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Non. Absolument pas.

Je ne suis pas naïf. Je regarde des séries Amazon. J’achète des livres qui ne se trouvent que sur IberLibro.com, site appartenant à AbeBooks.com, lui-même racheté par Amazon en 2008. Je cherche constamment des informations sur Google. Et j’offre de la même façon mes données plus ou moins maquillées, même à Facebook.

 

Je sais qu’ils sont les trois ténors de la globalisation.

Je sais que leur musique est celle du monde.

Mais je crois à la résistance minime et nécessaire. À la préservation de certains rituels. À la conversation, qui est l’art du temps ; au désir, qui est du temps transformé en art. Au sifflotement, quand je me promène entre chez moi et une librairie, de mélodies que je suis le seul à entendre, qui n’appartiennent à personne d’autre.

 

Les livres non épuisés, je les achète toujours dans des librairies physiques, indépendantes et de confiance.

 

C’est ce que j’ai fait, par exemple, l’autre jour. Je suis allé chez Nollegiu, ma librairie de quartier et j’ai acheté La Ville générique de l’architecte et essayiste Rem Koolhaas. Et tandis que j’y buvais un café, j’ai pu lire : « Parfois une ville ancienne et singulière, telle que Barcelone, devient générique à force de trop vouloir simplifier son identité. » Transparente, ajoute-t-il. Interchangeable. « Comme un logo. »

 

Au fait, ce livre a été publié chez Gustavo Gili dans cette même ville, lorsqu’ils étaient encore dans leurs anciens locaux.

 

 

Ce texte, traduit de l’espagnol par Mikaël Gómez Guthart, designé par l’Atelier des grands pêchers (ADGP), et imprimé par Corlet, fut découvert dans sa version anglaise à la librairie John Sandoe de Chelsea à Londres. Il a été publié pour la première fois en ligne par le magazine espagnol Jot Down en avril 2017, qui en a fait des affiches qu’il a envoyées par centaines aux quatre coins du pays. Encadré, il peut encore être lu à la porte de Rata Corner à Palma de Majorque et dans les librairies parmi les plus isolées du pays. En novembre 2017, il a été publié en anglais, dans une traduction de Peter Bush, simultanément dans les deux formats : numérique, sur le site Literary Hub, et papier, sous la forme d’un magnifique livret artisanal imprimé et cousu main, que l’éditeur canadien Biblioasis a offert à trois cents libraires et journalistes à l’occasion du lancement aux États-Unis du livre Librairies. L’intérêt suscité par cet élégant livret de colportage fut tel que l’éditeur Dan Wells a fini par en envoyer 3 000 à des professionnels du monde entier.