KELLA RAND, REPORTER DE CHOC

Laurie Burns

6 ap. BY

Chronologie

Laurie Burns a écrit quatre nouvelles pour l’Univers Étendu, parues dans le magazine Star Wars Adventure Journal, dont Coruscant – Le Retrait. Ce magazine est édité par West End Games, société de jeux de rôle.

Kella Rand, Reporter de Choc est parue dans le sixième numéro du Star Wars Adventure Journal en Mai 1995. Elle se déroule en l’an 6 après la Bataille de Yavin.

Kella Rand, reporter au Galactic News Network, couvre un vote pour l’alliance entre le système Indu San et la Nouvelle République. Mais juste avant le vote, l’un des Conseillers d’Indu San est tué dans une explosion. Accident ou attentat ? Kella Rand va tout faire pour le découvrir…

Titre original : Kella Rand, Reporting…

 

Juste au moment où Kella était persuadée que le leader du système Indu San s’apprêtait à voter « non » à une alliance avec la Nouvelle République, il disparut dans une explosion.

Littéralement.

Un effarement total la cloua sur place tandis que les alarmes de sécurité commençaient à retentir et qu’un nuage d’aérocaméras vrombissait au-dessus de sa tête telle une flopée d’oiseaux électroniques convergeant vers des ruines fumantes. Puis elle reprit ses esprits, alors que la tribune des médias et que les journalistes se bousculaient pour rejoindre la Chambre du Conseil plus bas, où ce qu’il restait de Shek Barayel était répandu sur son siège. Ce fut le tohu-bohu tandis que les aérocaméras survolaient la zone, enregistrant chaque détail macabre.

Étudiant la scène chaotique, Kella tenta de se débarrasser d’un frisson inopportun de satisfaction. Elle travaillait au Galactic New Network depuis suffisamment longtemps pour savoir que le meurtre était presque toujours plus intéressant que la politique, et même si un assassinat n’était pas le sujet qu’elle était censée couvrir, cette histoire serait parfaite.

Mais pour ne pas choquer son public, elle tenterait de cacher sa jubilation.

Elle était sur Indu San depuis deux semaines, endurant les discours et négociations sans fin qui avaient mené au grand vote d’aujourd’hui. Tous les regards s’étaient posés sur Barayel, car même si le Conseil Indu au complet votait, leur rôle était tout juste consultatif. Le conseiller en chef, tout comme le gouverneur impérial qu’il avait remplacé, était celui dont les mots deviendraient des lois.

Le problème était que personne ne connaissait sa position sur la question d’une alliance. Bien que la plupart du conseil semblait soutenir le projet, il s’était montré très réticent au cours des précédentes discussions diplomatiques, ne s’était jamais levé pour prononcer un discours lors des débats du conseil, et avait sèchement déclaré « aucun commentaire » lorsqu’il avait été interrogé par les journalistes. L’ambassadeur de la Nouvelle République, Dictio L’varren, semblait accepter la situation sans sourciller comme le négociateur expérimenté qu’il était, mais pour les médias, cette histoire n’avait aucun intérêt.

Les actions de Barayel avaient tous les signes annonciateurs d’un système de la Bordure Extérieure disposé à décliner une invitation à rejoindre la Nouvelle République. Rien de bien nouveau. La neutralité et un respect formel pour les impériaux toujours actifs dans le secteur étaient chose courante pour les journalistes.

Mais ajoutez à cela un meurtre et le chaos, et les réseaux d’informations de toute la galaxie s’arracheraient l’histoire.

Tapotant sur son comlink, Kella passa sur la fréquence du bureau GNN local et bascula sur le bureau du chef Robbe Nostler.

— Fais chauffer les droïdes d’informations, lui dit-elle, hurlant pour couvrir le tumulte qui résonnait à travers la Chambre du Conseil. J’ai une info de dernière minute ! Barayel vient d’être assassiné !

— Quoi ? s’écria Nostler. Quand ?

— Assassiné. Dans la salle du conseil. Il y a quelques secondes ! dit-elle. Allume ton holoécran et jette un œil. Les stations locales doivent déjà être sur le coup.

Tendant le comlink à son oreille, elle entendit le bruit intensifié au bout du fil tandis que Nostler allumait l’holoécran de son bureau et visionnait un reportage en direct fourni par une station locale.

L’histoire serait sur tous les réseaux d’informations de la galaxie en peu de temps, mais les journalistes galactiques comme elle devait attendre que leurs droïdes courriers atteigne le système, charge les rapports du bureau local, et reparte en hyperespace afin de diffuser les informations aux quatre coins de la galaxie. En secret, elle enviait l’aisance et la rapidité avec lesquelles les journalistes d’antan diffusaient leurs histoires sur l’HoloNet, mais cette époque était révolue, et désormais, il n’y avait plus que des courriers constamment soumis aux fichus décalages horaires.

— Alors ça c’est un scoop, dit Nostler après avoir regardé l’holovidéo. Peux-tu confirmer la mort de Barayel ?

— Oh oui, il est on ne peut plus mort, lui répondit Kella sur un ton assuré, grimaçant à la vue qui lui était offerte plus bas. Et quelle fin horrible.

Observant un conseiller ahuri être harcelé par un journaliste armé d’un micro, elle se souvint de la raison de sa présence ici.

— Alors, reprit-elle. Quand est-ce que le courrier arrive ? Je ne veux pas rater l’exclusivité sur ce coup là.

— Le timing risque d’être serré, répondit Nostler. Le droïde d’informations est censé arriver ce soir, mais c’est également le cas pour TriNebulon News. Premier arrivé, premier servi, Kell.

Elle se renfrogna. Il était hors de question d’être devancé par TriNeb – cette pseudo chaîne d’informations – à cause d’un droïde courrier en retard. Avec leur goût prononcé pour le sensationnel, les journalistes de TriNeb pouvaient rendre intéressant le plus ennuyeux des débats. Kella ajouta :

— Garde un œil sur les rapports locaux, et je garderai un œil sur ce qui se passe ici. Appelle-moi si tu as du nouveau.

— D’accord, dit Nostler avant de se déconnecter.

Mais Kella n’écoutait plus. Plus bas, une escouade des forces de l’autorité du Conseil avait investi les lieux et tentait de ramener l’ordre dans tout ce chaos. Blaster au poing, ils aboyèrent des ordres et ouvrirent un chemin jusqu’au corps du conseiller, regroupant ses collègues aux coins de la pièce et repoussant des hordes de journalistes impatients.

Mais une chose attira son attention. Un homme se glissait à travers une porte à l’autre bout de la chambre, suivi par l’un des officiers aux uniformes bleus. Reconnaissant Tev Aden, elle fronça les sourcils, se demandant ce que les autorités pouvaient bien vouloir à l’aide de l’ambassadeur L’varren.

Scrutant la chambre bondée qui s’étendait sous ses pieds, elle reconnut le diplomate de la Nouvelle République en pleine conversation avec plusieurs conseillers Indu, apparemment trop occupé pour remarquer l’absence d’Aden, ou pour se rendre compte qu’il était de toute évidence sur le point d’être arrêté. En effet, entre le hurlement des forces de l’ordre, le babillage anxieux des conseillers, et le spectacle effroyable à la table principale qui les captivait tous, personne ne semblait avoir remarqué les deux hommes qui sortaient discrètement. Depuis sa position dans la tribune des médias, Kella avait le meilleur point de vue sur la salle, et son petit doigt lui murmurait que cette affaire méritait une enquête approfondie.

Enjambant les marches d’escaliers de la tribune deux par deux, elle activa la balise de rappel de son aérocaméra. Un transpondeur placé dans son comlink dicterait à l’aérocaméra de la retrouver, et le plus vite serait le mieux. En bas des escaliers, la nouvelle de l’assassinat se répandait à travers le bâtiment, et les assistants du conseil, les fonctionnaires, et les bureaucrates encombraient le corridor en essayant d’atteindre la chambre pour voir leur leader en morceaux.

D’autres officiers firent leur arrivée, ajoutant à la confusion. Kella se faufila à travers la cohue, tentant de rejoindre le corridor latéral où Aden avait disparu. Le trafic s’intensifia considérablement lorsqu’elle atteignit un angle. Elle s’arrêta et se retourna pour chercher son aérocaméra du regard. Elle fut soulagée de la voir émerger de la chambre principale et flotter vers elle au-dessus de la marée humaine.

Elle parcourut le hall d’une démarche brusque, suivie de son aérocaméra, mais alors qu’elle approchait de la porte par laquelle Aden s’était glissé, celle-ci s’ouvrit et un officier robuste aux cheveux courts et à la tenue solide en sortit et lui bloqua la route.

— Cette section est scellée, dit-il, ignorant le badge jaune brillant, clairement visible, accroché à sa veste. J’ai reçu l’ordre d’évacuer le hall.

— Kella Rand, Galactic News Network, dit-elle et tapotant son badge et en jetant un regard impatient au-dessus de l’épaule de l’officier.

Quinze mètres plus loin, le couloir s’arrêtait à une intersection qui menait à un autre hall, dans lequel une porte de sortie conduisait au portique sud du hall et aux rues de la ville.

— J’ai une accréditation médiatique, et j’ai besoin de passer.

— Eh bien, considérez votre fameuse accréditation révoquée, rétorqua-t-il. Je vous le répète, cette section est scellée. Alors passez votre chemin, ou je vous fais évacuer.

Kella plissa les yeux. C’était bien le genre de complications qu’elle aurait aimé éviter. Mais suivre Aden n’était qu’une alternative. Peut-être ferait-elle mieux de retourner à la chambre du conseil pour les regarder ramasser ce qu’il restait de Barayel, recueillir des témoignages, peut-être discuter avec L’varren. Elle et le garde étaient toujours en train de se fixer du regard lorsqu’une détonation retentit d’un coin de la salle. C’était un tir de blaster. Ils se tournèrent vers le lieu de la détonation.

— Restez là, dit l’officier sur un ton autoritaire, dégainant son blaster et se dirigeant vers l’angle.

Il jeta un œil au coin du mur de roche, et continua à la hâte.

Kella le suivit, l’aérocaméra flottant derrière elle.

Le corridor qu’ils empruntèrent était vide, à l’exception de plusieurs portes verrouillées, mais il y avait une autre intersection à vingt cinq mètres. Elle trotta derrière le garde, le suivit au virage suivant, et s’arrêta brusquement. Elle avait trouvé Aden, mais il semblait que l’assistant de L’varren n’interrogerait plus jamais personne.

Au moins, sa mort avait été plus propre que celle de Barayel. Il gisait sur le sol, et le trou fumant dans son torse attestait d’une mort par balle. L’officier qu’elle avait vu le suivre hors de la chambre du conseil était agenouillé à ses côtés, tandis que l’officier solidement charpenté lui lançait un regard sévère et rangeait doucement son blaster.

— Je lui ai dit d’arrêter, mais il a refusé d’écouter, dit l’officier agenouillé aux côtés d’Aden, le regard fixé sur le corps sans vie. Il m’ignorait, faisait comme s’il n’entendait rien. Puis il s’est retourné sans prévenir, fouillant dans sa poche.

Il secoua la tête, ne parvenant pas à terminer sa phrase.

— Je n’avais pas le choix, vous savez.

— Calme-toi, Darme, on va arranger ça, dit l’autre officier, tendant son comlink à sa bouche pour appeler des renforts.

Kella profita de la situation.

— Pourquoi ne l’avez-vous pas fouillé pour vous assurer qu’il n’était pas armé ? demanda-t-elle.

Le regard sévère, Darme leva les yeux comme s’il venait de découvrir la présence de la journaliste, et l’emmena dans la tribune médiatique, l’aérocaméra enregistrant toujours la scène.

— Non, répondit-il. Comment aurais-je pu ? Je n’ai pas réussi à m’approcher suffisamment près.

— J’avais l’impression qu’il était captif lorsque vous avez quitté la chambre du conseil, ajouta-t-elle. Ce n’était pas le cas ?

Il la fixa d’un regard méfiant.

— Non. Je l’ai vu partir, et je l’ai suivi. Nous avions ordre de sceller cette section, et donc d’arrêter toute personne errant dans les parages. Tout ce que je voulais, c’était le rattraper et lui dire de partir.

Kella ouvrit la bouche, mais ayant conclut son appel, l’autre officier s’avança et la coupa dans son élan.

— Vous, taisez-vous. Plus aucune question.

Rangeant son blaster, il s’accroupit près du corps de l’assistant.

— Voyons voir ce qu’il cachait.

Prenant le soin d’éviter le point d’entrée de la décharge de blaster, il se mit à tâter le torse d’Aden jusqu’à ses poches, puis glissa une main dans l’une d’elles et en extirpa un petit appareil plat. Il le tendit et le retourna afin de l’inspecter plus attentivement.

Kella se pencha afin de voir de quoi il s’agissait, puis elle se souvint que l’aérocaméra était toujours en train de flotter au-dessus de son épaule.

— Fais un zoom, lui dit-elle.

Une lumière verte s’illumina sur le panneau frontal de la caméra, indiquant que la requête de Kella avait été traitée. Au son de sa voix, les deux hommes levèrent à nouveau le regard.

— Éteignez cette saleté, dit l’officier le plus costaud en lui lançant un regard furieux, avant d’être distrait par une escouade d’hommes en uniforme qui tournait au coin et de se relever afin de s’entretenir avec son commandant.

S’écartant du chemin, elle se colla dos au mur de roche dans l’espoir de ne pas attirer l’attention. Avec la découverte de ce qui semblait un détonateur dans la poche d’Aden, elle avait déjà un tour d’avance sur tous les autres réseaux d’informations. Et en tant que seul journaliste présente sur les lieux, si elle restait silencieuse et discrète, elle parviendrait peut-être à capturer davantage d’images de l’action.

Mais elle n’eut pas cette chance. Alors que plusieurs officiers encerclaient le corps d’Aden et que d’autres prenaient position à chaque extrémité du corridor, leur commandant se détourna de l’officier et s’approcha d’elle. Un regard calme se posa sur l’aérocaméra qui flottait à ses côtés et le commandant prit la parole :

— Cessez l’enregistrement, et quittez les lieux immédiatement. Cette section est scellée.

Bien qu’elle sache que c’était probablement inutile, Kella insista.

— Kella Rand, Galactic News Network. J’ai une accréditation médiatique valable dans tout le bâtiment du conseil.

— Vous seriez l’empereur lui-même, je n’en aurai rien à faire, rétorqua l’homme. Toute accréditation médiatique a été révoquée. Vous et le reste de vos fouines pouvez commettre vos méfaits plus tard, lors de la conférence médiatique. Alors allez-vous en, ou je vous fais arrêtée. Et vous n’assisterez à aucune conférence.

Elle voulut protester, mais elle fut coupée lorsque le commandant appela le garde le plus proche.

— D’accord, d’accord, je m’en vais, dit-elle, s’éloignant rapidement du mur et du groupe rassemblé autour du corps d’Aden. Elle détestait jeter l’éponge, mais elle ne pourrait jamais rédiger son rapport depuis une cellule. Et le GNN pourrait prendre des heures pour payer sa caution, si la loi Indu permettait seulement aux prisonniers de cautionner. Elle avait découvert à ses dépens que ce n’était pas toujours le cas.

S’attendant à être escortée de force hors du bâtiment, elle parcourut le corridor vers la chambre du conseil. Elle s’en irait, mais pas tout de suite. Il y avait toujours des sources à interroger, des pistes à suivre, des faits à confirmer, et une conférence à gâcher.

Kella allongea le pas, se préparant à fausser compagnie à son garde à l’entrée de chambre. Elle devrait s’arranger pour tout faire avant qu’il ne soit trop tard.

Le soleil couchant projetait déjà une lueur dorée et rougeâtre sur les rues de la cité au moment où Kella grimpait les marches d’escaliers jusqu’au bureau Indu de GNN. Parcourant sa carte de données portable, elle extirpa son identicarte et la glissa dans le port de la porte.

La scène qui s’offrit à elle contrastait avec le cirque médiatique qu’elle venait tout juste de quitter. Deux journalistes étaient assis à leurs bureaux, Juloff lisant un datapad et Crislyn tapotant sur son terminal, tandis que Nostler était assis, les jambes posées sur son bureau, et se grattait le menton en visionnant un holo projeté depuis son bureau. Tout ce qu’on pouvait entendre était le bruit que faisait le scanner des communications de l’Autorité de la Cité, et la douce musique émise par le rapport qui captivait toute l’attention de Nostler. Il leva le regard alors qu’elle s’approchait.

— Salut, Kella. J’ai cru que tu t’étais perdue, lui dit-il.

— Non, j’ai été retenue, répondit-elle, cherchant du regard une chaise libre.

Nostler pointa du doigt un bureau à l’opposé du sien, et elle s’installa tranquillement sur le siège inoccupé.

— Tu ne peux même imaginer quelle foule il y avait à la conférence… chaque misérable station d’informations dans ce système a dû envoyer quelqu’un.

— Ce n’est pas comme si tout cela était excitant, ajouta-t-elle. Les autorités ont fait un rapport, répondu à quatre questions, et sont parties.

Elle haussa les épaules – rien de bien excitant – puis demanda :

— Alors, combien de temps me reste-t-il ?

— L’échéance est fixée à 2200. Le droïde arrivera peu après, dit Nostler. Que ton rapport soit prêt à ce moment là, et je te donnerais les codes d’accès à la banque de données pour que tu puisses transmettre n’importe quelle mise à jour, directement sur le réseau.

— Très bien.

Elle demeura silencieuse pendant un moment, pensive. Elle avait à peine trois petites heures pour creuser l’affaire plus en profondeur, et son histoire devrait tenir la route jusqu’à ce qu’elle puisse la mettre à jour via le prochain droïde courrier prévu dans quatre jours. Ceci dit, avec le scandale politique apparent, GNN pourrait considérer l’histoire suffisamment intéressante pour décider d’envoyer un courrier spécial afin de colleter une mise à jour plus tôt. Noster interrompit sa réflexion.

— J’ai entendu dire qu’on accuse la Nouvelle République, dit-il.

Elle leva le regard.

— Oui, on dirait. Les Indus ne l’ont pas accusé ouvertement, mais tout le monde le pense tout bas.

— Et quelle preuve avancent-ils ?

— Rien de concluant, mais cela doit être probablement suffisant, dit-elle. Certainement suffisant pour empêcher toute possibilité d’alliance. Il faudra quelques jours aux enquêteurs pour découvrir les causes exactes de l’explosion, mais le conseil a d’ores et déjà annoncé son intention d’élire un nouveau chef. Le vote se tiendra demain. On dirait qu’ils ont tout prévu.

— Qu’est-ce que la Nouvelle République a à dire sur le sujet ? demanda Nostler. Tu devrais pouvoir accéder aux dessous de l’affaire étant donné que tu connais si bien L’varren.

— Pas si bien, dit-elle.

Elle avait donné cette réponse une centaine de fois depuis l’incident de l’an dernier sur Corellia. Arriverait-elle à l’oublier un jour ?

— Il est en état de choc, abattu, horrifié… enfin, dans un état normal pour quelqu’un qu’on accuse d’avoir fait explosé le chef de tout un système.

— Euh, dit Nostler. Ce serait si improbable ?

— Les autorités ne semblent pas le penser. Ce détonateur rend Aden suspect, et L’varren n’a fait qu’empirer la situation en réclamant l’immunité diplomatique pour que ses hommes ne soient pas traînés à travers le hall et interrogés.

— Qu’en penses-tu ? demanda-t-il.

Kella hésita.

— Je ne suis pas sûre, admit-elle. Les preuves circonstancielles accusent Aden, et on ignore s’ils ont un quelconque autre suspect. Mais d’un autre côté, quel est l’intérêt ? Pourquoi la Nouvelle République voudrait-elle éliminer Barayel ?

— Peut-être s’apprêtait-il à voter non, suggéra Nostler.

— Peut-être, mais se débarrasser de lui comme ça ne pourrait signifier qu’une chose : ils sont prêts à recommencer avec le prochain qui dira non, dit-elle. Et il y a fort à parier que tout ce désordre a définitivement rendu impossible toute alliance. À moins que la Nouvelle République ne prévoie de s’emparer de la planète, tout ce qu’elle a accomplie, c’est s’assurer virtuellement que Indu San reste neutre jusqu’à la fin de la guerre. Et ceci pourrait t’intéresser. Certains Indus prennent même la direction opposée. J’ai parlé à un lobbyiste à propos d’un consortium commercial qui cherche à éloigner la Nouvelle République du système et à faire revenir l’Empire.

N’étant pas étonné, Nostler acquiesça.

— L’Empire était loin d’être populaire dans le coin, du moins auprès des personnes au pouvoir, expliqua-t-il. Bien sûr, les groupes de résistance étaient fiers de les voir partir, mais il y a également beaucoup de gens qui se sont faits énormément de crédits sous l’Empire, et ils ne comptent pas lâcher l’affaire.

— À moins, ajouta-t-il, que la Nouvelle République ne cherche à fournir les mêmes pots-de-vin que les gouverneurs impériaux leurs offraient afin de s’assurer leur loyauté… (Il secoua la tête) Non, probablement pas.

— Bref, c’est hors sujet, dit Kella. On dirait qu’ils vont rester neutre comme tout le monde.

— Qui peut les blâmer ?

— Probablement personne, confessa-t-elle. Avec tous les accrochages actuels, pourquoi contrarier les impériaux avec une grande démonstration de soutien envers la Nouvelle République lorsqu’il y a toujours un risque que l’Empire revienne un jour ?

Elle fouilla son porte-donnée, et en sortit une poignée de cartes de données.

— Bien, je suppose que je ferai mieux de me mettre au travail. Tu as une cabine que je peux utiliser ?

— Fais comme chez toi.

— Je le fais toujours, répondit-elle en esquissant un sourire.

S’installant dans la petite cabine, Kella passa l’heure et demi suivante à parcourir les extraits vidéo qu’elle avait collecté durant les deux dernières semaines. Au vu de la nouvelle tournure qu’avaient prit les événements, et avec le passage soudain d’une affaire de politique à une affaire de meurtre, la plupart des extraits étaient inutilisables, mais une curiosité perverse la poussait à étudier plusieurs fois chacun des extraits se rapportant à Barayel.

Peut-être révéleraient-ils un quelconque indice qui lui dirait quel allait être son vote, ou même une piste prouvant qu’il savait qu’une bombe allait exploser. Après plusieurs visionnages, elle remarqua que quelque chose lui avait échappé.

L’extrait vidéo venait de la carte de données qu’elle avait utilisé hier lorsque, après un « sans commentaire » sec de la part de Barayel, elle avait prit l’assistant de ce dernier à part. L’aérocaméra montrait qu’elle l’avait intercepté près du siège du chef dans la chambre du conseil, et ils avaient passé plusieurs minutes à discuter.

Mais alors qu’elle visionnait la vidéo, elle comprit que le vrai sujet d’intérêt dans l’interview n’était pas la conversation en elle-même, mais bien ce qui passait à l’arrière plan.

Quelqu’un était près de la table du conseil, en train de trafiquer quelque chose près du siège de Barayel. L’endroit qui, à peine vingt six heures plus tard, avait éclaté au visage du chef du conseil.

Kella pressa le bouton de pause afin de figer l’image, et étudia l’écran. Derrière l’épaule de l’assistant, quelqu’un, vêtu d’un uniforme bleu des forces de l’ordre du conseil, était accroupi devant le siège de Barayel, à l’extrémité de la table du conseil. Les dos du panneau de communication et du panneau de vote du chef avaient été retirés, et bien qu’elle ne parvienne pas à savoir ce que faisait l’homme en uniforme, elle savait de qui il s’agissait.

L’homme était à genoux, encore. C’était Darme, le même officier qui avait abattu Aden.

Kella s’enfonça dans son siège et fronça les sourcils en observant l’écran d’un air pensif. Elle avait vu tellement de gardes en uniforme bleu dans le hall du conseil ces derniers semaines qu’elle avait cessé de leur prêter attention. Chargés de la sécurité, ils étaient partout, à tout moment, faisant toute sorte de choses. Loin de toute attention, loin de tout soupçon.

Mais étant donné les circonstances actuelles.

Rembobinant la vidéo au moment où l’aérocaméra avait commencé son enregistrement, elle traça un cercle sur l’écran à l’aide d’un stylet et la section entourée fut instantanément magnifiée. En dépit d’une mauvaise qualité, l’image était suffisamment claire pour voir ce que Darme tenait dans la main. Le cœur battant la chamade, elle avança la vidéo clic par clic.

Et alors qu’elle scrutait l’image, elle sourit.

Certaines personnes pensaient que le meilleur moyen de cacher quelque chose était de l’exposer en plein jour. Il semblait que l’assassin de Barayel était du même avis. Presque par accident, elle avait surprit Darme en train de placer un puissant explosif dans le panneau de communication de Barayel. Et à sa connaissance, elle était la seule journaliste qui était au courant, et qui avait un enregistrement visuel pour le prouver.

Prends ça, TriNeb !

Tapant sur la console sous l’effet de l’excitation, elle bondit sur ses pieds et ouvrit la porte de la cabine. La porte claqua contre le mur, faisant sursauter toute l’assistance alentour.

— Jetez un œil là-dessus ! hurla-t-elle avant de disparaître à nouveau dans la cabine. Juloff et Crislyn échangèrent un regard interrogateur, et Nostler pressa le bouton de pause sur son holoprojecteur et suivit, laissant l’holo-image d’un amuseur Ithorien figée au-dessus de son bureau. Les deux journalistes s’efforcèrent de suivre la conversation qui filtrait à travers la porte entrouverte.

— Tu connais le vieil adage « se cacher au grand jour » ? demanda Kella à Nostler. Eh bien, regarde ça !

Il y eut un bref silence, puis.

— Nom d’un bantha ! Est-ce que c’est ce que je pense ?

— C’est une bombe, confirma-t-elle. Et cet homme là, c’est le même officier qui a abattu l’assistant de L’varren hier. Celui qui avait un détonateur sur lui, ajouta-t-elle de façon significative.

Dans la salle de travail, les journalistes échangèrent des regards.

— Je dois voir ça, dit Crislyn avant de se lever et de se placer dans l’embrasure de la cabine d’édition, jetant un œil par-dessus les épaules de Kella et de Nostler. Juloff attendit un moment pour s’assurer qu’ils étaient tous absorbés par leurs travaux. Puis, saisissant son comlink, il se dirigea vers la porte du bureau.

Excités par la découverte de Kella, personne dans la cabine d’édition ne remarqua le départ soudain de l’homme.

Une sensation de satisfaction coulait toujours dans ses veines lorsque Kella quitta le bureau, son aérocaméra flottant derrière elle comme un boulet accroché à une chaîne. Après avoir discuté, elle et Nostler avaient décidé qu’ils ne pouvaient pas se contenter de rendre l’extrait vidéo au conseil de l’autorité. Si un garde était impliqué dans l’assassinat, d’autres pouvaient l’être également, et ils ne comptaient pas les laisser tomber en de mauvaises mains.

Tout cela ne laissait qu’une personne capable d’aider Kella : L’varren. La Nouvelle République étant accusée du meurtre de Barayel, l’ambassadeur ne verrait aucun inconvénient à aider Kella à s’assurer que sa carte de donnée, et les preuves qu’elle contenait, reviendrait aux bonnes personnes.

Son rapport, attendant dans le bureau l’arrivée du courrier prévue dans les heures prochaines, incluait la vidéo incriminante, et une seconde copie était dissimulée parmi les cartes qui étaient contenues au fond du porte-donnée. Si elle se dépêchait, elle aurait peut-être le temps d’ajouter une mise à jour.

L’varren et son entourage diplomatique séjournaient dans le même hôtel que le sien, à quelques pas du bureau GNN. N’accordant qu’une attention cursive au léger trafic qui se déroulait à côté d’elle, Kella marchait en parcourant mentalement sa check-list de journaliste. Le « qui », le « quoi », le « quand », le « où », et le « comment » étaient clairs à l’esprit de Kella, mais pas le « pourquoi ».

Alors qu’elle réfléchissait profondément aux motifs possibles, une décharge de blaster grésilla à un mètre de sa tête, heurtant une devanture marbrée et projetant des morceaux de pierre chauffée sur ses épaules.

Kella était au sol avant même de s’en rendre compte – une chance, étant donné qu’une seconde décharge suivit la première, frappant le mur au-dessus de sa tête. Un craquement à sa gauche attira son attention, et dans un frisson, elle réalisa qu’un pot en pierre rempli de fleurs venait de lui sauver la vie.

Faisant signe à l’aérocaméra de se baisser, elle se mit à couvert et tenta d’évaluer la situation. Elle pensait que les tirs venaient de l’autre bout de la rue, mais elle n’était pas sûre de la position exacte, et n’osait pas sortir la tête pour jeter un œil. Piégée de cette façon, elle était tout à fait vulnérable. Les quelques piétons qu’elle pouvait voir aux alentours n’allaient pas être d’une grande aide. Comme elle, ils se jetteraient à terre, ou passeraient par la première porte qu’ils trouveraient. Personne ne semblait vouloir appeler à l’aide.

Les poils sur son bras s’hérissèrent. Alors même qu’elle hésitait, son attaquant pouvait très bien se mettre en position pour délivrer le coup fatal. Réticente, elle décida de dégainer son blaster et de décocher un tir de couverture pendant qu’elle courrait vers un endroit sûr. À quelques mètres de là, une porte s’ouvrit et un homme vêtu d’une veste violette fit un pas à l’extérieur, exigeant de savoir ce qu’il se passait dehors.

Kella saisit l’occasion. Gardant la tête baissée, elle se précipita à travers l’embrasure de la porte. À sa surprise, elle ne déboucha pas sur une boutique, mais dans un restaurant. Un droïde doré portant un nœud papillon s’inclina devant elle alors qu’elle s’accroupissait dans le foyer décoré avec faste, et des plats joliment présentés s’offrirent à son regard tandis qu’elle se relevait et qu’elle serpentait entre les tables vers le fond du bâtiment. Tandis qu’elle passait d’une table à l’autre, elle entrevoyait des nappes rouges tape-à-l’œil et des couverts scintillants. Il devait y avoir une porte de derrière dans les cuisines, et de là, elle pouvait s’enfuir… mais où ?

Se précipitant à travers la porte de derrière, elle évita tout juste un droïde serveur qui portait un plateau recouvert d’entrées fumantes. S’aplatissant contre un coin pour passer, elle repéra une autre porte, celle-ci marquée d’un panneau « sortie », et ressortit dans une allée faiblement éclairée, faisait fuir quelques rongeurs à la peau cuivrée dans l’écoulement d’une poubelle. Prenant le soin de se boucher les narines pour ne pas sentir l’odeur nauséabonde émanant du trottoir poisseux, elle emprunta le passage étroit sans perdre de temps, toujours suivie de l’aérocaméra.

Il n’y avait toujours aucun signe de poursuite au moment où l’allée débouchait sur une rue, une centaine de mètres plus loin. Ainsi Kella s’enfonça dans une parcelle d’obscurité pour reprendre son souffle et préparer son prochain déplacement.

Avec la datacarte et la vidéo incriminante contenue dans son porte-donnée, il n’était pas difficile de savoir pourquoi quelqu’un en avait après elle. Mais il restait un mystère : Qui était-ce ? Et comment avaient-ils découvert ce qu’elle savait ?

Ses pensées se tournèrent vers Nostler, et les deux autres journalistes du bureau. Elle détestait l’idée de savoir que l’un des siens pouvait être impliqué dans tout cela, mais il y avait peu d’alternatives. Pesant gravement ses options, elle décida de s’en tenir au plan original, c’est-à-dire : contacter L’varren. Au moins, il avait un essaim d’officiers de la sécurité qui pouvaient offrir une certaine protection pendant qu’elle et l’ambassadeur décidaient de la démarche à suivre.

Jetant un œil effrayé dans l’allée, elle identifia au moins une douzaine d’endroits susceptibles d’abriter un tireur isolé. Mais il n’y avait pas d’autre chemin. À l’affût du moindre mouvement, elle commença à descendre la rue. Dix minutes plus tard, elle arriva à l’hôtel.

S’élevant majestueusement dans le ciel, c’était un bâtiment moderne qui surplombait ses compagnons rocheux avoisinants. Bien que la vue était impressionnante, c’était la foule qui errait sur ses marches qui attira l’attention de Kella. S’arrêtant aux pieds de la longue rangée de marches qui grimpaient jusqu’à l’entrée, elle scruta la scène qui s’offrait à elle.

Des manifestants portant des pancartes fournissaient un festin visuel pour les aérocaméras qui flottaient aux alentours, tandis que les journalistes interrogeaient certains des manifestants, ou flânaient sur quelques parterres de fleurs, apparemment prêts à patienter toute la nuit si nécessaire pour attraper L’varren et lui arracher un commentaire concernant les derniers développements de l’affaire. Quelques affiches se dressaient, et Kella remarqua que les « impérialistes Indu », comme elle avait appelé les membres du consortium commercial auquel elle avait parlé plus tôt, faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour afficher leur hostilité à l’égard de la Nouvelle République. Les réseaux d’informations semblaient vouloir les aider à mettre le feu aux poudres.

Nous verrons cela, pensa-t-elle en enjambant les premières marches de l’escalier. Résolue à atteindre sa destination, elle se précipita à travers le hall et se dirigea vers les turbo-ascenseurs. Elle ne réalisa pas tout de suite.

Mais ensuite, ses yeux posèrent un regard familier sur l’homme qui se tenait près de l’holosculpture décorative, devant la façade du hall. Juloff, l’un des journalistes du bureau, et à côté de lui, Darme.

Ils l’avaient vue. Son cœur se serra face à cette sombre découverte. Bien sûr, ils avaient dû l’attendre depuis tout ce temps. Juloff hocha en réponse à ce que Darme lui avait dit, et alors qu’ils commençaient à se frayer un chemin à travers le hall dans sa direction, Kella étudia leurs expressions impassibles. Elle comprit alors qu’elle avait des ennuis.

Eh bien, qu’il en soit ainsi, se dit-elle avant de courir vers les turbo-ascenseurs. Une plateforme était en plein déchargement lorsqu’elle arriva, et elle joua des coudes au milieu des passagers sur le départ, enfonçant le bouton « fermeture » une fois arrivée à l’intérieur. Un couple qui n’avait pas eut le temps de descendre du turbo-ascenseur la fixa d’un air effrayé tandis qu’elle dégainait son blaster et pressait le bouton du niveau de L’varren sur le panneau de commande.

Alors que les portes se refermaient, elle aperçut les visages furieux de ses poursuivants, et tandis que le turbo-ascenseur entamait sa montée, Kella brandit son comlink et fit ce qu’elle avait juré de ne jamais refaire depuis l’incident de l’année dernière : se brancher sur la fréquence personnelle de L’varren.

Il répondit au second bip, sur un ton prudent.

— L’varren.

— Ambassadeur, ici Kella Rand, dit-elle. Navrée de vous déranger, monsieur, mais j’ai besoin de vous voir immédiatement.

— Kella ? demanda-t-il d’un air sceptique. Je suis un peu occupé pour le moment. Peut-être demain.

Elle reconnut la manœuvre, et s’efforça de lui couper l’herbe sous le pied.

— Monsieur, je suis navré, mais j’ai réellement besoin de vous voir.

Brièvement, elle se demanda comment elle lui expliquerait la situation, puis se résolut à foncer tête baissé.

— Je peux prouver que votre aide n’a pas tué Barayel. Je sais qui l’a fait, et je sais pourquoi. Cela vaut bien un peu de votre temps.

— Prouver ? demanda le diplomate brusquement. Quel genre de preuve ?

— Une vidéo… montrant la pose d’une bombe, répondit-elle. Pas par Aden. L’homme en question est bien en vie, et il est à mes trousses à l’heure où l’on parle. Il ne doit plus être loin, maintenant.

De l’autre côté du turbo-ascenseur, le couple recula et se mit contre le mur.

— Monsieur, j’arrive. Je peux tout vous montrer.

— J’aimerais voir cette vidéo, dit-il sur un ton sec. Les autorités ont-elles été averties ?

— Eh bien, il y a un petit problème, lui dit Kella. Au moins un officier des autorités est impliqué.

Elle se demanda brièvement si leur conversation était surveillée, et décida que cela n’avait plus d’importance désormais.

— Je vois, dit-il. Eh bien, montez me rejoindre, Kella. J’ai hâte de voir ça.

— Moi aussi, bredouilla-t-elle. En coupant la communication, elle glissa la vidéo dans son porte-donnée, où elle s’entrechoqua avec la précieuse datapad. Un rapide coup d’œil au turbo-ascenseur révéla que la plateforme était presque arrivée, et elle se demanda à quelle distance étaient ses poursuivants. Elle préférait ne pas avoir à les semer – ou à leur tirer dessus – durant sa course jusqu’à la suite de L’varren.

Soudain, une idée lui vint. Elle pressa le bouton « stop » sur le panneau de commande. Les civils qui étaient avec elle dans le turbo-ascenseur étaient pressés d’atteindre leur étage, mais ils furent visiblement déçus lorsque le turbo-ascenseur s’arrêta entre deux étages et que la porte resta fermée.

— Aérocaméra, descend, dit-elle, fouillant sa poche à la recherche de la datacarte. Alors que l’appareil se rapprochait du niveau du sol, elle fit basculer le panneau d’accès et extirpa la datacarte qu’il contenait, la remplaçant par une autre datacarte. Une lumière rouge sur le bord commença à clignoter, indiquant que la datacarte était pleine et qu’aucune donnée ne pouvait être ajoutée. Elle rangeait automatiquement toutes ses cartes après usage, alors il était impossible d’enregistrer accidentellement sur une carte déjà utilisée.

Dans ce cas, si elle ne parvenait pas à rejoindre la suite de L’varren, la lumière clignotante de l’aérocaméra les préviendrait que l’appareil contenait un ficher.

Refermant le panneau de l’aérocaméra, elle lui ordonna :

— Va tout de suite à la suite 44-1.

Aussitôt, elle verrouilla son blaster sur « paralysie ». Si une fusillade éclatait, elle ne souhaitait causer la mort de personne. Les assassins morts ne pouvaient pas avouer leur crime.

Lorsque la porte s’ouvrit, elle passa la tête par l’embrasure et jeta un œil des deux côtés du corridor. La voie semblait libre. Raffermissant sa prise sur son blaster, elle fit un pas dans le couloir, mais avant même d’avoir passé les portes de l’autre turbo-ascenseur, celles-ci s’ouvrirent, et Darme bondit sur Kella et l’attira à l’intérieur.

Il s’empara du blaster de la journaliste avec une aisance qui prouvait un certain professionnalisme, et passa son bras sous sa gorge, l’attirant de force dans le fond du turbo-ascenseur. Haletante, Kella vit l’aérocaméra voler à toute vitesse vers la suite de L’varren. Les portes se refermèrent et elle eut davantage de mal à respirer tandis qu’il raffermissait sa prise, intensifiant la douleur dans le bras de la jeune femme. Elle réalisa qu’elle avait fait tombé son blaster lorsqu’il le fit glisser contre la paroi du turbo-ascenseur. Tentant d’estimer la situation, elle réalisa que l’homme tenait une vibrolame près de son visage.

— Qu’est-ce que tu dirais d’être sage et de me donner la vidéo, hein ? dit-il calmement dans son oreille.

Un ton si décontracté dans la bouche d’un homme qui la menaçait d’un couteau la faisait frissonner.

S’efforçant de garder son calme, elle répondit :

— Si vous insistez.

— J’insiste, dit-il.

Passant son arme dans son autre main, il glissa ses doigts dans le porte-donnée fixé à sa ceinture. La vibrolame étant si proche qu’elle pouvait presque la sentir trancher ses cheveux, et elle se raidit tant en gardant le silence tandis qu’il la fouillait. Son identicarte, sa clé de chambre, et de la monnaie locale tombèrent de ses poches.

Il garda une poignée de datacartes, la glissa dans une de ses poches de veste, et poussa Kella. Cette dernière heurta la paroi du turbo-ascenseur, se retourna, et découvrit son agresseur en train de pointer son propre blaster sur elle. Elle était paralysée.

— Vous ne tirerez aucun bien de tout cela, vous savez, lui dit-elle, incapable de réprimer un certain sursaut de provocation. Vous débarrasser de ma copie de la vidéo ne vous débarrassera pas de celle que j’ai déjà téléchargée dans la banque de données du réseau d’informations. Lorsque le droïde courrier aura collecté le dossier d’informations, il sera trop tard, quelque soit ce que vous faites de moi.

Il esquissa un sourire satisfait.

— Le rapport que vous avez rédigé n’existe plus, la reprit-il poliment. Lorsque le droïde courrier arrivera, il n’y aura aucune mention concernant cet incident.

Elle se renfrogna.

— Une simple pression d’un bouton ici, la suppression d’un dossier là. (Il haussa les épaules.) Faire disparaître un rapport n’est pas une chose difficile. Surtout avec l’aide de quelqu’un qui possède les codes d’accès nécessaires.

Juloff, bien sûr. Ainsi son collègue journaliste l’avait bien trahi. D’une certaine manière, faire disparaître son rapport d’informations semblait pire que d’être la cible de tirs dans la rue.

— Pourquoi ? demanda-t-elle. Pourquoi ferait-il cela ?

— Parce qu’il est un citoyen loyal envers l’Empire, dit Darme sur un ton catégorique. Tout comme moi. Et aucun gouvernement Rebelle ne posera le pied sur Indu San, ou ne posera ses doigts dégoûtants sur notre peuple. Pas tant que nous auront notre mot à dire.

Elle le fixa avec ses yeux vides, puis elle comprit.

— Alors c’est de cela qu’il s’agit ? demanda-t-elle.

— Bien sûr, dit-il. Et tout marche à merveille.

Et il avait raison.

Nostler avait dit qu’avant d’être chassé, l’autorité impériale n’était pas si impopulaire, et Kella avait vu de ses yeux que l’Empire jouissait encore d’un certain soutien, notamment de la part du consortium commercial qu’elle appelait « les Impérialistes Indu. En soutenant activement l’Empire, les impérialistes ramassaient plus d’argent, à la fois grâce à des profits excédentaires provenant de leurs propres citoyens, et grâce aux contacts et contrats acquis via l’intercession impériale.

Voilà un groupe qui adorerait clairement voir la Nouvelle République discréditée. Quelle meilleure façon d’atteindre cet objectif que de leur imputer un assassinat ?

Kella se souvint soudainement de la scène macabre dans la Chambre du Conseil.

— Mais pourquoi tuer Barayel ? demanda-t-elle. Tout semblait indiquer qu’il s’apprêtait à voter non à l’alliance.

Darme grogna.

— Peut-être… ou peut-être pas. Il n’a pas arrêté de jouer son worrt depuis le début. C’était la meilleure façon.

Elle tenta une autre approche.

— Et qu’en est-il du peuple ? De ce qu’il veut ? Beaucoup d’entre eux semblaient heureux de voir l’Empire s’en aller.

— Le peuple ! dit-il sur un ton dédaigneux. Le peuple ne sait pas ce qui est le mieux pour lui. Baisser les prix, et ils suivront n’importe quoi, n’importe où. Ils ne comprennent pas le fonctionnement du système.

Elle, elle le comprenait. Tout comme l’Empire qu’il admirait, Darme pensait clairement en terme de profit et de perte – ni bon, ni mauvais. Elle ouvrit la bouche en voulant prendre à nouveau la parole lorsque le turbo-ascenseur s’arrêta brusquement, comme si son alimentation avait soudainement été coupée. Darme plissa les yeux sous l’effet de la colère. Il frappa le panneau d’appel en jurant, et tenta d’ouvrir la porte. Mais la porte ne bougerait pas.

Kella leva les yeux vers l’indicateur qui montrait qu’ils étaient arrêtés entre deux étages. Continuant de menacer Kella de son blaster, Darme gronda « Ne bouge pas ! » et brandit à nouveau sa vibrolame. Tout doucement, il enfonça la lame dans la jointure des deux portes. Lorsqu’il parvint à entrebâiller les portes, il força les portes à s’ouvrir, révélant le mur de la cage du turbo-ascenseur. Après avoir passé sa tête dans le petit espace, il étudia le mur sombre et poussa un grognement de satisfaction en voyant une échelle de service à portée de main.

Puis il se retourna vers elle. Il y avait un éclat glacial dans son regard.

Alertée, Kella plongea sur le côté, mais il n’y avait nulle part où aller. Tandis que la décharge de blaster la touchait sur le flanc et qu’elle tombait à terre, elle se réjouit d’avoir réglé son blaster sur « paralyser » et non sur « tuer ».

Elle se réveilla dans une sensation grandissante. Alors que son cerveau lui disait que le turbo-ascenseur s’était à nouveau déplacé, ce dernier s’arrêta, et son estomac tangua. Les yeux bouffis, elle leva le regard alors que les portes s’ouvraient et qu’un déluge de jambes envahissait le turbo-ascenseur et s’agenouillait autour d’elle.

— Kella ! Est-ce que ça va ? demanda L’varren en l’aidant à s’asseoir. Encore groggy, elle acquiesça et observa son environnement. À part deux de ses propres officiers, elle reconnut les jambes de pantalon rouge caractéristiques des hommes de la sécurité de l’hôtel.

— Vous avez vu la vidéo ? demanda-t-elle en levant le regard vers lui.

— Nous l’avons vu, et nous tenons également le suspect, répondit-il. La sécurité l’a attrapé alors qu’il tentait de sortir de la cage du turbo-ascenseur, quelques étages plus bas. Il a été arrêté, et je m’attends à ce qu’il soit accusé du meurtre de Barayel.

— Grâce à votre œil de lynx, mon assistant et la Nouvelle République ont été lavés de tout soupçon, ajouta-t-il.

Kella esquissa un sourire fébrile.

— Je n’ai fait que mon travail, ambassadeur.

Ces paroles semblèrent résonner dans son esprit, et elle sentit un soudain sursaut d’agitation.

— Quelle heure est-il ? demanda-t-elle, ôtant un bras des épaules de L’varren et vérifiant son chronomètre. Dans un sentiment d’horreur, elle vit qu’il était vingt-trois heures cinquante quatre.

Était-il trop tard pour rejoindre le droïde courrier ?

— Où est la vidéo ? demanda-t-elle, luttant pour se relever et pour sortir du turbo-ascenseur sur ses jambes tremblantes. L’varren et les hommes de la sécurité la suivirent. Le diplomate la fixait avec une certaine inquiétude.

— Dans ma suite, dit-il. Avec votre aérocaméra.

— Je dois faire un nouveau rapport, lui dit-elle avec urgence. Celui que j’ai enregistré plus tôt a été effacé et il n’y a plus rien sur l’assassinat que le droïde puisse récupérer. S’il n’est pas déjà parti.

Elle grimaça farouchement à cette idée.

Sans attendre sa permission, elle entra dans sa suite. Après avoir trouvé l’unité de communication, elle entra les coordonnées de fréquence de Nostler, n’attendant pas que celui-ci soit réveillé.

— Le droïde courrier est-il déjà passé ?

— Kella ! Où es-tu ? répondit Nostler. Quelque chose se passe à l’hôtel de L’varren. Ils sont en train de la boucler, et ne laissent aucun journaliste passer, mais peut-être.

— Je suis déjà là, dit-elle en le coupant. Robbe, le droïde courrier. Est-il déjà passé ?

— Non ! Tu as toujours le temps de faire une mise à jour, lui répondit-il. Le timing sera juste, mais il larguera ses informations avant de transmettre notre rapport. Tu auras ton scoop, si tu te dépêches.

Kella coupa la transmission et rappela son aérocaméra, l’esprit déjà focalisé sur ce qu’il fallait faire ensuite. Glaner quelques déclarations auprès de la sécurité de l’hôtel, capturer quelques mots de la part de quelques conseillers Indu, peut-être enregistrer une prédiction pleine d’espoir de L’varren concernant le vote de demain, faire une réédition rapide. Tout cela à la vitesse de la lumière.

Avec un léger sourire, elle entra ses codes d’accès à la banque d’informations et se mit au travail.