POSTFACE

DANS les Contes et Légendes des héros de la mythologie, je précisais qu’un héros est « le fruit de l’union d’un dieu et d’un(e) humain(e) ». Quand il ne s’agit plus de mythologie mais d’Histoire, qui mérite alors le qualificatif de héros ? « Une personne exemplaire par sa bravoure, ses exploits, ou tout homme digne de gloire par son dévouement total à une cause, une œuvre », affirme le Robert… qui oublie qu’une femme peut être une héroïne !

Or, si la Grèce est le pays où se sont illustrés de glorieux guerriers comme Léonidas ou Alexandre, c’est surtout la nation qui a donné les plus grands philosophes et scientifiques de l’Antiquité !

D’entrée, je dus faire face à deux difficultés : d’abord choisir douze « héros » parmi… trente ou quarante ! Et surtout, relater de façon attrayante de vraies données historiques au moyen d’un vocabulaire rigoureux. Hélas, à chaque ligne, il aurait fallu définir les termes de « barbare », d’« académie », d’« assemblée », d’« ecclésia »… Expliquer la rivalité de Sparte et d’Athènes. Préciser le statut du citoyen… au risque de noyer le lecteur dans mille justifications ou notes !

Or, je voulais des histoires vivantes, accessibles à tous. Deux cartes et un glossaire détaillé permettront au lecteur exigeant d’affiner ses connaissances et de tisser des liens entre les lieux et les personnages de ces douze récits – voire avec son manuel d’Histoire !

 

HOMÈRE, l’auteur présumé de l’Iliade et de l’Odyssée, a-t-il existé ? M’écartant de la contestable Vie d’Homère attribuée à Hérodote, j’ai préféré, pour faire le lien avec la mythologie, évoquer l’hypothèse pas si invraisemblable d’un « Homère multiple » !

Pour la bataille de MARATHON, j’ai cédé à la légende (créée vers 180 ap. J.-C. par Lucien de Samosate) du fameux envoyé qui aurait couru d’une traite jusqu’à Athènes. Quant à la bataille des Thermopyles, elle est conforme à ce que l’histoire nous en a livré.

Vers 466 avant Jésus-Christ, un aérolithe a bel et bien percuté le sol près du fleuve Aigos Potamos ! Sachant qu’ANAXAGORE vivait à la même époque et qu’il avait émis d’audacieuses hypothèses astronomiques, j’ai imaginé qu’il avait pu observer le phénomène. Comme Socrate a pu être l’un de ses élèves, la tentation était forte d’imaginer que les théories du savant avaient pu influencer le futur philosophe… En consultant la carte, je fus stupéfait de constater qu’Aigos Potamos se trouvait tout près de Lampsaque, la ville où Anaxagore s’exila dans la deuxième partie de sa vie ! Ainsi, en voulant rassembler plusieurs faits de façon arbitraire, j’étais peut-être en train de reconstituer une scène qui s’était réellement produite !

Comment résumer le siècle de Périclès, l’âge d’or de la Grèce ? Pourquoi pas avec Aspasie, seule héroïne du recueil ? Son fameux cénacle me permettait d’introduire et de présenter les plus grands créateurs de son temps, qui furent souvent ses hôtes. Son statut d’étrangère rejetée par les Athéniens me semblait actuel et… édifiant.

La vie de SOCRATE fut lisse, discrète. Le seul épisode marquant restait son procès, que j’ai préféré observer par le biais de Platon. Phédon d’Élie, philosophe disciple de Socrate, et le compositeur Éric Satie (qui composa l’opéra La Mort de Socrate) me pardonneront quelques libertés et dialogues peu conformes à une audience qui, dans la réalité, fut moins simpliste ou lapidaire. Mon ambition était surtout d’illustrer la méthode philosophique de Socrate et de rendre le mythe de la caverne accessible à de jeunes lecteurs !

Quant à DIOGÈNE, la modernité de sa pensée, ses provocations en font, selon moi, un philosophe qui n’a rien perdu de son actualité.

Avec DÉMOSTHÈNE, je voulais illustrer l’importance et la force de l’usage de la parole chez les Grecs.

L’immense ARISTOTE eut une vie longue, tourmentée, presque entièrement vouée à l’étude. Son sort de perpétuel exilé m’a permis de faire le lien, lors de son retour dans sa patrie, avec celui dont il assura la fin de l’éducation : le futur Alexandre le Grand. Au lieu de relater les conquêtes de ce dernier (elles font l’objet de biographies détaillées), j’ai préféré, pour éclairer sa vie, condenser les faits en une soirée – et utiliser comme témoin Callisthène, le neveu d’Aristote, qui fut son historiographe, son compagnon de route et… l’une de ses victimes.

Sait-on qu’ÉRATOSTHÈNE, convaincu de la rotondité de la Terre, en mesura le périmètre avec une infime marge d’erreur il y a… vingt-deux siècles et demi ? À mes yeux d’auteur soucieux de réconcilier sciences et littérature, cet astucieux exploit méritait d’être relaté par le menu. Son complice, l’Égyptien Torus, a été inventé pour les besoins du récit.

Pour ARCHIMÈDE, j’ai cédé au mythe en concentrant l’action. Car si le savant découvrit (dans son bain, en effet !) la solution du problème que lui posa Hiéron, il lui fallut des années pour énoncer la loi complexe qui en découle.

Enfin, à ceux qui m’accuseraient d’un manque de rigueur, je répondrais : dans ces récits, rien n’est en désaccord avec l’Histoire ; les lettrés retrouveront dans la bouche de mes héros leurs paroles restées célèbres – jusqu’aux termes de la lettre qu’envoya Philippe II à Aristote ! Enfin, je leur rétorquerais que les héros, pour perdurer dans la mémoire collective, réclament eux aussi des mythes.

Après tout, Marathon a peut-être besoin de son coureur olympique, Archimède de sa baignoire, Diogène de son tonneau… et de sa lanterne !