UN CYCLONE À LA JAMAÏQUE
en arrière jusqu’aux bossoirs pour reprendre son élan ; mais à chaque charge nouvelle, sa course devenait plus limitée. Le porc la cernait. Tout à coup, et principalement parce qu’il était surpris de sa propre témérité, il lança un cri épouvantable, et fondit sur elle. Il l’avait coincée contre le cabestan, et pendant l’espace d’un éclair il put la mordre et la piétiner. C’est une chèvre très assagie qui fut alors emmenée dans ses quartiers ; mais les enfants étaient disposés à l’aimer à jamais, pour les coups héroïques qu’elle avait portés au vieux tyran.
Toutefois, il n’était pas absolument dépourvu de sentiments humains, ce cochon. Le même après-midi, étendu sur le grand panneau, il était en train de manger une banane. Le singe du bâtiment, se balançait au-dessus de lui, au bout d’une corde lâche. Et, guignant cette proie, il se laissa glisser aussi bas que possible, de manière à la lui arracher des pattes. On n’aurait jamais pu penser que le masque immobile d’un porc pouvait exprimer une telle stupeur, un tel désespoir, un sentiment si piteux d’injustice.