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LA VIE PARISIENNE. Ou, pour être plus précis, « ma » vie parisienne. Eh bien, pendant mes premières semaines rue de Paradis, elle s’est déroulée de la manière suivante.
Je me réveillais vers huit heures, en général. Tout en me préparant un café, j’écoutais France Musique, ou plutôt « France Jacasse », comme j’avais surnommé la station en raison de la tendance des présentateurs à pérorer pendant des heures sur les disques qu’ils allaient passer. Ensuite, je m’habillais et je descendais à la boulangerie de la rue des Petites-Ecuries, où j’achetais une baguette pour soixante centimes. Tous les trois jours, je me rendais au marché de la rue du Faubourg-Saint-Denis. Là, je faisais méticuleusement mes courses : six tranches de jambon et six d’emmental, quatre tomates, une demi-douzaine d’œufs, deux cents grammes – je m’étais rapidement accoutumé au système métrique – de haricots verts, quatre cents grammes de poisson à chair blanche abordable, deux cents grammes de la viande la moins coûteuse mais qui paraissait cependant d’une certaine fraîcheur, trois litres de vin rouge et trois d’eau minérale, un demi-litre de lait. C’était là mes vivres pour trois jours, et je veillais à ne jamais dépasser les trente euros. En d’autres termes, je subsistais avec une soixantaine d’euros par semaine.
Les jours d’approvisionnement, j’étais de retour à la chambre autour de midi et demi. J’allumais mon ordinateur portable, je me faisais un autre café, et je me disais : « Cinq cents mots, voilà tout. » Deux pages dactylographiées, soit le volume quotidien que je m’étais fixé pour la rédaction de mon roman. Deux pages, six jours par semaine : douze pages. À ce rythme, et en admettant que je m’y tienne, j’aurais un livre prêt dans un an. Eh non, je ne voulais pas penser au fait que j’avais à peine assez d’argent pour mener cette existence frugale pendant les trois prochains mois où mon loyer était payé. Ce quota, c’était mon unique préoccupation. Cinq cents mots, deux feuillets. Il m’était arrivé de pondre plus d’un e-mail de cette longueur en vingt minutes, dans le temps…
Cinq cents mots. Vraiment pas grand-chose. Sauf quand on commence à essayer d’en faire une œuvre de fiction jour après jour. Mon roman. Mon premier roman ! Celui que je m’étais juré d’écrire vingt ans plus tôt. Une vaste, une picaresque épopée d’apprentissage de la vie qui aurait pour sujet mon enfance dans le New Jersey, ma lutte pour survivre à la guerre domestique permanente que se livraient mes parents et à l’insupportable conformisme d’une banlieue américaine dans les années soixante.
Des mois durant, aux pires moments du cauchemar dans lequel je m’étais moi-même fourré, j’avais tenu le coup grâce à la certitude qu’après avoir trouvé la porte de sortie de l’enfer, je dénicherais un endroit tranquille pour tout coucher sur le papier et démontrer enfin au monde que j’étais bien l’écrivain que je savais être depuis toujours. « Je leur montrerai, à tous ces salauds » : c’est la proclamation silencieuse de ceux qui ont subi un grave revers, et plus encore de ceux qui ont atteint le fond. Appartenant à cette catégorie, je savais que c’était pour moi le cri de la dernière chance, bien plus qu’un défi lancé dans le vide.
Cinq cents mots. L’objectif quotidien. Et j’allais le tenir, voire le dépasser, parce que… parce que je n’avais rien d’autre à faire de mon temps, tout bêtement.
Rien, sinon aller au cinéma. La majeure partie de mes escapades hors de ma chambre me conduisaient dans cette kyrielle de salles obscures qui existent pour les cinéphiles hallucinés dans mon genre. La géographie de Paris se définissait par ses cinémas, à mes yeux. Chaque lundi, je consacrais religieusement seize euros à l’achat de ma carte orange hebdomadaire qui donnait accès à tous les métros et autobus de la capitale. Dès que mes cinq cents mots quotidiens avaient été mis en boîte, je partais loin de mon quartier, surtout vers le Ve arrondissement, qui compte une concentration impressionnante de salles « art et essai » spécialisées dans les classiques. Ainsi, à l’Action Écoles, un hommage à Hitchcock succédait à une semaine Kurosawa, avant d’être remplacée par une rétrospective des westerns d’Anthony Mann ; un peu plus loin, au Reflet Médicis, j’ai eu trois après-midi de bonheur avec des comédies britanniques de l’après-guerre, et j’ai eu la surprise de sentir les larmes couler sur mes joues à la fin de Whisky à gogo, ce qui était plus une nouvelle preuve de ma fragilité émotionnelle qu’autre chose. A quelques rues de là, à l’Accatone, on pouvait toujours plonger dans l’une des explorations pasoliniennes des côtés les plus sombres de la psyché humaine, puis quelques pas vous conduisaient au Quartier latin et à sa rétrospective Luis Bunuel, ou bien c’était le VIe tout proche et les perles rares du film noir à l’Action Christine, ou encore, le mieux : prendre le métro jusqu’à Bercy et ne ressortir de la Cinémathèque qu’à minuit passé.
Chaque jour, je passais au moins six heures devant le grand écran. Cependant, avant de démarrer mon marathon cinématographique, j’allais relever mon courrier électronique dans un cybercafé de la rue des Petites-Écuries, un modeste établissement qui offrait une dizaine d’ordinateurs installés sur des cubes en bois brut, un même nombre de chaises en vinyle orange, et l’accès à Internet à un euro cinquante de l’heure. Au fond de la salle, un comptoir servait du café et de l’alcool. Le bar était tenu par un barbu âgé d’environ trente ans qui paraissait turc mais parlait un très bon français, bien que nos échanges se soient toujours limités à quelques plaisanteries anodines quand je venais lui acheter un mot de passe ou un gobelet de café. Apparemment, il passait sa vie à parler dans son téléphone portable, sur un débit impossible à suivre, et baissait la voix lorsque je m’asseyais devant l’une des machines. J’avais remarqué qu’il m’observait avec attention chaque fois que je me connectais ; décelait-il ma déception lorsque j’ouvrais ma boîte AOL et que je constatais qu’elle ne contenait aucun message de ma fille.
Depuis mon arrivée à Paris, j’avais écrit à Megan deux fois par semaine. Au début, j’avais plaidé ma cause, expliqué que je n’avais pas voulu la blesser, qu’elle restait la personne la plus importante de ma vie et que j’espérais rétablir la confiance entre nous, malgré tout ce qui s’était passé. Après trois semaines d’e-mails de ce genre, j’avais abandonné l’autojustification et la supplication, préférant lui raconter simplement ma vie à Paris, mes journées de travail et de cinéma, et terminant avec des mots que je voulais sobres, malgré mon chagrin. Par exemple : « Je te réécrirai la semaine prochaine, sache que tu es sans cesse dans mes pensées, à tout moment, et que tu me manques terriblement. Baisers. Papa. »
Comme je n’obtenais aucune réponse, je me suis demandé si sa mère lui interdisait de m’écrire. J’étais presque sûr, également, qu’en racontant en détail ma modeste existence à Megan, je la révélais aussi à mon ex-femme. Mais quelle importance, après tout ? Quel mal pouvait-elle encore faire à quelqu’un qui avait tout perdu ?
Et puis, au début de ma sixième semaine en France, j’ai ouvert ma boîte e-mail et mes yeux sont tombés, au milieu du fatras habituel de spams en provenance des requins du prêt à court terme et des charlatans experts en rallongement du pénis, sur un message envoyé par meganricks@aol. com.
Très tendu, j’ai cliqué sur la commande « Lire », m’attendant à un « Ne m’écris plus jamais », repensant au jour où elle m’avait dit, au téléphone, que je n’existais plus pour elle. Ce qui s’est affiché sur l’écran était tout autre :
« Cher papa,
« Merci pour tes e-mails. D’après ce que tu décris, c’est cool, Paris.
« Ici, l’école, c’est pas facile. Il y en a dans ma classe qui continuent à m’embêter avec ce que tu as fait. Je ne comprends toujours pas que tu aies pu te conduire de cette manière avec une de tes étudiantes. Maman m’a dit que je devais l’avertir si tu me contactais, mais je lis mes messages à la bibliothèque. Continue à m’écrire, je m’arrangerai pour que maman ne le sache pas.
« Ta fille,
« Megan.
« P. -S. : Je suis encore fâchée contre toi, mais tu me manques aussi. »
J’ai plongé mon visage dans mes mains. Un sanglot s’est échappé de ma gorge. « Ta fille » : cela voulait tout dire. Trois mois durant, j’avais pensé que Megan m’avait définitivement rayé de sa vie et là, noir sur blanc, elle me disait que je lui manquais.
Je me suis redressé sur la chaise. J’ai cliqué sur « Répondre » :
« Chère Megan,
« Avoir de tes nouvelles, quel bonheur. Tu as raison d’être fâchée contre moi. Je le suis aussi. J’ai fait quelque chose de stupide, mais le temps que je m’en rende compte, le contrôle des événements m’avait échappé et j’ai été incapable d’arrêter la spirale. Cela dit, tu dois comprendre que les gens se sont emparés de mon histoire pour s’en servir selon leurs intérêts. Je ne cherche pas à me trouver des excuses. Je suis inexcusable, et je regretterai toujours la peine que je t’ai infligée. Mais pour l’instant, je suis tellement heureux d’avoir renoué le contact avec toi.
« Je suis certain que ta situation à l’école va s’améliorer, et que tu seras capable de surmonter cette épreuve. Je comprends aussi que c’est difficile pour toi de ne pas dire à ta mère que nous nous écrivons. J’espère vraiment que nous serons de nouveau un jour en bons termes, elle et moi, parce que je sais que c’est-ce que tu souhaitas. N’oublie jamais que je pense tout le temps à toi, et que je serai toujours là si tu as besoin de moi.
« Je promets de t’écrire tous les jours.
« Je t’aime.
« Papa. »
J’ai relu plusieurs fois le message avant de l’envoyer, conscient de l’importance de chaque mot, désireux qu’elle comprenne que ma réponse n’avait pas pour but de me justifier à ses yeux ni de m’apitoyer sur mon sort, mais de lui manifester mon amour, avant toute chose.
Au moment où je m’apprêtais à partir, le barbu derrière le bar a levé la tête de son journal et m’a lancé :
— Mauvaises nouvelles ?
J’ai été pris de court. Il m’avait donc observé pendant que je lisais l’e-mail de Megan.
— Non, au contraire.
— Pourquoi vous pleurez, alors ?
— Parce que ce sont de très bonnes nouvelles.
— J’espère que vous en aurez d’autres demain.
Les jours suivants, Megan ne s’est pas manifestée. Je lui ai écrit chaque après-midi, en me bornant délibérément à l’anecdotique, à la description de la vie de mon quartier… Finalement, le troisième jour, elle m’a donné l’explication de son silence : « Merci pour les derniers e-mails, papa. J’étais en voyage scolaire à Cleveland. Barbant. Hier soir, je suis allée dans ton bureau, j’ai trouvé un vieux plan de Paris et j’ai cherché où tu habites. « Rue de Paradis »… J’aime bien ce nom. J’ai dû faire très attention, parce que maman m’a interdit ton bureau où Gardner ne s’est pas encore installé… »
Gardner. Gardner Robson. L’homme qui a contribué à ma chute, et à éloigner Susan de moi. À la seule lecture de son prénom sur l’écran, je me suis cramponné à la chaise en vinyle, combattant la fureur qui montait en moi. Il n’avait pas encore pris possession de mon bureau à la maison… Pourquoi, alors qu’il m’avait volé tout le reste ? J’ai continué ma lecture : « C’est très difficile, de vivre avec Gardner. Tu sais que c’est un ancien militaire de l’US Air Force, et il n’arrête pas de me dire que tout doit être « tip-top ». Si j’oublie un pull sur la rampe ou que je n’aie pas le temps de refaire mon lit le matin, c’est pas « tip-top » ! Tant qu’on agit comme il veut, ça va, et maman a l’air « foooolle » de lui, mais comme beau-père, je ne sais pas, je ne suis pas totalement convaincue. Je trouve que ce serait trop cool, de venir te voir à Paris, mais maman ne me laissera jamais… Et puis je continue à me poser des questions sur ce que tu as fait. Maman dit que tu voulais te séparer d’elle… »
Quoi ? Elle fréquentait Robson bien avant que ma scandaleuse affaire ne fasse les gros titres, et elle m’avait claqué la porte au nez chaque fois que je la suppliais de m’accorder une seconde chance. Comment avait-elle pu déformer à ce point la réalité et enfoncer ce mensonge dans la tête de notre fille ? Avec cette version des faits, Megan ne pouvait que croire que j’avais voulu la rejeter, elle aussi.
Je repris ma lecture :
« … et que c’est pour ça que tu l’as trompée avec ton étudiante, et qu’ensuite tu t’es enfui à l’étranger quand le scandale a éclaté. Est-ce que c’est vrai ? J’espère que non.
« Ta fille,
« Megan. »
J’ai abattu mon poing sur la table avec une telle violence que le serveur au comptoir a levé la tête, stupéfait.
— Pardon, ai-je marmonné.
— Mauvaises nouvelles, aujourd’hui ?
— Très.
Sans perdre un instant, j’ai rédigé ma réponse. Tout en reconnaissant mes erreurs et mes faux pas, j’ai expliqué à Megan que c’était sa mère, et elle seule, qui avait exigé la séparation, et que les torts étaient pour le moins partagés. J’ai souligné que le plus grave, le plus destructeur, pour moi, était d’avoir été éloigné de force de ma fille. Après réflexion, j’ai ajouté un post-scriptum l’enjoignant à la prudence : « Il est très important que tu évites de parler de tout ça avec ta mère. Si tu commences à lui poser des questions sur ce qui s’est réellement passé, sur qui de nous deux voulait le divorce, elle aura des soupçons et se demandera si nous correspondons, toi et moi. Je regrette cette mise en garde mais je ne voudrais surtout pas ne plus être en contact avec toi. »
Après avoir envoyé mon e-mail, je me suis tourné vers le responsable du local.
— Encore pardon de m’être emporté comme ça.
— Vous n’êtes pas le premier. Plein de mauvaises nouvelles transitent par ici. Vous en aurez peut-être de bonnes demain.
Il avait raison : à mon retour au cybercafé l’après-midi suivant, j’ai trouvé la réponse de Megan. Tout en reconnaissant qu’elle restait perplexe (« Qui dit la vérité, de vous deux ? »), elle était soulagée de lire que je n’avais jamais voulu les abandonner. Elle concluait : « Ne t’inquiète pas à propos de maman. Elle ne saura pas qu’on s’écrit. Continue à m’envoyer des e-mails, d’accord ? Ils me plaisent beaucoup. Je t’aime. Megan. »
Ce « Je t’aime » n’était pas seulement une « bonne nouvelle », mais ma première lueur d’espoir depuis le début de ce cauchemar. J’ai répondu sur-le-champ :
« Megan chérie,
« Le plus vital, ce n’est pas de décider qui dit la vérité, mais de rester proches l’un de l’autre, toi et moi. Comme je te l’écrivais hier, je suis convaincu que nous allons nous revoir très bientôt.
« Je t’aime.
« Papa. »
C’était un vendredi, et je n’ai donc pas été surpris qu’elle ne se manifeste pas pendant les deux jours suivants. Moi-même, j’évitais de lui envoyer des e-mails pendant les week-ends, sachant qu’elle avait un ordinateur dans sa chambre et que sa mère ou Robson pourraient la surprendre en train de m’écrire. Excès de précaution ? Peut-être, mais je ne voulais en aucune manière compromettre le seul lien qui me restait avec ma fille, ni lui causer le moindre problème. Par conséquent, j’ai résisté encore une fois à la tentation de lui écrire et je me suis limité à ma routine habituelle : lever à huit heures, quelques courses, travail, pause déjeuner, cinéma, retour à minuit, tisane et somnifère, puis l’inévitable réveil en sursaut quand Omar rentrait à deux ou trois heures, complètement beurré, et pissait bruyamment dans les toilettes. Chaque jour, je remerciais en silence le médecin de l’hôtel de m’avoir prescrit cent vingt comprimés de Zoplicone, ce puissant calmant qui me permettait chaque fois de retrouver le néant après cette déplaisante interruption.
Et tous les matins, la même charmante surprise m’attendait : Omar avait transformé les W-C en porcherie. Après des semaines de résignation, j’en ai eu soudain assez de nettoyer après lui. C’était le lendemain du jour où j’avais reçu le dernier e-mail de Megan, et la flaque d’urine laissée sur le sol m’a projeté à la porte de mon voisin tel un diable à ressorts. J’ai tambouriné sur le battant. Il m’a ouvert au bout d’une minute. Il était en caleçon douteux et tee-shirt de l’AC Milan tendu sur son énorme bedaine. Il semblait à moitié endormi.
— Quoi ?
— Il faut que je vous parle.
— Parle quoi ? Pourquoi ?
— À propos de l’état dans lequel vous laissez les toilettes.
— Je laisse les toilettes quoi ? a-t-il fait, un certain énervement perçant dans son ton.
J’ai tenté la voix de la raison, encore une fois :
— Ecoutez, nous nous en servons ensemble, de ces W-C, et donc…
— Ensemble ? a-t-il répété avec une nuance scandalisée.
— Je veux dire, nous nous en servons tous les deux, pas en même temps, bien sûr, mais…
— Tu veux qu’on aille en même temps ?
— Non. Je voudrais que vous releviez la lunette quand vous urinez. Et aussi que vous tiriez la chasse, et que vous utilisiez la brosse spéciale lorsque vous…
— Va te faire foutre, a-t-il grondé, et il m’a claqué la porte au nez.
Pas très payants, mes efforts diplomatiques : le lendemain matin, je me suis rendu compte qu’Omar s’était soulagé non seulement sur la cuvette, les murs et le sol des toilettes, mais aussi contre ma porte. Pour la première fois depuis mon installation, je me suis aventuré de nouveau dans les bureaux de Confection Sezer. Même accueil sans chaleur, même marque de réaction enjouée du grand patron :
— Vous avez un problème ? – J’ai expliqué la situation. -C’était peut-être un chat.
— Oui… Arrivé sur un tapis volant avec la vessie pleine. Non, c’était Omar.
— Vous avez des preuves ?
— Qui d’autre pisserait sur ma porte ?
— Je ne m’appelle pas Sherlock Holmes.
— Il faut que vous lui parliez.
— Si je n’ai pas de preuves qu’il est le responsable…
— Pouvez-vous envoyer quelqu’un nettoyer, au moins ?
— Non.
— Vous êtes gérant, donc…
— Nous entretenons les escaliers et les couloirs. Nous veillons à ce que les éboueurs emportent les ordures tous les jours. Mais si vous décidez de pisser contre une porte, je ne peux rien faire.
— Moi ? Je n’ai pas pissé sur cette porte !
— C’est votre version. Comme je l’ai dit, je n’ai aucune preuve.
— Ah… Laissez tomber.
Je me suis levé, mais Sezer n’avait pas terminé :
— Une dernière petite chose : j’ai eu des nouvelles d’Adnan. Ainsi qu’il fallait s’y attendre, il a été arrêté à sa descente d’avion à Istanbul, il y a quelques semaines. Il a été transféré à Ankara, où on lui a annoncé qu’il avait été condamné par contumace. Il en a pris pour quinze ans.
— Ce n’est pas ma faute.
Les mots sont sortis tout seuls. Je me serais giflé. Sezer m’a observé avec un petit sourire.
— Qui a dit que ça l’était ?
Ce jour-là, j’ai lavé ma porte, et les toilettes, et récuré une nouvelle fois la cuvette. Mais la nuit venue, après l’ultime passage d’Omar aux chiottes, j’ai été dans l’impossibilité de me rendormir. Même en cherchant une explication rationnelle à ce qui s’était passé – Adnan avait tenté le destin pendant des années avant de finir par se faire pincer -, je n’arrivais pas à me pardonner. Encore une vie démolie par votre serviteur.
Quand le sommeil ne vient pas, il n’existe qu’un seul remède : le travail. Je me suis attelé à la tâche comme un bœuf. J’ai noirci cinq feuillets avant que l’aube ne pointe. Ce n’était encore que le début de ma fresque, la page trente-cinq de ce qui devait être un très gros roman, mais mon héros, Bill, avait déjà neuf ans tandis qu’il écoutait ses parents s’entredéchirer en buvant du whisky dans leur cuisine du New Jersey. J’étais en train de terminer cette scène – et je n’étais pas mécontent du résultat, je dois dire -lorsque j’ai remarqué que de l’eau fuyait par le petit placard sous le lavabo. Une flaque s’était formée sur le lino usé. Je me suis levé. La raison de la fuite n’a pas été difficile à trouver : le tuyau de vidange avait été rafistolé avec du ruban adhésif qui avait fini par lâcher. Au fond, quelques carreaux de céramique avaient été alignés sans colle ni mortier sur le sol. J’ai repéré un rouleau de scotch plastifié noir posé sur l’un d’eux. Quand je l’ai pris pour réparer provisoirement le joint, le carreau est venu avec. En dessous, un bout de plastique dépassait. J’ai tiré dessus. C’était une pochette zippée qui avait été sommairement enfouie dans le sol. À l’intérieur, il y avait une vingtaine de rouleaux de billets de banque retenus par des élastiques. J’en ai ouvert un : des coupures de cinq, dix et vingt euros qui, après décompte, atteignaient la somme de deux cents euros. Un deuxième rouleau correspondait au même montant, un troisième… Après avoir terminé d’empiler tous les billets de banque, je me suis retrouvé devant quatre mille euros en liquide.
Des traînées de lumière étaient apparues dans le ciel noir. J’ai remis les billets dans la pochette, replacée celle-ci dans sa cachette, posé le carreau par-dessus. Avec mon couteau suisse, j’ai coupé une longueur de ruban et je l’ai enroulée autour du tuyau défaillant. Ensuite, je me suis fait un café, je me suis assis à mon bureau, les yeux levés vers la lucarne, et j’ai considéré le dilemme moral qui se présentait à moi. Il était considérable : quatre mille euros. De quoi m’assurer quatre mois supplémentaires à Paris, avec les restrictions budgétaires qui étaient déjà les miennes. Et puis, il serait tellement facile de garder ma découverte secrète, surtout avec Adnan bouclé quelque part à Ankara… Mais si j’utilisais cet argent sans rien dire, pour gagner quatre mois supplémentaires qu’arriverait-il ensuite ? Honte, culpabilité, remords. Personne ne m’accuserait : mon plus implacable juge, ce serait moi-même.
J’ai terminé mon café. Sur une page de mon calepin, j’ai griffonné quelques mots :
« Cher M. Sezer,
« J’aimerais entrer en relation avec l’épouse d’Adnan afin d’avoir plus d’informations à son sujet. Auriez-vous une adresse postale ou électronique où la joindre ?
« Amicalement. »
Après avoir signé, je suis descendu déposer la note dans la boîte aux lettres de la société de Sezer, puis j’ai grimpé à nouveau dans mon pauvre nid d’aigle, j’ai déroulé le store, réglé l’alarme sur ma montre, je me suis déshabillé et j’ai enfin touché l’oreiller. Lorsque je me suis réveillé, vers une heure de l’après-midi, j’ai tout de suite remarqué un bout de papier glissé sous ma porte. Il portait quelques lignes d’une écriture en pattes de mouches : « Elle s’appelle Mme Z. Pafnuk. Son e-mail est z. pafnuk@atta. tr. Elle sait qui vous êtes, et ce qui est arrivé. » Il n’y avait pas de signature mais j’ai tout de suite reconnu la propension de « Monsieur » Sezer à retourner le couteau dans la plaie.
Je suis parti voir un film. Quand je suis revenu dans mon quartier à la tombée de la nuit, je me suis arrêté au café Internet. Parmi d’autres e-mails sans intérêt, un message m’attendait :
« Harry,
« La bibliothécaire du lycée de Megan a remarqué qu’elle passait un temps considérable sur l’ordinateur. Sommée de s’expliquer, Megan a prétendu qu’elle faisait simplement des recherches sur Internet, mais son attitude a alerté la bibliothécaire, qui a prévenu le proviseur, qui m’a contactée en me rappelant les dangers que les adolescentes courent en correspondant avec des inconnus. À son retour à la maison, j’ai exigé qu’elle me dise la vérité. Comme elle s’y refusait, je l’ai forcée à ouvrir sa boîte e-mail devant moi, et c’est là que j’ai découvert tes messages, qu’elle avait sauvegardés.
« Tes tentatives de t’immiscer subrepticement dans sa vie, et de jouer les pères attentionnés, ne peuvent qu’inspirer le dégoût, tout comme tes lamentables efforts en vue de me faire porter le blâme. Le seul responsable de ta débâcle, c’est toi.
« J’ai eu une longue conversation avec Megan, hier soir. Je lui ai expliqué, en lui épargnant aussi peu de détails que possible, pourquoi ton étudiante s’était suicidée. Elle connaissait la majeure partie de la tragédie, puisque ses camarades de classe n’ont cessé de la tourmenter à ce sujet. Ce qu’elle ignorait, c’était le comportement abominable que tu as eu envers cette malheureuse fille. Désormais, Megan ne veut plus entendre ne serait-ce que ton nom. N’essaie pas de lui envoyer un autre de tes petits mots perfides. Je te garantis qu’elle ne te répondra pas. Je dirai même plus : si tu t’avises encore de l’importuner, je serai contrainte de demander des mesures de protection légale à ton encontre.
« Ne cherche même pas à envoyer une réponse à cette lettre. Elle serait détruite dès réception.
« Susan. »
À la fin de ma lecture, je tremblais si violemment que j’ai dû me cramponner à la tablette en bois brut qui supportait l’ordinateur. Mon « comportement abominable » ? Encore un mensonge que Robson avait fomenté dans sa campagne de diffamation contre moi. « Désormais, Megan ne veut plus entendre ne serait-ce que ton nom. » J’ai pressé mes doigts contre mes paupières pour refouler les larmes. Quand je me suis ressaisi, le regard du barbu derrière le comptoir pesait sur moi, mais il s’est vite détourné, gêné d’avoir été surpris en train d’observer un tel moment de détresse. Je me suis éclairci la voix et je suis allé au bar.
— Vous buvez quelque chose ?
— Un espresso, s’il vous plaît.
— Encore de mauvaises nouvelles ? – J’ai hoché la tête, incapable de parler. – Ça s’arrangera, peut-être…
— Pas cette fois.
Après avoir rempli ma tasse au percolateur, il l’a posée devant moi, a saisi une bouteille de scotch sous le comptoir et m’a versé un petit verre.
— Allez, buvez.
— Merci.
J’ai avalé le whisky cul sec. Après la brûlure initiale, ses effets apaisants se sont bientôt fait sentir. Une deuxième rasade a suivi. Je l’ai regardé.
— Vous parlez turc ?
— Pourquoi vous me demandez ça ?
— Parce que j’ai besoin de quelqu’un qui puisse écrire un e-mail en turc pour moi.
— Quel genre d’e-mail ?
— Personnel.
— Je ne suis pas traducteur.
— Seulement trois lignes.
J’ai senti qu’il me jaugeait, cherchait à deviner mes intentions.
— Comment tu t’appelles ? m’a-t-il soudain demandé.
— Je lui ai répondu en lui tendant la main, qu’il a serrée. -Moi, c’est Kamal. Cette traduction, c’est juste trois lignes, vrai ?
— Oui.
Il a poussé un bloc-notes devant moi.
— D’accord. Écris.
Saisissant le bout de crayon posé sur la page, j’ai tracé rapidement le message sibyllin en français que j’avais déjà composé dans ma tête dans l’après-midi :
« Chère madame Pafnuk,
« Je suis le nouveau locataire de la chambre où Adnan a vécu. Je voulais savoir s’il aurait pu laisser quoi que ce soit dont il aurait besoin et que je pourrais lui renvoyer. Merci de lui transmettre mes amitiés, et encore une fois ma gratitude pour l’aide qu’il m’a apportée. Je pense souvent à lui et je serais heureux de l’aider à mon tour, si sa famille en a besoin.
« Bien à vous. »
J’ai ajouté mon adresse e-mail sous mon nom, puis j’ai tendu le bloc au barbu. Il y a jeté un coup d’œil.
— C’est plutôt sept lignes, ça, pas trois ! – Il m’a adressé un léger sourire. – Bon, tu as son adresse ? – Je lui ai donné le bout de papier qui avait été glissé sous ma porte. -D’accord. Je m’en occupe.
Il est allé s’asseoir devant un moniteur, s’est mis à taper rapidement sur le clavier. Au bout d’un moment, il a annoncé :
— Voilà, c’est parti.
— Combien je vous dois ?
— Un euro pour le café. Le whisky est offert par la maison.
— Et la traduction ?
— Rien.
— Vraiment ?
— Te le connaissais, Adnan.
— Hein ?
— Ne t’inquiète pas, a-t-il poursuivi plus bas. Je sais que c’était pas ta faute.
Mais il y a tellement de choses dont je suis coupable… J’ai été tenté d’envoyer un message à Megan mais j’ai été arrêté par l’idée que Susan mettrait sans doute sa menace à exécution et obtiendrait un ordre du juge m’interdisant tout contact avec ma fille, et que je n’aurais pas les moyens financiers de le contester, avec pour conséquence l’impossibilité de la revoir… Une voix grinçante s’est élevée en moi : « Tu continues à espérer ? Tu ne devrais pas. Sa mère est parvenue à ce qu’elle voulait, à ce que Megan te méprise pour le reste de sa vie. »
C’est le constat qui est revenu m’accabler au cours des jours suivants, journées de grisaille routinière, nuits de sommeil lourd. Chaque après-midi, j’allais vérifier mes e-mails, m’accrochant à l’idée que ma fille n’écouterait pas sa mère, finalement. Au bout d’une semaine, quelqu’un m’a écrit, certes, mais en turc : Mme Pafnuk, dont Kamal m’a traduit le texte :
« Cher monsieur Ricks,
« J’ai été contente d’avoir de vos nouvelles, et Adnan aussi. Je lui ai rendu visite hier. Il dit que c’est très dur, là où il est, mais il essaie de tenir le coup et de garder sa raison. Il m’a demandé de vous saluer et de vous transmettre ses amitiés. Il a dit aussi que vous deviez bien tout regarder dans sa chambre, parce qu’il y a un endroit où il a mis quelque chose de très important. Il a l’impression que vous l’avez déjà trouvé. Si c’est le cas, merci de me le confirmer par e-mail. Encore une fois, mon mari vous remercie pour votre aide et vous envoie son salut fraternel. »
Quand il a eu terminé de me le traduire en français, Kamal a pincé les lèvres.
— Elle a chargé l’écrivain public de son village de rédiger ça, c’est clair.
— Pourquoi ?
— Adnan m’a dit un jour qu’elle savait à peine lire et écrire. Il venait ici deux fois par semaine pour lui envoyer des messages. Il me les dictait, parce que lui-même était presque illettré.
— Donc tu es aussi écrivain public ?
— Quand on s’occupe d’un cybercafé dans un coin comme celui-ci, on finit par écrire plein d’e-mails pour les autres, oui. Mais d’ici un an, on ne sera plus là : notre bail expire dans neuf mois et le proprio va doubler le loyer, on le sait. Le quartier est en train de changer, tu comprends ? Les Français reviennent.
— Tu veux dire les Français qui ont de l’argent ?
— Oui. Les « bobos ». Les fils de riches qui rachètent tout ce qu’il y a à rénover dans le Xe. Ils font monter les prix, évidemment. Je te parie que d’ici un an et demi ce sera un restau chic, ici, ou une boutique de savons hors de prix. Dans peu de temps, les seuls Turcs que tu verras dans la zone, ce seront des serveurs.
— Et qu’est-ce que tu vas faire, toi ?
— Moi ? Survivre, comme d’habitude. Bon, tu veux répondre à son message ?
— Bien sûr.
J’ai rédigé une courte note expliquant à Mme Pafnuk que j’avais en effet trouvé ce à quoi Adnan faisait allusion, et qu’elle devait m’indiquer comment le lui transmettre. Après avoir lu ces deux lignes, Kamal m’a regardé.
— Combien d’argent tu as trouvé ?
— Comment sais-tu que c’est de l’argent ?
— N’aie pas peur. Je ne vais pas débarquer chez toi cette nuit pour te flanquer un coup de marteau sur la tête et me tirer avec.
— C’est bon à savoir.
— Alors ? C’est une grosse somme ?
— Pas mal, oui.
Il m’a observé un instant.
— Et tu es un homme d’honneur.
— Non. Pas du tout.
Deux jours plus tard, les consignes de Mme Pafnuk sont arrivées. J’étais censé envoyer le « colis » au bureau de la Western Union à Ankara. « J’irai rendre visite à Adnan dimanche et je pourrai le récupérer alors », précisait-elle. Après m’avoir traduit, Kamal a observé :
— Il y a un bureau de la Western Union boulevard de la Villette, près du métro Belleville.
— Je vais y aller tout de suite.
— Allez, dis-moi. Combien tu as trouvé ? – J’ai hésité. -D’accord, ne me le dis pas ! C’était de la curiosité, rien de plus.
— Quatre mille.
Il a sifflé entre ses dents.
— Tu dois être plein aux as, pour avoir décidé de mettre la femme d’Adnan au courant…
— Si j’étais riche, je ne vivrais pas dans une chambre de bonne rue de Paradis, tu ne crois pas ?
— C’est vrai. Donc tu es un imbécile.
J’ai souri.
— Un parfait imbécile, oui.
De retour dans ma chambre, j’ai sorti le pactole de sa cachette, puis j’ai réparti l’argent dans les poches de mon jean et de mon blouson. Je me faisais l’effet d’être un revendeur de drogue. Il était cinq heures, la nuit tombait. J’ai marché très vite, craignant que le sort ne me joue encore un mauvais tour sous la forme d’un pickpocket, le premier auquel j’aurais eu affaire à Paris, mais la chance a été avec moi. Dans le petit bureau grillagé de la Western Union, la préposée, une Africaine au visage impassible mais dont les yeux étaient pleins de soupçon, m’a regardé déballer tous les rouleaux de billets. Après avoir compté les coupures, elle m’a déclaré que les frais d’envoi en Turquie seraient de cent dix euros. Fallait-il les déduire des quatre mille ?
J’aurais bien aimé, mais j’ai déclaré :
— Non. Je paierai les frais en plus.
Ensuite, retour au cybercafé, où j’ai prié Kamal d’envoyer à Mme Pafnuk le code de transaction dont elle aurait besoin pour retirer l’argent à Ankara. Quand il a eu fini, il est passé derrière le bar et a pris une bouteille de Johnnie Walker qu’il a brandie à mon intention :
— Viens, on va boire à ton honnêteté… et à ta bêtise !
En une heure, nous avons presque éclusé la bouteille. Je n’avais pas bu autant depuis très longtemps, et je dois dire que descendre quelques verres m’a fait un bien fou. Kamal m’a raconté qu’il était né à Istanbul et arrivé à Paris avec ses parents tout jeune, trente ans auparavant.
— Ils avaient des papiers en règle, donc pas de problème avec les flics. Mais débarquer dans une école française à sept ans et à Saint-Denis, ç’a été un cauchemar. Je ne parlais pas un mot de français, heureusement, c’était le cas de plus de la moitié des gamins de ma classe. J’ai vite appris. Je n’avais pas le choix. Et maintenant, j’ai même un passeport français.
— Es-tu français pour autant ?
— Je me sens français, oui, mais les autres me considèrent toujours comme un immigré. Ici, tu restes un étranger, si tu n’es pas un « vrai » Français. C’est pas comme à Londres, où tout le monde vient d’ailleurs, même les Anglais… Ça se mélange. À Paris, non. Les Français restent avec les Français, les Nord-Africains avec les Nord-Africains, les Turcs avec les Turcs. Tant pis. C’est comme ça.
Il n’a pas donné d’autres détails sur sa vie personnelle, sinon pour mentionner au passage une épouse, deux enfants encore petits, et lorsque je lui ai demandé comment ils s’appelaient il a tout de suite changé de sujet, m’interrogeant sur ma propre vie en Amérique. Comme je faisais allusion à ma récente et catastrophique crise conjugale, il m’a interrogé d’un ton amusé :
— Et qui est l’autre femme ?
— Ah… C’est une longue histoire.
— Où est-elle, maintenant ?
— Encore une longue histoire.
— Tu ne veux pas trop en dire.
— Toi non plus.
Un petit sourire, puis :
— Bon, et à quoi tu t’occupes, à Paris ?
— Je… J’essaie de devenir écrivain.
— Ça paie, ça ?
— Tu plaisantes !
— Alors comment tu t’en sors ?
— En économisant sur tout. Mais dans un mois et demi, je serai complètement à sec.
— Et là ?
— Aucune idée.
— Tu cherches du travail ?
— Je n’ai pas de carte de séjour. C’est très difficile d’obtenir un permis de travail en France, pour un Américain.
— Tu pourrais essayer les universités, avec ton CV…
Non, je ne pouvais pas. Ils auraient demandé une lettre de référence de la faculté dans laquelle j’avais enseigné pendant dix ans, et quand ils découvriraient ce qui s’était passé…
— Ce ne serait pas facile, ai-je fini par répondre.
— Je vois… – Il a pris son paquet de cigarettes. – Donc, tu es dans une mauvaise passe, hein ?
— C’est une façon de le dire, oui.
— Et donc tu serais intéressé par un boulot ?
— Je te l’ai dit, je ne serais pas en règle avec la loi et…
— Aucune importance.
— Pourquoi ?
— Parce que le boulot auquel je pense n’est pas réglo non plus.