicule, et ils s'en allèrent.

—Qu'est-ce qui lui est arrivé ? demanda-t-elle d'une voix angoissée, sans voir la moindre trace de sang ou de blessure sur Dante. Il est blessé ?

—Il a été exposé, répondit l'homme dont elle ne connaissait pas le nom, une pointe d'urgence dans sa voix teintée d'un léger accent slave. Ce foutu dealer d'Ecarlate a cassé une fenêtre. Dante a dû buter ce salaud en pleine lumière.

—Pourquoi ? demanda Tess. (Elle vit Dante remuer sur le siège arrière et sentit sa douleur ainsi que l'inquiétude qui émanait de ses deux compagnons.) Pourquoi a-t-il fait ça ? Pourquoi êtes-vous venus ?

Par des mouvements mesurés mais déterminés, Dante réussit à retirer l'un de ses gants. Il lui tendit la main depuis le siège arrière où il gisait.

—Tess...

Elle prit sa main dans la sienne, ses doigts puissants enveloppant les siens. L'émotion qui passa entre eux la toucha au plus profond avec une chaleur, un savoir, qui lui coupa le souffle.

C'était de l'amour, si profond et intense qu'il la rendit muette.

—Tess, murmura-t-il, sa voix à peine plus forte qu'un souffle. C'était toi. Pas ma mort..., la tienne.

—Quoi?

Elle lui serra la main, les larmes aux yeux.

—Ces visions... elles ne parlaient pas de moi, mais de toi. Je ne pouvais pas... (Il s'interrompit, la respiration laborieuse, sous le coup d'un supplice manifeste.) Il fallait que je l'en empêche, je ne pouvais pas... quoi qu'il arrive.

Les larmes inondèrent le visage de Tess et coulèrent le long de ses joues comme elle soutenait le regard de Dante.

—Mon Dieu, Dante. Tu n'aurais pas dû prendre ce risque. Et si tu étais mort à ma place ?

Sa bouche se souleva légèrement à un coin, dévoilant la pointe d'un croc luisant et acéré.

—Ça valait le coup... Te voir ici. Ça valait la peine... de tout tenter.

Tess saisit la main de Dante dans les siennes, furieuse et reconnaissante à la fois, mais nullement terrifiée par son aspect, alors qu'il gisait à l'arrière du véhicule. Elle ne lâcha sa main que lorsqu'ils arrivèrent au complexe.

Chase gara le 4 x 4 dans un garage immense rempli de dizaines d'autres véhicules. Ils descendirent tous, et Tess essaya de ne gêner personne tandis que les compagnons de Dante le tiraient hors du véhicule et le portaient vers des ascenseurs.

L'état de Dante semblait s'aggraver à chaque minute qui passait. Lorsqu'ils arrivèrent en bas et que les portes de l'ascenseur s'ouvri rent, il tenait à peine sur ses jambes.

Un groupe composé de trois hommes et de deux femmes les attendait dans le couloir, et chacun se mit aussitôt en mouvement.

L'une des femmes s'avança vers Tess et posa doucement sa main sur son épaule.

—Je suis Gabrielle, la compagne de Lucan. Vous allez bien ?

Tess haussa les épaules puis acquiesça légèrement.

—Est-ce que Dante va se remettre ?

—Je pense qu'il s'en sortira mieux s'il vous sait toute proche.

Gabrielle indiqua à Tess de la suivre le long du couloir jusqu'à l'infirmerie, l'aile où elle avait fui Dante, plus tôt dans la journée. Elles pénétrèrent dans la pièce où Dante avait été amené et Tess regarda ses amis lui retirer ses armes puis lui enlever délicatement son treillis et ses bottes avant de le déposer sur un lit d'hôpital.

Tess était touchée par la sollicitude de tous ceux présents dans la pièce. Dante était aimé ici, accepté pour ce qu'il était. Il avait une famille, une maison, une vie, et pourtant, il n'avait pas hésité à tout risquer pour la sauver. Elle avait beau vouloir le craindre et lui en vouloir pour tout ce qui s'était passé entre eux, elle en était incapable. Elle regardait Dante qui souffrait le martyre pour elle, et tout ce qu'elle éprouvait était de l'amour.

— Laissez-moi faire, dit-elle d'une voix douce en avançant au chevet de Dante.

Elle vit les visages inquiets de tous ceux qui l'aimaient aussi, les guerriers rassemblés autour de lui et les deux femmes dont les regards tendres disaient qu'elles comprenaient ce qu'elle ressentait.

—Laissez-moi l'aider... s'il vous plaît.

Tess toucha la joue de Dante et caressa sa mâchoire forte. Elle se concentra sur les brûlures et laissa courir ses doigts sur sa poitrine nue, sur les magnifiques tatouages boursouflés et à vif qui avaient pris une vilaine couleur.

Avec toutes les précautions possibles, Tess posa ses mains sur la chair brûlée et fit usage de son don pour faire disparaître l'irradiation et la douleur.

—Oh, mon Dieu, murmura l'un des guerriers. Elle est en train de le guérir.

Tess entendit les murmures stupéfaits, les paroles d'espoir qui circulaient parmi les amis de Dante, sa famille. Elle sentit une partie de cette affection affluer vers elle, mais si la chaleur de leur regard était plus que bienvenue, toute l'attention de Tess restait dirigée vers Dante. Vers sa guérison.

Elle se pencha sur lui et déposa un baiser sur sa bouche, sans se soucier du frottement de ses crocs contre ses lèvres. Elle l'aimait totalement, comme il était, et elle priait pour avoir une chance de le lui dire.

Dante allait vivre. Ses brûlures étaient graves et auraient pu lui coûter la vie, mais le don de guérison de sa Compagne de sang s'était finalement révélé plus puissant que la mort qui le pourchassait. Comme les autres du complexe, Chase était stupéfait par le pouvoir de Tess et son dévouement manifeste pour Dante. Elle était restée à ses côtés à chaque instant, à prendre soin de lui comme il l'avait fait pour elle après l'avoir sauvée des mains des Renégats.

Tout le monde s'accordait à dire que leur union semblait prometteuse. C'étaient deux individus à la forte personnalité ; ensemble, ils seraient invulnérables.

Avec le pire de la tempête passé et le complexe retrouvant une atmosphère de calme avec l'arrivée de la nuit, les pensées de Chase retournaient vers l'endroit qu'il considérait comme son chez-lui. Son propre voyage n'était pas terminé, et la route devant lui était trouble et incertaine. Autrefois, tout lui semblait si clair, ce à quoi devait ressembler son avenir, où était sa place...

et auprès de qui.

Désormais, il n'était plus sûr de rien.

Il fit ses adieux aux guerriers et à leurs compagnes, puis s'en alla, quitta le monde de l'Ordre pour retourner dans le sien. Le trajet du retour se déroula sans encombre.

Les roues du véhicule qu'il avait emprunté tournaient, avalaient la route, mais où allait-il, en définitive ?

Pouvait-il réellement encore considérer qu'il était chez lui au Havrobscur ? Il avait les sens aiguisés après son court passage chez les guerriers, le corps alourdi par tout le métal qu'il dissimulait sous son manteau —

diverses lames ainsi que le Beretta 9 mm qui était devenu une présence réconfortante contre sa hanche. Comment pouvait-il espérer se réintégrer dans la vie ordinaire qu'il avait connue ?

Et qu'en était-il d'Élise ?

Il ne pouvait pas revenir à cette existence tourmentée dans laquelle il désirait une femme qu'il ne pourrait jamais avoir. Il devrait lui dire ce qu'il ressentait pour elle et laisser les choses suivre leur cours. Elle méritait de tout savoir. Chase ne se berçait nullement de l'espoir qu'elle accueillerait favorablement ses sentiments. En fait, il ne savait pas vraiment quoi espérer. Il savait seulement que le semblant de vie qu'il avait mené jusqu'à présent était révolu.

Chase engagea le véhicule dans l'allée du Havrobscur avec un sentiment de liberté. Les choses étaient sur le point de changer pour lui et, même s'il ne savait pas ce qui l'attendait, il se sentait plus léger de savoir qu'il était à un tournant de sa vie. Il remonta l'allée de gravier et se gara près de la résidence du Havrobscur.

La maison était éclairée de l'intérieur, la chambre et les appartements d'Elise baignés d'une douce lumière.

Elle était debout, à attendre avec impatience sans doute son retour et les nouvelles du complexe.

Chase arrêta le moteur et ouvrit la portière du véhicule. Au moment où ses bottes touchèrent le sol, il eut la sensation de ne pas être seul. Il remit les clés dans sa poche et descendit, non sans déboutonner discrètement son caban. Ses yeux balayèrent les ombres de la nuit, fouillèrent l'obscurité à la recherche de l'ennemi qu'il savait être là. Son ouïe détectait les bruits les plus subtils de son environnement - le bruissement des branches nues ballottées par la brise, le bourdonnement de la stéréo dans la maison, le morceau de jazz préféré d'Elise en fond sonore...

Et puis, en contrepoint, le sifflement rauque de quelqu'un qui respirait non loin de là où il se trouvait.

Le gravier crissa derrière lui. Les doigts de Chase étaient déjà crispés sur de la poignée du 9 mm quand il se retourna lentement pour faire face à la menace.

Camden.

L'impression de déjà-vu frappa Chase comme un boulet de canon en plein ventre. Mais l'état de son neveu semblait encore avoir empiré, si cela était possible.

Recouvert de sang séché, preuve des récents carnages qui n'avaient pas étanché sa soif, Camden sortit de la haie où il s'était dissimulé et s'approcha. De la salive gouttait de ses énormes crocs tandis qu'il jaugeait Chase comme la prochaine victime destinée à assouvir la Soif sanguinaire qui avait pris possession de son corps et de son esprit. Il n'était déjà plus lucide quand Chase l'avait croisé dans l'appartement de Ben Sullivan. Désormais, il était carrément dangereux et imprévisible, comme un chien enragé livré à lui-même depuis trop longtemps.

Chase le regarda tristement, assailli du remords de n'avoir pas su le retrouver, le sauver, à temps pour empêcher sa transformation irrévocable en Renégat.

—Je suis tellement désolé, Cam. Ça n'aurait jamais dû t'arriver. (Sous les pans de son caban de laine noire, Chase ôta la sécurité du Beretta et tira l'arme de son holster.) Si ça avait pu être moi au lieu de toi, je te jure...

Derrière lui, dans la maison, Chase entendit le cliquetis métallique de la porte principale qui s'ouvrait puis le hoquet de surprise d'Elise. Le temps ralentit aussitôt. Tout s'étira, la réalité prit la consistance d'un rêve en apesanteur, d'un cauchemar qui commença au moment où Elise sortit.

— Camden! (Sa voix semblait curieusement distante, freinée comme l'instant lui-même.) Oh...

mon Dieu... Camden !

Chase tourna la tête vers elle. Il lui cria de rester en arrière, mais déjà elle courait, les bras grands ouverts, son vêtement blanc de veuve flottant autour d'elle comme les ailes délicates d'un papillon tandis qu'elle volait vers son fils. Et vers une mort aussi certaine que violente si Chase la laissait s'approcher suffisamment pour toucher le Renégat qui avait été son fils bien-aimé.

— Élise, ne t'approche pas !

Mais elle passa outre à son avertissement, ne s'arrêta pas, même quand ses yeux inondés de larmes se portèrent sur l'apparence effroyable et hideuse de Camden. Elle étouffa un sanglot, mais garda les bras ouverts, et ses pas continuaient à la porter sur la pelouse et dans l'allée.

Dans son champ de vision périphérique, Chase aperçut le regard ambre sauvage du Renégat se porter sur Élise. Il sembla jeter son dévolu sur elle, laissa échapper un grognement terrible et se fléchit sur ses jambes. Dante se retourna pour venir se camper entre la mère et le fils. Il sortit son arme et la braqua sur sa cible avant même de s'en rendre compte.

Une autre seconde passa.

Élise avançait toujours, et de plus en plus vite; elle pleurait et prononçait le nom de Camden.

Chase évalua la distance de façon instinctive, sachant que seules quelques secondes séparaient cette confrontation de sa fin tragique. Il n'avait pas le choix, il lui fallait agir. Il ne pouvait rester là sans rien faire et risquer la vie d'Élise...

Le coup de feu claqua comme un coup de tonnerre dans la nuit.

Élise hurla.

—Non ! Oh, mon Dieu, non !

Debout, comme paralysé, Chase serrait encore la détente enfoncée. La balle de titane avait touché sa cible en pleine poitrine; le Renégat s'était effondré au sol. Déjà, le grésillement morbide caractéristique avait commencé, confirmant qu'il ne restait plus d'espoir de sauver Camden de la Soif sanguinaire qui le possédait.

L'Écarlate l'avait transformé en zombie; désormais tout était fini. La souffrance de Camden avait cessé.

Celle d'Élise - et de Chase - ne faisait que commencer.

Elle se précipita vers lui et le frappa de ses poings, le toucha au visage, aux épaules, à la poitrine, partout où elle pouvait l'atteindre. Ses yeux lavande étaient inondés de larmes, son beau visage blême et dévasté, sa voix noyée par les sanglots et les pleurs.

Chase encaissa ses coups en silence. Que pouvait-il faire ? Que pouvait-il dire ?

Il la laissa retourner toute sa haine contre lui, et ce n'est que lorsqu'elle s'arrêta, se retourna et s'effondra au sol près de son fils que le titane s'occupait de réduire en cendres que Chase retrouva la volonté de bouger. Il regardait la forme recroquevillée et tremblante sur l'allée de gravier, et ses oreilles bourdonnaient des gémissements lugubres de son chagrin. Puis, dans un silence las, il laissa glisser le pistolet de sa main.

Il se détourna d'elle et du sanctuaire du Havrobscur qui avait longtemps été sa maison et s'éloigna, seul, dans la nuit.

Dante se réveilla en sursaut, le souffle court. Il avait été piégé par un mur de feu, aveuglé par les flammes et les cendres, incapable de rejoindre Tess. Il s'assit, haletant, la vision encore vive dans son esprit, lui écorchant le cœur.

Mon Dieu, s'il avait échoué...

S'il l'avait perdue...

—Dante?

Un profond sentiment de soulagement l'inonda quand il entendit sa voix et prit conscience que Tess était bel et bien là avec lui, à son chevet. Il l'avait tirée de sa somnolence ; elle releva la tête de ses bras, les cheveux en désordre, ses yeux doux cernés par l'épuisement.

—Dante, tu es réveillé.

Son visage s'éclaira sur-le-champ. Elle s'approcha de lui et lui caressa le visage et les cheveux.

—J'étais si inquiète. Comment tu te sens ?

Il pensa qu'il aurait dû se sentir mille fois plus mal que ça. Mais il se sentait suffisamment bien pour prendre Tess dans ses bras. Suffisamment fort pour la faire asseoir sur ses genoux dans le lit et l'embrasser amoureusement.

Il se sentait suffisamment vivant pour savoir que ce dont il avait le plus besoin à présent était de sentir son corps nu contre le sien.

—Je suis désolé, murmura-t-il contre ses lèvres. Tess, je suis désolé pour tout ce que je t'ai infligé...

—Chut, on en reparlera plus tard. On réglera tout plus tard. Pour le moment, tu dois te reposer.

—Non, répondit-il, trop heureux d'être réveillé, d'être avec elle, pour songer à perdre plus de temps encore à dormir. Ce que j'ai besoin de te dire ne peut pas attendre. J'ai vu quelque chose de terrible aujourd'hui.

J'ai vu ce que ce serait de te perdre. C'est une expérience que je ne veux surtout pas revivre. J'ai besoin de savoir que tu es protégée, en sécurité.

—Je suis bien là. Tu m'as sauvée, Dante.

Il caressa la peau veloutée de ses joues, tellement reconnaissant.

—C'est toi qui m'as sauvé, Tess.

Il ne pensait pas aux blessures causées par les rayons du soleil, dont il avait guéri grâce au don spectaculaire de Tess. Il ne pensait pas non plus à la première nuit où il l'avait vue, quand son sang l'avait fortifié dans ce moment de faiblesse extrême. Tess l'avait sauvé de tant d'autres façons. Cette femme le possédait, corps et âme, et il voulait qu'elle le sache.

—Tout devient évident quand je suis avec toi, Tess.

Ma vie me paraît limpide, après tant d'années passées à m'enfuir dans le noir. Tu es ma lumière, ma raison de vivre. Je suis profondément lié à toi, mon amour. Pour moi, il n'y aura jamais personne d'autre.

—Nous sommes liés par le sang maintenant, dit-elle, mais son faible sourire disparut de ses lèvres.

(Elle baissa les yeux, sourcils froncés.) Et si tu ne m'avais pas mordu cette nuit-là à la clinique ? Sans ce lien du sang, est-ce que tu... ?

—Est-ce que je t'aimerais quand même ? (Il finit sa question pour elle, et lui releva doucement le menton pour qu'elle puisse lire la vérité dans ses yeux.) Ça a toujours été toi, Tess. Seulement je l'ignorais jusqu'à cette nuit-là. Je t'ai cherchée toute ma vie, j'étais lié à toi par la vision de ce qui s'est passé aujourd'hui. (Il lissa ses cheveux décoiffés, enroulant l'une de ses boucles dorées autour de ses doigts.) Tu sais que ma mère ne jurait que par le destin. Elle y croyait, même si elle savait que le sien était porteur de souffrance et de perte. Je n'ai jamais voulu accepter cette croyance que tout était prédestiné.

Je croyais que j'étais plus intelligent, au-dessus de tout ça. Mais c'est le destin qui nous a réunis, Tess. Je ne peux plus le nier désormais. Mon Dieu, Tess... as-tu la moindre idée du temps pendant lequel je t'ai attendue ?

—Oh, Dante, murmura-t-elle, chassant un sanglot.

Je ne suis pas préparée à tout ça. J'ai tellement peur...

Il l'attira plus près, malade de tout ce qu'elle avait dû endurer à cause de lui. Il savait que le traumatisme de cette journée serait long à disparaître. Tant de mort et de destruction. Il ne voulait plus jamais qu'elle ressente une telle souffrance.

—J'ai besoin de te savoir en sécurité, Tess, dans un lieu où je pourrai mieux te protéger. Il y a des endroits où nous pouvons aller, des refuges qui appartiennent à la Lignée. J'ai déjà vu avec Chase s'il pouvait nous trouver une place dans l'un de ces Havrobscurs.

—Non.

Son cœur se serra tandis qu'elle se dégageait de son étreinte pour se placer, à genoux, à côté de lui sur le lit.

Elle secoua lentement la tête.

—Dante, non...

Mon Dieu, il était incapable de prononcer le moindre mot. Il attendit dans un silence angoissant, sachant qu'il méritait amplement son rejet. De nombreuses raisons justifiaient son mépris ; pourtant, il avait senti ses sentiments pour lui. Il avait prié pour qu'elle en ait, ne serait-ce qu'un petit peu.

—Tess, si tu me dis que tu ne m'aimes pas...

—Si, je t'aime, finit-elle par dire. Je t'aime de tout mon cœur.

—Alors qu'est-ce que c'est ?

Elle scruta son visage, ses yeux aigue-marine humides mais déterminés.

—Je suis fatiguée de fuir. Tu m'as ouvert les yeux sur un monde que, même dans mes rêves les plus fous, je n'aurais jamais cru possible. C'est ton monde, Dante.

Il sourit à la beauté assise à côté de lui.

—Mon monde, c'est toi.

—Et c'est aussi tout cela. Cet endroit, ces gens, cet incroyable héritage qui est le tien. Ton univers est sombre et dangereux, Dante, mais il est aussi extraordinaire, comme toi. Comme la vie. Ne me demande pas de le fuir. Je veux être à tes côtés, mais si je dois vivre dans ton monde, alors je veux que ce soit ici, là où est ta place.

Là où est ta famille.

—Ma famille?

Elle acquiesça.

—Les autres guerriers et leurs compagnes. Ils t'aiment comme un frère. Je l'ai vu aujourd'hui.

Peut-être qu'avec le temps ils m'aimeront aussi.

—Tess. (Dante l'attira à lui, l'embrassant de tout son cœur et avec une reconnaissance qui s'éleva de sa poitrine comme si elle avait des ailes.) Tu voudrais vivre ici avec moi, comme une compagne de guerrier ?

—Comme la compagne de mon guerrier, corrigea-t-elle avec un sourire, les yeux débordant d'amour. C'est ça ou rien.

Dante déglutit, la gorge sèche. Il ne la méritait pas.

Après tout ce qu'ils avaient traversé, après cette fuite incessante, son cœur avait enfin trouvé où se poser.

Avec Tess. Sa bien-aimée.

—Qu'est-ce que tu en penses ? lui demanda-t-elle.

Tu pourrais vivre comme ça ?

—Pour l'éternité, jura Dante, avant de l'allonger sur le lit à ses côtés et de sceller leur pacte par un long baiser passionné.