ÉNIGME EN CORSE (suite)
très gros hématome. La femme, elle, ne présentait aucune trace de lutte, aucune blessure.
Signalons cependant que l’un et l’autre, dès qu’ils furent retirés de l’eau, saignèrent abondamment des oreilles. Le docteur Marchesi, qui avait été appelé sur les lieux, diagnostiqua, après un rapide examen, une fracture du crâne, chez l’homme tout au moins.
L’AFFAIRE SE COMPLIQUE
En interrogeant la direction de l’établissement, on apprit que c’était un couple comme il y en a tant dans le Camp, et qui ne s’était signalé en rien. On apprit cependant que l’homme portait toujours un porte-documents dont il ne se séparait jamais.
D’autre part, une serveuse avait remarqué que le couple ne vivait pas en bonne intelligence. Des disputes entre eux étaient fréquentes.
— S’étaient-ils disputés mercredi soir, quelques heures avant leur mort ? lui demanda-t-on.
— Non, ce soir-là, ils ne s’étaient pas présentés au restaurant, répondit-elle.
Fait bizarre aussi, la femme, dès le surlendemain de son arrivée, avait demandé à loger dans un autre bungalow car, disait-elle, son compagnon ronflait et cela la gênait.
Étrange couple en effet ; la femme apprenait en vacances que l’homme avec qui elle vivait ronflait au point de l’empêcher de dormir.
On conclut vite qu’ils n’étaient pas mariés. On pensa à l’aventure galante. Selon les constatations du Dr Marchesi, la mort était survenus la veille vers 21 h.
INVENTAIRE
Comme l'exige la loi, c'est en présence du premier magistrat de la commune, M. Léonello, maire de Castellare di Casinca que se déroula l’inventaire des affaires se trouvant dans le bungalow où avait logé l'homme. Mis à part les divers objets de toilette et vêtements habituels, on découvrit dans le bungalow le fameux porte-documents qui ne contenait d’ailleurs que quelques mouchoirs sales et autres bricoles insignifiantes. On trouva également une certaine somme d'argent en billets français et allemands. Le mobile du crime crapuleux était donc à écarter. En fouillant systématiquement la pièce, les gendarmes découvrirent quelques lettres sans importance, des coupures de journaux littéraires traitant de sujets philosophiques ou théologiques, des études sur l'homme, l’avenir, le néant, etc…
Autre indication que l'on apprit plus tard, l’un et l'autre n’aimaient pas se baigner. Ils passaient leurs journées à l’ombre, loin de la plage.
Une paire de tenailles dans un sac à main.
La première découverte apportant un indice valable fut le sac à main de la femme contenant… une paire de tenailles toute neuve achetée en Allemagne. Drôle d’objet pour une femme. Voulait-elle s’en servir comme massue pour défendre ou attaquer ? On découvrit aussi de nombreux médicaments, des sédatifs, et l'on apprit immédiatement après, grâce à une fiche de maladie, que tous deux avaient déjà été soignés en Allemagne pour dépression nerveuse.
A l5 h, le Parquet arriva sur les lieux : MM. Ricci substitut du Procureur, Léonello, juge d’instruction, et Colonna, médecin-légiste ; ils examinèrent les lieux du drame puis les Sapeurs-Pompiers da Bastia emmenèrent les corps à la Morgue, où le médecin-légiste devait procéder à l'autopsie.
HYPOTHÈSES
Après les premières constatations, il est difficile de tirer des conclusions. Des hypothèses sont permises : on avait entendu, parait-il, des cris, vers minuit ; mais l'heure ne concorde pas et, de plus, cette nuit-là, on fêtait dans un établissement voisin, assez bruyamment, le baptême d’un nouveau bateau de plaisance. Ce sont donc sans doute les cris des fêtards qui furent perçue.
Quant aux bateaux qui passèrent, dit-on, en début de nuit, chaque soir plusieurs d’entre eux vont à la pêches.
S’agit-il d’un double crime commis par un tueur venu accomplir une vengeance ?
Les enquêteurs y songèrent un moment. Mais plus vraisemblable est l'hypothèse suivante : la femme s’aperçoit que l'homme qu’elle aime va la quitter ; les vacances se terminent, et avec elles son amour aussi. Profitant de ce que l'homme est plutôt de faible constitution, (il boitait légèrement de surcroît) elle l’assomme, le jette à l'eau et se noie aussi.
Tout cela, répétons-le, ne sont que des hypothèses et si d’autres indications ne sont pas données par l'autopsie, tes enquêteurs n’auront pas la tâche facile.