1.

Je t’appelle mon Dieu mon amour tu m’as fait

je t’oubliais tu ne m’oubliais pas

mon moi t’appelle tu le prépares à t’accueillir tu inspires son désir

je t’appelle maintenant ne m’abandonne pas

je t’appelle tu m’as devancé appels urgents fréquents en tous genres je les entends de loin je reviens tu m’appelles je t’appelle

oui Seigneur tu as effacé tout ce que j’ai fait de mal pour ne pas punir mes mains qui m’ont séparé de toi tu as devancé tout ce que j’ai fait de bien pour récompenser tes mains qui m’ont fait

Tu étais avant que je sois je n’étais pas tu n’avais pas à me garantir d’être et pourtant je suis c’est ta bonté qui a devancé tout ce que tu m’as fait tout ce dont tu m’as fait

non tu n’avais pas besoin de moi je n’ai rien de bien qui aurait pu t’aider mon Seigneur mon Dieu rien pour te servir comme soulager ta fatigue dans l’action privée de moi ta puissance n’aurait pas faibli

je n’ai pas à te cultiver comme une terre si je ne te cultive pas tu ne deviens pas terre inculte

je suis ton esclave tu es mon culte

le bien me vient de toi l’être me vient de toi qui me fait être

moi le destinataire du bien

2.

Ta créature résiste. C’est un acte de ta grande bonté.
Même un bien qui te serait inutile ni égal à toi ne peut manquer puisque tu peux le faire.
Qu’avais-tu à gagner en faisant le ciel et la terre au commencement ?
Que la nature spirituelle et la nature physique disent alors ce que tu avais à gagner quand tu les as faites dans ta sagesse ?
Avec elles tout le reste était en suspens, même informe et à l’état d’ébauche. La nature spirituelle ou la nature physique s’éloignaient de toi dans l’anarchie, la dissemblance. L’informe issu de la nature spirituelle avait plus de valeur que s’il était un corps formé. L’informe issu de la nature physique avait plus de valeur que s’il n’était rien du tout. Choses informes qui restaient en suspens dans ta parole tant que cette parole ne les rappelait pas à ton unité pour leur donner une forme et les rendre toutes très bonnes dans l’Un – c’est-à-dire toi, bien suprême.
Qu’avais-tu à gagner à cette existence, même informe, qu’elle ne devait qu’à toi ?

3.

Qu’avais-tu à gagner à l’existence de la matière physique, même invisible et inorganisée – ce qu’elle n’aurait même pas été si tu ne l’avais pas faite ?
Précisément parce qu’elle n’était pas, tu n’avais rien à gagner à son existence.
Et qu’avais-tu à gagner à l’ébauche de la créature spirituelle, à cette nuit liquide comme abyssale, dissemblable de toi, si cette même parole ne l’avait pas tournée vers cette même parole qui l’avait faite, et ne l’avait pas faite lumière en l’éclairant ? Pas comme son égale mais conformée pourtant à la forme égale à toi.
De même que pour un corps, être n’équivaut pas forcément à être beau, sans quoi aucun corps ne serait difforme. De même pour un être créé, vivre n’équivaut pas forcément à vivre sagement, sans quoi il serait immanquablement sage. Mais son bonheur, c’est d’adhérer toujours à toi de peur qu’en se détournant de toi, il ne perde la lumière qu’il a obtenue en se tournant vers toi. Et ne retombe alors dans une existence pareille à la nuit abyssale.
Oui, nous aussi, qui par notre âme sommes une créature spirituelle, en nous détournant de toi, notre lumière, nous avons été autrefois une nuit vivante, et nous souffrons encore des restes de cette noirceur avant de devenir ta justice dans ton fils unique, montagnes de Dieu, après avoir été tes condamnations, immense abîme.

4.

Pour moi, ta description des débuts de la création – « lumière, et lumière il y a » – correspond raisonnablement à la créature spirituelle. Une sorte de vie déjà, et que tu devais éclairer. Mais tu n’avais rien à gagner à l’existence d’une vie que tu pouvais éclairer, et tu ne gagnais rien non plus, une fois qu’elle était là, à l’éclairer. Cette vie informe ne t’aurait pas plu si elle n’avait été lumière que du simple fait d’exister et de par sa contemplation de la lumière éclairante et de par son adhésion. Elle ne tient son existence, et son existence dans le bonheur, qu’à ta grâce, qui en la changeant en mieux l’a convertie à ce qui ne peut changer ni en mieux ni en pis. C’est ce que toi seul tu es. Tu es le seul, tout simplement. Toi pour qui vivre et vivre dans le bonheur ne sont pas deux choses différentes puisque le bonheur c’est toi.

5.

De quoi pourrais-tu manquer pour le bien que tu es à toi-même si ces créatures n’existaient pas du tout ou si elles restaient informes ? Tu ne les as pas faites par besoin mais dans ta grande bonté. Oui, tu les as retenues et converties à une forme. Mais ta joie, pour être complète, n’a pas besoin d’elles. Tu es perfection et tu n’aimes pas leur imperfection. Elles tirent de toi leur perfection parce que c’est ton plaisir. Et non parce que tu serais imparfait et que tu devrais tirer ta perfection de leur perfection.
Oui, ton souffle est bon. Il a été élevé au-dessus des eaux et non élevé par les eaux comme s’il avait reposé en elles. Quand on dit que ton souffle se repose dans des êtres, c’est en fait lui qui les fait reposer en lui. Et ta volonté indestructible et immuable, qui se suffit en elle-même, a été élevée au-dessus de la vie que tu avais faite. Pour cette vie, vivre n’est pas la même chose que vivre dans le bonheur. Elle vit même quand elle flotte dans sa nuit. Il lui reste alors à se tourner vers celui qui l’a faite, à vivre de plus en plus près de la source de vie, et à voir la lumière dans sa lumière, devenir perfection, illumination, bonheur.

6.

M’apparaît alors l’énigme de la trinité que tu es, mon Dieu.
Parce que toi, père, tu as fait le ciel et la terre au commencement de notre sagesse, ta sagesse née de toi, égale à toi, coéternelle – c’est ton fils.
Nous avons dit beaucoup de choses sur le ciel de ciel, sur la terre invisible et inorganisée, les abîmes noirs, à propos de la nature spirituelle, fluide informe et vagabond si elle ne se tournait pas vers celui qui en faisait une vie, et par son illumination une belle vie, et qui n’était pas le ciel de ciel, fait après entre l’eau et l’eau. J’avais déjà avec le nom même de Dieu le père qui a fait ces choses, et le fils avec le nom de commencement dans lequel il a fait ces choses. Croyant que mon Dieu est trinité comme je le croyais, je cherchais la troisième personne dans ses saints propos. Et voilà. Ton souffle au-dessus des eaux. Voilà la trinité, mon Dieu, père, fils et souffle saint, créateur de toute créature.

7.

Mais pourquoi ?
Lumière véridique, j’applique mon cœur contre toi : il ne m’apprenait rien.
Dissipe ses ténèbres et dis-moi, je t’en supplie, mère charité, je t’en supplie, dis-moi pourquoi ce n’est seulement qu’après avoir nommé le ciel et la terre invisible et inorganisée, et la nuit au-dessus de l’abîme, que tes Écritures ont nommé ton souffle ?
On ne pouvait donc pas en faire mention sans dire qu’il était élevé au-dessus de quelque chose ? Et ce n’était sans doute possible qu’à la condition d’indiquer d’abord cette chose au-dessus de laquelle on pourrait comprendre que ton souffle a été élevé. Comme ce n’était ni au-dessus du père ni au-dessus du fils, on ne pouvait pas dire qu’il était élevé au-dessus de rien. Il fallait par conséquent commencer par la chose au-dessus de laquelle il a été élevé pour pouvoir en faire mention par la suite comme celui qu’il convenait de ne présenter qu’élevé au-dessus. Mais pourquoi était-ce la seule façon convenable de l’introduire ?

8.

Et à partir de là, il faut comprendre avec ton envoyé que ton amour, comme il dit, a été déposé dans nos cœurs par le souffle saint qui nous a été donné 1. Il nous initie aux expériences spirituelles, nous fait découvrir la voie la plus haute de l’amour, et s’agenouille devant toi pour nous faire connaître la science la plus haute de l’amour du Christ. Oui, voilà pourquoi, le plus haut dès les débuts, il était élevé au-dessus des eaux.
Mais à qui parler, et comment parler du poids de la cupidité qui entraîne dans l’abîme abrupt, et de l’élévation de l’amour par ton souffle qui était élevé au-dessus des eaux ? À qui en parler ? comment en parler ? Ce n’est pas une réalité spatiale comme si nous étions immergés pour émerger ensuite. C’est à la fois ça et pas ça. Il s’agit d’affects, d’amours. L’immondice de notre esprit nous fait couler parce que nous aimons les tourments, et la sainteté de ton esprit nous soulève parce qu’il aime la quiétude. Notre cœur haussé vers toi, où ton souffle était élevé au-dessus des eaux. Et venir au repos le plus haut quand notre âme aura traversé les eaux sans substance.

9.

L’ange a coulé. L’âme humaine a coulé.
Ils ont dévoilé l’abîme de toute la création spirituelle qui serait restée dans un noir profond si tu n’avais dit : Lumière.
Et lumière il y a eu.
Toute intelligence soumise de ta cité céleste a adhéré à toi, s’est reposée dans ton souffle élevé invariablement au-dessus de tout ce qui change. Sinon le ciel de ciel serait lui aussi en soi un abîme noir. Mais maintenant il est lumière dans le Seigneur. Et à cette inquiétude malheureuse des esprits qui coulent et exhibent leur nuit radicale, privés du vêtement de ta lumière, tu manifestes la grandeur de la créature raisonnable que tu as faite. Rien de ce qui t’est inférieur, pas même elle-même à elle-même, ne peut suffire au bonheur de son repos. C’est toi, notre Dieu, qui éclaireras notre nuit. Nous te devons notre vêtement.
Notre nuit sera comme un midi.

Donne-toi à moi mon Dieu redonne-toi à moi j’aime c’est peu ? j’aimerais encore plus pour le savoir impossible de mesurer combien me manque d’amour pour en avoir assez pour que ma vie coure se jeter dans tes bras sans détours se cacher dans le secret de ton visage tout ce que je sais c’est le malheur que je suis sans toi hors de moi ou en moi toute richesse qui n’est pas mon Dieu est pauvreté

10.

Mais est-ce que le père ou le fils n’étaient pas eux aussi élevés au-dessus des eaux ? Si c’est au sens d’un corps dans l’espace, même le Souffle saint ne l’était pas. Mais au sens de la haute invariable divinité surplombant tout ce qui change, alors le père et le fils étaient élevés au-dessus des eaux. Mais pourquoi l’avoir dit seulement de ton Souffle ? Pourquoi l’avoir dit seulement de lui comme s’il s’agissait d’un lieu qu’il aurait occupé et qui n’était pas un lieu, de lui seul dont on a dit qu’il est un don de toi ?
Dans ce don nous trouvons le repos. Nous jouissons de toi.
Notre repos c’est notre lieu.
L’amour nous élève.
Ton Souffle bienveillant soulève notre bassesse des portes de la mort.
Notre paix c’est vouloir le bien.

Le poids des corps leur confère un lieu, propre à chacun. Il ne les tire pas forcément vers le bas mais vers un lieu qui leur est propre. Le feu s’élève. La pierre tombe. Ils sont entraînés par leur poids. Ils se destinent au lieu qui est le leur. Quand on verse de l’eau sur l’huile, l’huile remonte à la surface. Les deux sont entraînées par leur poids. Elles se destinent au lieu qui est le leur.
Tout ce qui n’est pas à sa place n’a pas de repos. Une fois à sa place, il trouve le repos.

Mon amour c’est mon poids.
Où que je sois emporté c’est lui qui m’emporte.
Le don que tu nous fais nous enflamme, nous élève.
Nous brûle et nous fait partir.
Faire l’ascension du cœur.
Chanter le chant par degrés 2.

Ton feu, ton bon feu nous brûle et nous fait partir, partir en haut vers la paix de Jérusalem.

ma joie c’est la joie de ceux qui m’ont dit allons dans la maison du Seigneur 3

La volonté bonne nous y introduira. Nous ne voudrons rien d’autre qu’y rester pour toujours.

11.

Bonheur de la créature qui n’a pas connu autre chose.
Elle-même aurait été autre chose si le don que tu as fait, élevé au-dessus de tout ce qui change, ne l’avait pas élevée, à peine faite et sans intervalle de temps, en l’interpellant par ce mot : lumière, et si elle n’avait pas été faite lumière.
Oui, nous distinguons deux temps : nous étions nuit et nous sommes devenus lumière.
On a dit ce que cette créature serait si elle n’était pas éclairée : d’abord quasi liquide et noire. Pour faire apparaître la cause qui l’a rendue différente – elle deviendrait lumière en se tournant vers la lumière indéfectible.

Comprenne qui pourra. C’est toi qu’on doit interroger. Pourquoi me tourmenter comme si c’était à moi d’éclairer chaque homme venant au monde ? 4

12.

Qui peut comprendre la trinité toute-puissante ?
On pense pouvoir parler d’elle, mais est-ce qu’il s’agit bien d’elle ? Rares sont ceux qui savent de quoi ils parlent quand ils parlent d’elle. On débat, on s’oppose. Mais sans la paix intérieure, personne ne peut voir cette vision.
Je voudrais faire réfléchir les hommes sur trois aspects d’eux-mêmes. Trois aspects très différents de cette trinité. Mais je leur propose cet exercice pour leur prouver et leur faire sentir qu’ils en sont loin. Je parle de ces trois aspects : être, connaître, vouloir. Je suis, je connais, je veux. Je suis un être de savoir et de volonté. Je sais que je suis et que je veux. Je veux être et savoir. Ces trois aspects dépendent d’une vie indivisible, vie une, intelligence une, essence une. Distinction indivisible mais distinction tout de même. Comprenne qui peut. Face à lui-même, qu’il s’observe, qu’il se voie et qu’il me dise. Mais quand il aura trouvé quelque chose et qu’il me l’aura dit, qu’il ne pense pas avoir déjà trouvé l’être immuable au-dessus de ces choses, être immuable, savoir immuable et volonté immuable. Est-ce que ces trois aspects impliquent là aussi une trinité ? ou est-ce que les trois existent en chacune d’elle pour être trois à chacune ? ou est-ce les deux à la fois ? et que de façon étonnante, la simplicité étant en même temps une multiplicité, l’infini soit sa propre fin de sorte que l’être même est, se connaît, se suffit à lui-même immuablement dans une infinie grandeur d’unité. Qui est capable d’imaginer cela ? qui peut trouver comment l’exprimer ? qui pourrait se prononcer à la légère ?

13.

Poursuis tes aveux. Ma confiance.
Dis au Seigneur ton Dieu :

Saint saint saint Seigneur mon Dieu

nous avons tous été immergés dans ton nom père fils et souffle saint

nous immergeons dans ton nom père fils et souffle saint 5

De son christ, Dieu a fait un ciel et une terre parmi nous : les membres spirituels et charnels de son assemblée. Et notre terre aussi avant d’être formée par enseignement était invisible et inorganisée. Nous étions recouverts par la nuit de l’ignorance. Tu instruis l’homme en le punissant. Tes condamnations sont un abîme immense. Mais parce que ton souffle était élevé au-dessus des eaux, ton amour n’a pas abandonné notre malheur. Tu as dit : Lumière. Changez, le royaume de Dieu est proche 6. Changez. Lumière.
Et dans notre affolement intérieur nous nous sommes souvenus de toi, Seigneur, sur la terre du Jourdain, la montagne égale à toi qui s’est faite toute petite devant nous 7.
Alors notre nuit nous a dégoûtés.
Nous nous sommes tournés vers toi et il y eut la lumière.
Nous étions la nuit autrefois, maintenant nous sommes la lumière dans le Seigneur.

14.

Mais si nous sommes lumière, c’est par notre confiance. Pas encore parce que nous avons vu la lumière. L’espoir nous sauve. Mais espérer ce qu’on a sous les yeux, ce n’est plus espérer 8.
L’abîme parle toujours à l’abîme. Ta voix de cataracte.
L’homme qui a dit : je n’ai pas pu vous parler comme à des êtres spirituels mais comme à des êtres physiques 9, tout en sachant qu’il n’a pas encore atteint son but. Et oubliant ce qui est derrière lui, tendu vers son but, il gémit d’accablement. Assoiffé, il se projette vers le Dieu vivant comme les cerfs à la source. Quand arriverai-je ? dit-il. Avec le désir de revêtir son habitation du ciel 10. Il appelle l’abîme profond. Ne vous conformez pas à l’air du temps, dit-il, laissez-vous transformer par l’intelligence nouvelle. Ne faites pas les enfants quand il faut réfléchir. Mais faites-vous tout petits devant le vice pour devenir des adultes qui réfléchissent. Stupides Galates, mais qui vous a envoûtés ? 11
Mais ce n’est plus sa voix, c’est la tienne. De tout en haut, tu as envoyé ton Souffle par l’intermédiaire de celui qui s’est élevé sur les sommets et a ouvert les cataractes de sa générosité.
Fleuve impétueux : joie de ta cité.
Et l’ami du fiancé soupire après la joie. Aux premières traces du Souffle en lui. Mais au fond de lui il gémit encore, dans l’attente de l’adoption, de la délivrance de son corps.
Soupirs de joie. Il appartient à la fiancée. Il l’aime jalousement. Il est l’ami du fiancé. Il l’aime jalousement. Lui-même ne s’aime pas. Quand il appelle l’abîme, c’est avec ta voix de cataracte et non la sienne. Il aime jalousement cet abîme et a peur que, comme Ève piégée par l’astuce du serpent, leurs propres sentiments ne se gâtent en s’éloignant de la pureté de notre fiancé, ton fils unique.

La lumière sera spectaculaire quand enfin nous le verrons comme il est. Et que je ne mangerai plus jour et nuit le pain de mes larmes quand on me demande chaque jour : où est ton Dieu ? 12

15.

Et moi aussi je demande : mon Dieu où es-tu ?
Ah ! tu es là.
Je retrouve un peu d’air avec toi quand je m’abandonne à un cri d’aveu et de joie aux sons d’une fête célébrée.
Mon âme est encore triste. Elle replonge et se fait abîme. Ou plutôt elle a le sentiment d’être encore abîme.
Ma confiance lui parle. Ma confiance que tu as allumée dans la nuit, au-devant de mes pas.
Pourquoi es-tu triste, l’âme ? pourquoi me tourmenter ? oh espère dans le Seigneur. Sa parole éclaire tes pas.
Espère. Persévère. La nuit passe – mère des criminels. Et passe la colère du Seigneur. Autrefois, nous avons été les fils de la colère. Nous avons été la nuit. Nous en traînons encore les résidus dans un corps mis à mort à cause du péché avant le souffle du matin, avant la fuite des ombres.
Espère dans le Seigneur.
Contemplation matinale debout.
À lui je me confierai pour toujours.
Debout vision matinale.
Mon visage délivré.
Mon Dieu fera même revivre nos corps mortels pour le souffle qui habite en nous, et qui a été élevé avec amour au-dessus de notre nuit intime et liquide.
Et dans ce voyage, nous avons reçu en gage la promesse d’être lumière dès à présent que notre espoir nous sauve. Nous sommes fils de la lumière et fils du matin. Nous ne sommes plus fils de la nuit ni de l’ombre (que pourtant nous avons été).
Tu es le seul à pouvoir nous départager dans cet état d’incertitude dans lequel est toujours plongée la connaissance humaine. Tu mets nos cœurs à l’épreuve. Tu appelles la lumière jour et nuit le noir. Sinon qui d’autre pourrait faire la distinction ? Et qu’avons-nous que nous n’ayons pas reçu de toi ? Tirés de la même masse, tu as fait de nous des vases d’éclat et d’autres tu en as fait des vases d’outrage.

16.

Qui d’autre sinon notre Dieu a fait pour nous cette voûte supérieure au-dessus de nous dans tes écritures divines ?
Oui : le ciel se repliera comme un livre 13.
Aujourd’hui il est tendu comme une peau au-dessus de nous 14.
L’autorité de ton écriture divine s’est accrue aujourd’hui que sont morts les mortels que tu avais chargés de nous la diffuser.
Tu sais, Seigneur, tu sais bien comment tu as revêtu de peau l’humanité quand le péché l’a rendue mortelle. Et pareillement tu as étiré comme une peau le ciel de ton livre – tes paroles qui s’accordent et que tu as fait placer au-dessus de nous par d’autres mortels. Oui, leur mort a consolidé l’autorité de tes propos dont ils étaient les diffuseurs, et elle étend maintenant son pouvoir sur tout ce qui est au-dessous. Tant qu’ils vivaient ici-bas, elle n’avait pas un tel pouvoir. Tu n’avais pas encore étiré le ciel comme une peau. Tu n’avais pas encore dilaté partout la renommée de leur mort.

17.

Nous verrons, Seigneur, le ciel fabriqué de tes doigts 15.
Éclaircis notre vue du nuage dont tu l’as recouverte.
Le ciel témoigne de toi qui donnes l’intelligence aux tout petits. Finis, mon Dieu, ta louange dans la bouche des petits, des tout petits encore au sein.
Nous ne connaissons pas d’autres livres capables à ce point de rabaisser la prétention, de rabaisser l’ennemi, l’adversaire qui s’oppose à ta réconciliation en prenant la défense du crime.
Je ne connais pas, Seigneur, je ne connais pas d’autres paroles aussi pures capables de me persuader ainsi de tout avouer, de plier le cou sous ton joug et de m’inviter à t’honorer librement.
Je veux les comprendre, père bienveillant. Permets-le car je suis soumis, et tes paroles sont solides pour qui se soumet.

18.

Il y a d’autres eaux au-dessus de ce firmament, je crois, des eaux immortelles et cachées au pourrissement de la terre. Elles louent ton nom.
Tes anges, peuples supracélestes, louent ton nom. Ils n’ont pas besoin de lever les yeux sur cette voûte, pour lire et connaître tes paroles. Oui, ils ont toujours ton visage sous les yeux. Ils peuvent lire, sans succession de syllabes, ce que veut ton éternelle volonté. Lecture, élection, dilection. Ils lisent tout le temps et ce qu’ils lisent ne s’en va jamais. Élection et dilection pour lire ton dessein qui ne change jamais. Leur codex ne se ferme pas. Leur livre ne se replie pas. Parce que toi tu es comme cela pour eux. Tu es éternellement. Tu les as mis au-dessus de cette voûte, que tu as placée au-dessus des peuples d’en bas pour que ces peuples lèvent les yeux sur elle et découvrent ton amour, ton messager à la condition temporelle, toi qui as fait le temps.
Oui, il y a dans le ciel, Seigneur, ton amour. Et ta vérité jusque dans les nuages. Les nuages s’en vont mais le ciel reste. Les prêcheurs de ta parole s’en vont de cette vie vers une autre vie mais ton écriture reste jusqu’à la fin des temps et s’étend sur tous les peuples. Le ciel et la terre s’en vont mais tes paroles ne s’en vont pas. Cette peau se repliera. L’herbe au-dessus de laquelle elle s’étendait passera avec tout son éclat mais ta parole reste pour toujours.
Maintenant, dans l’énigme des nuages, à travers le miroir du ciel, au-delà de ce qu’il est, ta parole nous apparaît. Car nous avons beau être les enfants chéris de ton fils, ce que nous serons n’a pas encore été manifesté 16. Il nous a observés à travers les maillons de la chair. Nous a caressés et enflammés. Nous courrons derrière son parfum. Aussitôt que ce que nous serons sera manifeste, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons enfin tel qu’il est.
Oh Seigneur, le voir tel qu’il est, c’est bien ce qui ne nous est pas encore possible.

19.

Absolument tu es. Tu es le seul à tout connaître. Tu es immuable. Ta connaissance est immuable. Ta volonté est immuable. Ton essence : une connaissance et une volonté immuables. Ta science est immuable, sa volonté est immuable. Ta volonté est immuable, sa connaissance est immuable.
Et pour toi, il est injuste que la lumière qui se sait immuable puisse être connue du monde changeant qu’elle a éclairé.
C’est pourquoi je suis pour toi comme une terre aride. Incapable d’être ma propre lumière, incapable d’être mon propre assouvissement.

près de toi la source de la vie et dans ta lumière voir la lumière

20.

Qui a rassemblé les amers 17 en une seule communauté ?
Ils n’ont qu’un seul but : un bonheur temporel et terrestre auquel ils sacrifient tout, quelles que soient les fluctuations diverses de leurs innombrables soucis.
Qui, Seigneur, si ce n’est toi ?
Tu as dit aux eaux de se rassembler dans un unique rassemblement, au sec d’apparaître en ayant soif de toi, parce que la mer est à toi, que tu l’as faite, et que tes mains ont fabriqué la terre aride 18.
Ce qu’on appelle mer, c’est le rassemblement des eaux et non l’amertume des volontés.
Oui, tu contiens les âmes cupides et méchantes, tu fixes des limites aux eaux qui gonflent et sur lesquelles leurs flots viennent se fracasser. C’est bien la mer que tu as faite sur l’ordre de ta puissance qui s’étend sur tout.

21.

Et les âmes qui ont soif de toi, qui t’apparaissent différentes, par leur désir, séparées de la communauté des eaux amères, tu les irrigues d’une source cachée de douceur pour que la terre aussi donne son fruit.
Oui, elle donne son fruit.
Et sur ordre de toi, Seigneur Dieu, notre âme fait germer des actions d’amour, chacune selon son espèce. Elle aime son prochain en subvenant à ses besoins physiques. Semence qu’elle porte en elle sur le mode de la réciprocité, notre compassion venant en effet de notre propre infirmité qui nous pousse à subvenir à ceux qui manquent de tout, et à leur porter secours par réciprocité, comme nous voudrions qu’on nous porte secours si nous venions nous aussi à manquer de tout. Depuis les choses de première nécessité, comme l’herbe à semence, jusqu’à une solide assistance protectrice et réconfortante, comme l’arbre à fruits, ou à bienfaits, pour arracher la victime d’une injustice de la main du puissant, avec la garantie réconfortante et solide de pouvoir se réfugier à l’ombre d’un jugement juste.

22.

Oh Seigneur, je t’en prie, fais naître comme tu sais le faire, comme tu donnes la gaieté et le talent, oh fais naître de la terre la vérité.
Que la justice abaisse son regard du haut du ciel. Que dans la voûte du ciel des lumières soient faites.
Partageons notre pain avec l’affamé. Invitons chez nous le sans-abri. Habillons qui est nu. Ne rejetons pas ceux qui appartiennent à notre semence.
Tu vois comme sont bons les fruits nés sur la terre.
Oh ! notre lumière éclate à temps.
Agir sur cette terre, c’est récolter les fruits du bonheur là-haut. Contempler la parole de vie et apparaître alors comme des lumières dans le monde, accrochées dans le ciel de ton écriture.

Tu discutes avec nous. Tu veux que nous distinguions l’intelligible du sensible, comme le jour et la nuit. Certains d’entre nous se consacrent à l’intelligible, d’autres au sensible. Et alors tu n’es plus seul dans le secret de ton jugement, comme avant l’existence du ciel, à séparer la lumière et le noir. Mais tes créatures spirituelles, chacune à sa place dans ce même ciel, par la révélation de ta faveur sur tout le globe, brillent sur la terre, séparent le jour et la nuit et servent à distinguer les temps. Les choses anciennes ont passé, les choses nouvelles sont là. Le salut est plus proche de nous qu’au moment où nous sommes entrés dans la fidélité. La nuit est avancée. Le jour approche. Tu couronnes l’année de tes bienfaits. Tu envoies des ouvriers pour ta moisson que d’autres se sont fatigués à semer 19. Tu en envoies même d’autres semer pour une ultime moisson.
Tu combles les vœux que nous formulons. Tu bénis les années du juste. Mais toi tu es toujours le même. Tes années n’ont pas de fin. Tu prépares même un grenier pour les années passées.

23.

Oui, aux temps voulus, tu donnes sur la terre les biens du ciel.
Oui, le Souffle fait à l’un le don de dire la sagesse – la grande lumière –, pour ceux qui aiment la lumière de la vérité, transparente comme au commencement du jour.
Le même Souffle fait à un autre le don de dire la science – la petite lumière –, et à un autre encore la confiance, à un autre le don de guérir, à un autre le pouvoir de faire des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre le discernement des différents souffles, à un dernier la diversité des langues.
Tous ces dons ce sont les étoiles. Oui, tous ces dons sont dus au même Souffle qui les distribue à chacun particulièrement, et comme il veut. Il fait apparaître les astres. Il les manifeste pour le bien de tous 20.
Mais ce discours savant, qui contient tous les mystères, qui varient selon les temps comme la lune, et les autres objets de connaissance comme les étoiles, sont différents de l’éclatante blancheur de la sagesse, bonheur du jour qui s’annonce, et ne sont que le commencement de la nuit. Mais elles sont nécessaires à ton esclave très prudent pour s’adresser à ceux à qui il n’a pas pu parler comme à des êtres inspirés mais à des êtres de chair. Il ne parle de sagesse qu’à des êtres parfaits. L’être humain est comme un petit enfant dans le Christ. Il ne boit que du lait tant qu’il ne peut assimiler une nourriture solide, et tant que son regard ne peut supporter la vue du soleil. Mais sa nuit n’est pas un désert. Il doit se contenter de la lumière de la lune et des étoiles.
Tu discutes avec nous de tout ça avec une grande sagesse, ô notre Dieu, dans ton livre – ton ciel – pour que nous puissions tout distinguer et contempler avec étonnement, même si c’est encore en fonction des signes et des temps, des jours et des années.

24.

Mais pour commencer, allez vous laver, allez vous nettoyer, détachez-vous du mal, que je ne le voie plus, pour faire apparaître la terre aride.
Apprenez à faire le bien. Défendez les droits de l’orphelin. Défendez la veuve, pour faire pousser sur la terre l’herbe nourricière et l’arbre fruitier.
Très bien, expliquons-nous, dit le Seigneur, pour faire des lumière dans la voûte du ciel et pour éclairer la terre.

Un riche demandait à un maître bienveillant que faire pour obtenir la vie éternelle 21. Il prenait le Seigneur pour un homme comme les autres et rien de plus. Mais le maître est bienveillant parce qu’il est Dieu. Et le maître bienveillant lui dit que, s’il veut entrer dans la vie, il doit observer les commandements. Ne pas céder à l’amertume de la jalousie et du crime. Ne pas tuer. Ne pas commettre l’adultère. Ne pas voler. Ne pas faire de faux témoignage. Pour faire apparaître la terre aride et faire pousser le respect du père et de la mère, et l’amour du prochain.
J’ai fait tout ça, dit-il. Pourquoi tant d’épines si la terre peut donner du fruit ?
Allez, arrache les ronces de ton avarice. Vends tout ce que tu as. Ta récolte c’est de donner aux pauvres. Tu auras un trésor dans le ciel. Et suis le Seigneur, si tu veux être parfait. Partage ta vie avec ceux à qui il parle de la sagesse, lui qui sait ce qu’il faut donner au jour et à la nuit pour que tu l’apprennes à ton tour, et pour toi aussi il y aura des lumières dans la voûte du ciel. Mais si ton cœur n’est pas là, rien ne se fera. Si ton trésor n’est pas là, non plus. Comme te l’a dit le maître bienveillant.
Mais la tristesse a envahi la terre stérile et les épines ont étouffé la parole.

25.

Mais vous, race élue, infirmes du monde, vous avez tout abandonné pour suivre le Seigneur. Suivez-le. Faites honte à ceux qui sont forts. Suivez-le. Vos pieds sont beaux. Brillez dans le ciel. Le ciel raconte sa gloire 22. Il sépare la lumière des parfaits qui n’est pas encore celle des anges, de la nuit des tout petits qui n’est pas encore celle des désespérés. Brillez sur toute la terre. Le jour éclatant de soleil décrit au jour la parole de sagesse. La nuit au clair de lune apprend à la nuit la parole de science. La lune et les étoiles éclairent la nuit mais la nuit ne les obscurcit pas. Elles l’éclairent à sa propre mesure.
Comme si Dieu avait dit : lumières dans la voûte du ciel. Et provenant du ciel, un bruit soudain, semblable au passage d’un vent violent. On a vu apparaître différentes langues comme un feu qui s’est posé sur chacun d’eux.
Il y eut alors des lumières dans la voûte du ciel qui avaient la parole de vie 23.
Courez partout.
Feux saints. Feux gracieux.
Vous êtes la lumière du monde. Vous n’êtes pas cachés.
Vous vous êtes attachés à lui, il a été élevé et vous a élevés.
Faites-vous connaître de tous les peuples.

26.

La mer reçoit la semence et accouche de tout ce que vous faites.
Les eaux produisent des reptiles vivants.
En distinguant ce qui est précieux de ce qui trompe, vous êtes devenus la bouche de Dieu pour dire : que les eaux produisent non pas la vie que la terre produira mais des reptiles vivants et des volatiles qui volent sur la terre. Comme des reptiles, tes mystères, oh Dieu, grâce à l’action de tes saints, se sont faufilés dans les flots des épreuves du monde pour imprégner les peuples de ton nom dans ton baptême. Et ce faisant, de grands prodiges ont eu lieu, comparables aux monstres marins. Les voix de tes messagers se sont envolées sur la terre en suivant de près le ciel de ton livre. À l’ombre de son autorité, elles voleraient sous sa protection, où qu’elles aillent. Ni langues ni discours sans entendre leurs voix. Elles ont résonné sur toute la terre. Et leurs paroles jusqu’aux confins du globe terrestre. Toi, Seigneur, tu les as multipliées en les bénissant.

27.

Est-ce mentir ? Est-ce tout mélanger et tout confondre ? Ne pas distinguer entre les lumineuses connaissances des choses dans la voûte du ciel et l’activité des corps dans la mer houleuse et sous la voûte du ciel. En réalité, les premières sont fixes et prédéterminées, elles n’augmentent pas d’une génération à l’autre. Mais ces lumières de la sagesse et de la science ont de multiples déclinaisons physiques, toutes différentes, qui s’engendrent les uns les autres et se multiplient dans ta bénédiction.
Dieu, tu as compensé le dégoût que nous causent nos sens mortels par les multiples expressions figurées dans le monde physique d’une même réalité intelligible. C’est ce qu’ont produit les eaux, dans ta parole. Et pour les besoins des peuples étrangers à ton éternelle vérité, dans le seul but de t’annoncer. Car le jaillissement des eaux elles-mêmes répond à la nécessité de manifester dans ta parole leur propre amertume.

28.

Tout ce que tu fais est beau.
Et toi qui as tout fait, tu es d’une indescriptible beauté.
Si Adam n’avait pas trébuché, son ventre n’aurait pas accouché de cette mer saumâtre, le genre humain, abîme de curiosité, tempête d’orgueil, fluide instable. Mais alors ceux qui diffusaient tes mystères n’auraient pas eu besoin de transcrire tes actes et tes paroles dans les eaux multiples en signes physiques et sensibles. C’est de cette façon que je vois maintenant les reptiles et les volatiles. Mais les hommes ainsi initiés et familiarisés sont arrêtés par ces manifestations physiques et n’iraient pas plus loin s’ils ne s’éveillaient pas à une vie différente, spirituelle, et après être initiés par la parole, ne tendaient leur regard vers l’accomplissement des choses.

29.

Conséquence : dans ta parole, si la profondeur de la mer fait jaillir des reptiles vivants et des volatiles, la terre, séparée des eaux amères, fait, elle, jaillir l’âme vivante. Elle n’a même plus besoin d’être immergée, comme les autres, comme elle en avait encore besoin quand les eaux la recouvraient. On n’entre pas autrement dans le royaume du ciel depuis que tu as institué cette façon d’y entrer. Elle ne demande pas non plus de grands sujets d’étonnement pour y croire. Il est faux qu’elle ait besoin de signes et de prodiges pour avoir confiance. Terre fidèle, séparée des eaux de la mer que l’infidélité a rendues amères. Les langues ne sont pas un signe pour les croyants mais pour les autres 24. La terre que tu as fondée au-dessus des eaux n’a donc pas besoin de ces volatiles que ta parole a fait sortir des eaux. Envoie-lui ta parole par tes messagers. Nous racontons ce qu’ils ont fait mais l’auteur en eux c’est toi qui leur fais faire l’âme vivante. La terre la produit. Eux la font en elle mais la terre en est la cause. Comme ils faisaient des reptiles vivants et des volatiles dans la voûte du ciel mais la mer en était la cause. La terre n’a plus besoin d’eux. Mais elle mange le poisson arraché aux profondeurs sur cette table que tu as dressée sous les yeux des croyants. Poisson arraché aux profondeurs pour nourrir la terre aride. Les oiseaux sont nés de la mer mais c’est sur la terre qu’ils se multiplient. L’infidélité de l’humanité a été à l’origine des premières voix évangélisatrices mais ceux qui sont fidèles en sont encouragés et remerciés chaque jour davantage. La terre, au contraire, est à l’origine de l’âme vivante. Il n’y a que ceux qui sont déjà fidèles qui ont intérêt à refouler leur passion du monde pour que leur âme vive pour toi. Elle était morte quand elle vivait dans les plaisirs, les plaisirs mortels, Seigneur. Tu es l’unique plaisir vivant des cœurs purs.

30.

Tes serviteurs ne doivent plus maintenant travailler sur la terre comme dans les eaux infidèles, en annonçant des miracles et des mystères, en parlant avec des mots énigmatiques, qui retiennent l’attention de l’ignorance, mère de l’admiration dans la peur inspirée par des signes secrets. C’est bon pour les fils d’Adam qui t’oublient, se cachent de ton visage et deviennent leur propre abîme. Non, ils doivent travailler sur la terre aride, séparée des gouffres abyssaux. Ils doivent être des exemples pour les fidèles par la vie qu’ils mènent et qui doit les inciter à les imiter. Oui, cherchez Dieu et vous vivrez, n’est pas pour eux une simple parole mais une invitation à l’action. Pour que la terre produise une âme vivante. Ne vous conformez pas à l’air du temps. Méfiez-vous de lui. Vous vivrez en évitant ce dont la recherche vous est fatale. Abstenez-vous de la sauvagerie cruelle de l’orgueil, de la luxure voluptueuse et oisive, de la fausse notoriété que donne le savoir, pour que les bêtes soient apprivoisés, le bétail domestiqué, les serpents inoffensifs. Oui, voici une allégorie des passions de l’âme. L’excès de prétention, le plaisir libidineux, le venin de la curiosité sont les passions d’une âme morte. L’âme ne meurt pas privée de passions. Elle meurt en s’éloignant de la source de vie, en s’abandonnant à l’air du temps et en s’y conformant.

31.

La parole, Dieu, est la source de la vie éternelle. Elle ne passe pas. Et ta parole nous interdit cet éloignement en nous disant : ne vous conformez pas à l’air du temps pour que la terre produise dans la source de vie une âme vivante qui dans ta parole, par les évangélistes, se préserve en imitant les imitateurs de ton christ. C’est ce que signifie : « selon son espèce », parce que nous sommes stimulés par un ami qui nous dit : devenez comme moi parce que je suis devenu comme vous 25. Il y aura dans l’âme vivante la douceur et la bienveillance des bêtes, selon l’ordre que tu a donné : accomplis doucement ta tâche et chacun t’aimera. Un bétail bienveillant qui ne mange ni trop ni pas assez, de gentils serpents sans désir de nuire mais rusés et sur leurs gardes. Explorateurs de la nature temporelle dont le seul but est de pouvoir contempler l’éternité dans l’intelligibilité du monde créé. Ces animaux sont les serviteurs de la raison. Ils suspendent leur marche mortifère et vivent avec bienveillance.

32.

Oui, Seigneur notre Dieu, notre créateur, quand nos passions auront suspendu leur amour du monde, qui nous fait mourir de mal vivre, et que nous commencerons à être vivants de vivre bien, accomplissant ta parole selon ton envoyé : ne vous conformez pas à l’air du temps, alors suivra ce que tu as ajouté aussitôt : laissez-vous transformer par votre intelligence nouvelle 26. Mais ce ne sera plus selon l’espèce, comme en imitant le prochain qui nous précède ou en vivant sur l’exemple d’un homme meilleur.
Tu n’as pas dit que l’humanité soit faite selon son espèce mais : faisons l’humanité à notre image comme notre ressemblance, pour nous donner une preuve de ta volonté. Et celui qui a diffusé ta parole, qui a engendré des fils avec l’évangile, ne voulait pas toujours avoir des tout petits à nourrir de lait, à choyer comme une nourrice. Il a dit : laissez-vous transformer par votre intelligence nouvelle, elle vous aidera à discerner quelle est la volonté de Dieu, bonne, agréable, parfaite 27. Tu lui apprends à voir, il en est déjà capable, la trinité de l’unité et l’unité de la trinité. Et après le pluriel : faisons l’humanité, on ajoute pourtant au singulier : Dieu fait l’humanité. Après le pluriel : à notre image, on ajoute au singulier : à l’image de Dieu. L’humanité est transformée dans la connaissance de Dieu à l’image de celui qui l’a créée, et devenue un esprit libre, elle examine tout, tout ce qui doit l’être, mais elle n’est mise à l’examen par personne 28.

33.

Mais tout examiner signifie qu’elle a pouvoir sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, sur tout le bétail, sur toutes les bêtes, sur toute la terre et toutes les bêtes rampantes qui rampent sur la terre. C’est un acte de son intelligence : elle reconnaît ce qui appartient au souffle de Dieu 29. Sans cela, l’humanité dans sa splendeur ne comprend rien. Et ressemble à une bête de somme, idiote 30.
Dans ton assemblée, notre Dieu, en vertu de ta grâce que tu lui as donnée, puisque nous sommes tes fictions créées parmi tout ce que tu as fait de bon 31, non seulement les esprits dominants mais aussi ceux qui leur obéissent – oui, tu as bien fait l’humanité mâle et femelle dans la grâce du souffle où ne compte plus la différence sexuelle entre mâle et femelle parce qu’il n’y a plus ni Juif ni Grec ni esclave ni homme libre 32. Donc les esprits libres de ton assemblée, les dominants comme ceux qui leur obéissent, examinent tout librement. Ils ne s’agit pas des connaissances spirituelles qui brillent dans le ciel, on ne doit pas examiner une si haute autorité, ni de ton livre lui-même, même si tout en lui ne brille pas, notre intelligence lui est soumise. Nous sommes sûrs que même ce qui se dérobe à notre examen est une parole droite et juste. L’humanité, même en ayant déjà atteint le stade de la liberté spirituelle et transformée dans la connaissance de Dieu selon l’image de celui qui l’a créée, doit suivre la loi et non la soumettre à un examen 33. L’esprit libre ne doit pas non plus examiner la répartition de l’humanité entre esprits libres et entravés que tu es seul, notre Dieu, à reconnaître. Rien de ce qu’ils ont pu faire ne nous est visible. Nous ne pouvons pas les reconnaître à leurs fruits. Mais toi, seigneur, tu les connais déjà, tu les as répartis et appelés secrètement avant la création du ciel. Et un esprit aussi libre soit-il n’a pas à examiner les foules orageuses de ce monde. Pourquoi mettre à l’examen ceux de l’extérieur ? Il ignore qui en sortira pour entrer dans la douceur de ta grâce et qui restera dans l’amertume infinie de l’impiété.

34.

Donc l’humanité que tu as faite n’a pas reçu le pouvoir sur les lumières du ciel ni sur le ciel secret ni sur le jour et la nuit que tu as appelés à l’existence avant la création du ciel, ni sur le rassemblement des eaux qui a donné la mer, mais elle a reçu pouvoir sur les poissons de la mer et les oiseaux du ciel, sur tout le bétail et toute la terre, sur tous les êtres rampants qui rampent sur la terre.
Oui, elle examine et approuve ce qu’elle trouve droit mais réprouve ce qu’elle trouve tordu. Soit par les mystères solennels auxquels sont initiés ceux que ton amour pourchasse dans les eaux multiples, soit en offrant ce poisson arraché aux profondeurs pour que la terre pieuse mange, soit par les signes de la parole, par les mots assujettis à l’autorité de ton livre, comme s’ils volaient sous la voûte du ciel, signes utilisés pour interpréter, exposer, discuter, débattre, bénir et t’appeler, signes sortis de la bouche, qui résonnent pour que le peuple réponde : amen. Ces mots doivent être prononcés physiquement à cause de l’abîme du monde et de l’aveuglement de la chair qui rendent incapable de voir ce qu’on pense et demandent qu’on fasse du bruit dans les oreilles.
Les oiseaux ont beau se multiplier sur la terre, c’est bien de la mer qu’ils tirent leur origine.
L’esprit libre examine encore, approuvant ce qui est droit et désapprouvant ce qui est tordu, les mœurs et les actes des fidèles, les aumônes qui sont les fruits de la terre, les passions apprivoisées de l’âme vivante, dans la chasteté, les jeûnes, les pensées pieuses suscitées par nos perceptions physiques. Oui, il doit examiner tout ce qu’il peut corriger.

35.

Mais comme c’est étrange. Tu bénis les hommes, Seigneur, pour qu’ils croissent et se multiplient et remplissent la terre. Que cherches-tu à nous faire comprendre ? La raison pour laquelle tu n’as pas béni la lumière que tu as appelée jour, ni la voûte du ciel ni les lumières ni les astres ni la terre ni la mer ?
Je dirais bien que toi, notre Dieu, qui nous as créés à ton image, je dirais bien que tu as voulu réserver ce don de la bénédiction à l’humanité si tu n’avais aussi béni les poissons et les monstres marins, pour qu’ils croissent et se multiplient et remplissent les eaux de la mer, et les oiseaux pour qu’ils se multiplient au-dessus de la terre. Je dirais que cette bénédiction est réservée à toutes les espèces qui se reproduisent par leur propre semence si je découvrais qu’elle concernait aussi les arbres, les plantes, les animaux de la terre. Mais il n’a été dit ni aux herbes ni aux arbres ni non plus aux bêtes et aux serpents : croissez et multipliez-vous. Bien que tous ces êtres eux aussi, comme les poissons, les oiseaux et l’humanité se reproduisent et perpétuent leur espèce.

36.

Que dire ? lumière, vérité. Qu’il s’agit de paroles en l’air, qui n’ont pas de signification précise ? Jamais, père respecté. On n’imagine pas que l’esclave de ta parole puisse parler ainsi. Et si moi je ne comprends pas ce que tu veux nous dire, d’autres en feront meilleur usage, je veux dire des plus intelligents que moi – tu as bien donné à chacun sa part de sagesse.
Mes aveux te font plaisir quand je t’avoue que je crois, Seigneur, que tu n’as pas dit cela sans raison, et je ne tairai pas ce que ma lecture me suggère.
Vraiment, je ne vois pas ce qui pourrait m’empêcher d’interpréter ainsi les paroles figurées de tes livres. Je sais qu’un concept intellectuel unique peut être signifié physiquement de multiples façons. Et inversement, différents concepts peuvent n’avoir physiquement qu’une seule façon d’être signifiés. L’idée simple d’amour de Dieu et du prochain est exprimée par de multiples symboles, dans d’innombrables langues, et à travers d’innombrables expressions dans une même langue. C’est de cette façon que croît et se multiplie la semence des eaux.
Lecteur, qui que tu sois, fais attention à l’expression unique des Écritures quand tu l’entends : au commencement Dieu fait le ciel et la terre. Il est tout à fait possible de lui donner différentes interprétations, sans tomber dans l’erreur mais en fonction d’interprétations vraies. C’est de cette façon que croît et se multiplie la semence des eaux.

37.

Par conséquent, du point de vue de la nature propre des choses, et non plus allégorique, l’expression « croissez et multipliez-vous » s’applique à tout ce qui se reproduit par insémination. Mais si on l’interprète de façon figurée, ce qui est plutôt selon moi l’intention de l’écriture qui n’a évidemment pas réservé en l’air cette bénédiction à la seule semence des eaux et de l’humanité, nous découvrons alors des multitudes : les créatures spirituelles ou physiques figurées par le ciel et la terre, les âmes justes et sacrilèges figurées par la lumière et la nuit, les auteurs sacrés qui nous ont apporté la loi, la voûte solide qui sépare l’eau de l’eau, la communauté des peuples remplis d’amertume figurée par la mer, la passion des âmes fidèles figurée par la terre aride, les actes d’amour tout au long de la vie figurés par les graminées et les arbres fruitiers, les dons de l’esprit qui se manifestent à toute fin utile figurés par les lumières du ciel, et la tempérance des passions figurée par l’âme vivante. On trouve dans tous ces exemples multitudes, fécondités, accroissements. Mais ce n’est qu’en prenant symboliquement les descriptions physiques de ce qui croît et se multiplie, en tant qu’expressions intellectuelles des réalités, que nous pouvons comprendre comment une même chose s’énonce de multiples manières et comment une expression unique peut s’interpréter de multiples manières. Enfouis dans notre propre chair, nous interprétons nécessairement les générations produites par les eaux comme une expression physique. Mais la fécondité de notre raison nous fait interpréter les générations humaines comme l’expression des choses de l’esprit. Voilà pourquoi nous avons cru qu’au genre aquatique et au genre humain, tu as dit, Seigneur, croissez et multipliez-vous. Par cette bénédiction, je comprends que tu nous a donné à la fois le pouvoir et l’opportunité d’exprimer de différentes façons ce que nous savons être une seule idée, et d’interpréter de différentes façons une même expression obscure que nous aurons lue. Les eaux de la mer se remplissent de cette façon, et ne s’agitent que de la multiplicité des interprétations. Et la terre elle-même se remplit de la semence de l’homme, terre aride révélée par la passion de comprendre et par sa soumission à la raison.

38.

Je veux encore dire, Seigneur mon Dieu, ce que le passage suivant de ton écriture me suggère. Je le dirai sans peur. Oui, je dirai la vérité puisque c’est toi qui m’inspires ce que tu as voulu me faire dire. Je ne crois pas que je dirais la vérité inspiré par un autre que toi. La vérité c’est toi, et tout homme est menteur. Qui dit un mensonge tire de lui-même ce qu’il dit 34. Mais je dis vrai parce que je tire de toi ce que je dis.
Tu nous a donné pour nourriture l’herbe à semence qui donne semence sur la terre, et les arbres à fruits qui donnent semence. Et nous n’en sommes pas les seuls bénéficiaires, il y a aussi les oiseaux du ciel, les bêtes de la terre et les serpents. Mais à l’exclusion des poissons et des monstres marins.
Nous disons que ces fruits de la terre signifient et figurent allégoriquement les actes de ton amour, la réponse de la terre nourricière aux besoins vitaux. Le fidèle Onésiphore 35 devait être une terre de ce genre, tu as accordé toute ta compassion à sa maison parce qu’il avait souvent rafraîchi Paul et n’a pas eu honte de ses chaînes. Ce qu’ont fait aussi les frères venus de Macédoine en suppléant à ce qui lui manquait. Mais il souffre quand certains arbres ne lui donnent pas les fruits qu’ils lui doivent. Dans ma première défense, dit-il, personne ne m’a assisté, mais tous m’ont abandonné. Que cela ne leur soit pas compté. Oui, on doit ces fruits à ceux qui diffusent l’intelligence des mystères divins par un enseignement raisonnable. On le leur doit en tant qu’hommes mais également en tant que figures de l’âme vivante puisqu’ils s’offrent en modèles de maîtrise de soi. On le leur doit en tant que figures des oiseaux volants, puisque leurs bénédictions se multiplient sur la terre, et que leur voix s’est fait entendre sur toute la terre.

39.

Ceux qui se nourrissent de ces aliments y trouvent leur joie. Les autres prennent leur ventre pour Dieu 36. Même pour ceux qui fournissent ces aliments, le fruit n’est pas le don lui-même mais l’intention du don. Je comprends donc et je partage vivement la joie de Paul qui servait Dieu et pas son ventre. Je partage tout à fait sa joie. Il avait reçu l’aide des Philippiens, envoyé par Épaphrodite 37. Mais je remarque d’où vient sa joie. Il se nourrit du motif même de sa joie. Sa parole est vraie : ma joie est immense avec le Seigneur, dit-il. Votre goût pour moi a refleuri. En réalité vous aviez bien envie de moi mais vous étiez dégoûtés. Un long dégoût les avait flétris et desséchés, les privant des fruits des bonnes actions. Et lui éprouve pour eux de la joie parce que leur envie a refleuri, et non parce qu’ils ont subvenu à ses besoins. Il poursuit : ce ne sont pas les privations qui me font dire cela. J’ai appris à me contenter de ce que j’ai, en toute situation. Je sais vivre avec rien, et je sais aussi avoir beaucoup. J’ai toujours su, en toutes circonstances, être ou rassasié ou affamé, ou recevoir beaucoup ou n’avoir rien. Je suis capable de tout avec celui qui me rend fort 38.

40.

D’où vient ta joie, immense Paul ? d’où vient ta joie, d’où vient ta nourriture, toi qui a été transformé dans la connaissance de Dieu selon l’image de celui qui t’a créé, âme vivante par une si grande maîtrise de soi, langue qui vole en messagère éloquente des mystères ? ah on doit cette nourriture à des âmes comme celle-ci. Qu’est-ce qui te nourrit ? la joie. Je veux entendre ce qui suit : vous avez bien fait de prendre part à ma détresse 39. Voilà d’où vient sa joie, d’où vient sa nourriture : du bien qu’ils lui ont fait et non de son angoisse relâchée. Et il s’adresse à toi : dans ma détresse, tu m’as sauvé de l’asphyxie. Puisqu’il sait vivre avec rien et sait aussi avoir beaucoup. Car vous savez aussi, dit-il aux Philippiens, qu’au commencement de l’annonce, quand j’ai quitté la Macédoine, aucune assemblée à part la vôtre ne m’a pourvu en dons ou en recettes. Une fois, non, par deux fois déjà, vous m’avez envoyé à Thessalonique ce dont j’avais besoin 40. Ils ont alors repris leurs bonnes actions, et il éprouve maintenant de la joie. Ils ont refleuri, il en est heureux comme devant la renaissance d’un champ fertile.

41.

Est-ce que ce sont ses propres besoins (il dit : vous m’avez envoyé ce dont j’avais besoin) qui causent sa joie ? Non, ce n’est pas à cause d’eux. Et comment le savons-nous ? De ce qu’il dit ensuite lui-même : je ne recherche pas les dons mais les fruits.
Tu m’as appris, mon Dieu, à distinguer le don du fruit. Le don c’est ce qu’on donne pour subvenir aux besoins vitaux : de l’argent, de quoi manger, de quoi boire, des vêtements, un toit, de l’aide… Mais le fruit c’est la volonté bonne et droite du donateur. Oui, le bon maître n’a pas dit seulement : qui accueille un prophète, mais il a ajouté : en sa qualité de prophète. Il n’a pas dit seulement : qui accueille un juste, mais il a ajouté : en sa qualité de juste. À cette condition, on est récompensé comme un prophète, et on est récompensé comme un juste. Il n’a pas dit seulement : celui qui donnera une verre d’eau fraîche à l’un de ces petits, mais il a ajouté : parce qu’il est un de mes disciples. Et il poursuit : celui-là, croyez-moi, ne perdra pas sa récompense 41.
Le don c’est accueillir le prophète, accueillir le juste, tendre un verre d’eau fraîche au disciple. Mais le fruit c’est de le faire en leur qualité de prophète, en leur qualité de juste, en leur qualité de disciple. Élie s’est nourri du fruit : la veuve savait qu’elle nourrissait un homme de Dieu, et elle l’a nourri pour cette raison. Mais quand un corbeau l’a nourri, il s’est nourri du don simplement. Ce n’était pas l’être intérieur d’Élie mais l’être extérieur qui se nourrissait, et qui aurait pu dépérir s’il avait manqué de cette nourriture.

42.

Je dirai encore ce qui est vrai pour toi, Seigneur. Pour initier et convertir des hommes simples et incroyants, il faut nécessairement passer par des mystères d’initiation et de grands miracles – ce que représentent selon nous les noms de poissons et de monstres marins. Et quand ces hommes accueillent tes enfants pour les réconforter, leur apporter une aide matérielle, ils ne se demandent pas ce qu’ils font ni pourquoi. En réalité, il ne nourrissent personne. Et personne n’est nourri par eux. Parce que leur volonté n’est ni sainte ni droite et tes enfants n’éprouvent aucune joie à recevoir leurs dons dont ils ne voient pas encore le fruit. L’âme se nourrit de la joie qu’elle éprouve. C’est la raison pour laquelle les poissons et les monstres ne mangent pas des aliments que la terre ne fait germer qu’à partir du moment où elle est distincte et séparée de l’amertume des flots marins.

43.

Tu as vu, Dieu, tout ce que tu as fait. C’est très bon. Nous le voyons nous aussi. Tout est très bon. Tu as fait par la parole les différents stades de ton travail. Ce fut fait. Tu as vu que chacun était bon. Sept fois, j’ai compté, il est écrit que tu as vu que ce que tu avais fait était bon. La huitième fois, tu as vu tout ce que tu as fait. Non seulement c’était bon, mais même très bon dans sa totalité. Une à une, les choses n’étaient que bonnes, dans leur totalité, elles étaient bonnes et même très bonnes. On le dit aussi d’un beau corps. Et si tous les membres qui le constituent sont beaux, un corps est bien plus beau que chacun de ses membres pris isolément. L’ensemble achevé est d’un accord parfait au-delà de la beauté propre à chacun des membres.

44.

J’ai essayé de découvrir si tu avais vu à sept ou à huit reprises que ce que tu avais fait était bon quand cela t’a plu. Mais dans ton regard, je n’ai pas trouvé de dimension temporelle qui m’aurait alors permis de comprendre pourquoi tu avais vu à plusieurs reprises ce que tu avais fait.
J’ai dit, Seigneur, ton écriture dit vrai là aussi, puisque c’est toi véritable et vérité qui l’as publiée. Mais pourquoi me dire que ton regard n’est pas lié à la dimension temporelle alors que ton écriture me dit, elle, dans ce passage, que jour après jour tu as vu que ce que tu avais fait était bon, et que j’ai pu compter le nombre de fois ? À cela tu me réponds, puisque tu es mon Dieu et que tu parles d’une voix forte à l’oreille intérieure de ton esclave, crevant ma surdité, et criant : homme, ce que dis mon écriture, c’est moi qui le dis. Mais elle le dit dans la temporalité et le temps n’affecte pas ma parole parce qu’elle est avec moi dans une égale éternité. Ce que vous voyez par mon souffle moi aussi je le vois. Ce que vous dites par mon souffle, moi aussi je le dis. Mais vous le voyez temporellement et moi je ne le vois pas temporellement. De même, quand vous parlez temporellement, moi je ne parle pas temporellement.

45.

J’ai entendu, Seigneur mon Dieu. J’ai léché une goutte de ta douce vérité. J’ai compris que certains hommes n’aiment pas ce que tu fais. Ils disent que tu as fait beaucoup de choses par opportunisme. Comme l’architecture du ciel et la disposition des astres. Tu n’es pas à l’origine de leur création. Ces choses-là existaient déjà ailleurs. C’étaient des créations d’un autre lieu. Tu les as récupérées et réunies pour les réorganiser après la défaite des tes ennemis. Pour construire la muraille du monde et y attacher tes ennemis, les empêcher de se révolter une nouvelle fois contre toi. Tu n’as pas fait ni même réorganisé le reste : corps de chair, animaux minuscules, tout ce qui prend racines dans la terre. Une intelligence ennemie, une nature autre, opposée, et que tu n’as pas créée, les a engendrés et formés dans les mondes inférieurs. Ils parlent comme des fous, incapables de voir ce que tu fais avec l’aide de ton souffle et de t’y reconnaître.

46.

Mais chez ceux qui sont capables de le voir, c’est toi qui vois en eux. Quand ils voient que c’est bon, c’est toi qui vois que c’est bon. Quand ils ont du plaisir à cause de toi, c’est ton plaisir. Quand ton souffle nous donne du plaisir, c’est ton plaisir en nous. Oui, qui de l’humanité sait ce qui est humain sinon le souffle humain en elle ? Même chose pour ce qui est de Dieu que personne ne connaît sinon le souffle de Dieu. Nous n’avons pas reçu le souffle du monde, nous dit l’envoyé, mais le souffle de Dieu pour connaître tout ce que Dieu nous a donné 42. Je dois donc dire : oui, personne ne connaît ce qui est de Dieu sinon le souffle de Dieu. Et comment connaître tout ce que Dieu nous a donné ? Il m’est répondu : même en connaissant les choses à l’aide de son souffle, personne ne les connaît sinon le souffle de Dieu. Comme il a été dit très justement : ce n’est pas vous qui parlerez 43, à ceux qui parleraient dans le souffle de Dieu, on peut donc dire très justement : ce n’est pas vous qui connaissez, à ceux qui connaissent avec le souffle de Dieu. Et on peut dire tout aussi justement à ceux qui voient avec le souffle de Dieu : ce n’est pas vous qui voyez. Tout ce qu’ils voient dans le souffle de Dieu, quand ils voient que c’est bon, ce n’est pas eux mais c’est Dieu qui voit que c’est bon. À la différence de ceux qui jugent mauvais ce qui est bon, comme ceux dont j’ai parlé plus haut. Et à la différence aussi de l’homme qui voit que ce qui est bon est bon. En effet, ta création peut plaire à beaucoup de gens parce qu’elle est bonne mais ce n’est pas toi qui leur plais en elle. Ils préfèrent jouir d’elle que de toi. À la différence encore de l’homme qui voit que quelque chose est bon mais c’est Dieu qui voit en lui que c’est bon. C’est donc Dieu qui est aimé dans ce qu’il a fait. Lui qu’on ne peut aimer sans le don de son souffle. L’amour de Dieu a été déposé dans nos cœurs par le souffle saint qui nous a été donné 44. Et par lequel nous voyons que tout ce qui existe d’une façon ou d’une autre est bon, et qui n’existe que par celui qui n’existe pas d’une façon ou d’une autre mais qui est est.

47.

Merci, Seigneur.
Nous voyons le ciel et la terre, monde physique, supérieur et inférieur, ou monde spirituel et créature physique.
Nous voyons la lumière faite par scission du noir. Parure des parties qui constituent la masse totale du monde ou toute la création.
Nous voyons la voûte du ciel. Corps premier du monde situé entre les eaux spirituelles supérieures et les eaux physiques inférieures. Cet espace aérien qu’on appelle aussi ciel, où errent les oiseaux du ciel sous la condensation des eaux qui retombent en rosée dans le calme de la nuit, et au-dessus des eaux qui coulent lourdement sur les terres.
Nous voyons la beauté des masses d’eaux des champs marins, et la terre aride, terre nue, terre formée, visible et organisée, mère des herbes et des arbres.
Nous voyons les lumières briller tout en haut. Le soleil suffit au jour. La lune et les étoiles nous consolent de la nuit. Tous servent de repères et de signes temporels.
Nous voyons partout l’élément liquide, peuplé de poissons, de monstres, d’êtres ailés. La consistance de l’air qui soutient le vol des oiseaux vient de la condensation par évaporation des eaux.
Nous voyons les animaux qui parent la surface de la terre. Et l’homme fait à ton image et ressemblance dominer tous les animaux privés de raison, justement par ton image et ressemblance, par la force de la raison et de l’intelligence. Et tout comme dans l’âme, l’art de délibérer est premier, et une autre partie de l’âme doit obéir, nous voyons que la femme a été physiquement faite à partir de l’homme, très certainement égale à lui en raison et en intelligence, mais dépend sexuellement du sexe masculin. Tout comme l’habileté et la justesse d’une action dépendent du rapport entre l’envie d’agir et l’intelligence raisonnable.
Nous voyons toutes ces choses bonnes chacune séparément et très bonnes dans leur totalité.

48.

Tes travaux sont ta louange. Et nous t’aimons.
Nous t’aimons. Et tes travaux sont ta louange.
Avec un commencement et une fin dans le temps.
Lever. Coucher. Progrès. Régression. Beauté. Imperfection.
Avec la succession d’une moitié cachée et d’une moitié visible, du matin et du soir.
Tu as tout fait à partir de rien. Pas à partir de toi ni même d’une matière qui ne serait pas à toi ou antérieure à toi. Mais par la création partagée, simultanée, d’une matière informe à qui tu as donné, sans aucun intervalle de temps, sa forme. Oui, la matière du ciel et de la terre est différente de la beauté du ciel et de la terre. La matière vient du néant total et la beauté de la matière informe. Mais tu as fait l’une et l’autre en même temps. La forme a succédé à la matière sans le moindre délai.

49.

Nous avons aussi étudié la figuration de l’ordre dans lequel tu as voulu faire les choses et l’ordre dans lequel tu as voulu qu’elles soient écrites.
Nous avons vu que chacune est bonne prise séparément et que la totalité est très bonne. Dans ta parole, dans ton fils unique, ciel et terre, tête et corps de l’assemblée, prédestiné avant tous les temps, avant même matin et soir.
Tu as entrepris dans le temps ce que tu avais prédestiné, pour révéler ce qui était caché, mettre de l’ordre dans notre désordre. Nos fautes étaient sur nous, et nous étions perdus loin de toi dans les profondeurs noires. Ton souffle bienveillant était élevé au-dessus de nous pour nous venir en aide en temps voulu.
Alors tu as rendu justes des hommes sacrilèges, tu les as séparés des criminels, tu as renforcé l’autorité de ton livre entre ceux d’en haut qui te sont dociles et ceux d’en bas qui leur sont soumis. Tu as rassemblé la communauté des infidèles dans une seule conspiration, pour faire apparaître le dévouement des fidèles qui travaillent pour toi à l’amour de tous, en distribuant aux pauvres les ressources de la terre pour acquérir celles du ciel.
Tu as allumé quelques lumières dans le firmament : tes saints qui possèdent la parole de vie nimbés de la haute autorité que leur donne l’éclat du souffle. Et pour initier les peuples incroyants, tu t’es servi de la matière physique : les mystères et les miracles visibles, et les voix des mots du firmament de ton livre, où les fidèles aussi trouvent leur bénédiction.
Et tu as formé l’âme vivante des fidèles : elle règle ses affects par la force de la continence. Tu as transformé à ton image et ressemblance l’intelligence, soumise à toi seul, et qui n’a plus besoin d’imiter aucune autorité humaine. Tu as soumis à la supériorité de l’intelligence l’action de la raison, comme la femme à l’homme.
Et tu as voulu que tes fidèles aient besoin, en cette vie, de tes serviteurs pour atteindre la perfection. Et qu’en retour ils subviennent à leurs besoins temporels – ce qui donnera des fruits dans le futur.

Nous voyons. Tout est très bon. C’est toi qui vois en nous. Tu nous as donné l’esprit pour nous faire voir. Et pour t’aimer.

50.

Seigneur Dieu donne-nous la paix tu nous as tout donné

Paix du repos. Paix du sabbat. Paix sans un soir.
Ordre très beau de tout ce qui est très bon.
Qui jusqu’au bout se dépassera.
Et un matin et un soir s’y feront.

51.

Mais le septième jour n’a pas de soir et ne se couche jamais.
Tu l’as fait saint pour qu’il dure toujours.
Et après avoir tout fait très bon, et que tu as pourtant fait dans le repos, tu t’es reposé le septième jour.
Pour nous dire d’avance par la voix de ton livre, qu’après tout ce que nous aurons fait de très bon, et parce que c’est toi qui nous l’a donné, nous aussi, au sabbat de la vie éternelle, nous nous reposerons en toi.

52.

Et tu te reposeras en nous comme tu travailles en nous.
Ce sera ton repos par nous comme ce travail est à toi par nous.

Mais toi, Seigneur, tu travailles toujours.
Tu te reposes toujours.
Tu ne vois pas dans le temps.
Tu ne bouges pas dans le temps mais tu fais les visions temporelles, et les temps eux-mêmes, et le repos après le temps.

53.

Les choses que tu as faites pour nous, nous les voyons parce qu’elles sont.
Elles sont pour toi parce que tu les vois.
Nous voyons de l’extérieur qu’elles sont, et intérieurement qu’elles sont bonnes.
Mais toi, tu les as vues faites alors que tu les voyais encore à faire.
Il y eut un temps où nous avons été poussés à faire le bien, après que notre cœur l’eut conçu de ton Souffle.
Avant ce temps nous étions poussés à faire le mal. Nous t’abandonnions.
Mais toi vrai Dieu unique et bienveillant, tu n’as jamais cessé de bien faire.
Certaines choses que nous faisons sont bonnes. Une faveur que tu nous fais. Mais elles ne sont pas pour toujours, et après elles nous espérons nous reposer dans ta grande sanctification.
Mais toi, bien qui ne manque jamais du bien, tu es toujours dans le repos parce que ton repos, c’est toi-même.
Quel homme pour faire comprendre ça à un homme ?
Quel ange à un ange ?
Quel ange à un homme ?

il faut te demander il faut te chercher il faut frapper chez toi

pour recevoir pour trouver pour que la porte s’ouvre

1. Lettre aux Romains 5, 5.

2. Psaumes 84, 6, et 120, 1.

3. Psaumes 122, 1 et 6.

4. Jean 1, 9.

5. Formules liturgiques inspirées des Écritures.

6. Matthieu 3, 2, et 4, 17.

7. Psaumes 42, 7.

8. Lettre aux Romains 8, 24.

9. 1re Lettre aux Corinthiens 3, 1.

10. 2e Lettre aux Corinthiens 5, 2.

11. Citations de Lettre aux Romains 12, 2, 1re Lettre aux Corinthiens 14, 20, et Lettre aux Galates 3, 1.

12. Psaumes 42, 4.

13. Isaïe 34, 4.

14. Psaumes 104, 2.

15. Psaumes 8, 4.

16. 1re Lettre de Jean 3, 2.

17. Jeu de mots en latin, amaricantes peut à la fois s’appliquer aux eaux amères et aux cœurs amers (ceux qui vivent dans le monde).

18. Psaumes 95, 5.

19. Ce passage est une compilation de Genèse 1, 14-15, 2e Lettre aux Corinthiens 5, 17, Lettre aux Romains 13, 11, Psaumes 65, 12, Matthieu 9, 38, et Jean 4, 38.

20. 1re Lettre aux Corinthiens 12, 7-11. Ce chapitre et le suivant sont inspirés des lettres aux Corinthiens.

21. Matthieu 19, 16-22.

22. Psaumes 19, 2.

23. C’est le récit de la Pentecôte dans le Livre des Actes, chapitre 2.

24. Jean 4, 48, et 1re Lettre aux Corinthiens 14, 22.

25. Lettre aux Galates 4, 12.

26. Lettre aux Romains 12, 2.

27. Lettre aux Romains 12, 2.

28. Lettre aux Colossiens 3, 10, et 1re Lettre aux Corinthiens 2, 15.

29. 1re Lettre aux Corinthiens 2, 14.

30. Psaumes 49, 21.

31. Lettre aux Éphésiens 2, 10.

32. Lettre aux Galates 3, 28

33. Compilation de Lettre aux Colossiens 3, 10, et de la Lettre de Jacques 4, 11.

34. Jean 8, 44.

35. Voir 2e Lettre à Timothée 1, 16.

36. Lettre aux Philippiens 3, 19.

37. Voir Lettre aux Philippiens 4, 10.

38. Lettre aux Philippiens 4, 11.

39. Lettre aux Philippiens 4, 14.

40. Lettre aux Philippiens 4, 14-16.

41. Méditation sur Matthieu 10, 41-42.

42. Ce passage cite et commente la 1re Lettre aux Corinthiens 2, 11 et suiv.

43. Matthieu 10, 20.

44. Lettre aux Romains 5, 5.