Kyle pressa un bouton et fit un zoom maximal. Il examina chaque Jedi tour à tour. La femme portait un rouge à lèvre rouge vif, le jeune homme affichait un sourire méprisant qui disait « je suis meilleur que vous », et le dernier était un twi’lek – une rareté parmi les forces impériales. L’alien se tourna dans la direction de Kyle. Le rebelle sentit son cœur battre la chamade tandis qu’il regardait dans le fond des yeux noirs du twi’lek.
Kyle baissa ses électrojumelles, certain qu’il avait été découvert. Mais il réalisa que ce n’était pas le cas. Pas de manière littérale, du moins…
Les autres parlèrent au Jedi à l’allure étrange, et il se tourna dans une autre direction. Kyle se sentait étourdi et luttait pour reprendre le contrôle de sa respiration. Le contact visuel avait été effrayant et stimulant à la fois. C’était là ce qu’il avait perçu dans son rêve. Peut-être, seulement peut-être, pouvait-il encore devenir un Jedi. Pas le genre de Jedi qui assassinait les gens, mais le genre de Jedi qui luttait pour les protéger.
Le Jedi, ainsi qu’un contingent de soldats impériaux, était maintenant à bord de la navette, et le vaisseau entamait sa phase de décollage. Des répulseurs s’illuminèrent, le nez du vaisseau se tourna vers l’est, et les réacteurs flamboyèrent.
Kyle sa plaqua face contre terre tandis que la navette passait au-dessus de sa position. Les buissons vacillèrent et la poussière envahit l’air. Le rebelle regarda derrière lui par-dessus son épaule, cracha de l’herbe, et poussa un soupir de soulagement lorsque la navette disparut au loin.
Il se leva, content que Jan n’eût pas été là pour assister à son plongeon ridicule, et balaya l’herbe de ses vêtements.
Une rapide vérification confirma que bien que les Jedi Noirs étaient partis, des soldats impériaux et des mercenaires patrouillaient encore la zone autour de la maison tandis qu’un AT-ST écrasait un champ vierge avoisinant.
De maigres chances de succès, mais rien d’impossible, surtout pour quelqu’un qui avait passé son enfance ici et qui connaissait chaque recoin de la région.
Kyle vérifia son blaster, le rangea dans son holster, et se déplaça le long du versant de la colline. Les troupes impériales avaient une forte tendance à tout faire selon les règles et, ayant lui-même étudié leurs livres, il savait à quoi s’attendre.
Des sentinelles seraient postées tout autour de la structure à défendre. Pas beaucoup, juste assez pour ralentir toute incursion et attendre l’arrivée des renforts. Dans ce cas, une lourde force de riposte se dépêcherait sur place et fournirait l’aide nécessaire.
Ceci étant, Kyle espérait se glisser entre les sentinelles et éviter la riposte massive. Il resta hors des sentiers bien établis et prit le genre de routes que seul un enfant pouvait connaître, des routes qui étaient susceptibles d’échapper à la surveillance des sentinelles et des capteurs. Une telle route, qui n’était guère plus qu’un jeu de piste désormais, força Kyle à se déplacer à plat ventre. Les buissons recouvraient sa tête et frottaient ses flancs.
Le chemin était bien plus difficile que dans ses souvenirs. Bien sûr, il avait maintenant une taille adulte, et le sous-bois s’était refermé sur lui-même durant son absence.
Cependant, les odeurs étaient les mêmes, plus particulièrement l’odeur émise par les coquelicots poros et la douce senteur presque nauséabonde des fleurs nantha.
Des insectes couraient dans tous les sens pour s’écarter de son chemin.
Un inoffensif serpent œil-œil siffla, pointa sa tête en direction de sa route, et se servit de sa queue pour surveiller sa progression.
Une balle-foreuse, dont la fourrure était semblable à un tas de débris – ce qui lui fournissait un bon camouflage – jeta un regard à l’énorme envahisseur. Il poussa un cri d’alarme, et se glissa dans l’un de ses nombreux terriers.
Kyle esquissa un sourire. Toutes les créatures autour de lui étaient de vieilles connaissances datant de son enfance, ou des descendants de ces vieilles connaissances.
Le sous-bois devenait plus épais, et la ferme était à peine visible à travers le feuillage. Le rebelle se fraya un chemin en avant, repéra une armure blanche familière, et cessa tout mouvement.
Les soldats impériaux s’arrêtèrent. Ils sondèrent la zone alentour, et reprirent leur patrouille. Kyle attendit que la sentinelle quitte les lieux pour reprendre sa progression et sortir sa tête des fourrés. La voie était libre, à l’exception d’un droïde agricole endommagé.
Kyle se précipita à travers l’espace inoccupé, et tenta de passer par la porte de derrière. La porte s’ouvrit sans même tourner la poignée. Le verrou, tel qu’il était, avait été forcé.
La cuisine était en ruines. Des portes de placard étaient restées ouvertes, des graffiti recouvraient les murs, et des débris craquaient sous ses bottes. L’agent s’arrêta, tendit une oreille, et reprit ses recherches.
C’était comme si la maison avait été mise à sac à plusieurs reprises. Les impériaux avaient été les premiers, suivis par les voleurs qui avaient vu la tête de Morgan Katarn sur des affiches au spatioport, puis par des gens qui n’avaient rien de mieux à faire.
Quelqu’un avait campé dans le salon. Une collection de poêles et de casseroles sales était répandue près de la cheminée, et des ordures étaient entassées dans le coin nord-est de la pièce. Plus qu’un peu nerveux, Kyle se fraya un chemin jusqu’à la façade et jeta un œil par la fenêtre. Un commando apparut, et le rebelle baissa la tête.
Entrer dans la maison était une chose. En sortir en était une autre. Pourtant, aucun des soldats ne semblait enclin à entrer à l’intérieur, ce qui le rassurait. Peut-être la plupart d’entre eux l’avaient-ils déjà fait, ou peut-être avaient-ils reçu l’ordre de s’en tenir éloigné. Quelle que soit la raison, Kyle était satisfait.
Une traînée de maçonnerie traçait une ligne entre la porte fracassée de devant et l’atelier de Morgan Katarn. Kyle la suivit jusqu’à ce qu’une photo attire son regard. Elle pendait de travers, prête à tomber. Rien de bien surprenant étant donné l’état des lieux.
Kyle avança, retira la gravure en trois dimensions du mur, et plongea son regard dans le visage de sa mère. Il n’avait qu’un souvenir d’elle. Il la serrait dans ses bras, ou cherchait du réconfort pour quelque chose qui semblait futile une fois dans ses bras.
Kyle retira délicatement la photo de son cadre et la roula en un cylindre. Un fragment de fil permit de sécuriser le rouleau, qui atterrit dans la poche droite de Kyle. Il pourrait être endommagé dans les heures qui suivraient, mais le jeu en valait la chandelle.
Le rebelle entra dans l’atelier. Son père et lui y avaient passé d’innombrables heures, démontant et assemblant tout un tas de choses, ou jouant tout simplement. L’atelier avait été le cœur de la maison et, d’une certaine manière, de leur relation.
Un seul coup d’œil suffit à dire que l’atelier, lui aussi, avait été endommagé par le passage d’intrus. Il semblait qu’au moins une petite explosion avait retenti à l’intérieur. La grande majorité des outils de son père avait disparu, et une épaisse couche de débris recouvrait le sol. Bien sûr, c’était couru d’avance. Mais où était passé le plafond ? Et pourquoi avait-il disparu ?
Kyle se souvint des palettes à répulsion lourdement chargées et se demanda si cela avait un quelconque rapport avec l’état de l’atelier. Mais une seconde… Que voyait-il là ? Un schéma sur les dernières dalles du plafond ?
Kyle retira une tige lumineuse de sa ceinture, grimpa sur une caisse vide, et examina la zone en question. Il remarqua que les carreaux, qui avaient probablement été installé après son départ pour l’académie, correspondaient à ceux présent sur le comptoir de la cuisine. Cela signifiait qu’ils venaient de la même carrière, un endroit situé à vingt kilomètres au nord. Des gravures avaient été faites dans les carreaux, dont certains étaient clairement décoratifs, tandis que d’autres semblaient dessiner une carte. Une carte dont le centre – la partie la plus importante – était manquante.
Qu’avait dit Rahn ? Quelque chose sur la Vallée des Jedi ? Était-ce pour quoi les impériaux étaient venus ? Un dessin qui les guideraient jusqu’à la Vallée ? Il n’y avait aucune preuve directe pour étayer cette théorie, mais Kyle sentait qu’elle était vraie, et il avait appris à se fier à ses intuitions.
L’agent descendit de la caisse, dirigea la lumière vers l’un des coins les plus sombres de la pièce, et remarqua quelque chose de familier. Cette chose était couverte de plâtre brisé mais était néanmoins reconnaissable.
— WeeGee ? Est-ce que c’est toi ?
Il n’y eut aucune réponse. Kyle parcourut la pièce, écarta de son chemin des fragments de plâtre, et embrassa la silhouette familière. Bien qu’il fût capable d’une large variété de configurations, le droïde ressemblait à un U à l’envers équipé d’un capteur au sommet. WeeGee bougea ses mains mécaniques, l’une étant conçue pour le travail de force et l’autre pour des tâches plus délicates. Kyle traîna le droïde jusqu’au milieu de la pièce et vérifia ses relevés.
— Salut, WeeGee. Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? En tout cas, ils ont bien amoché le boîtier de ton processeur. Heureusement, je ne vois aucun dommage sérieux. Faisons une vérification.
Morgan Katarn avait construit le droïde lui-même, mais Kyle avait effectué des maintenances de routine sur le robot depuis l’âge de douze ans et connaissait parfaitement son fonctionnement. Sous la terre, la saleté, et les bosses, la machine était intacte.
Les ports étaient reliés n’importe comment, mais Kyle les remit en place et inséra le disque dans l’ouverture. Des composants émirent un vrombissement, puis un cliquetis, et enfin un bourdonnement. Un holo apparut, et avec lui, l’image de son père. L’image était aussi claire que du cristal.
Ce message est destiné à mon fils, Kyle Katarn. Kyle, j’ai laissé deux objets à ton attention. Le premier est une carte indiquant le chemin de la Vallée des Jedi, qui est dissimulé dans le plafond de roche dans cette pièce…
Kyle regarda son père faire un geste en direction du plafond et reçut la confirmation de son hypothèse. Quelque chose émit un bourdonnement. L’agent rebelle se retourna et dégaina son blaster. WeeGee resta immobile. Un compartiment s’ouvrit à côté de lui, et un cylindre en jaillit. L’agent saisit l’objet et reprit la lecture du disque.
Le second est un sabre-laser qui jadis appartenait à un Jedi nommé Rahn. Sers-t-en. Sers-t-en pour le bien.
L’holo disparut. Une sensation de chaleur emplit son corps. Non seulement, cette nouvelle image de son père remplacerait celle de sa tête plantée sur une pique, mais elle signifiait que son père avait été conscient du talent de son fils et avait souhaité le voir le développer.
Kyle pressa un interrupteur, et une lame d’énergie émergea de la poignée. L’air crépita, et une odeur d’ozone emplit la pièce. Il fit quelques gestes pour expérimenter l’arme, et se laissa émerveiller par la puissance qu’elle transportait. Il entendit les mots de son père résonner dans son esprit.
Sers-t-en. Sers-t-en pour le bien.
Cette pensée donnait à réfléchir, tout comme le fait qu’il savait que les impériaux s’était emparé des informations que son père avait protégées au prix de sa vie. Il pressa de nouveau l’interrupteur. La poignée se refroidit soudainement, et Kyle accrocha la sabre-laser à sa ceinture.
Il y eut une série de bips et de sifflements. L’agent se retourna pour voir WeeGee en train de flotter à deux mètres au-dessus du sol. Le droïde tenait un fragment de roche dans une main, et semblait se préparer à lui lancer.
— Hé, WeeGee. C’est moi, Kyle.
Le droïde semblait confus, et s’approcha pour examiner l’humain. Les bips et sifflements avaient une teinte plaintive.
Kyle secoua la tête.
— J’ai l’air plus vieux parce que je suis plus vieux. Pas assez vieux pour oublier le jour où tu m’as repêché dans la rivière et que tu as gardé secret.
Le droïde répondit avec une série de sons chaleureux. Kyle donna des petites tapes sur le boîtier de senseurs du droïde.
— Tu es resté hors service pendant un moment, mon petit Weeg, et les choses ont changé. Je donnerais n’importe quoi pour revoir papa, mais les impériaux l’ont assassiné. Je me bats aux côtés des rebelles maintenant.
Il fallut bien cinq minutes pour mettre le droïde à jour. Une fois les mises à jours complètes, ce fut au tour de Kyle de poser les questions.
— Alors, Weeg, qu’est-ce qui est arrivé au plafond ? Quelle chose si importante a bien pu pousser les impériaux à tout faire pour le détruire ?
Le droïde dirigea son capteur visuel vers la zone en question et émit une longue série de bips et de sifflements. Le rebelle fit la traduction nécessaire. Il semblait que son père avait fait un long voyage et qu’il en était revenu préoccupé. C’était comme s’il était conscient d’une chose importante mais qu’il n’était pas sûr de savoir quoi faire. Le droïde reprit.
— Plus tard, après l’arrivée de maître Rahn, votre père s’est mis à travailler sur le plafond. Il lui fallut plus d’un mois, ainsi que mon aide. Je trouvais les gravures plaisantes, mais cela ne devait pas être le cas de votre père car il a ordonné de les recouvrir avec du plâtre.
Kyle sentit son pouls accélérer.
— Rahn ? Un homme nommé Rahn est venu ici ?
— Eh bien, oui, bipa le droïde. Un homme charmant. Votre père le tenait en grande estime.
La bouche de Kyle était sèche.
— Décris-moi maître Rahn.
WeeGee projeta un holo dans les airs. Une boule se forma dans la gorge de Kyle tandis qu’il contemplait l’homme qu’il savait être Rahn tendre un livre et un sabre-laser à Morgan Katarn. Leur amitié était évidente.
Kyle déglutit. En dépit de tout ce qu’il avait appris, le grand prix continuait de lui échapper. Étant donné le fait que la navette avait disparu en direction de Baron’s Hed, il semblait que c’était là l’endroit idéal pour commencer son enquête. Mais comment y aller ? Plus particulièrement avec WeeGee en pièces détachés. Certes, il pouvait partir en laissant le droïde derrière lui, mais il savait ce qui lui arriverait. WeeGee était un membre de la famille, le dernier, et il ne pouvait s’en sortir seul. Non, il devait y avoir un moyen…
La réponse jaillit dans son esprit comme si elle avait attendue là depuis tout ce temps. Kyle claqua des doigts et s’approcha du droïde.
— Viens, Weeg. Allons-nous-en.
L’imposant arbre-draineur qui se tenait à l’extérieur était plus qu’un simple ornement. Ses racines descendaient sur des centaines de mètres où elles puisaient l’eau d’une source aquifère souterraine et l’acheminaient à la surface. Bien plus d’eau que l’arbre et ses différents symbiotes ne pouvaient transporter. Ceci étant, Morgan Katarn et ses voisins s’étaient servis de l’arbre comme d’une pompe biologique, faisant dériver l’excès d’eau vers leurs récoltes et complétant parfois les précipitations inadéquates.
Cependant, apporter l’eau à la surface était une chose ; la redistribuer aux récoltes en était une autre. Comme ses voisins, Morgan Katarn avait employé une force de droïdes pour établir et maintenir un réseau extensif de tunnels souterrains, de conduits, et de tubes, qui acheminaient l’eau à l’endroit désiré. On pouvait accéder au système à partir de plusieurs endroits. L’un de ces accès était situé à dix mètres de la porte de derrière.
L’agent se fraya un chemin à travers la cuisine, poussa la porte en question, et jeta un œil dans l’entrebâillement. Un soldat impérial se tenait cinq mètres plus loin. Un mercenaire gamorréen s’approcha de lui pour le saluer. Le gamorréen avait la peau verte, un museau de cochon, et des défenses odieuses. Il portait un morrt suceur de sang sur chaque biceps – une indication qu’il avait mit quelques crédits de côté et qu’il entrait dans le monde du mercenariat. Il émit quelques grognements, et l’humain répondit.
— Salut Brollo. Ça fait un bail. Tu es prêt à perdre ta paie de cette semaine ?
Kyle n’entendit pas la réponse du mercenaire car il se replia aussitôt dans la pièce. Qu’est-ce qui était le plus important ? La discrétion ou le temps ? Le rebelle repensa aux Jedi, à quel point il leur était facile de quitter une planète, et de prendre des décisions en conséquence.
— Weeg, tu vois la porte ? Quand je dis « vas-y », tu sors et tu tournes à gauche. Pas à droite. Car tu serais en plein dans la ligne de tirs. Compris ?
Des servomoteurs émirent une plainte tandis que le droïde se plaçait face à la porte de derrière et faisait signe qu’il était prêt.
Kyle hocha la tête, dégaina son blaster, et jeta un dernier regard furtif au dehors. Le soldat avait retiré un datapad de sa poche et pointait du doigt l’écran.
— Alors, lequel choisis-tu ? Ton cousin Blotho, le sergent instructeur Kine ? Si j’étais toi, je prendre Kine.
L’agent se recolla contre le mur.
— OK, Weeg… prêt… vas-y !
Kyle s’était attendu à ce que le droïde ouvre la porte et fut aussi surpris que les impériaux lorsque WeeGee passa à travers le bois, ne laissant rien d’autre que des échardes pendantes au bout des charnières. Cependant, il n’avait pas le temps de discuter de la question – et la stratégie avait fonctionné.
Les impériaux se remettaient encore de la stupéfaction, cherchant à dégainer leurs armes, lorsque Kyle les abattit. Le gamorréen fut le premier à mourir, le visage empreint de surprise, et le soldat périt en second. Il lui fallut trois tirs pour pénétrer son armure, mais l’issue fut la même.
Kyle se tourna, effectua une rotation à trois cent soixante degrés pour s’assurer que l’incident n’avait pas déclenché la moindre alarme, et se dirigea vers une porte encastrée dans le sol – l’accès aux tunnels souterrains. Les couches de poussière et de débris servirent de camouflage. Kyle saisit la poignée et tira dessus. Impossible de l’ouvrir. Elle était sacrément bien verrouillée.
WeeGee émit une série de bips, et se mit en position. La main chargeuse du droïde agrippa la poignée, et ses servomoteurs couinèrent. Le métal émit une plainte tandis que la porte s’ouvrait et qu’une série de marches d’escaliers se révélaient.
— On descend, ordonna Kyle, et allume tes phares.
Le droïde bipa docilement et entra dans l’écoutille souterraine. Kyle leva la porte en position verticale et baissa la tête en parcourant les deux mètres de descente. Il serait extrêmement chanceux – ou les impériaux seraient extrêmement stupides – si l’écoutille n’était pas découverte.
Le tunnel était sombre, et seuls les phares de WeeGee chassaient légèrement les ténèbres. Ensemble, ils parvenaient à éclairer jusqu’à quinze ou vingt mètres de tunnel.
Les murs à l’est portaient toujours des traces d’outils laissées par les droïdes qui avaient creusé puis entretenu les tunnels. Ils rampaient ici et là tandis que l’eau d’une pluie récente percolait plus bas.
Des tunnels secondaires, dont certains étaient trop petits pour Kyle, partaient à droite et à gauche. Des conduits noirs, ou dans certains cas des tubes, les suivaient jusque dans les ténèbres. L’air était humide et sentait mauvais. Ce conduit en particulier, un corridor marqué « centrale principale » conduisait au nord-est, vers le parking. L’endroit rêvé pour emprunter un moyen de transport…
L’attaque survint sans prévenir. Le corridor, d’abord vide, devint très vite occupé. Le droïde de guerre avançait péniblement, dépassé mais néanmoins menaçant. Il était impossible de savoir s’il avait été envoyé dans les tunnels ou s’il s’était tout simplement égaré. Quelle que soit la raison, la machine avait détecté leur approche. Elle s’était cachée pour les attendre et avait surgi d’un couloir latéral.
La machine pouvait et aurait tué Kyle dans les quelques premières secondes de combat, si WeeGee n’était pas intervenu. Et WeeGee était un opposant plutôt coriace. Bien qu’il fût extrêmement respectueux et dénué de tout système de combat, le droïde avait été programmé par Morgan Katarn pour protéger Kyle à tout prix. Ceci, ajouté au fait qu’il avait été conçu pour le dur travail de ferme, rétablissait l’équilibre des forces.
Le métal croisa le métal tandis que les machines s’affrontaient. Le droïde de guerre embarquait toute une variété d’armes mais il découvrit qu’il était tard pour s’en servir.
Kyle tenta de voir derrière WeeGee. Il brandit son blaster et cria une sommation – dont aucune ne fut réellement efficace.
Du point de vue de WeeGee, la question était relativement simple. Manquant des programmes pour faire quoi que ce soit d’autre, son opposant se servait de tactiques qui auraient été efficaces contre un humain, mais inefficaces contre un droïde.
Tandis que le droïde de guerre ciblait les organes vitaux inexistants de WeeGee, ce dernier utilisa sa main de puissance pour saisir la gorge de la machine et détacher sa tête. Le droïde vaincu cracha une colonne d’étincelles tandis que son servomoteur émettait un crissement puissant et la bataille prit fin.
WeeGee flotta au-dessus de la carcasse décapitée, émit un bip d’avertissement, et passa son chemin.
Kyle était sidéré. Il enjamba la carcasse du droïde et suivit son compagnon robotique.
Désormais sur ses gardes, le blaster au poing et ses bottes maculées de boue, Kyle se prépara à une autre attaque. Mais à l’exception d’un petit tas de débris, plus rien ne faisait obstacle à sa route. WeeGee écarta les débris sans difficultés et s’arrêta lorsque le tunnel aboutit à un cul de sac. Les sifflements, bips, et autres bourdonnements prirent fin sur une note interrogative.
— Je reconnais l’endroit, maintenant, répondit Kyle, pointant du doigt une échelle et un sas plus élevé. Si ma mémoire est bonne, ceci devrait nous conduire au milieu du parking.
Le capteur oculaire du droïde tourna en rond alors que ses différentes programmations entraient en conflit. Les bruits qu’il produisit étaient forts.
— Merci, répondit Kyle d’un air sincère, mais mon père n’est plus là, et j’apprécierais que tu acceptes mes décisions au lieu des siennes.
Il y eut un bref moment de silence pendant lequel WeeGee analysa les paroles de Kyle. Sa réponse fut à la fois brève et contrite.
— Bien, dit fermement Kyle. Je vais jeter un œil. Toi, reste là.
Le droïde regarda le rebelle grimper l’échelle rouillée, et pousser l’écoutille. Kyle esquissa une grimace lorsque le métal crissa et que l’écoutille s’ouvrit. Il attendit d’avoir la confirmation qu’il n’avait pas attiré l’attention et poussa un soupir de soulagement.
Le rebelle souleva l’écoutille, s’immobilisa lorsqu’elle heurta quelque chose de solide, et se glissa à travers l’ouverture. Le quelque chose que l’écoutille avait heurté était en fait un transport. Il était chanceux, très chanceux, étant donné qu’il y avait des tas d’impériaux dans les parages, et que le véhicule lui offrait une bonne couverture.
Une paire de bottes noires scintillantes se rapprocha. Il y eut des crépitements en provenance d’un dispositif com, et quelqu’un toussa. Puis soudain, Kyle entendit un cri. Avait-il était repéré ? Le rebelle se mit à couvert, cherchant une cible à abattre… Mais les bottes, et les jambes qui les occupaient, étaient en train de courir vers la maison. Pourquoi ?
Puis la réponse le frappa. Quelqu’un avait découvert les corps et déclenché l’alarme. Combien de temps encore avant qu’ils ne découvrent l’écoutille et suivent le tunnel jusqu’à WeeGee ? Probablement peu.
Kyle savait que chaque seconde était précieuse. Aussi se dépêcha-t-il de sortir de dessous le véhicule. Il jeta un regard aux alentours, et ne vit rien d’autre que des silhouettes de soldats impériaux, de mercenaires, et de commandos se diriger vers la maison.
Le T-4 était un véhicule de grande taille avec une cabine ouverte. Généralement utilisé pour déplacer de l’équipement et des troupes, il embarquait une charge explosive de cinq tonnes, un blindage léger, et un fusil laser à double canon situé à l’arrière.
Kyle bondit à bord du véhicule et s’installa sur le siège du pilote. Il vérifia le tableau de bord. Comme tous ses anciens camarades de l’académie, il avait appris à piloter les T-4 durant sa seconde année. Le transport embarquait en tout et pour tous quatre moteurs à répulsion, et comme la plupart des véhicules militaires, il était protégé par un clavier de sécurité. Un clavier de sécurité que beaucoup de commandeurs choisissaient d’ignorer étant donné que chaque conducteur potentiel devait mémoriser le code nécessaire. Le code consistait tout simplement en quatre zéros. C’était le cas de nombreux codes.
Kyle croisa les doigts. Il pressa la touche zéro quatre fois et un voyant lumineux vert s’alluma. Le rebelle esquissa une grimace tandis qu’il enclenchait chacun des quatre moteurs, actionnait le starter, et faisait rugir le moteur. Chaque moteur avait son propre son, mais ce son fut bientôt perdu parmi ceux des autres.
Une fois le T-4 prêt à partir, il fut facile de se glisser hors du parking et de regarder WeeGee flotter hors de sa cachette en prenant la direction du véhicule. Une fois le droïde à bord, Kyle décolla.
Un mercenaire hurla quelque chose d’incohérent, et les impériaux se retournèrent tous pour regarder. La poursuite était engagée. Des tirs de blaster sifflèrent au ras de la tête de l’agent, et l’un d’eux fora un trou dans le pare-brise. WeeGee émit une série de sifflements et de bips affolés.
— Excellent conseil, répliqua Kyle d’un air grave. Accroche-toi à tes circuits… C’est parti !
Vide et dépossédé de toute puissance considérable, le T-4 était capable de parcourir quatre vingt kilomètres par heure. Le véhicule accéléra le long de la voie, projetant des graviers dans toutes les directions, et bondit sur la voie rapide. Baron’s Hed était à l’est, à trente minutes de route.
La voie rapide avait vu passer énormément de trafic à une époque, mais c’était avant que les impériaux n’imposent un système de permissions de voyage et de taxes d’usage. Afin de minimiser les coûts et de se défendre contre les attaques de bandits, les fermiers utilisaient des convois lourdement armés pour transporter leurs récoltes au marché, et ils disposaient d’exemptions de taxe sur les animaux de ferme pour les transports locaux. Des excréments d’animaux longeaient le bord de la route, mais la voie était dégagée.
Ce qui restait d’un convoi se dessinait à l’horizon. Une ligne de véhicules carbonisés témoignait non seulement des dangers qui attendaient dans l’ombre, mais également de la liberté que les impériaux accordaient aux bandits.
Kyle effectua un virage et sentit le T-4 s’incliner en compensation. Un virage conduisait à ce qui, jadis, avait été une aire de repos. C’était aujourd’hui le repaire d’un groupe de pillards Tusken. Bien qu’ils soient natifs de Tatooine, les Tuskens avaient été amenés ici par les impériaux pour jouer le rôle d’exécuteur – un rôle qu’ils jouaient avec le plus grand zèle. Les mercenaires s’étaient pris d’affection pour les speeder bikes comme un aqualish pour de l’eau, et s’en servaient pour patrouiller les routes locales. Aucun d’eux ne semblait regretter les banthas, ces énormes créatures qu’ils chevauchaient sur Tatooine.
Un avis de recherche avait été diffusé quelques secondes après la fuite de Kyle, et les Tuskens étaient préparés. Des moteurs grondèrent tandis qu’ils bondissaient dans les airs. Bien qu’elles soient positionnées à la verticale lorsqu’elles étaient garées, les longues machines prirent rapidement une formation horizontale et se placèrent derrière la machine de tête, un speeder bike appartenant à un pillard du nom de Rogg.
Rogg savait que ses fidèles chercheraient un signe d’encouragement. Il tendit la main au dessus de sa tête et hurla un cri de guerre tribal. Son cri se perdit dans son sillage, mais il se sentait mieux maintenant.
Les Tuskens l’appréciaient en tant que chef. Ils aimaient le pouvoir qu’il exerçait, mais ils n’aimaient pas ce genre de moment. Rogg considérait que mener depuis le front était peu pratique, surtout au vu du fait que l’homme de tête finissait toujours par mourir, condamnant la somme de ses connaissances et de ses expériences à l’oubli, ainsi que sa vie.
Le leader Tusken avait déjà soulevé la question auprès de ses hommes, espérant que le reste du groupe verrait à quel point cette tradition était stupide. Mais Bordo, son second, et deux ou trois autres membres qui convoitaient sa position, avaient fait obstacle.
Enfin, la poche porte-bonheur qu’il portait autour du cou l’avait protégé depuis tout ce temps et continuerait à le protéger. Le Tusken pressa la détente de son canon double et se réjouit en voyant le rayon d’énergie foncer vers l’arrière du T-4 et érafler la peinture du transport.
Kyle vérifia son rétroviseur. Il vit la formation de speeder bikes se rapprocher, et parla du coin de la bouche.
— Prends les commandes, Weeg. Je vais leur apprendre les bonnes manières.
WeeGee émit un bip en signe d’approbation, activa le panneau de commandes secondaire, et passa ses programmes au crible pour s’assurer qu’il avait les compétences requises pour piloter un T-4. Une rapide vérification révéla que les boutons, interrupteurs, et pédales étalés devant lui n’étaient pas si différents de ceux que l’on trouvait sur une moissonneuse, ce qui était une bonne chose étant donné qu’il n’y avait personne d’autre pour piloter.
La tourelle à canon était installée derrière la cabine de pilotage. L’agent se glissa sur le flanc du véhicule, et s’installa au poste d’artilleur. Il actionna l’alimentation de l’arme, et une rangée entière d’indicateurs lumineux verts s’alluma.
Des tirs de blaster rebondissaient sur le blindage, fusaient au dessus de la tête du rebelle, et pleuvaient dans leur sillage.
Kyle se mit à couvert, passa en mode « rafales », et jeta un œil à travers le viseur. Bien que les speeder bikes zigzaguaient dans tous les sens pour rendre à Kyle la tâche difficile, ils formaient quand même une importante concentration de cibles. Les gâchettes de tirs étaient situées de chaque côté du panneau de contrôle. Le rebelle les pressa toutes en même temps. Il vit des rayons laser foncer sur la formation serrée de speeder bikes, et poussa un cri de victoire lorsque l’un d’eux explosa.
Des débris voletèrent dans toutes les directions et décapitèrent l’un des pillards Tusken, laissant un corps intact et inerte sur le véhicule. Le torse était toujours en place, agrippant fermement les commandes, lorsque le deux-roues s’écrasa contre le pilier d’un pont. Des morceaux jaillirent dans tous les sens, manquant de tuer d’autres pillards, et projetèrent des nuages de poussière.
Le pont, long de vingt kilomètres, menait à Baron’s Hed. Six voies se réduisirent à quatre voies tandis que WeeGee guidait le transport dans la travée. Il jeta un œil dans le rétroviseur, et vit que les Tuskens gagnaient du terrain. Il pressa à nouveau l’accélérateur. Aucun résultat. Le droïde réalisa que l’accélérateur était collé au plancher.
Rogg avait survécu. Ce simple fait le rendait heureux. Il brandit sa main droite, donna un signal, et vira sur la droite. Kyle suivit le mouvement avec la poignée de l’arme, décocha trois tirs, et cracha un juron lorsqu’un autre pillard fut arraché à son siège. Le speeder-bike sortit de la formation, effleurant de peu un autre speeder-bike, et s’éloigna en trombe.
Si Kyle était déçu de voir que Rogg avait survécu, ce n’était rien comparé à ce que Bordo ressentait. Il était numéro deux, et cela depuis trois ans. Trois ans de « Oui, Rogg », « comme tu veux Rogg », et « merci Rogg, » C’était suffisant pour faire rire un dragon Krayt.
Ainsi, Bordo menait le second échelon sur le flanc gauche de la formation. Il passa ses commandes en mode automatique, et bondit à l’arrière du T-4.
Il perdit l’équilibre, trébucha, et se releva. Une rapide vérification suffit à confirmer que l’humain était occupé à repousser une autre vague d’ennemis. Bordo vacilla jusqu’à l’autre bout du transport. Un simple regard révéla que son leader avait lâchement pris tout son temps pour se mettre en position. Bordo sourit derrière ses bandages, attendit que Rogg regarde dans sa direction, et lui tira entre les deux yeux.
Le speeder-bike oscilla, dévia de sa route, et fila dans le canyon. Le moteur s’éteignit, et le véhicule tomba comme une pierre. Persuadé que son acte était passé inaperçu dans la confusion de la bataille, Bordo fit signe au groupe d’avancer. Il se tourna en direction de la cabine de contrôle et se fraya un chemin jusqu’à elle.
WeeGee vit une tache méconnaissable située droit devant. Il fit un zoom, et reconnut enfin l’objet non identifié. Un barrage routier ! Un gros barrage routier, capable d’arrêter le T-4 d’un seul coup… Il appela Kyle. Mais il savait que l’humain ne l’entendrait pas. Il ne savait pas quoi faire.
Jan fit descendre le Corbeau Usé à cinq mille mètres. Elle trouva les traces d’une voie rapide et la suivit en direction du pont. Il avait été difficile de surveiller Kyle sans être remarqué, mais elle y était parvenue. Maintenant, avec le transport filant droit vers la ville et un tas de speeder-bikes à ses trousses, ce n’était plus la peine de tout faire pour passer sous les radars. Même si un chasseur TIE faisait son arrivée et recevait la permission d’ouvrir le feu, la bataille serait finie.
— Corbeau à Kyle. Est-ce que tu me reçois ?
Kyle avait inséré l’unité com dans son oreille depuis si longtemps qu’il l’avait oubliée. Un Tusken était grimpé à bord et se dirigeait dans sa direction. L’agent dégaina son blaster.
— Ouais, je te reçois. Tu en as mis du temps.
— Tu m’as dis de rester à couvert, tu te souviens ?
Kyle brandit son arme et vit le Tusken faire de même.
— Depuis quand prends-tu tes ordres de moi ?
— Cela n’a jamais été le cas, répondit Jan, comme tu peux en juger d’après le fait que le Corbeau vole en ce moment au-dessus de ta tête vide.
— Exact, répliqua Kyle tandis qu’il abattait Bordo d’un tir à la poitrine, ce qui nous ramène à la question. Pourquoi as-tu mis autant de temps ?
Jan esquissa un sourire et s’apprêta à répondre lorsqu’elle remarqua le barrage routier.
— Ils ont dressé une barricade en travers de la route. Prépare-toi à être évacué.
Le droïde ignorait qui était Jan. Mais il n’avait pas l’intention de perdre son temps en causeries. Il fit ce qu’on lui disait de faire. Il quitta le siège passager et se tourna en direction de la poupe. Un tir de blaster écorcha le flanc de son boîtier à processeur. Il émit un long et laborieux bip.
Kyle ouvrit le feu. Un Tusken bascula par-dessus la proue, heurta l’un des speeder bikes, et dégringola sur la voie rapide.
Le vent balayait les cheveux de Kyle, et de la chaleur s’abattit sur ses épaules tandis que le Corbeau entamait sa descente. Les Tuskens ouvrirent le feu sur le vaisseau alors que l’écoutille s’ouvrait. La rampe se déploya, et Jan hurla dans l’oreille de Kyle.
— Voilà le barrage routier ! Grimpe !
Le rebelle entendit son ordre et s’apprêtait à retransmettre l’ordre lorsqu’il fut projeté dans les airs. Le droïde avait repéré la rampe, attrapé la ceinture d’utilité de l’humain, et enclenchait son moteur à répulsion. Lorsque le transport heurta la barricade, ils étaient déjà sains et sauf à bord du vaisseau.
L’impact et l’explosion qui suivirent firent tomber un AT-ST du pont, tua un peloton de soldats impériaux, et fit naître un mur de feu. La plupart des Tuskens survivants allaient bien trop vite pour s’arrêter à temps. Ils poussèrent des cris tandis que leurs speeder-bikes fonçaient dans le mur de flammes.
Quelques uns, ceux qui étaient assez vifs, ou encore ceux qui étaient positionnés à l’arrière de la formation, se dispersèrent. Une épaisse fumée noire s’éleva dans le ciel en direction du vaisseau le Vengeance, et s’estompa.
Chapitre Six
Kyle se fraya un chemin en avant, attendit que Jan le rejoigne, et posa le regard sur Baron’s Hed qui s’étendait plus bas. Jadis, durant son enfance, la ville avait été un centre très attractif, mais aujourd’hui tout avait changé. Il leva ses jumelles électrobinoculaires, fit un léger ajustement, et scruta l’étendue sous-jacente.
Une structure semblable à un château constituait le point focal de la ville. Elle s’appelait la Chambre du Gouvernement et se tenait au sommet d’une colline appelée la Butte de Baron, le point géographique autour duquel la ville avait été bâtie.
Bien qu’elle ne soit pas aussi élevée que la colline sur laquelle les agents se tenaient, la tour était suffisamment haute pour offrir un avantage tactique à quiconque cherchait à la défendre. Elle forçait également ceux du dessous à lever les yeux vers une sorte d’autorité supérieure – un effet psychologique qui était tout sauf accidentel. Sa construction avait été supervisée par Jerec lui-même, durant son bref mandat en tant que gouverneur.
La cité s’élevait à partir d’une maison en pierre en une longue série d’escaliers, un peu à l’image d’un gâteau de mariage, avec les citoyens les plus aisés vivant au sommet, et les pauvres survivant tout en bas.
Des murs que Kyle se souvenait être d’un blanc tape-à-l’œil étaient devenu gris, presque noirs, et les jardins, traditionnellement recouverts de pyrofleurs à cette époque de l’année, étaient largement négligés, étant même occupés par des arsenaux, des antennes de communication, et d’autres équipements militaires nécessaires pour repousser les attaques rebelles. Des attaques qui s’étaient multipliées depuis le jour où la tête de Morgan Katarn était apparue au bout d’une pique.
Le spatioport était situé à un demi-klick à l’est et ne montrait aucun signe de trafic inhabituel. Des répulseurs s’embrasèrent tandis qu’un cargo décollait, s’immobilisait comme pour prendre une pose, et s’envolait vers le sud.
— Alors, dit Jan tout en laissant ses lunettes pendre sur sa poitrine, qu’en penses-tu ?
— Je pense que ce sera dur, répondit Kyle sur un ton honnête. La cité grouille de troupes impériales, de chasseurs de primes, et de mercenaires.
— La Chambre du Gouvernement semble être l’objectif logique.
— Oui, mais comment y entrer ? On frappe à la porte ?
— Je pourrais te déposer sur le toit.
— Merci, mais non merci, répondit Kyle. Tu devrais rester sur place, et ils auraient le temps de s’organiser. Regarde ses pièces d’artillerie. Elles te réduiraient en miettes.
Jan leva un sourcil.
— Moi ? Ou le Corbeau Usé ? demanda-t-elle sur un ton amusé, bien que la question ne fût pas amusante.
Kyle croisa son regard, et détourna les yeux.
— Toi. Le Corbeau est remplaçable.
C’était la déclaration d’amour implicite la plus explicite que Kyle était parvenu à lui faire, et bien que Jan regrettait la manière dont le commentaire avait été amené, elle aimait la réponse. Un silence gênant s’imposa. Elle le brisa.
— Sois prudent là-bas. Appelle-moi, et je débarque aussitôt.
Kyle esquissa un sourire et indiqua l’unité com attachée à son poignet.
— Ne t’inquiète pas. Je le ferai.
Jan hocha la tête. Elle voulait en dire plus mais n’était pas sûre de la façon dont ses mots sortiraient de sa bouche.
— D’accord. On se voit plus tard.
— Ouais, répondit Kyle, tout en déglutissant. Plus tard.
Jan recula, laissant Kyle contempler la cité sous-jacente. Le soleil s’était levé à l’ouest, et des lumières scintillaient à travers la brume. La cité semblait accueillante, plus particulièrement au crépuscule, mais Kyle était prudent. Il poussa un soupir et entama sa descente à partir de l’horizon. Un chemin menait vers le plus bas niveau de la cité. La gravité le conduisit donc plus bas.
La pièce était grande mais dépourvue de fenêtres. De plus, l’endroit était lugubre. Une table avait été placée au centre de la salle et était inondée de lumière. 8T88 se déplaçait doucement, ce qui forçait son bras à en faire autant. Après tout, il était neuf, et provenait d’une autre unité 88 qu’il conservait lorsqu’il avait besoin de pièces de rechange. 8T88 ne se souciait aucunement de la façon dont l’autre droïde s’en sortirait. Le bras avait été greffé plus tôt dans la journée. Ne pouvant s’offrir les services d’un roboticien, le droïde avait installé le bras lui-même.
Le circuit électronique avait été connecté de la même manière que les tubes qui transportaient le fluide hydraulique à cette extrémité. Il ajusterait le relais du poignet, ainsi que les rotors actionneurs, et testerait le tout. Une fois le processus terminé, il s’occuperait de la pièce.
8t88 leva la main gauche. « Stylet de réglage ». Le droïde possédait une grande armada de serviteurs, dont tous étaient biologiques. Le fait que les « organiques » l’avaient créé et qu’il était maintenant leur maître le rendait fier. Il y eut un bruit métallique lorsque l’humain plaça un outil dans la main de 88. Le droïde le lança à travers la pièce.
— Le stylet de réglage, idiot ! Donne-moi ça.
Le robot saisit l’instrument demandé. Il fit les ajustements nécessaires et termina en peu de temps.
— Voilà, dit 8T88 tout en terminant le poignet, c’est mieux, bien mieux. Fais venir l’imbécile en charge.
Les hommes de main de 8T88, deux humains et un gamorréen, échangèrent un regard, haussèrent les épaules, et notèrent la requête parmi les nombreuses excentricités du droïde. Un humain nommé Rol, le même qui ne pouvait pas faire la différence entre un stylet de réglage et une sonde de test, quitta la pièce.
La personne qu’il recherchait, un spécimen plutôt arrogant qui se vantait d’avoir servi Jerec durant son mandat en tant que gouverneur planétaire et ceux qui le succédèrent, avait adopté tout un tas de manières. Il prit tout son temps pour répondre à son appel, précéda Rol dans les escaliers, et se glissa dans les quartiers quelque peu spartiates du droïde. Le plus petit des sourires se dessina sur les lèvres du majordome tandis qu’il entrait dans la pièce et s’inclinait face à 8T88.
— Salutations, éminence. En quoi puis-je vous être utile ?
Ces mots étaient prononcés avec condescendance. Ils rendaient même Rol mal à l’aise.
— Tu peux me raconter l’histoire de cette maison, répliqua doucement 8T88.
— Mais absolument, répondit le majordome. Qu’aimeriez-vous savoir ?
— Commencez par cette pièce, dit le droïde sur un ton nonchalant, faisait un geste de la main vers les alentours. Je remarque qu’elle est contiguë à la salle de danse. Une localisation plutôt inhabituelle pour des quartiers d’invités. Dites-moi à quelle fin cette magnifique enceinte a été prévue à l’origine, et pourquoi j’ai été choisi pour l’occuper.
Le majordome déglutit nerveusement. Son assignation était une plaisanterie, une façon de remettre une machine arrogante à sa place tout en impressionnant le personnel. La possibilité selon laquelle le droïde pouvait et le ferait obéir n’était jamais venue à l’esprit de l’humain. De petites gouttes de sueur coulaient le long de son front. Ses mains commencèrent à trembler. Devait-il s’excuser, ou le bluffer ? Il choisit la seconde option, une alternative bien moins humiliante.
— Ceci est une suite VIP, monsieur, choisie en raison de votre stature et de rang. Et située à proximité de votre lieu de travail.
8T88 remua son index droit. Le mouvement fut adroit, ce qui était une bonne chose.
— Rapprochez-vous un peu, je vous prie. Mes amplificateurs ne sont plus ce qu’ils étaient.
Rol échangea un regard avec le gamorréen. Ils savaient que 8T88 pouvait entendre une punaise se déplacer à cent mètres de distance.
Convaincu que son histoire était satisfaisante, et désireux de s’insinuer dans les bonnes grâces du droïdes, le majordome s’approcha. Une robe traînait derrière lui. L’extrémité du vêtement était sale.
8T88 attendit que l’humain soit à portée de son nouveau bras pour tendre la main et empoigner sa robe. La tête du majordome se rapprocha brutalement tandis que le droïde l’attirait vers lui.
— Regarde mon visage car c’est la dernière chose que tu verras.
Le serviteur précédemment hautain sembla se briser en morceaux lorsqu’il regarda la face métallique du droïde.
— Je vous en prie ! Je suis navré de vous avoir offensé. Dites-moi comment me racheter !
— Ah, dit 8T88 judicieusement, si seulement tu pouvais. Mais le disfonctionnement est dissimulé dans ta boîte crânienne, un endroit difficile à réparer. Je ne sais pas si tu as déjà vu un cerveau, mais c’est très difficile à manipuler. Un processeur d’unité centrale serait plus facile à modifier.
L’humain était situé à côté de lui maintenant. Une flaque s’était répandue à ses pieds, et les gardes se bouchèrent les narines, à l’exception du gamorréen, qui n’avait rien remarqué.
— Mon cerveau ?
— Eh bien, oui, répondit le droïde. En supposant que tu en aies un… Tu sais, l’organe qui se prétend supérieur aux machines, et qui se complait à les rabaisser.
Le majordome tenta d’objecter, de s’expliquer, tandis que la main métallique et glaciale se posait sur son visage, mais il se ravisa. Il semblait que la pression, ajouté au son provoqué par le craquement des os de son crâne, suffisait à lui faire perdre conscience. Il poussa un cri avant de s’effondrer.
Si la sécurité au cœur et autour de Baron’s Hed avait été légère jusqu’à maintenant, elle était désormais renforcée. La présence de Kyle à la ferme et sa fuite subséquente avaient eu pour conséquence la mise en place d’un niveau de sécurité élevé.
Des files d’attente s’étaient formées devant les portes de la cité. Les résidents étaient scannés à l’entrée, et les étrangers étaient soumis à des interrogatoires. Ce n’était pas un procédé que le rebelle souhaitait expérimenter, surtout au vu de son statut de fugitif et de la récompense offerte pour sa capture. Non, il devait y avoir un meilleur moyen d’entrer, ou du moins l’espérait-il.
Une heure passa pendant laquelle Kyle resta tapi dans un passage obscur et observa la porte ouest. Des déguisements, des ruses, et toutes sortes de stratagèmes brillants et moins brillants défilèrent dans son esprit avant d’être rejetés, y compris un plan potentiellement suicidaire qui impliquait de grimper un mur et d’abattre les gardes. En fait, il y avait tellement de plans qu’il faillit ne pas voir sa chance lorsqu’elle se présenta.
Les impériaux envoyaient régulièrement des patrouilles dans la campagne, ce qui voulait dire qu’elles revenaient à toute heure du jour ou de la nuit. Un duo de commandos équipés de speeder-bikes traversa la porte d’entrée, et furent suivis par un véhicule à répulseurs rempli d’éclaireurs impériaux.
Kyle avait déjà effectué des patrouilles similaires et savait à quel point elles étaient éreintantes. En rentrant, tout ce que les soldats voulaient, c’était jeter leurs armures, prendre une douche, et boire une bonne bière. Leur moral, tout comme leur degré de conscience, était au plus bas… Parfait pour quelqu’un d’aussi désespéré que lui.
Un AT-ST suivait le transport d’éclaireurs, et avec une diversion inattendue, il fournissait l’opportunité que Kyle attendait.
La diversion vint au moment exact où un malheureux citoyen guidait son troupeau sur le chemin à côté des impériaux.
Les speeder-bikes coupèrent le troupeau en deux et les gra se mirent à courir en cercles. Leur propriétaire tenta d’arranger les choses mais ce n’était pas chose facile, et les commandos envenimèrent la situation lorsqu’ils frappèrent les animaux, faisant naître la panique.
Avec les hurlements du propriétaire, le beuglement des gra, et les jurons des impériaux, Kyle n’eut aucune difficulté à se glisser à travers l’entrée, se précipitant à travers une section de pavés et sautant sur le pied d’un AT-ST. Puis, s’étant collé le long de la jambe du walker, Kyle fit de son mieux pour s’accrocher, une tâche qui s’avérait plus difficile qu’il ne l’avait pensé.
S’agripper au véhicule qui parcourait la chaussée était relativement simple. Le plus dur était à venir. Le pied d’une demi-tonne tombait avec une vitesse alarmante et frappait le sol avec une telle force que Kyle faillit perdre prise à plusieurs reprises. Les impacts forçaient l’agent à fléchir les genoux, le faisaient trembler de la tête au pied, et faisaient vibrer ses dents.
Tout cela était si violent qu’il remarqua à peine la machine broyer un gra, hacher le reste du troupeau, et se tourner vers la porte gardée.
L’agent retint son souffle alors que la sentinelle faisait un salut à l’officier commandant du AT-ST. Il leva les yeux lorsqu’il aurait dû les baisser, et manqua de se faire repérer.
Kyle s’agrippa de toutes ses forces alors que la machine parcourait le labyrinthe de rues qui composait la ville basse, la section de Baron’s Hed où vivaient les citoyens les plus pauvres et où la majorité des commerces était située.
La patrouille prit un virage avant de se diriger vers la caserne. Le rebelle attendit d’apercevoir un endroit baigné dans l’obscurité. Il bondit juste avant que la jambe ne frappe à nouveau le sol, et plongea à couvert.
L’agent se cacha au pied d’un mur recouvert de plantes grimpantes. Il s’assura que son départ n’avait alerté personne, et ajusta ses vêtements. Le fait qu’ils portaient encore des traces de boue et de graisse jouerait en sa faveur. L’idée était de se fondre dans le décor, et les citoyens de la ville basse n’étaient pas réputés pour leur splendeur vestimentaire.
Kyle sortit de sa cachette, adopta l’air d’un résident, et prit la direction du centre ville. Les maisons de la ville haute étaient très bien éclairées, ce qui mettait en valeur la colline sur laquelle elles reposaient. Le Chambre du Gouvernement, qui était inondée de lumière, siégeait au sommet. La trouver serait facile. Entrer serait une autre paire de manches.
La rue d’à côté conduisait à l’Allée de la Bordure, une longue rue illuminée qui menait aux pieds de la colline. Des panneaux brillaient, des lumières clignotaient, et de la musique se jouait à plein volume derrière les portes éternellement ouvertes des diverses boutiques. Les allées sentaient l’urine, le vomi, et l’encens utilisé pour couvrir la puanteur.
Le trafic, dont la majorité était pédestre, s’accroissait, tout comme le danger. Kyle posa sa main sur son arme tandis qu’un groupe de soldats impériaux apparaissait à l’autre bout de la rue pour poser des questions à un vendeur ambulant avant de reprendre leur route. L’agent fut soulagé, mais il savait que les adversaires les plus redoutables étaient ceux qu’on voyait le moins.
Un homme – probablement un pilote – sortit d’un bar en titubant, marcha tant bien que mal vers le trottoir, et vomit.
Un droïde, dont les extrémités étaient tordues, soit par accident, soit par esthétisme, demanda de l’aide.
Une femme, dont le maquillage brillait de mille feux, esquissa un sourire et fit un clin d’œil.
Aucun d’eux ne représentait un danger direct, mais ceux qui se cachaient parmi eux en représentaient un. Le chasseur de primes rodien à l’affût d’une proie, l’informateur écoutant aux portes, et l’agent impérial trahi par le modèle de bottes qu’il portait. Tous étaient des ennemis.
Kyle longea la rue le plus vite possible sans attirer l’attention. Ce n’est qu’après avoir quitté la rue principale et être entré dans une zone résidentielle plongée dans l’obscurité que le rebelle réalisa qu’il était suivi. Il sentit la présence de la personne avant même de l’avoir vu de ses yeux. La Force s’écartait du chemin du poursuivant de la même manière que l’huile se séparait naturellement de l’eau.
Kyle s’arrêta dans une zone de lumière offerte par deux lampadaires largement espacés pour faire semblant de chercher ses repères et prit un virage.
Le poursuivant ne tenta pas de masquer son intérêt pour lui et hocha la tête poliment. La femme avait dû être séduisante par le passé, avant que son œil gauche ne soit endommagé et remplacé par un implant bionique. Le dispositif était équipé d’une gamme de trois lentilles qui émirent un bruissement tandis que l’œil pivotait et livrait une vue optimale à son cerveau. Kyle remarqua que la femme portait deux blasters. Une sphère flottait au-dessus d’une de ses épaules, sans raison évidente. Sa voix était profonde et rauque.
— On cherche quelque chose, citoyen ? Je peux peut-être vous aider ?
— Merci, répondit Kyle, mais non merci. Et pour vous ? Voudriez-vous qu’on vous aiguille dans la bonne direction ? Où prévoyez-vous de me suivre toute la nuit ?
— C’est une arme intéressante que vous avez là, répliqua la femme sur un ton nonchalant. Plutôt rare, non ?
Kyle maudit sa propre bêtise. Le sabre-laser n’était pas seulement rare mais il avait de la valeur, et ne manquait pas d’attirer l’attention. Il aurait dû le cacher. La femme ne l’aurait alors peut-être pas remarqué. Kyle ne chercha pas à spéculer. Il devrait s’occuper d’elle, et vite.
— Ouais, c’est plutôt rare, un peu comme la sphère qui flotte au-dessus de votre épaule… Intéressé par un échange ?
Kyle porta sa main gauche vers le sabre-laser et glissa sa main droite vers son blaster. Il dégaina l’arme et fit feu un dixième de seconde avant que le voleur potentiel ne fasse de même. Son tir frappa sa gorge. Elle émit un son inintelligible et s’effondra.
Kyle porta son attention sur la sphère. Il vit une pique longue de huit centimètres en émerger, et recula. La boule flottante émettait un bourdonnement menaçant. Elle se balança d’avant en arrière, et se pencha en avant.
L’agent recula de nouveau, tenta de corriger sa visée, et trébucha sur le bord du trottoir. Il tomba en arrière, sentit son blaster voler dans les airs et l’entendit tomber sur le trottoir. Il s’apprêtait à rouler dans sa direction, à exposer son dos à l’ennemi, lorsqu’une voix pénétra son esprit. Il l’avait déjà entendu avant, et savait qu’elle appartenait à Rahn.
Tu te souviens de Nar Shaddaa ? Cherche la paix qui réside au fond de toi.
Kyle se souvenait de la plateforme d’atterrissage, de la manière dont le temps avait ralenti, et de la bataille qui s’en était suivie. Atteindre la concentration nécessaire fut cette fois-ci plus facile. La sphère ralentit, et le bourdonnement devint un grondement aux sonorités graves.
Maintenant, continua Rahn, bat-toi comme un Jedi.
Kyle se releva, pressa un interrupteur, et entendit l’air crépiter tandis que la lame du sabre-laser s’allumait. Bien que plus lente, la sphère continuait d’effecteur son déplacement hypnotique.
Bien, dit Rahn. Maintenant, ferme les yeux.
Kyle fixa la sphère menaçante et secoua la tête.
— Je doute que ce soit une bonne idée.
Ferme les yeux, ou je m’en vais. Il y a d’autres apprentis, dont certains font preuve de talents considérables.
La critique le blessa, mais le fait que Rahn le considérait comme un apprenti lui plaisait. Il se souvint de l’instructeur d’escrime de l’académie, un homme qui attendait une obéissance sans faille de la part de ses élèves, et qui n’abusait jamais de leur confiance. Il ferma les yeux.
Bien, continua Rahn, ressens la sphère, ressens la manière dont elle se déplace, et fusionne avec elle.
Kyle tenta de se voir de la manière dont la sphère le verrait, comme une signature thermique se déplaçant dans un schéma que ses ordinateurs pouvaient analyser et extrapoler.
Excellent, dit Rahn en encouragement. Tu sais où la sphère compte se rendre ensuite. Vise cet endroit.
Kyle « savait » que la sphère se déplacerait sur la droite. Il leva son sabre-laser à l’endroit où la sphère se rendrait. Il sut qu’il avait manqué.
Tu y étais presque, dit Rahn, presque. Essaie encore.
Kyle fit un nouvel essai. Cette fois, il visualisa un quadrillage vert avec des lignes blanches, et « vit » la sphère se dessiner dessus. Elle se déplaça sur sa gauche, sur sa droite, et encore sur sa gauche. Il sentait l’endroit où la cible irait et agit en conséquence. Alors que l’agent ouvrait les yeux, il reçut la confirmation de ce qu’il savait déjà…
La sphère explosa, et un petit fragment de plastique chauffé heurta sa joue. Du shrapnel jaillit dans tous les sens, et le temps revint à la normale. Il avait l’impression qu’il s’était écoulé une heure, mais un rapide coup d’œil à son chrono rétablit la vérité. L’incident entier n’avait pas duré plus de trois ou quatre minutes.
Le rebelle pressa à nouveau le bouton, fixa le sabre-laser à sa ceinture, et reprit son blaster. Le temps passait, et il ne pouvait se permettre de s’attarder ici.
Jerec ne pouvait pas voir 8T88 en dépit du fait que la projection holographique faisait huit mètres de haut et plus de onze mètres de large. Mais il prétendait qu’il le pouvait, sachant que ses actions nourriraient les mythes soigneusement contés qui entouraient son nom. Des mythes qui multipliaient son pouvoir par dix.
Pourtant, il pouvait imaginer l’apparence de 8T88, ainsi que la mosaïque recréée et la carte stellaire holo-animée. Il pouvait imaginer et jubiler intérieurement à l’idée qu’il était sur le point de devenir l’être le plus puissant des mondes civilisés. Non, de l’univers tout entier. Une position pour laquelle il était fait.
— Bien joué, 8T88. La Vallée des Jedi sera bientôt à moi. Rejoignez le vaisseau cargo Étoile de Sulon à la station de ravitaillement située à l’extérieur de Baron’s Hed. Vous y recevrez votre paiement.
Le droïde pencha sa tête en ce qui pouvait être interprété comme un hochement de tête ou une révérence, pressa un interrupteur, et disparut.
Jerec tourna le dos au projecteur holographique et permit à l’équipage de contempler ses yeux depuis longtemps disparus. Sariss était là. Il pouvait sentir sa présence.
— Nous avons ce que nous sommes venu chercher… Sariss, préparez le Vengeance pour une entrée en hyperespace.
Sariss s’inclina.
— Oui, mon seigneur.
Une fois l’ordre retransmis, les moteurs du Vengeance s’enclenchèrent et le vaisseau quitta brutalement l’orbite.
Bien qu’il ne fût pas soumis aux nuisances émotionnelles que les humains prétendaient expérimenter, 8T88 « ressentait » ce qu’il estimait être un énorme sentiment de satisfaction.
Afin d’accomplir sa tâche, le droïde avait créé une carte stellaire tridimensionnelle de la mosaïque du plafond et transmis l’information digitalisée au Vengeance. L’originale, celui que 8T88 continuait de projeter vers le centre de salle, flottait devant lui. C’était une chose d’une rare beauté… Il y jeta un dernier regard avant de désactiver l’image. La carte avait été livrée, le paiement était assuré, et il pouvait se permettre de savourer son triomphe.
La mort du majordome avait laissé un traumatisme dans les esprits du personnel de la maison, qui avait alors acquis un respect soudain et sans précédent pour les machines intelligentes. La chaise semblable à un trône était légèrement exagérée, mais le symbolisme était apprécié, et 8T88 aimait s’en servir. Son animal de compagnie, une monstruosité ailée à la mâchoire imposante, gronda et se coucha à sa droite. Sa courte queue émit un bruit sourd en frappant le sol en bois.
Une longue table ornée s’étendait vers l’autre bout de la pièce. Des chaises étaient installées de chaque côté, et certaines étaient rangées afin de permettre un accès. La mosaïque reconstituée occupait presque toute la surface de la table. La bête grogna et flaira l’air. Le droïde tapota la tête du monstre.
— Qu’y a-t-il, mon beau ? Encore faim ?
Les ténèbres grouillaient. Kyle Katarn sortit à la lumière. Il tenait un blaster dans la main. La bête se leva. De sa salive dégoulinait de sa mâchoire, et elle émit un grondement qui venait du plus profond de sa gorge. 88 agrippa le harnais de l’animal.
— Pas encore, mon beau. Tu pourras manger plus tard.
— Je vois que tu t’es trouvé un nouveau bras, dit Kyle sur un ton léger. J’aurais dû viser la tête.
Le droïde se leva. Un signal électronique se déclencha.
— Rot ! Hontho ! Trox ! Saisissez-le !
Le rebelle secoua la tête d’une façon moqueuse.
— Désolé, vieux tas de ferraille, mais Rol et ses amis sont momentanément indisposés. Je veux la carte.
Le droïde fit un geste en direction de la table.
— Et alors ? Prends-la. Vas-y, mets la dans ta poche.
— Merci, dit sèchement Kyle, mais je vais m’abstenir. La version digitale serait bien plus commode.
Un moteur émit une plainte. Une section du plafond commença à tomber, et de la lumière jaillit tout autour. Kyle brandit son blaster en direction de la plateforme tandis qu’une paire de jambes apparaissait. 88 recula. Son animal résista et laissa des traces de griffes sur le sol.
Yun atterrit sur la table, et brandit son sabre-laser. Il avait le sourire aux lèvres. Une lame brillante émergea de la poignée de son arme.
— Tu veux la carte, Katarn ? La voilà, je vais te l’emballer dans un joli papier-cadeau.
Le sabre-laser s’éleva et retomba. Des carreaux explosèrent en fragments chauffés. Kyle ajusta sa visée et sentit une masse heurter sa poitrine. Pas une vraie masse, mais une masse immatérielle créée à partir de la Force – tout aussi efficace. Il recula et s’effondra sur une chaise. Son blaster tomba quelques mètres plus loin. Yun secoua la tête.
— Alors, voilà tout ce que la lumière nous envoie. Pas étonnant que tout ça soit si facile.
Ceci étant dit, la sabre-laser bourdonnant au creux de sa main, il enjamba la longueur de la table. Des carreaux brisés étaient éparpillés un peu partout.
Kyle reconnut le Jedi Noir comme l’un de ceux qu’il avait vu à la ferme… le plus jeune.
Le rebelle se releva, prit appui sur la table, et fit un saut périlleux arrière. La chaise s’écrasa au sol, et l’agent atterrit en fléchissant les genoux.
8T88 traîna de force son animal dans une alcôve. Une porte en duracier s’abaissa juste devant lui. Une machinerie gémit tandis que le turbo-ascenseur le transportait plus haut.
Surpris par le mouvement de Kyle, et plus qu’un peu intrigué, Yun s’avança. Kyle, qui était toujours à genoux et désavantagé, dégaina son sabre-laser. De l’énergie crépita et une odeur d’ozone emplit l’air tandis que le rebelle brandissait son arme et parait le coup du Jedi Noir.
Yun se renfrogna. Il semblait que son adversaire était plus redoutable qu’il ne l’avait présumé. Le Jedi Noir ressentit un petit filet de peur parcourir son échine.
Kyle sentait maintenant l’hésitation chez son adversaire. Il reprit position et permit à son opposant de se désengager. En dépit du fait que ses leçons d’escrime l’avaient initié à la maîtrise d’une lame simple et que son duel avec la sphère avait été quelque peu bref, il avait acquis des réflexes nouveaux. Il se concentra sur le regard de son adversaire, sentit la Force s’écouler autour de lui, et bondit sur sa droite.
Yun vit son adversaire changer de position. Il tenta de l’intercepter, et dû baisser la tête pour esquiver un rayon d’énergie mortel qui vint balayer l’espace qu’avait occupé sa tête. Trop près pour un novice.
Kyle frappa à nouveau. Bien qu’il fût légèrement maladroit, son coup trancha à travers la partie supérieure du bras de Yun et projeta du sang hors de la blessure, qui fut rapidement cautérisée par la chaleur de la lame.
Le Jedi Noir laissa échapper un cri tandis que son sabre-laser tombait de ses mains, et il perdit l’équilibre. Il tomba sur le dos. Kyle s’approcha, et Yun tendit son bras. Il était si effrayé, tellement effrayé, mais en même tellement déterminé à sauver sa fierté.
— Allez, tue-moi, rebelle ! Tue-moi comme je l’aurais fait avec toi !
Cela semblait être un bon conseil, et Kyle brandit son arme. Mais alors qu’il s’apprêtait à frapper, les paroles de son ennemi résonnèrent dans sa tête. « Tue-moi comme je l’aurais fait avec toi ». Était-ce là le genre d’homme qu’il voulait être ? Le genre d’homme qui tuait sans raison ? 8T88 détenait la carte, et le Jedi Noir était battu. Kyle fit trois pas en arrière, baissa son arme, et désactiva la lame. Rahn, qui avait été absent jusqu’à maintenant, réapparut.
Ton père et moi sommes fiers de toi, fils, car la clémence est la vertu première du Jedi.
Yun était à la fois stupéfait et perplexe. Il y avait quelque chose de beau dans les actes du Jedi. Mais comment était-ce possible ? La clémence était synonyme de faiblesse. Il repensa à Sariss, à quel point son mentor aurait honte de lui si elle le voyait là, par terre. À ce moment là, il aurait souhaité être ailleurs. Yun se hissa au plafond. Son arme suivit.
Kyle regarda la scène pendant un moment, son regard fixé sur celui de Yun. Il réalisa alors son erreur. 8T88 ! L’agent se retourna et brandit son arme. Mais la pièce était vide, du moins jusqu’à ce qu’un tir de blaster frôle la tête du rebelle.
— Le voilà ! Tuez-le !
Des tirs de blasters percèrent le voile d’obscurité et rebondirent sur la lame du sabre-laser de Kyle. Le geste semblait naturel. Mais il terrifiait les soldats impériaux.
— Vous avez vu ça ? C’est un Jedi !
Il y eut une pause pendant laquelle les soldats tentèrent de s’enfuir avant d’être arrêtés par un officier armé d’un blaster. Il était nécessaire d’en punir un pour montrer l’exemple aux autres.
Kyle saisit de nouveau son blaster, recula dans la cage d’escalier, et leva le dispositif com placé sur son poignet vers sa bouche.
— Hé, Jan ! Qu’est-ce que tu dirais d’une évacuation ?
Jan effectuait des cercles autour de la maison, attendant qu’une navette impériale quitte la piste d’atterrissage du toit, et entama sa descente.
— Prêt pour évacuation, Kyle ! Retrouve-moi sur le toit.
— Ravi de l’entendre, répondit Kyle en faisant pleuvoir des tirs de blaster à travers la salle. Je pense m’être égaré dans les présentations.
— Tu fais souvent ça, ajouta Jan. Je suis une exception.
Kyle monta les escaliers, poussa la porte et sortit à l’air libre. Des répulseurs s’illuminèrent tandis que le Corbeau se posait sur la piste. L’agent esquissa un sourire.
— Quelle chance j’ai.
— Ouais, dit Jan, quelle chance tu as. Maintenant, grimpe à bord.
Kyle monta le long de la rampe, entra dans la soute du vaisseau, et se rendit au poste de commande.
— Tu as vu quelqu’un quitter le bâtiment ?
— Oui, une navette a décollé au moment je suis arrivé.
Kyle jura.
— C’était 88… Ce misérable tas de boulons détient la carte ! Ne le laisse pas s’échapper !
Jan savait qu’elle aurait dû demander « quelle carte ? » mais les charades l’épuisaient.
— Non, monsieur. Oui, monsieur.
Le Corbeau décolla du toit, effectua une rotation tandis qu’une batterie anti-aérienne ouvrait le feu, et fonça vers le sud. Une rafale de rayons d’énergie frappa la proue. Jan effectua une manœuvre d’évitement. Kyle fut projeté en arrière et lutta pour se relever.
— Merci de m’avoir prévenu.
— Désolé. Ça m’a échappé, c’est tout. Tu ferais mieux de t’attacher.
Kyle s’exécuta et regarda Jan du coin de l’œil. Elle était à la fois magnifique et exaspérante. Comment faisait-elle ça ?
Des lumières jaillirent à l’horizon, et Jan esquissa un sourire.
Chapitre Sept
Fuel City avait été établie à dix klicks du spatioport pour des raisons de sécurité. Elle abritait des cuves de stockage qui étaient connectées par un labyrinthe de conduits et qui desservaient neuf stations de ravitaillement surélevées. Des réverbères, qui semblaient avoir été montés en désordre à travers le complexe, projetaient un millier d’ombres mystérieuses.
L’Étoile de Sulon était parqué à la station six et était maintenu en place par un réseau de rayons tracteur emboîtés. Du carburant était acheminé au vaisseau via des tuyaux suffisamment larges pour y ramper.
8T88 guida la navette en dessous du ventre du vaisseau cargo et attendit pendant que les ordinateurs communiquaient entre eux. Une écoutille s’ouvrit, et la navette s’éleva à l’intérieur d’un cône de lumière verdâtre. Le hangar était intentionnellement petit afin d’optimiser la capacité de stockage du vaisseau. Il y avait des emplacements pour quatre autres petits vaisseaux, dont trois étaient occupés – deux par un navire de sauvetage et un par une navette impériale.
8T88 ressentit une pointe de satisfaction tandis qu’il engageait le pilote automatique du vaisseau et quittait le cockpit. La navette était assignée au Vengeance. Jerec était efficace, une qualité rare chez les organiques.
La bête se lécha, perçu un bruit, et se tourna dans sa direction. Sa queue frappa le sol. 88 hocha la tête.
— Oui, mon beau, tu peux venir.
La bête ronronna et étendit ses ailes pendant que 88 détachait son harnais. La machine aurait préféré laisser l’animal là-bas, mais sans aucun garde du corps pour assurer ses arrières, la bête était mieux que rien.
Ils quittèrent la navette, se dirigèrent vers une écoutille, et attendirent l’ouverture du sas. Il n’y avait personne pour les accueillir – une insulte que le droïde n’oublierait pas, une preuve de sentiment anti-machine.
Leurs bruits de pas résonnaient dans le couloir et les griffes de la créature cliquetaient sur le métal tandis que le duo parcourait les couloirs vides du vaisseau jusqu’au carré des officiers. De la lumière se reflétait sur la surface d’une table en métal, et des ombres se dessinaient par terre. Il n’y avait aucun signe de vie. La hanche du droïde couina lorsqu’il se retourna.
— Est-ce qu’il y a quelqu’un ?
Quelque chose remua. Une, non, deux silhouettes émergèrent de l’obscurité et firent un pas dans la lumière. 8T88 sentit la même sensation d’angoisse que les humains ressentaient lorsqu’ils disaient qu’ils « avaient un mauvais pressentiment » à propos de quelque chose. Gorc ? Pic ? Pourquoi Jerec détacherait-il des Jedi Noirs à une commission de routine ? Ou peut-être quelqu’un avait-il décidé de lui montrer le respect qui lui était dû ? Oui, décida le droïde, ceci expliquerait cela. Il parla avec une autorité naturelle chez un être supérieur.
— Je suis ici pour collecter ma paye.
Les « jumeaux » sourirent, mais leurs expressions étaient dénuées d’humour. Ce fut Pic qui prit la parole en premier.
— Bien, car nous sommes là pour vous la délivrer.
Jan était encore en train de s’excuser auprès du centre de contrôle de Fuel City tandis que le Corbeau s’en allait.
— Désolé pour ça, contrôle. Je me suis mélangé les pinceaux. Terminé.
Le capitaine Zyak était tout à fait conscient du fait que les pilotes civils pouvaient se tromper par moments. Il secoua la tête, blasé. Il portait une fine moustache et affichait un sourire malfaisant.
— Reçu, un-neuf-deux. Éloignez simplement cette épave de mes écrans. Soyez plus prudente à l’avenir.
Jan sourit.
— Bien reçu, contrôle.
Zyak aimait le son de sa voix, et il décida de lui donner un conseil.
— Attention à votre vecteur, un-neuf-deux, il y a eut quelques soucis à Baron’s Hed, et je ne serais pas étonné si un vaisseau se faisait abattre par erreur par l’une des batteries impériales. Terminé.
Jan s’efforça de paraître concernée.
— Des soucis, absolument. Merci pour le tuyau. Terminé.
Zyak marcha jusqu’à la fenêtre et regarda les éclairages du vaisseau disparaître dans le voile étoilé de la galaxie. Il se demandait de quoi avait l’air le pilote, et savait qu’il ne le saurait jamais. La vie, si c’est comme cela qu’on pouvait appeler ces tours de garde, était tout sauf juste.
Kyle regarda le Corbeau s’en aller. Il attendit suffisamment longtemps pour s’assurer que Jan n’ait aucun souci à quitter la station puis se concentra sur la tâche à venir. Retrouver 8T88 était bien plus difficile étant donné que les machines ne laissaient aucune trace dans la Force à la manière des êtres organiques.
Cependant, grâce au fait que seules trois des neuf stations de ravitaillement étaient occupées, l’agent pouvait réduire sa zone de recherche. Un vaisseau garé à proximité était trop petit, et un autre encore était entièrement automatisé, ce qui laissait un vaisseau cargo du nom d’Étoile de Sulon. Le rebelle choisit ce qui semblait être la bonne passerelle. Elle était vide et le métal résonnait sous le talon de ses bottes.
Comme la plupart des vaisseaux de son genre, l’Étoile de Sulon était équipé d’une écoutille d’accès d’urgence située au sommet de sa coque. La passerelle passait approximativement à dix mètres au-dessus. Kyle s’arrêta, scruta la zone environnante, et passa ses jambes par-dessus la barrière. En dépit de la courbure de la coque, le saut semblait faisable.
Ayant vérifié ses armes pour s’assurer qu’elles étaient bien fixées, l’agent bondit dans les airs et tomba comme une pierre. Ses genoux absorbèrent la majeure partie de l’impact. Il vérifia les environs pour s’assurer que personne ne l’avait vu, et se fraya un chemin jusqu’à l’écoutille.
L’écoutille supérieure, comme le reste des accès du vaisseau, était déverrouillée en accord avec les règles de sécurité de la station. Les écoutilles ouvertes permettraient aux lances à incendie d’entrer rapidement en cas de feu pendant que l’équipage évacuerait les lieux.
Kyle avait concocté une histoire bien ficelée afin de justifier sa présence au cas où il tomberait sur un membre d’équipage. Mais il préférait tout de même ne pas en arriver là. L’agent se glissa à travers l’écoutille et sauta dans le corridor sous-jacent.
Le vaisseau était-il désert ? Il en avait l’air jusqu’à ce que Kyle sente des fluctuations dans la Force. Ces fluctuations semblaient provenir de quelque chose, ou de quelqu’un. 8T88 ? Non, mais la sensation lui rappelait l’aura malfaisante de son monstre apprivoisé. Et si c’était justement ce monstre…
Redoublant de prudence, et ne souhaitant pas organiser un tête-à-tête avec la bête ailée, Kyle dégaina son blaster.
Le corridor décrivait un virage à droite, et Kyle continua sa route. Il pouvait ressentir la créature. Et quelque chose de plus diffus, comme si cette chose était masquée d’une manière ou d’une autre.
L’agent prit un autre virage. Il vit de la lumière jaillir d’une porte et longea la paroi du mur. Il s’arrêta à côté de l’ouverture, tendit l’oreille à l’affût du moindre mouvement, et entendit l’air qui circulait à travers le conduit au-dessus de sa tête. C’était étrange, très étrange. Kyle avait un mauvais pressentiment.
Le rebelle plissa les yeux, resserra sa prise autour de la crosse du blaster, et se lança. Il se glissa brusquement à travers l’ouverture, s’adossa à une paroi en duracier, et scruta le compartiment.
Il vit 88 et entendit un grondement au même moment. Le droïde était assis sur une chaise, dos à une porte, et le monstre était allongé derrière. Ses yeux étaient rouges et perçaient l’obscurité. Kyle s’attendait à ce que la bête lui saute dessus, mais elle resta à sa place. Quelque peu rassuré, mais toujours prêt à faire feu si le besoin s’en faisait sentir, le rebelle s’avança.
— J’ai attendu ce moment.
— Et moi aussi, dit une voix.
Plusieurs choses arrivèrent au même moment. La tête de 8T88 bascula de ses épaules, rebondit sur ses genoux, et roula sur le sol. Le monstre bondit sur elle, l’avala en entier, et parut surpris.
Kyle entendit à nouveau la voix et se tourna en direction de l’endroit d’où elle provenait. Un bouclier mental se baissa, et les ténèbres se propagèrent. La personne portait un casque, affichait une garde solide, et une armure de poitrine… Mais ce qui était le plus remarquable, c’était l’énorme sabre-laser que le Jedi Noir tenait dans sa main. L’air crépita tandis que l’arme monstrueuse libérait sa lame dans l’air.
Kyle se renfrogna. Il se demandait comment un Jedi pouvait être si stupide. Il abattit Gorc d’une décharge au visage. Le géant chancela et bascula en arrière. Sa chute provoqua un bruit sourd. Son sabre-laser voleta à travers les airs, et se désactiva en heurtant le sol.
Kyle réfléchissait toujours à ce qui venait de se passer lorsqu’un banshee bondit sur son dos et plongea ses talons taillés en lame de rasoir dans sa chair.
— Tu as tué Gorc ! Tu vas le payer !
Kyle tenta de faire tomber son assaillant. Il sentit une lame creuser une entaille dans sa gorge, et lâcha son blaster. Des doigts cherchèrent à crever les yeux du rebelle tandis qu’il se roulait dans tous les sens. Il trouva un petit bras et s’en empara tandis qu’il reculait à travers la pièce. L’agent heurta le mur aussi fort qu’il le pouvait. Il y eut un bruit de craquement.
Pic poussa un cri aigu. Il libéra une décharge d’énergie sur l’esprit de Kyle, et tomba à terre.
Sonné par l’attaque et saignant d’une demi-douzaine de coupures, Kyle s’éloigna en chancelant.
Stimulée par l’odeur de sang et impatiente de mettre fin au combat, la bête passa à l’attaque. Les griffes du monstre émirent un grincement lorsqu’elle prit appui sur le sol. Un grognement provint du fond de sa gorge tandis qu’elle chargeait.
Bien que la douleur le ralentisse, Kyle parvint à dégainer son sabre-laser et à se retourner. L’arme fendit l’air, frappa la gueule du monstre, et sectionna la tête.
Kyle ignorait que la bête était morte. Le monstre heurta un casier et s’écrasa au sol, les jambes crispées. Dans un bruit de craquement métallique, plusieurs portes s’ouvrirent et déversèrent des pièces de rechange sur le sol.
Abasourdi, et heureux d’être en vie, Kyle désactiva son sabre-laser et s’effondra sur une chaise. La pièce jadis immaculée s’était transformée en charnier. La vue qu’offrait l’endroit, sans oublier l’odeur qui allait avec, le rendait nauséeux.
Lentement, afin de minimiser la douleur, l’agent se releva. Il se tint au-dessus du monstre et se demanda ce qu’il ferait ensuite. La créature gisait face contre terre, ou aurait pu, si sa tête était restée sur ses épaules.
Le rebelle saisit l’une des pattes raides du monstre, fit basculer la créature, et enclencha son sabre-laser. Une odeur de chair brûlée assaillit les narines de Kyle tandis qu’il effectuait une incision longue et légèrement ondulée.
L’agent eut un haut-le-cœur alors que des bobines d’intestins bleuâtres sortaient de la cavité abdominale du monstre et se tortillaient sur le sol. Il avait le choix entre trois estomacs. Mais seul l’un d’entre eux faisait le double de la taille normale.
Bouchant ses narines pour réduire sa sensation de dégoût, Kyle ouvrit l’organe, tomba sur la tête de 88, et l’attrapa. Les doigts de l’agent glissèrent à travers un manteau de bile verte, et trouvèrent les cavités du scanner du droïde, et s’en servit pour faciliter l’extraction. Kyle libéra l’objet et eut un nouveau haut-le-cœur.
Ayant essuyé la tête avec du linge trouvé dans un casier, l’agent s’apprêta à partir lorsqu’un cri haut perché l’interpella.
Pic avait repris conscience. Le Jedi Noir était à peine plus visible qu’une tache. Il avait parcouru la moitié de la distance qui les séparait, et était à mi-chemin lorsque le rebelle commença à réagir. Il n’avait pas le temps de réfléchir. L’instinct prenait le dessus.
La tête pesait bien dix kilos et était faite de métal. Elle décrivit un arc autour du corps de Kyle et frappa avec une force considérable. Il y eut un gros bruit de craquement tandis que la tête de 88 frappait le crâne du Jedi Noir miniature, et Pic, qui ressemblait alors à une poupée de chiffon, vola à travers le compartiment, heurta le mur, et tomba à terre.
Saisie d’une soudaine poussée de paranoïa, le rebelle attrapa son blaster, vérifia chaque corps à la recherche du moindre signe de vie, et quitta la pièce. La meilleure chose à faire était de revenir sur ses pas.
Kyle tourna à gauche, entendit quelqu’un hurler, et sentit – plus qu’il ne vit – une décharge d’énergie qui fendit l’air à côté de sa tête. L’agent hurla près du communicateur fixé à son poignet et se glissa dans un coin. Il avait ce qu’il était venu chercher. Mais il fallait encore s’échapper.
Le dossier 3D avait été enroulé en forme de cylindre et était maintenu par un fil. Jan avait trouvé l’objet en cherchant son outil multifonction, et l’avait ouvert. Sur l’image, une femme semblait l’observer, une femme si belle que Jan se sentit jalouse pendant un moment, jusqu’à ce qu’elle reconnaisse les yeux de Kyle, et la personne dont il les tenait. C’était là une femme qui l’avait aimé, elle aussi, mais d’une manière différente.
Le son d’une voix la fit sursauter.
— Hé, Jan ! J’ai ce que je voulais, mais ces clowns veulent le reprendre. Elle arrive cette évacuation ? Terminé.
Jan retira ses pieds de la console et parla dans son casque.
— Tiens bon, j’arrive. Terminé.
Tous les systèmes principaux étaient actifs. Jan pressa quelques interrupteurs, attendit que les voyants lumineux verts correspondants s’illuminent, et enclencha les répulseurs du vaisseau. Le Corbeau s’éleva dans les airs.
Un fermier revenant d’une longue nuit de travail vit le vaisseau s’élever d’un terrain voisin, perdit le contrôle de son traîneau anti-grav, et fit une mauvaise chute.
Jan tourna le nez de son appareil vers Fuel City et augmenta la puissance de ses moteurs. Ses propos légers ne l’avaient pas dupé un seul instant. Kyle avait des ennuis. Chaque seconde comptait.
Cette fois-ci, elle volait à basse altitude. Une altitude si basse que lorsque le contrôle de Fuel City la détecterait, il serait déjà trop tard. Un troupeau de gra se dispersa tandis qu’elle frôlait le sommet d’une colline. Des lumières scintillèrent à l’horizon.
Quelqu’un devait avoir appelé des renforts car le vaisseau était rempli de soldats. Kyle abattit un officier, fonça le long de la passerelle, et repéra l’échelle d’accès.
Des jambes blindées surgirent de nulle part, suivies par le torse d’un soldat impérial. Ses bottes frappèrent le sol. Il se retourna, vit Kyle, et voulut se saisir de son arme. Elle était mise en écharpe dans son dos et difficilement accessible. L’agent décocha trois tirs en direction de l’impérial et le regarda tomber.
Un indicateur lumineux devint rouge. Il signalait que l’arme avait besoin d’une nouvelle cellule d’énergie. Kyle avait des magasins de munitions supplémentaires dans sa ceinture mais il n’avait pas le temps de s’en servir, pas alors qu’un fusil d’assaut en parfait état l’attendait non loin. Il rangea son blaster, saisit le puissant fusil, et courut à l’autre bout de la passerelle.
Un trio de commandos apparut au coin ; ils s’arrêtèrent au-dessus du corps de l’officier, et ouvrirent le feu.
Kyle baissa la tête pour esquiver les tirs, décocha trois tirs, et parvint à abattre deux soldats. Le troisième réfléchit de nouveau à la situation et décida de s’enfuir.
Kyle profita de son répit pour grimper le long de l’échelle et ouvrir l’écoutille interne. Deux minutes de feu nourri suffirent à souder la porte.
Ceci étant fait, le rebelle traversa le sas et passa sa tête à l’extérieur. Aucun signe de Jan. Mais l’ennemi était là en masse. Dix ou douze impériaux étaient visibles sur les passerelles tout autour de lui. Un soldat le repéra, hurla quelque chose d’inintelligible, et ouvrit le feu.
Profitant de l’écoutille pour se mettre à couvert, Kyle riposta. L’impérial tendit les bras de chaque côté et tomba dans les ténèbres sous-jacentes. Un soldat hurla de nouveaux ordres, et les tirs vinrent de partout.
Le capitaine Zyak avait terminé sa garde et s’apprêtait à se rendre à ses quartiers lorsque les alarmes se déclenchèrent. Les informations étaient difficiles à filtrer mais à en juger par les communications fragmentées en provenance du trafic et la manière dont les décharges d’énergie volaient dans tous les sens, il y avait des échanges de tirs dans la station.
Étant donné le fait que son remplaçant – un spécimen au visage terne nommé Nomo – venait tout juste d’avoir son diplôme de l’école de contrôle du trafic aérien, l’officier décida de se charger de la situation lui-même. Il jeta un regard à travers ses électro-jumelles et dit quelque chose.
— Lieutenant Nomo. Veuillez contacter l’idiot qui est en charge de ces troupes et rappelez-lui que cette station ne s’appelle par Fuel City pour rien. Un tir égaré et tout l’endroit saute.
Nomo saisit un comlink et passa un appel.
— Vaisseau en approche, dit un technicien. Vecteur huit, vitesse rapide.
— Dis-leur de décrocher, ordonna Zyak en scrutant la bataille qui avait lieu juste en dessous. J’ai suffisamment de problèmes comme ça.
— J’ai parlé à leur officier commandant, dit Nomo. Il a pour ordre d’abattre les intrus à tout prix.
— Alors il sera le premier à frire, dit péniblement l’officier, mais on ne peut pas raisonner ce genre de personne. Contactez le centre. Dites-leur d’arrêter les pompes et de purger les conduits. Ordre reporté sur les valves closes un à quarante-six. Moins il y aura de carburant en circulation, mieux ce sera.
— Le vaisseau en approche suggère que nous allions nous faire voir, dit le technicien. Que devons-nous répondre ?
Zyak se retourna, jeta un œil par-dessus la position du technicien, et fixa ses écrans. Il avait déjà vu ce vaisseau avant. Un-neuf-deux était de retour, et son retour ne faisait aucun doute…
Le pilote à la voix charmante avait déposé une équipe d’agents dans le complexe et prévoyait de les évacuer. Zyak se souvenait du conseil qu’il avait donné et se sentit trahi. C’était stupide, il le savait, mais c’était ce qu’il ressentait.
— Réduis-la en poussière, dit catégoriquement Zyak, et fais-le maintenant.
Jan vira le vaisseau à tribord afin de confondre les batteries de missiles anti-aériennes. Une alarme retentit tandis que les missiles étaient lancés. L’ordinateur de bord du vaisseau identifia les missiles, les classa par type, et afficha les informations à l’écran.
Jan éjecta des produits encombrants dans l’espoir de créer d’autres cibles, décocha quatre missiles anti-missiles, et utilisa son canon laser pour mitrailler une cuve de carburant isolée. La cuve explosa, attira tous les missiles à détecteur de chaleur dans son sillage, et explosa de nouveau. Un champignon rougeâtre naquit, consumant tout sur son passage.
— Par tous les dieux, dit Nomo sur un ton jubilatoire, regardez ça ! On l’a eu !
— C’était la cuve de stockage numéro seize, idiot, répondit sèchement Zyak. Est-ce qu’ils ont purgé les conduits ?
Nomo vérifia sa console.
— Pas entièrement, monsieur. Ils ont évacué soixante-dix pour cent du carburant.
— Et les valves ?
— Ils y travaillent. Une sorte de relais est tombé en rade. Et puis de toute manière, quel intérêt y a-t-il à purger les…
Nomo s’interrompit lorsque les cuves numéros quinze, quatorze, et treize explosèrent les unes après les autres. Les explosions firent trembler les fenêtres en transparacier et firent tomber une tasse sur le sol. Des départs de feu, dont chacun nourrissait l’autre, illuminèrent la nuit.
— C’est pour ça que les conduits sont si importants, dit Zyak d’un air maussade. Aussi longtemps qu’ils contiennent du carburant et que les valves restent ouvertes, ils fonctionnent comme des fusibles. Bon, Nomo, c’est ton tour de garde. Résous-moi ce problème et tu seras promu capitaine d’ici lundi. Échoue, et tu seras transféré aux mines.
Le visage de l’officier devint soudain pâle alors qu’il regardait Zyak récupérer ses objets personnels d’un tiroir.
— Les mines ? Quelles mines ? Où allez-vous ?
— Aussi loin que possible, dit Zyak d’un air grave. Aussi loin que possible.
Le Corbeau vira à gauche, puis à droite tandis que Jan le guidait entre les colonnes de flammes. La tour de contrôle apparut sur la gauche, et elle passa à cinquante mètres de la structure. Un visage effrayé se dessina à la fenêtre puis disparut.
— Kyle ? Bon sang, où es-tu ? On n’aura pas de seconde chance. Terminé.
Kyle vit une autre cuve de stockage exploser au nord. Il réalisa que les explosions se rapprochaient de lui, et ouvrit le canal com à son poignet.
— Cherche la station six. Je suis au sommet d’un grand vaisseau cargo. Terminé.
Le système d’amarrage informatisé de Fuel City était toujours en marche. Un diagramme apparut sur l’écran de navigation du Corbeau. Jan localisa la station six, contourna un pilier de communication, et enclencha ses rétros. Le vaisseau entama sa descente, se plaça dans un vecteur d’approche approprié, et avança. Des décharges de blaster frappaient la coque du vaisseau, mais n’avaient pas la force nécessaire pour la pénétrer. Les armes plus grandes et plus puissantes qui étaient assignées à la défense du complexe, étaient équipées d’un système qui les empêchait d’ouvrir le feu sur la station de ravitaillement – une sage précaution.
La proue du Corbeau était éclairée par un feu distant. Kyle leva les bras et croisa les poignets alors que le vaisseau se mettait en position. La rampe s’abaissa, émit un vrombissement et s’immobilisa. Une rafale de vent vint frapper le côté tribord du Corbeau, et Jan lutta pour maintenant le vaisseau en place.
L’agent s’assura qu’il avait une bonne prise sur la tête de 88, attendit que la rampe soit tournée de son côté, et fit un saut approprié. La rampe trembla et remonta Kyle à bord. Des décharges d’énergie fendirent l’air, mais aucune ne s’approcha suffisamment pour l’inquiéter.
Une fois à l’intérieur, Kyle se rendit dans le cockpit. Jan se boucha les narines.
— Qui est ton ami ? Il devrait s’acheter un déodorant.
Kyle esquissa un sourire.
— Jan, je te présente 8T88. Ou du moins, ce qu’il en reste. 8T88, je te présente Jan. Elle est grognon parfois. Mais très jolie. Tu ne peux pas comprendre.
C’était un beau compliment, un compliment que Jan aurait davantage apprécié en d’autres circonstances. Les capteurs s’alarmèrent lorsqu’un chasseur TIE s’approcha. Elle effectua une manœuvre d’évitement, tourna autour d’une unité de stockage intacte, et ouvrit le feu. Le vaisseau ennemi sembla osciller, fonça tête la première vers la cuve, et provoqua une explosion massive. Du shrapnel jaillit dans toutes les directions, perça un trou dans une autre cuve, et fit couler du carburant sur le sol. Un morceau de débris en flammes tomba sur le liquide et y mit le feu. La flaque s’étendit et enveloppa la zone de maintenance d’un liquide rouge et chaud.
Kyle déglutit et lutta contre l’envie de prendre les commandes.
— Bon sang, d’où est-ce qu’il venait ?
— Je crois que les chasseurs TIE sont conçus par Sienar Fleet Systems, répondit Jan gentiment, ou peut-être fais-tu référence au pilote ?
— Ex-pilote, dit sèchement Kyle. Dirige-toi vers les canyons Nefra. Peut-être pourrons-nous les semer là-bas.
Bien qu’elle n’eût pas connu Sulon aussi bien que Kyle, Jan savait que les canyons étaient situés dans la région sèche et semi-aride qui s’étendait derrière la chaîne de montagne Hanto, à quelques minutes de distance. Le soleil s’était déjà couché à l’est et baignait la terre d’une lumière rosâtre.
Jan prit la direction des montagnes. Elle vit Kyle se lever de son siège et comprit ce qu’il comptait faire. Le Corbeau était vulnérable à l’arrière.
Les montagnes apparurent à l’horizon. Un groupe de chasseurs TIE prit position derrière eux et ouvrit le feu. Jan effectua des manœuvres d’évitement. Il y eut une pluie de tirs.
Une paire de cimes taillées en dent de scie pointait vers le ciel. Elles étaient si proches que les habitants les appelaient « les jumelles ». Jan ouvrit le canal com de son micro.
— Accroche-toi à quelque chose de solide. Ça va secouer.
Le Corbeau se pencha sur son aile droite en passant entre les pics. Kyle, qui avait ouvert l’écoutille du haut et qui s’était tourné vers l’arrière du vaisseau, eut une vue dominante sur ce qui se passa ensuite.
Le premier chasseur TIE imita le mouvement de Jan et passa à travers l’interstice. Le second ne fut pas aussi chanceux. C’était difficile de savoir ce qui avait mal tourné, si le pilote avait mal calculé les distances ou s’il avait été victime d’un dysfonctionnement momentané. Quelle que soit la raison, le chasseur impérial heurta le côté d’une des cimes, explosa, et provoqua une avalanche en direction du pied de la montagne.
Le pilote survivant resta en arrière pendant un moment. Il sembla reprendre confiance et reprit la course poursuite.
Kyle lutta contre la pression arrière et dégaina son blaster. Il contenait une cellule d’énergie neuve, et l’indicateur lumineux était vert. L’agent lutta pour maintenir fermement l’arme. Il pressa la détente, et regarda la décharge d’énergie voler vers le chasseur. C’était quelque peu stupide, comme chasser un dragon Krayt avec un pistolet à billes, mais c’était mieux que rien. L’impérial ignora Kyle et ouvrit le feu. Les décharges passèrent loin du vaisseau.
Jan détourna son attention sur le labyrinthe de canyons et aurait souhaité mieux les connaître. Elle entama donc une longue descente en piquet.
Des murs rougeâtres se dressèrent de chaque côté du Corbeau tandis que la rebelle plongeait dans l’un des plus grands ravins, effectuait un virage à droite, et passait sous un pont de roche.
Kyle regardait les collines profondément érodées défiler de chaque côté, et espérait que Jan savait ce qu’elle faisait. Le rebelle ressentit une immense sensation de calme alors que tout semblait ralentir autour de lui. Maintenant, il avait le temps de réfléchir, de se concentrer. Il ouvrit le feu, et la décharge manqua la cible.
L’agent corrigea son tir. Il « vit » où le chasseur TIE irait ensuite, et pressa de nouveau la détente. La décharge traversa la verrière en transparacier qui protégeait le pilote impérial et Kyle eut l’impression de se dissiper contre elle. Bien que le blaster ne fût pas assez puissant pour perforer la verrière, la décharge d’énergie parvint à endommager la surface en transparacier.
Le pilote se pencha de chaque côté de son cockpit afin de voir au-delà de l’impact, et perdit sa concentration. Son erreur lui coûta la vie.
Jan vit une colline s’avancer vers elle. Elle tira les manettes de contrôle et sentit une pression lourde sur son estomac.
Le Corbeau se tenait sur sa proue, Kyle luttait pour ne pas tomber, et le chasseur TIE continuait sa trajectoire. Il heurta un mur, explosa, et fit pleuvoir des débris dans le canyon.
Jan se stabilisa, vérifia les relevés de ses capteurs, et ouvrit le canal com.
— Kyle ? Est-ce que ça va ?
La voix provint de derrière elle alors que Kyle s’affalait dans le siège du copilote.
— Non. Je ne vais pas bien. Tu m’as pris cinq ans de ma vie.
Jan sourit.
— Et pourquoi pas ? Je l’ai sauvé de nombreuses fois. Où est-ce qu’on va ?
— À la ferme, pour que 88 puisse nous dire ce qu’il sait.
— Tu es sûr que c’est une bonne idée ? Aux dernières nouvelles, la maison de ton père grouillait d’impériaux.
Kyle acquiesça.
— Oui, mais je pense qu’ils ont déserté les lieux depuis. Ils sont trop occupés avec les problèmes qu’ils ont à Baron’s Hed et à Fuel City.
Jan regarda vers le sud. Une colonne de fumée s’échappait de l’endroit où le complexe de ravitaillement était situé. Et à en juger par la façon dont elle s’élevait en volutes, les feux n’étaient toujours pas éteints.
— Tu as peut-être raison. Mais que dirais-tu d’un peu de repos ? Disons, huit heures ?
Kyle réfléchit à la proposition de Jan. Une sieste ne serait pas un luxe, et donnerait aux impériaux plus de temps pour évacuer la ferme.
— Bien reçu… D’abord la sieste, ensuite la ferme.
Le soleil était bas dans le ciel. Les ténèbres pointaient vers l’est et la journée touchait à sa fin. Jan faisait le tour de la ferme pour la troisième fois. Elle sonda la surface à la recherche de troupes impériales, mais il n’y avait aucun signe de leur présence.
— On dirait que tu avais raison, Kyle. Je me pose.
L’agent hocha la tête. Jan avait caché le Corbeau dans les ruines d’une usine désaffectée, où une section de toit partiellement intacte dissimulait le vaisseau des scanners orbitaux. Bien au chaud dans leur cachette, et WeeGee faisant office de vigie, ils dormirent durant plusieurs heures.
Ils se réveillèrent bien plus tard dans l’après midi et prirent chacun une douche. Jan s’occupa des coupures, égratignures, et autres entailles de Kyle, et ce dernier prépara le dîner. Ils dînèrent à l’extérieur, installés au cœur des ruines de l’usine abandonnée, parlant de tout et de rien, de choses qui n’avaient rien à voir avec la guerre, la peur, ou la mort. Cela faisait du bien et revigora les deux rebelles.
Il y eut un bruit sourd lorsque le vaisseau toucha le sol. Ils quittèrent l’appareil, blasters aux poings. Il y avait des traces de pas mais aucun signe des troupes qui les avaient laissées. Kyle rangea son blaster, appela WeeGee, et ouvrit la marche jusqu’à la maison.
Les charnières couinèrent lorsque la porte s’ouvrit. Kyle chercha le moindre piège, mais n’en trouva aucun et entra à l’intérieur. Les choses étaient exactement comme il les avait laissées. Jan n’était jamais venu dans sa maison auparavant et tenta d’imaginer ce à quoi elle avait ressemblé. Un homme à barbe vaquant à son travail tandis qu’un petit garçon désassemblait des objets pour les réassembler. Rien de bien différent de ce qu’elle avait vécu avec son propre père. La voix de Kyle la ramena au présent.
— Jan ? Pourquoi souris-tu ?
Prise sur le fait, et plus qu’embarrassée, Jan haussa les épaules.
— Rien de spécial. Alors, où est cet atelier dont j’ai tant entendu parler ?
— Par là, répondit Kyle. Mais regarde où tu marches. Nos hôtes ont oublié de nettoyer après leur passage.
Les lumières s’allumèrent, et après quelques fouilles, Kyle trouva les objets dont il avait besoin. Il leur fallut dix minutes pour localiser les câbles nécessaires, établir les bonnes connexions et réinitialiser les droïdes.
— Voilà, dit Jan, ça devrait être bon. Et maintenant ?
— Maintenant, on s’apprête à découvrir quelque chose de très important, dit Kyle sur un ton grave. Une chose pour laquelle mon père et au moins un Jedi sont morts. Les coordonnées d’un monde perdu depuis longtemps, et de la Vallée des Jedi.
La façon dont il avait dit ces mots fit frissonner Jan. WeeGee maintint la tête du droïde en l’air afin d’envoyer le signal nécessaire. Des rayons de lumière sortirent des yeux de 88, et une série d’images apparemment aléatoire apparut, suivie par une image que Kyle s’était attendu à voir. Une photo de la mosaïque du plafond reconstituée, ainsi que des cartes stellaires et une photo d’un monde orange et vert.
Kyle poussa un cri de joie, et serra Jan dans ses bras. Elle rigola et trébucha sur un tas de débris.
Kyle l’empêcha de tomber, la prit dans ses bras, et la regarda dans ses yeux. Il aimait ce qu’il y voyait. Il aimait ce qu’il ressentit en l’embrassant.
Finalement, après ce qui sembla être un long moment, le baiser prit fin. Kyle se sentait mal à l’aise et embarrassé.
— Désolé, je ne voulais pas en profiter.
Jan secoua la tête.
— Ne sois pas désolé. Je ne le suis pas.
Des répulseurs émirent un grondement, et Kyle dégaina son blaster. Une personnalité puissante était arrivée. Une qui envoyait des vagues à travers la Force et semblait déborder de puissance.
— Les impériaux ! Ils sont revenus ! Déconnecte la tête. Allez, Weeg, on s’en va.
L’agent courut hors de l’atelier et entra dans le salon. Après un rapide coup d’œil à travers la fenêtre, il s’immobilisa. Un vaisseau avait atterrit, mais pas le genre de vaisseau auquel il se serait attendu. Une Aile X rebelle se tenait à plus de cent mètres. Son pilote, un homme légèrement plus vieux que Kyle, se tenait devant l’arbre-draineur.
Quelque chose dans la posture de l’homme, dans la manière dont il s’arrêta pour faire preuve de respect à une autre forme de vie, était plus éloquente que des mots. Ceci ajouté au sabre-laser qui pendait à sa ceinture signalait son identité : un Chevalier Jedi.
Jan prit la parole derrière lui.
— C’est Luke Skywalker. Je l’ai rencontré à bord du Nouvel Espoir.
Kyle fronça les sourcils.
— Skywalker ? Ici ? Pourquoi ?
— Je pense qu’on l’a envoyé pour nous retrouver, dit calmement Jan, pour s’assurer qu’on est toujours en vie.
Soudain, Kyle était à nouveau alité, regardant à travers des yeux à demi fermés alors que Jan plaçait quelque chose dans l’une de ses poches.
— Tu as prit le disque et tu le leur as donné ! Ils t’ont envoyé pour m’espionner !
Sa voix était pleine de colère, et Jan prit une expression ferme.
— Oui, je l’ai pris.
L’agent avait un regard défiant.
— Et je le ferai encore. Je t’aime, Kyle Katarn. Mais j’aime la liberté encore plus… la Vallée des Jedi est trop importante, trop dangereuse, pour que tu t’en charges seul.
Kyle secoua la tête.
— Et dire que je te faisais confiance.
Maintenant, c’était au tour de Jan d’être en colère.
— C’était le cas ? Et c’est pour ça que tu me caches tout ? Que tu m’as demandé de risquer ma vie pour quelque chose dont je n’avais aucune idée ? Que tu m’as traité comme un outil ? Que tu as ignoré la chaîne de commandement ? Que tu as agi comme si tu étais plus malin que les autres ?
Ces mots étaient sévères, d’autant plus sévères que Kyle savait qu’ils étaient vrais. Une part de lui voulait riposter, blesser Jan de la même manière qu’elle l’avait blessé, mais une autre part de lui, un aspect plus sage de sa personnalité, l’en empêchait. Qu’est-ce qui était le plus important ? Sa fierté ? Ou la relation que ses mots pouvaient détruire ?
Le silence s’installa entre eux. Jan attendit. Que dirait Kyle ? Que ferait-il ?
Finalement, après ce qui sembla être une éternité, il prit les mains de Jan dans les siennes.
— Je suis désolé, Jan. Ça n’arrivera plus jamais.
Jan embrassa Kyle sur la joue, le prit par la main, et le conduisit à l’extérieur. Skywalker, qui semblait avoir attendu là depuis un moment, se tourna dans leur direction. Il sourit et tendit la main.
— Kyle Katarn, je suis Luke Skywalker. C’est un plaisir de vous rencontrer.
Kyle rougit face à ce compliment inattendu.
— Merci. Tout le plaisir est pour moi.
Skywalker fit un signe en direction du sabre-laser fixé à la ceinture de Kyle.
— Cet objet implique des sacrifices, vous savez.
Kyle haussa les épaules.
— Tout a un prix.
— Vous avez trouvé les coordonnées ?
Kyle acquiesça.
— Oui, mais Jerec les a trouvé en premier.
L’autre Jedi parut pensif.
— Vous prévoyez d’aller là-bas ?
Kyle posa son regard sur Jan. Il la vit hocher la tête et détourna son regard vers Luke.
— Il faut bien que quelqu’un le fasse.
Skywalker fut silencieux pendant un moment, comme s’il écoutait quelqu’un que Kyle et Jan ne pouvaient ni voir ou entendre. Les paroles qu’il prononça ensuite donnèrent à Kyle la chair de poule.
— Oui, car il est écrit qu’un « Chevalier viendra, une bataille sera livrée, et les prisonniers seront libérés. »
Jan fut la première à briser le silence qui s’ensuivit.
— Ces mots, d’où viennent-ils ?
Skywalker esquissa un sourire.
— Je ne suis pas sûr. Mais je les ai entendus auprès d’un homme qui n’est jamais devenu un Jedi, un soldat qui a donné sa vie pour la liberté. Auprès d’un père qui croyait en son fils… Un nommé Morgan Katarn.
L’arbre-draineur resterait inchangé, même après le départ des rebelles. Fidèle à sa nature, il dansait dans le vent, entrait en communion avec les étoiles, et sustentait ses racines. Car l’arbre-draineur, comme tous ceux de son espèce, savait que le soleil reviendrait.