particulier
le cas des populations des
Mondes ExtÇrieurs les plus proches de la Terre; celles-ci gardent en effet, plus que d'autres, le souvenir des premiers siäcles
au cours desquels les voyages interstellaires devinrent chose facile : Ö
cette
Çpoque, leurs mondes Çtaient, politiquement et Çconomiquement, contrìlÇs par la
Terre.
- Bah! soupira Baley. Tout ça, c'est de l'histoire ancienne!
Sont-ils rÇellement inquiets ?,Ont-ils encore l'intention de nous chercher noise pour des incidents qui se sont produits il y a des centaines d'annÇes ?
- Les humains, rÇpliqua R. Daneel, ont une curieuse mentalitÇ. Ils ne sont pas, Ö bien des points de vue, aussi raisonnables que nous autres robots, parce que leurs circuits ne sont pas, comme les nìtres, calculÇs Ö l'avance. Il paraåt, m'a-t-on dit, que cela comporte des avantages.
- C'est bien possible, fit Baley sächement.
- Vous àtes mieux placÇ que moi pour le savoir, dit R. Daneel. quoi qu'il en soit, la persistance des Çchecs que nous avons connus sur la Terre a renforcÇ
les partis nationalistes des Mondes ExtÇrieurs. Ceux-ci dÇclarent que, de toute
Çvidence, les Terriens s'ont des àtres diffÇrents des Spaciens, -et qu'il ne peut
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àtre question de leur inculquer nos traditions. Ils affirment que, si nous contraignons par la force la Terre Ö utiliser comme nous les robots, nous provoquerons inÇvitablement la destruction de la Galaxie
tout entiäre. Ils n'oublient jamais, en effet, que la population de la Terre s'Çläve Ö huit milliards, alors que celle des cinquante Mondes ExtÇrieurs rÇunis excäde Ö peine cinq milliards et demi. Nos compatriotes, en particulier le Dr
Sarton...
- C'Çtait un savant ?
- Oui, un spÇcialiste des questions de sociologie, particuliärement celles concernant les robots : il Çtait extràmement brillant.
- Ah, vraiment ? Continuez.
- Comme je vous le disais, le Dr Sarton et d'autres personnalitÇs comprirent
que Spacetown - et
tout ce que cette ville reprÇsente - ne pouvait pas subsister longtemps, si des idÇes comme celles que je viens de vous exposer continuaient Ö se dÇvelopper, en puisant leur raison d'àtre dans nos Çchecs continuels. Le Dr Sarton sentit
que l'heure Çtait venue de faire un supràme effort pour comprendre la psychologie
du Terrien. Il est facile de dire que les
peuples de la Terre sont par nature conservateurs, et de parler en termes mÇprisants des Æ indÇcrottables Terriens Ö, ou de la Æ mentalitÇ insondable des populations terrestres Ø; mais cela ne rÇsout pas le probläme. Le Dr Sarton dÇclara que de tels propos ne prouvaient qu'une chose, l'ignorance de leurs auteurs, et qu'il est impossible d'Çliminer le Terrien
au moyen d'un slogan ou avec du bromure. Il affirma que les Spaciens dÇsireux de rÇformer la Terre devaient renoncer Ö la politique
isolationniste de Spacetown et se màler beauCOUP plus aux Terriens; ils 89
devraient vivre comme eux, penser comme eux, concevoir l'existence comme eux.
- Les Spaciens ? rÇpliqua Baley. Impossible.
- Vous avez parfaitement raison, reprit R. Daneel.
En dÇpit de ses thÇories, le Dr Sarton ne put jamais se dÇcider Ö pÇnÇtrer dans une de vos villes. Il's'en sentait incapable. Il n'aurait jamais pu endurer ni leur ÇnormitÇ ni les foules qui les peuplent. Si màme on l'avait contraint d'y venir, sous la menace d'une arme Ö feu, vos conditions intÇrieures d'existence lui auraient paru tellement Çcrasantes qu'il n'aurait jamais rÇussi Ö dÇcouvrir les vÇritÇs intÇrieures qu'il cherchait Ö comprendre.
- Mais voyons, demanda Baley, comment admettre cette idÇe fixe des Spaciens
concernant nos maladies? Ne l'oubliez pas, R. Daneel! A ce seul point de vue, il n'y a pas un Spacien qui se risquerait Ö pÇnÇtrer dans une de
nos citÇs.
C'est träs vrai. La maladie, telle que les Terriens ont l'habitude d'en faire l'expÇrience, est une chose inconnue dans les Mondes ExtÇrieurs, et la peur de ce que l'on ne connaåt pas et toujours morbide. Le Dr Sarton se rendait parfaitement compte de tout cela; nÇanmoins, il n'a jamais cessÇ d'insister sur la nÇcessitÇ d'apprendre Ö connaåtre toujours plus intimement les Terriens et leurs coutumes.
- Il me semble qu'il s'est ainsi engagÇ dans une impasse.
Pas tout Ö fait. Les objections soulevÇes contre l'entrÇe de nos compatriotes dans vos villes sont valables pour des Spaciens humains; mais les robots spaciens sont tout diffÇrents.
Æ C'est vrai, se dit Baley, j'oublie tout le temps qu'il en est un!Ø
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- Ah! fit-il Ö haute voix.
- Oui, rÇpliqua R. Daneel. Nous sommes naturellement plus souples, en tout cas
Ö ce point de vuelÖ. On peut nous construire de telle façon que nous nous adaptions parfaitement Ö la vie terrestre. Si l'on nous fait un corps identique Ö celui des humains, les Terriens nous accepteront mieux et nous laisseront pÇnÇtrer davantage dans
leur intimitÇ.
- Mais vous-màme?... dit Baley, se sentant soudain le coeur plus lÇger.
- Moi, je suis prÇcisÇment un robot de cette espäce. Pendant un an, le Dr Sarton a travaillÇ aux plans et Ö la construction de tels robots.
Malheureusement, mon Çducation n'est pas encore compläte. J'ai ÇtÇ, en hÉte et prÇmaturÇment, affectÇ Ö la mission que je remplis actuellement, et c'est lÖ une des consÇquences du meurtre.
- Ainsi donc, tous les robots spaciens ne sont pas comme vous ? Je veux dire que certains ressemblent plus Ö des robots et ont
une apparence moins humaine. C'est bien cela ?
- Mais bien sñr! C'est tout naturel. L'aspect extÇrieur d'un robot dÇpend essentiellement de la mission qu'on lui donne. Ma propre mission exige un aspect tout ce qu'il y a de plus humain, et c'est bien mon cas. D'autres robots sont diffÇrents, et cependant ils sont tous humanoãdes
Ils le sont certes plus que les modäles si primitifs et si mÇdiocres que j'ai
vus dans le magasin de chaussures. Tous vos robots sont-ils ainsi faits ?
- Plus ou moins, dit Baley. Vous en dÇsapprouvez l'emploi ?
- Bien entendu. Comment faire admettre qu'une aussi grossiäre parodie de l'àtre humain puisse prÇtendre 91
Ö quelque ÇgalitÇ intellectuelle avec l'homme?
Vos usines ne peuvent-elles rien [construire de mieux ?
- Je suis convaincu que si, Daneel. Mais je crois que nous prÇfÇrons savoir si nous avons ou non affaire Ö un robot.
Ce disant, il regarda son interlocuteur droit dans les yeux; ils Çtaient brillants et humides, comme ceux d'un homme, mais Baley eut l'impression que leur regard Çtait fixe, et n'avait pas cette mobilitÇ que l'on trouve chez l'homme.
- J'espäre qu'avec le temps, dit R. Daneel, je parviendrai Ö comprendre ce point
de vue.
Pendant un court instant, Baley eut l'impression que cette rÇponse n'Çtait pas dÇnuÇe de sarcasme; mais il chassa vite cette pensÇe.
- De toutes maniäres, reprit R. Daneel, le Dr Sarton avait clairement compris
que tout le probläme consistait Ö trouver la formule adÇquate combinant C/Fe.
- C/Fe ? qu'est-ce que c'est que ça ?
- Tout simplement les symboles chimiques du
carbone et du fer, Elijah. Le carbone est l'ÇlÇment de base de la vie humaine, et le fer est celui de la vie des robots. Il devient facile de parler de C/Fe, quand on dÇsire exprimer une forme de culture qui puisse combiner au mieux les propriÇtÇs des deux ÇlÇments, sur des bases Çgales et paralläles.
- Ah! fit Baley. Mais, dites-moi, comment Çcrivez-vous ce symbole C-Fe ?
Avec
un trait d'union ?
- Non, Elijah, avec une barre en diagonale. Elle signifie que ni l'un ni l'autre des ÇlÇments ne prÇdomine, et qu'il s'agit d'un
mÇlange des deux, sans qu'aucun ait la prioritÇ.
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MalgrÇ lui, Baley ne put s'empàcher de s'avouer qu'il Çtait träs intÇressÇ par ce que lui disait R. Daneel. L'instruction que
l'on donnait couramment aux jeunes Terriens ne comportait Ö peu präs aucun renseignement sur l'histoire et la sociologie des Mondes ExtÇrieurs, Ö