— Ouais, réchauffe un peu la pièce, grogna Yun en sortant de son lit. On se croirait dans un congélateur, ici.

— Absolument, monsieur, sur le champ, monsieur, dit le droïde en se dirigeant vers la porte. Je vais envoyer un droïde de maintenance.

Yun prit une douche chaude. Après cela, il enfila des vêtements frais et propres, consomma son petit-déjeuner tiède, et quitta sa cabine.

Un soldat impérial lui avait été assigné en tant que guide et l’attendait au rez-de-chaussée de la tour.

— Bonjour, monsieur. Le major Vig m’a envoyé… Je vais vous escorter.

Le soldat se mit en chemin, et Yun lui emboîta le pas. Le terrain situé devant la tour était couvert de traces de semelles, des fournitures étaient entassées sur des palettes à répulseurs, et la sécurité était renforcée. Mais il y avait quelque chose de plus perceptible, du moins pour lui. En effet, il émanait de cet endroit un drôle d’impression.

Chaque Jedi percevait la Force de manière subjective. Pour Yun, cette perception se manifestait à travers un ronronnement perpétuel, une douce vibration qui jamais ne cessait. Mais cet endroit était différent. La Force était plus intense ici, comme amplifiée, et grognait comme une bête vorace. En fait, cette manifestation de puissance était si forte qu’elle pouvait même être perçue par ceux qui avaient une faible affinité avec la Force.

Yun et son guide étaient à peine entrés dans un vallon où ils avaient emprunté une volée de marches d’escaliers érodées par l’eau lorsqu’une entité ressemblant à un banshee se mit à hurler au-dessus de leurs têtes.

Le soldat sursauta. Il reprit son sang-froid et se tourna vers Yun.

— Ils commencent tôt ce matin, monsieur. C’est une dure journée.

Étant donné le fait que la Force était plus concentrée que d’habitude, Yun n’eut aucune difficulté à former une pensée et à l’imprégner dans l’esprit de la créature. Les résultats furent dramatiques, pour ainsi dire. Plus furieuse qu’effrayée, l’entité appela d’autres esprits sur place et les envoya brayer au-dessus de la tête du Jedi Noir. Le soldat, déstabilisé, s’enfuit en courant.

Yun, fort de son entraînement, ne bougea pas. Une voix se mit à résonner dans sa tête.

La douleur n’est rien pour des créatures telles que celles-là. Elles ont souffert durant des milliers d’années. Imagine leur détresse, comprend l’horreur de la chose, et transmets-leur cette compréhension.

La personnalité associée à la voix semblait familière, mais le Jedi ne parvenait pas à l’identifier.

— Qui êtes-vous ? demanda Yun. L’un d’entre eux ?

Non, pas vraiment, répondit la voix. Je t’ai donné la clé… à toi de jouer.

Sachant que Jerec et Sariss attendaient de lui qu’il réussisse, sans oublier les soldats présents dans la chambre d’en-dessous, Yun suivit les instructions donnée par la voix désincarnée. Il pensa aux esprits qui gémissaient autour de lui, à l’étendue de leur souffrance, et sa haine se dissipa. Il ressentait de l’empathie, de la compréhension, et partagea ses sensations avec les esprits.

Le changement fut presque instantané. Les plaintes cessèrent, les entités disparurent, et la Force devint plus tranquille. Satisfait du résultat et certain de sa capacité à régler des situations comme celle-là, Yun envoya un message d’appréciation.

— Merci.

Il n’y eut aucune réponse de la part de son bienfaiteur invisible, rien qu’une sensation momentanée de chaleur.

Le soldat devait encore réapparaître, mais Yun n’eut aucune difficulté à suivre le chemin. Il passa près d’un mur couvert d’anciens hiéroglyphes et croisa un droïde désactivé qui fixait une alcôve pillée. L’un des bras de la machine avait été reconverti en panneau directionnel. Yun prit à droite.

Le corridor secondaire était relativement court et conduisait à une grande chambre. De l’eau au sol projetait des reflets lumineux sur les murs, des modules de cargaison étaient rangés en piles désordonnées, et une confrontation avait lieu.

Le major Vig était un homme moustachu plutôt grand, aux cheveux roux. Il était une source constante de frustration pour ses supérieurs, mais il était toléré à cause de son courage et de son talent presque légendaire. Un talent qui se traduisait par du respect, et qui expliquait pourquoi les soldats impériaux étaient réticents à l’idée d’ignorer ses ordres ainsi que le blaster qu’il avait en main. La voix de l’officier résonna à travers la caverne.

— On ne bouge plus… j’abattrai le premier homme qui lève le petit doigt.

Il y eut un moment de silence durant lequel les soldats absorbèrent les paroles de l’officier et envisagèrent les conséquences de ce qu’ils s’apprêtaient à faire. C’est là qu’un groupe de trois hurleurs entra dans la pièce, traversa la poitrine d’un soldat, et plongea vers le sol.

C’était trop. Les yeux étaient exorbités, les têtes tournaient dans toutes les directions, et la foule s’avança. C’est à ce moment-là que Yun prit la parole.

— Bonjour, messieurs. Je vois que vous êtes déjà en plein travail ! Le seigneur Jerec sera content. Désolé pour ces conditions de travail quelque peu inhabituelles… peut-être puis-je vous aider ?

En dépit du fait que peu de soldats avaient pu voir Jerec dans leur vie, encore moins le rencontrer, ils étaient tous conscients de qui il était, et des pouvoirs extraordinaires qu’on lui attribuait à lui et à la bande de Jedi Noirs qui l’entourait. Ceci étant, l’apparition soudaine et inopinée d’un tel individu prenait des proportions mystiques. Ainsi, lorsque Yun leur dit qu’il pouvait les aider, tous le crurent immédiatement.

Sentant le changement d’atmosphère, et ayant correctement interprété les airs embarrassés sur les visages de ses subordonnées, le major Vig rangea son arme de poing. Il voulut dire quelque chose, mais remarqua que Yun avait l’esprit ailleurs. Il attendit que le Jedi Noir le remarque lui-même. Il ne fallut pas longtemps. Yun conclut son interaction avec un esprit invisible et esquissa un sourire.

— Je pense que le problème est résolu. Du moins, pour le moment. Informez vos hommes que ce genre d’incidents se reproduira, mais que je serai là pour m’en occuper. Cela signifie qu’ils peuvent retourner au travail. Le seigneur Jerec accorde un intérêt tout particulier à cet effort, et il n’y a pas de temps à perdre.

Le major Vig dialogua avec ses officiers, qui s’assurèrent que les hommes se remettaient pleinement au travail. La plupart de ses pairs auraient protesté quant à la théorie que des exécutions publiques étaient un moyen d’entretenir la discipline, mais Vig ne reprochaient pas aux soldats d’avoir été effrayé et décida d’ignorer ce qu’ils avaient fait. Une stratégie que Yun trouvait tout à fait intéressante.

Sariss, en tant que mentor, avait appris à Yun que le type d’autorité dont Vig faisait preuve était un signe de faiblesse et que le respect ne découlait que de la peur. La peur née du pouvoir, qui était tout l’intérêt de l’opération sur Ruusan. La major interrompit ses pensées.

— Merci, monsieur. Les hurleurs sont un problème constant.

Yun haussa les épaules.

— Ravi de vous avoir aidé. En fait, il semble que vous soyez forcé de me supporter pendant un moment.

La moustache de Vig se dressa au-dessus de ce qui pouvait être appelé un sourire. Il savait que Yun serait aux commandes mais il considérait cela comme un plus. À ce qu’il savait, le Jedi Noir s’entendait aussi bien avec les hurleurs qu’avec Jerec.

— Bienvenue à bord, monsieur. Voudriez-vous visiter les lieux ?

Yun indiqua qu’il était intéressé par cette proposition et suivit l’officier à travers la chambre principale jusqu’à une réserve adjacente. La narration avait l’air mécanique, ce qui suggérait que Vig avait déjà fait visiter les lieux plusieurs fois auparavant.

— La chambre principale est d’origine naturelle, formée par une ancienne rivière, mais les resserres, bien que très anciennes, sont beaucoup plus récentes. Elles ont été creusées dans la masse rocheuse.

L’officier s’arrêta et point un mur du doigt.

— Regardez, vous pouvez toujours voir les marques laissées par les outils.

Yun leva les yeux, confirma l’observation de l’officier, et suivit son guide jusqu’à une pièce à moitié vide. Un droïde était en train d’ôter une substance gluante d’un mur.

— Ça a l’air étrange, n’est-ce pas ? demanda l’officier. Et pourtant, les anciens savaient très bien ce qu’ils faisaient. Ils acheminaient des vivres, les empilaient le long des murs, et pulvérisaient des agents de conservation dessus. Fait intéressant, l’enduit est tellement plus efficace que ce que nous utilisons actuellement qu’il serait intéressant de le reproduire. Là, regardez ça…

Vig contourna le droïde, saisit l’un des paquets récemment extrait, et le posa dans les mains du Jedi Noir.

Yun accepta l’objet. Il gratta les derniers morceaux de gel ductile collés au fond de la boîte et la retourna. Elle était faite en plastique, où en quelque chose de sensiblement similaire. Le sommet était couvert de hiéroglyphes et intégrait un petit panneau.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Enfoncez la commande trois fois, dit l’officier d’un air espiègle. Posez-le sur le sol et regardez.

Yun fit ce que l’officier lui avait dit et recula d’un pas. Dix secondes passèrent, et alors que le Jedi était sur le point de se désintéresser de la chose, le couvercle s’ouvrit. De la fumée s’éleva en tourbillon dans la pièce, et une étrange odeur de moisi emplit l’air.

— Déjeuner ! dit Vig d’un air ravi, ou alors c’est le petit-déjeuner ou même le dîner, selon l’heure qu’il est. Regardez à l’intérieur.

Yun jeta un œil à l’intérieur. La boîte contenait quinze à vingt larves. Elles se tortillaient et couinaient avec une telle vigueur que la sauce, marron et épaisse, débordait presque du conteneur.

— Nous ignorons encore pour quelle espèce ces repas étaient préparés, continua l’officier, et ça n’a pas vraiment d’importance. Ces rations qui émettent leur propre chaleur sont là depuis un moment. Et en ce qui concerne les émetteurs de chaleur, eh bien les modules thermiques dans nos rations de terrain ont une période de conservation de vingt ans. Celles-ci sont là depuis un millier d’années, si ce n’est plus.

Yun saisit la valeur de ces choses et comprit comment Jerec avait réussi à conserver une petite armada afin de poursuivre ses ambitions personnelles. C’était à la fois merveilleux et horrible, selon le point de vue duquel vous vous placiez.

— Et ce n’est pas tout, continua Vig. Venez… vous n’avez pas tout vu !

Le Jedi Noir suivit l’officier le long d’une série de resserres où d’autres trésors s’offraient à leurs regards. Il y avait un générateur de rayon tracteur pas plus gros qu’un bâton, des machines de soins légèrement moins efficaces que des cuves bacta, et un réacteur à fusion si petit qu’on pouvait le mettre dans un sac. Que des choses qui attireraient l’attention des contribuables de Jerec. Une dynamique politique que Yun n’avait jamais considérée auparavant.

Ce fut une matinée relativement agréable, que seul le cri de trois hurleurs avait perturbé sans réellement poser problème.

Yun prit son déjeuner avec le major Vig, un capitaine, et deux lieutenants, dans une resserre récemment nettoyée. Ils étaient assis à une table couverte de lin, d’argenterie régimentaire, et de repas fraîchement préparés. Un droïde faisait office de serveur. Tout se passa bien jusqu’à l’arrivée des plats. À ce moment-là, l’atmosphère changea sans qu’on puisse expliquer pourquoi.

Le premier signe annonciateur de ce changement se fit sentir lorsque le lieutenant Hab prononça quelque chose d’inintelligible. Il se racla la gorge et bascula de sa chaise.

Pendant une fraction de seconde, Yun se demanda si Hab s’était étouffé avec un morceau de viande, mais il réalisa très vite que le problème était bien plus grave. Yun s’efforça de rester calme, luttant contre l’envie d’user de la force, et tendit le bras. L’entité sentit sa présence et relâcha Hab afin de recentrer ses énergies.

L’esprit s’empara de la parcelle d’énergie qui liait Yun à son entité physique. Le Jedi Noir ressentit une secousse, suivie d’une pression soutenue. L’entité tentait de l’étouffer !

Le Jedi Noir tenta de se retirer et découvrit que c’était impossible. La prise de l’entité était trop forte. La peur serrait son ventre. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Ce fut lorsque la peur atteint son apogée que la voix désincarnée se manifesta de nouveau.

Ne t’abandonne pas au doute, mon garçon. Sers-toi de la technique que tu as apprise plus tôt. Cet esprit est plus vigoureux, c’est tout. Même les maîtres Jedi peuvent perdre leur équilibre mental après mille ans d’enfermement. Ancre ton esprit, entre en contact avec ton environnement, et comprend le. La Force te protégera.

Yun déglutit. Il était fier de découvrir qu’il avait un tel contrôle sur les choses. Il décida alors de prendre le risque. Plutôt que de continuer à se débattre, il poussa vers l’extérieur. L’entité sentit venir la victoire et fonça tête baissée. Yun accueillit l’esprit, pas dans son corps, mais dans l’étendue chaleureuse de sa raison et l’espoir de liberté. L’ancien esprit était trop gravement atteint pour être soigné – bien trop pour un esprit jeune comme celui de Yun – mais il autorisa néanmoins le Jedi Noir à apaiser son tourment.

Bien, dit la voix. Tu as fait tout ce qu’on pouvait faire. Il retourne maintenant à sa tombe.

— Qui êtes-vous ? demanda Yun. Est-ce que je vous connais ?

Oui, répondit calmement la voix. Tu me connais. Car tu as participé à ma mort, et je hante tes songes.

— Nij Por Ral ?

Non, bien que ma mort ait suivie la sienne.

— Rahn.

Yun se souvenait très bien de lui. Un Jedi qui avait découvert l’existence de la Vallée des Jedi, et qui avait passé sa vie à la chercher. Rahn et un groupe d’associés avaient été interceptés avant qu’ils n’aient eu le temps de localiser la Vallée, et peu après Yun avait participé au meurtre du Jedi. Ce souvenir hantait ses pensées. La voix se fit de nouveau entendre sur un ton détaché :

Alors, tu te souviens.

— Oui.

Bien.

— Pourquoi ? Pourquoi m’aidez-vous ?

La lumière en toi vacille, répondit la voix sur un ton calme, mais elle brille encore. Le destin de milliards de gens se joue ici et maintenant. Tu as un rôle à jouer.

— Un rôle ? demanda Yun, quel genre de rôle ?

Cela, répondit Rahn, dépend entièrement de toi.

Yun sentit la connexion se rompre. Il ouvrit les yeux sur une pièce remplie de regards curieux, et se sentit soudain très seul.

Yun erra le long des passerelles souterraines pendant les deux jours qui suivirent sa conversation avec le fantôme de Rahn, s’occupant des hurleurs occasionnels, et espérant voir quelque chose d’intéressant arriver. Son souhait ne tarda pas à se réaliser.

Le Jedi Noir avait à peine quitté le corridor principal, contourné un train de palettes lourdement chargé, et s’apprêtait à entrer dans la troisième chambre lorsque la terre se mit à trembler. Des fragments de roche plurent au-dessus de sa tête, de la poussière le fit tousser, et le sol trembla à nouveau comme si quelque chose venait de le heurter. Les hurlements se firent entendre une fois les secousses terminées.

Le Jedi Noir aurait pu se diriger vers la surface – et il savait que c’était probablement la chose à faire – mais c’était comme si ses jambes voulaient le conduire ailleurs. Yun se précipita dans la chambre et découvrit une scène de chaos.

Une large section du plafond s’était effondrée, prenant un homme au piège. Son nom était Jaru, et il était connu pour trois choses : la taille de son nez, le fait qu’il pouvait cracher plus loin que n’importe qui dans son unité, et son talent à manier un lance-grenade. Jaru était en vie parce qu’il s’était recroquevillé au moment de l’effondrement et qu’un module de chargement avait absorbé l’impact initial. Bien qu’à moitié broyé, le module servait à maintenir le morceau de plafond qui s’était effondré. Les bottes du soldat étaient visibles et remuaient.

On hurla des ordres. Les hommes se déplacèrent à travers le nuage de poussière et saisirent le morceau de roche qui recouvrait leur camarade. Deux droïdes, tous deux conçus pour les travaux de construction lourde, suivirent les humains et se mirent eux aussi en position. Un officier compta jusqu’à trois. Les hommes se préparèrent à l’effort, et les droïdes prirent leur appui, mais il ne se passa rien. C’est là que qu’une deuxième vague de secousses frappa.

De gros morceaux de roche dégringolèrent. Un casque roula au sol, et un soldat s’effondra. Il était mort avant même de heurter le sol. Jaru émit une plainte, remuant toujours la jambe.

— Attrapez ses chevilles, ordonna Yun, et préparez-vous à tirer.

S’il y avait bien une chose qu’on avait apprise aux soldats, c’était l’obéissance aveugle. L’officier donna une rapide série d’ordres, et les hommes s’exécutèrent. Ils attrapèrent Jaru par les chevilles.

Une fois que les soldats furent en position, Yun ferma les yeux, et invoqua la Force. Il « vit » le morceau de plafond s’élever dans les airs. C’était une manœuvre désespérée car il n’avait jamais déplacé quelque chose d’aussi lourd, que ce fût pendant son apprentissage ou au cours des dernières années. Mais il ne pouvait pas laisser Jaru là. Il ne pouvait pas le laisser mourir.

Des gouttes de sueur coulaient le long de son front, ses ongles commençaient à pénétrer la peau de ses poings serrés, et ses lèvres formaient une grimace. Une lumière jaillit de ses yeux. Un faisceau d’énergie crépita et il y eut un bruit de frottement rocheux.

Soudain, les soldats poussèrent des cris de joie. Yun ouvrit les yeux, distingua la formation rocheuse qui flottait à un mètre au-dessus du sol, et perdit soudain sa concentration. Le rocher percuta le sol dans un bruit sourd, s’affaissa, et se sépara en deux.

Yun, certain que Jaru avait été tué, ressentit un horrible frisson de désespoir. C’est là que l’officier lui donna une tape dans le dos, et que Jaru apparut derrière deux soldats. C’était fini.

Ils installèrent Jaru sur une civière de fortune et l’emmenèrent à la surface. Le reste du groupe de travail les suivirent. Les secousses étaient terminées, et alors qu’il suivait l’officier le long d’un escalier, Yun réalisa ce qu’il avait fait.

Oui, confirma Rahn. Lorsque la situation est devenue critique, tu as laissé tomber le côté obscur. Et pourtant le pouvoir dont tu t’es servi n’en fut pas diminué. Réfléchis à ça.

Yun ne cessa pas d’y réfléchir. Pendant toute la nuit. Des rêves vinrent animer son sommeil, mais aucun d’eux n’était centré sur la mort, et Yun s’en trouvait heureux.

La section administrative se trouvait seulement à quelques étages au-dessus de la surface. Ça rendait les allées et venues des troupes au sol plus facile. Le bureau était plutôt spartiate et n’était pas prêt de changer. Des boîtes déballées étaient empilées contre un mur en construction, un câble dénudé serpentait à travers un panneau d’accès, et l’air sentait le renfermé.

Sariss regarda Yun depuis son bureau quelque peu encombré. Il n’avait pas changé en apparence mais donnait l’impression d’être un autre homme, bien que la nature de ce changement lui échappait. Elle avait eu vent de l’incident dans les souterrains, comme tout le monde, et elle avait lu le rapport de l’officier. Même Yun admit que toute l’affaire n’avait été qu’une anomalie, un miracle qu’il ne comptait pas retenter. Cet épisode indiquait néanmoins un don extrêmement développé, un talent qui pourrait un jour surpasser le sien, une possibilité qui n’était jamais venue à l’esprit de Sariss auparavant. Peut-être était-ce tout simple. Peut-être Yun avait-il acquis une plus grande confiance en lui et peut-être commençait-il à le démontrer. Une perspective peu plaisante au sein d’une méritocratie aussi portée sur la compétition. Sariss se força à esquisser un sourire.

— Tu t’es bien débrouillé… même Jerec est de cet avis.

Yun semblait ravi.

— Merci.

Sariss gloussa.

— Attends d’abord d’entendre ce que j’ai à te dire. Tu pourrais encore changer d’avis.

Yun fronça les sourcils.

— Une nouvelle assignation ? Quelque chose de pire que de s’occuper de quelques hurleurs capricieux ? Ça me semble peu probable.

— Oh, ça l’est, lui dit Sariss d’un air amusé. Il semble qu’une patrouille, (elle jeta un œil à son datapad) Zulu-Able-Mary-341 pour être exacte, est en retard de quarante-deux heures.

— Aucun contact ?

— Aucun.

— Recherches aériennes ?

— Quatre vaisseaux, basse altitude, ronde standard. Aucun résultat.

— Droïdes sondes ?

— Déployés… mais aucune nouvelle pour le moment.

— Pourquoi moi ?

Sariss haussa les épaules.

— Pourquoi pas ? Un peu de soleil te fera du bien. De plus, cette mission requiert un cerveau. Une patrouille entière a disparu sans laisser de trace. Pourquoi ? C’est ce que Jerec veut savoir.

— Et pour les hurleurs ?

— J’enverrai Boc s’en charger.

Yun esquissa un sourire.

— Comptez sur moi.

Sariss esquissa un sourire.

— Je savais que ça te plairait.

Yun aurait pu demander un esquif, ou même une navette d’assaut, mais il avait opté pour un TS-TT et un TB-TT. D’abord parce que ces machines offraient d’excellentes plateformes desquelles ils pouvaient observer les alentours, ensuite parce qu’ils avaient suffisamment de puissance de feu pour annihiler n’importe quoi sur leur chemin, et enfin parce qu’il appréciait ces lourdes machines. Ce qu’il aimait, ce n’était pas seulement leur allure de monstre mécanique, mais la sensation de puissance qu’elles procuraient. Il était installé dans le bipède haut de sept mètres, tandis que le TB-TT, plus gros et plus lourdement chargé, assurait les arrières.

Le pilote du TS-TT était un lieutenant en second du nom de Momo. Il préférait qu’on l’appelle « Momo Chien Fou » mais son surnom n’avait pas pris parmi les soldats de son unité. Peut-être à cause de son visage de garçon de chorale, de son sourire plutôt charmeur, et du fait qu’il n’avait jamais ouvert le feu sous l’effet de la colère. Momo fit sortir le walker du ravin et arriva dans une plaine. Il regarda le panneau de contrôle et leva les yeux vers le Jedi Noir.

— C’est là, monsieur. La limite Est de leur zone de patrouille.

Yun hocha la tête.

— Faites une pause, lieutenant. Je vais inspecter l’endroit.

— Monsieur ! Oui, monsieur !

Yun ouvrit le sas situé au sommet du TS-TT, faisant gémir un servomoteur, et grimpa le long des barreaux de l’échelle fixée à la paroi interne du cockpit. Il faisait chaud à l’extérieur, surtout pour quelqu’un qui sortait d’un véhicule équipé de l’air conditionné. Il plissa les yeux sous l’effet intense de la lumière du soleil. Le Jedi Noir émergea juste à temps pour voir le TB-TT ralentir et s’arrêter à une distance raisonnable. La tête du monstre pivota alors que le pilote se servait des senseurs cervicaux pour scruter les rochers alentours.

Yun sortit une paire d’électrojumelles d’une des poches de sa ceinture, tourna le dos au TB-TT, et scruta l’horizon en direction du nord. Il ne voyait aucune trace, et n’était pas prêt d’en voir une, étant donné que la patrouille disparue s’était déplacé sur une barge escortée par deux speeder bikes. Il baissa ses électrojumelles. Alors, par où commencer ? La zone assignée à la patrouille manquante avait déjà été inspectée depuis les airs, et elle l’était maintenant depuis le sol. Si les véhicules – ou bien les restes des véhicules – étaient visibles, quelqu’un les aurait déjà vus depuis le temps.

Et si la patrouille était sortie de sa zone assignée ? Où seraient-ils allés, et pourquoi ? Yun avait une théorie là-dessus. Une théorie fondée sur une inspection qu’il avait menée dans les quartiers appartenant aux hommes disparus. Chacun des soldats d’Aagon possédait des trophées qu’il exposait au-dessus de son lit. Des organismes sphériques aux gros yeux scintillants et aux fins tentacules.

Personne ne semblait savoir d’où ces trophées venaient où comment les soldats d’Aagon étaient entrés en leur possession, mais Yun pouvait le deviner. Les patrouilles étaient ennuyeuses, et Aagon, un type plein de ressources, avait découvert un moyen d’animer un peu les choses. Ce faisant, il avait pris l’habitude de quitter la zone qui lui était assignée. Mais pour aller où ? Vers les terres sauvages situées au sud ? À l’ouest, vers la tour des officiers supérieurs ? À l’est, vers les chaînes de montagnes ? Non, toutes ces hypothèses semblaient peu probables.

Sa décision étant prise, Yun rangea les électrojumelles dans sa poche, rentra à l’intérieur de l’habitacle de pilotage du TS-TT, et donna de nouveaux ordres. Les walkers se tournèrent vers le nord, accélérèrent le pas, et reprirent leur chasse.

Kyle s’extasiait sur la beauté de Jan. Ses yeux étaient fermés, et l’une de ses joues était tachée de boue. Une de ses mains était posée sur son blaster, l’autre était étalée sur la couchette, comme celle d’une femme sans défense. Mais Kyle savait très bien que ce n’était qu’une illusion, et il préféra ne pas la toucher.

— Hé, Jan. C’est l’heure de se réveiller.

— Quoi ?

Jan ouvrit lentement les yeux, les frotta de ses mains, et jeta un œil à sa montre.

— Qu’est-ce qui se passe ? Je croyais qu’on avait décidé d’avoir une nuit de sommeil entière ?

— Ce serait bien, répondit Kyle, excepté le fait que Fido a repéré une patrouille impériale. Un TS-TT et un TB-TT, tous deux se dirigeant vers le nord.

Jan bondit hors de sa couchette, attrapa son pantalon, et s’habilla. Kyle esquissa un sourire.

— Cochon, dit Jan.

— Seulement avec toi…

— Bien, dit Jan en bouclant sa lanière de blaster autour de sa taille, parce que je n’aimerai pas avoir à remplir tout un tas de rapports concernant ta mort prématurée.

Kyle tenta de prendre un air terrifié et la suivit hors de l’armurerie pour rejoindre la partie centrale du temple.

Grif Grawley les attendait.

— L’esquif est prêt… allons-y.

Kyle acquiesça et dit :

— Vous pensez qu’ils se dirigent par ici ? Qu’on devra les attirer ailleurs ?

Grif haussa les épaules.

— Difficile à dire. J’espère que non… mais mieux vaux ça que de les laisser trouver le temple et le Corbeau.

— Et pour Flotteur ? Est-ce qu’on doit l’emmener ?

Le colon fit non de la tête.

— Non, la lumière du soleil lui est néfaste. De plus, Flotteur n’est pas fait pour ce genre de choses.

Les agents hochèrent la tête. Ils suivirent le colon jusqu’à l’esquif récemment affrété et s’en allèrent. C’était l’après-midi. Les occasionnelles collines projetaient de longues ombres obscures en direction de l’est. Grawley en tirait profit chaque fois que c’était possible, faisant tout ce qu’il pouvait pour maintenir une basse altitude.

Finalement, après quinze minutes de voyage, le colon fit plonger l’esquif dans un lit de rivière desséché et le suivit vers une mesa.

— Il y a un endroit où se cacher près de la base, expliqua-t-il, et un sentier qui monte jusqu’au sommet. On aura un bon point d’observation de là-bas, et en supposant qu’ils conservent la même trajectoire, on aura plus de temps pour réagir, si nécessaire.

Jan était tentée de demander quelles options ils auraient si les impériaux ne maintenaient pas leur course mais elle n’en fit rien.

Fidèle à sa parole, Grif guida le landspeeder dans un demi-cercle de roches. Il coupa les moteurs, et attrapa son paquetage. Les agents firent de même. Aucun d’eux ne prévoyait de rester, mais il valait mieux être prudent.

La majorité du sentier était naturelle. Il suivait une faille terrestre que les forces du soleil, du vent, et de la pluie avaient creusée pour faire apparaître au grand jour des sédiments de roche sous-jacents. Pourtant, c’était impossible d’ignorer le fait que des êtres intelligents et équipés d’outils avaient prolongé le travail de la nature en taillant des saillies dans les collines, démolissant des débords dangereux et créant des branchements là où le passage se rétrécissait. Qui étaient ces mystérieux ingénieurs ? Au même titre que Ruusan, c’était impossible à savoir.

Il fallut une demi-heure pour atteindre le sommet, et Kyle était à bout de souffle. Grif, au contraire, semblait en pleine forme – un fait que le jeune Katarn trouvait agaçant.

— Venez, dit le colon, allons vers le versant Est. On devrait pouvoir les repérer de là. J’ai envoyé Fido à la maison, pour qu’il ne soit pas repéré.

La surface de la mesa était plane et jonchée de rochers et de quelques plantes. Des restes de murs effondrés marquaient les contours d’une ancienne forteresse. L’un de ces restes longeait le rebord, et Grif fit signe aux rebelles de se mettre à couvert derrière. Ils obéirent, brandirent leurs électrojumelles, et scrutèrent l’horizon à l’Est. Le soleil était sur le point de se coucher, mais Kyle n’eut aucune difficulté à reconnaître les rochers. C’était l’endroit où ils s’étaient battus la nuit précédente, et où ils avaient enterrés les cadavres.

— Regarde ! dit Jan, pointant un doigt vers le sud-est.

Kyle se tourna dans la direction indiquée. Il vit quelque chose de flou à travers son viseur, et améliora la vision. Aucune erreur possible. C’était les walkers que Fido avait repéré. Kyle baissa ses jumelles. Qu’est-ce qui les avait attirés à cet endroit en particulier ? Le hasard ? Ou quelque chose d’autre ? Quoi que ce fût, Kyle avait un mauvais pressentiment. Et si les impériaux trouvaient quelque chose ? La sécurité était déjà bien renforcée ; des précautions supplémentaires pouvaient transformer cette mission déjà difficile en mission quasi-impossible. Il croisa le regard de Jan et su immédiatement ce qu’elle pensait. Il haussa les épaules.

— Le temps le dira, Jan… le temps le dira.

Les walkers firent une halte juste au sud du tas de rochers. Le TS-TT montait la garde tandis que le TB-TT s’agenouillait pour libérer un duo de speeders et une compagnie de soldats impériaux. Le caporal Niko Smith dégagea la rampe, courut pour se mettre à couvert, et tomba sur le ventre. Son sergent, un vétéran grisonnant nommé Zonka, jeta un œil dans son dos, reconnut la personne affalée au sol, et secoua la tête.

— Bon sang, sergent, dit Niko Smith on dirait que tous les rochers et cailloux du coin sont entassés entre ici et la tour. Tout ça pour quoi ?

— Environ cent crédits par semaine et la gratitude de l’Empire, répondit Zonka. Maintenant relève-toi et met-toi en position.

Smith esquissa une grimace, fit signe à son équipe d’avancer, et commença à enjamber les rochers.

Yun ouvrit le sas supérieur et regarda ses soldats disparaître dans le labyrinthe de rochers, homme après homme. Pour eux, ce n’était qu’un autre tas de rochers, une corvée dont ils devaient se débarrasser aussi vite et aussi efficacement que possible.

Mais pas pour lui. Non, cet endroit était, en quelque sorte, différent. Une bataille avait eu lieu ici… et il y avait eu des morts. Mais à quand remontaient les faits ? Une semaine ? Mille ans ? Impossible à savoir.

Le soleil disparaissait derrière l’horizon à sa gauche. L’horizon était plus sombre que d’habitude, contrastant avec la lumière rosâtre du ciel. Et il y avait autre chose. Une fluctuation dans la Force, presque indétectable. Le genre de fluctuation qui signalait un ou plusieurs esprits conscients.

Rien de bien surprenant, étant donné que certains colons avaient survécu à l’attaque du Fort Perdu, excepté que Yun connaissait – ou pensait connaître – au moins l’un de ces esprits.

L’homme en question était un traître à l’Empire, le fils du leader rebelle qui avait découvert la Vallée des Jedi, et qui avait été exécuté peu après. C’était un Jedi qui était encore faible au moment des faits, mais il était devenu fort, suffisamment fort pour vaincre Yun et épargner sa vie. Un acte que le Jedi Noir considérait déconcertant, et qu’il avait d’abord interprété comme un signe de faiblesse.

Cette découverte envoyait des tourbillons de pensées à travers l’esprit de Yun. Un rebelle et un Jedi, ici sur Ruusan. Pourquoi ? Pour arrêter Jerec, bien sûr, pour libérer les esprits captifs, pour détruire tout ce pour quoi Yun s’était battu. C’était une découverte stupéfiante, et le Jedi Noir commençait tout juste à y réfléchir lorsque le lieutenant Momo tira sur sa jambe de pantalon. Yun redescendit dans l’habitacle de pilotage.

— Oui ?

— Navré de vous déranger, monsieur, mais les hommes au sol ont trouvé quelque chose.

— Quoi donc ?

— Un casque, monsieur, avec le matricule RW957 inscrit à l’intérieur.

Yun vérifia son datapad. Le soldat RW957 était un membre de la patrouille portée disparue, ce qui semblait confirmer sa théorie : la patrouille était sortie de sa zone d’action, avait rencontré une force ennemie, et avait perdu la bataille. Ceci, combiné au fait que les rebelles avait un ou plusieurs agents sur place, le conduisait à une conclusion évidente. Une conclusion que Yun décida de garder pour lui.

— Il fait de plus en plus sombre. Rappelez les hommes, établissez un périmètre de sécurité, et reposez-vous. Nous reprendrons les recherches demain matin.

Momo acquiesça.

— Monsieur ! Oui, monsieur !

Yun traversa le sas et regarda au loin vers la mesa. L’esprit qu’il avait perçu était caché là-bas, observant patiemment. Yun considéra ses options, et eut l’agréable surprise de découvrir qu’il en avait plusieurs.

La manœuvre la plus évidente était de faire un rapport de tout ce qu’il savait, de tenter de capturer les rebelles, et de savourer son prestige. Plus de prestige, plus de respect, et plus d’occasions de tuer des gens. Et pour les hurleurs ? Le simple fait de les considérer comme des personnalités à part entière, de partager leur détresse, avait changé la façon qu’il avait de les voir. Jerec prévoyait de les garder en confinement, d’utiliser leur pouvoir à ses sombres desseins. Et qu’en était-il des milliards de vie qui reposaient entre ses mains ?

Yun savait qu’il n’avait pas le courage de représenter leur cause directement. Mais s’il y avait un autre moyen ? Et si tout ce qu’il avait à faire, c’était ignorer une chose qui était peut-être, ou peut-être pas, vraie ? De plus, une dette était en jeu, et les dettes se devaient d’être remboursées.

Le Jedi Noir prit sa décision alors que l’obscurité enveloppait la terre de son voile infini. Il élabora une pensée, non pas pour l’autre homme, mais pour lui-même :

— Tu as épargné ma vie… et j’épargne la tienne. Utilise sagement cette offrande.

Kyle baissa ses électrojumelles et les rangea.

— Alors ? demanda Jan. Qu’en penses-tu ?

L’autre agent haussa les épaules.

— Je ne peux pas en être certain, mais je pense qu’ils ont un Jedi avec eux… et il sait qu’on est là.

Jan sembla alarmée.

— Dans ce cas, où sont les chasseurs TIE ? Comment se fait-il qu’on soit toujours en vie ?

Kyle secoua la tête.

— Je n’en ai aucune idée.

— Alors on y va ?

— C’est pour ça qu’on est là.

— Ouais, dit Jan d’un air pensif. C’est pour ça qu’on est là.

La première des trois lunes apparut à l’horizon, à l’Est, et projeta une faible lueur sur la terre.

Chapitre Cinq

Les rebelles posèrent le Corbeau à environ cinq klicks de la cible. Il faisait sombre, et la manœuvre demandait des talents de pilotage pointus. Le genre de talents que Jan avait perfectionné durant les quelques dernières années. La route qui conduisait à la Vallée était longue, mais elle était suffisamment proche à leur goût. La zone grouillait de soldats, de droïdes de combat, et de TS-TT. En atterrissant dans un canyon, et en couvrant le vaisseau avec un filet de camouflage, ils espéraient échapper à toute détection.

WeeGee émit une série de bips désespérés lorsqu’on lui ordonna de rester derrière, mais Kyle était inflexible. Le droïde serait un handicap lorsqu’il faudrait grimper la montagne, et ils avaient suffisamment de problèmes comme ça.

Le groupe de reconnaissance était constitué de Kyle, de Jan, de Grif, et du bondissant appelé Flotteur.

Une fois le vaisseau sécurisé, ils partirent en direction du sud. Flotteur les conduisit à travers un labyrinthe canyons torsadés. La manière dont le bondissant naviguait à travers ce labyrinthe demeurait un mystère.

Kyle était stupéfait quant à la facilité qu’avait l’autochtone à se déplacer dans ces terrains montagneux. Plus particulièrement à la lumière du style de vie de son espèce. Son corps en forme de ballon était trompeur. Grâce à sa masse corporelle insignifiante et à ses multiples membres, Flotteur était capable de grimper facilement. Et tandis que les humains étaient forcés de descendre des collines en rappel, le bondissant aimait se jeter dans le vide et flotter jusqu’au sol.

L’obscurité rendait le parcours plus dangereux, et sans leurs lunettes à vision nocturne, les humains auraient été incapables de se déplacer.

Tout se déroula sans accroc, jusqu’à ce que les rebelles se trouvassent à un demi-klick de la Vallée. L’aube arriva alors que le groupe grimpait le flanc presque vertical d’une colline aux parois cassantes. Flotteur était en tête, suivi de Grif, de Kyle, puis de Jan.

Grif avait tout juste escaladé une large corniche lorsqu’il entendit le son caractéristique de jet-packs. Un droïde sonde, désormais averti de la présence du rebelle, jaillit d’un tas de rochers à la gauche de Grif. Le vieux fermier fit la première chose qui venait généralement à l’esprit : charger son adversaire.

Le droïde sonde avait deux objectifs qui parfois se compensaient : rassembler des informations et éliminer les intrus. Le second impératif prit le dessus sur le premier. Ceci étant, la machine réagit en chargeant elle aussi.

Pas le temps de dégainer son blaster, alors Grif ouvrit les bras et jura alors qu’il percutait la machine de plein fouet.

Kyle entendit un bruit et leva les yeux à temps pour voir Grif faire basculer le droïde d’attaque par-dessus le rebord de la colline. La scène aurait pu être comique si le droïde n’avait pas attrapé l’une des jambes du colon pour la broyer avec ses deux pinces puissantes.

Grif grogna sous l’effet de la douleur, brandit son couteau de chasse long de cinquante centimètres, et le planta dans la coque du robot. La lame, qui avait forgée à partir d’un métal aussi dur que du diamant, trancha dans les circuits de la machine et endommagea le système de guidage.

Jan se crispa et attendit la détonation. Le droïde pivota sur son axe et tenta d’entraîner Grif. Jan voulait utiliser son arme mais cette perspective ne l’enchantait pas. Les chances de toucher Grif étaient bien trop grandes – sans oublier le fait que sa corde avait commencé à se balancer d’un côté et de l’autre.

Le vieux colon était furieux, poignardant la machine encore et encore, et hurlant sa haine.

— Ça c’est pour Katie ! Ça c’est pour Carole ! Et ça c’est pour moi !

Le colon frappa un système critique et le droïde sonde tituba avant d’entamer une chute rapide. Il heurta le versant du canyon dans un bref flash de lumière et s’écrasa sur les rochers situés plus bas.

Kyle ressentit la mort de Grif à travers la Force. Jan se mordit les lèvres.

Ils ne pouvaient plus rien faire. Soit ils faisaient demi-tour, soit ils continuaient. Kyle grimpa sur la corniche et attendit que Jan le rejoigne. N’importe qui leur aurait dit de faire demi-tour, mais la mission était bien trop importante. Ils n’étaient plus très loin, et il n’y avait aucun moyen de savoir sur quoi il tomberait plus loin. En fait, il semblait logique de supposer que les impériaux resserrerait leur emprise, rendant n’importe quel genre d’incursion aussi difficile. Et pourtant, il y avait d’autres vies en jeu, et Kyle n’avait pas le droit de décider pour Jan ou pour Flotteur.

Il attendit que Jan le rejoigne et tint un bref conseil de guerre.

— Il n’y aucun moyen de savoir si le droïde sonde a émis une transmission pour faire un rapport de la situation, mais on va faire comme s’il l’avait fait. Les impériaux enverront une patrouille, et ils découvriront l’épave.

— Et le corps de Grif, dit Jan sur un ton austère.

— Et le corps de Grif, reprit Kyle. Mais qu’est-ce qu’ils se diront lorsqu’ils le trouveront ? Qu’il faisait partie d’un groupe cherchant à pénétrer dans la Vallée des Jedi ? Où que c’était un ermite qui s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment ?

— On peut espérer qu’ils pencheront pour la deuxième option, dit judicieusement Jan, mais la première semble plus probable. Des gens rusés se dépêcheraient de le laisser.

Kyle étudia le visage de sa compagne.

— Et ?

Elle haussa les épaules et dit :

— On a une mission à remplir. Allons-y.

Kyle hocha la tête. Il chercha Flotteur du regard mais ne parvint pas à le retrouver. Il sortit ses lunettes de vision nocturne et scruta de nouveau les environs. L’autochtone était en hauteur, poursuivant son ascension. Le rebelle esquissa une grimace et indiqua le bondissant du doigt.

— Bien, si les actes parlent plus que les mots, alors on devine ce que pense Flotteur… allons-y.

Les heures suivantes furent difficiles, à la fois à cause des exigences physiques requises pour poursuivre leur chemin et de l’angoisse constante d’être découvert. Une navette gronda au-dessus de leurs têtes, et une patrouille équipée de speeder bikes traversa un canal artificiel avoisinant. Les impériaux étaient si près que Kyle décida de partir à la recherche d’une cachette. Mais Flotteur le rappela et les conduisit à un aqueduc. Il faisait dix mètres de longueur, et six de hauteur. À la différence des canaux d’irrigations ouverts que l’on voyait souvent sur la plupart des planètes, l’aqueduc comprenait une barrière conçue pour limiter la quantité d’eau perdue à cause de l’évaporation. Une barrière qui cacherait les rebelles des vaisseaux qui survolaient la zone.

Le fait que l’ancien couloir d’eau suivait le contour de la zone et menait vers la Vallée des Jedi était un plus. Kyle donna une tape d’approbation à Flotteur et suivit le bondissant dans l’obscurité.

Jerec se leva, les bras croisés dans le dos, et regarda à travers la verrière en transparacier. Ou du moins le semblait-il, car le terrifiant Jedi Noir était aveugle. Cependant, « voir » comprenait autant de dimensions que « savoir », et Jerec voyait de nombreuses choses que d’autres ne pouvait pas voir, y compris la tempête métaphysique qui faisait rage autour de la Vallée et le pouvoir qui y était emprisonné.

Cette pensée amena un sourire sur le visage de Jerec. La Vallée portait tous ses espoirs, et plus encore… En caressant le pouvoir qui résidait là-bas et en le pliant à sa volonté, le Jedi Noir prendrait le contrôle de l’Empire. Non, il ne parlait pas des pathétiques restes de ce que Palpatine et d’autres avaient gaspillé, mais bien de quelque chose de nouveau, de quelque chose de glorieux, de quelque chose qu’on n’avait encore jamais vu.

Un Empire qui allait bien plus loin que ce qui avait été fait par le passé, plus loin que les systèmes stellaires environnants, plus loin que les galaxies voisines, pour englober tout ce qui était ou ne serait jamais. Ça, c’était un but ! Ça, c’était un empire.

Cependant, il devrait être prudent, très prudent, étant donné que les forces qui empêchaient les esprits Jedi de quitter la Vallée s’étaient affaiblies avec le passage du temps et avaient besoin d’être raffermies. Une fuite serait désastreuse, car le pouvoir dont il avait besoin découlait des prisonniers eux-mêmes. Pas d’inquiétude, néanmoins, car les réparations avaient commencé et seraient bientôt terminées. Une pensée plaisante. Le Jedi Noir se renfrogna lorsqu’une voix se fit entendre derrière lui.

— Seigneur Jerec ?

— Oui ? Quoi encore ?

L’officier, un lieutenant relativement jeune, déglutit nerveusement.

— Un rapport, monsieur… du droïde sonde AD-143. Un groupe de trois humains ainsi qu’un alien non identifié a traversé le périmètre deux et se dirige par ici.

— Progression ?

— Nous n’en sommes pas sûrs. AD-143 a été détruit. D’autres droïdes ont été déployés mais ne sont pas encore arrivés sur les lieux.

Le Jedi Noir considéra les paroles de l’officier. Maintenant que la Vallée était sous son contrôle, rien ne pressait Jerec. Il avait besoin de temps pour se préparer, mais bien plus encore, pour savourer ce que le destin avait placé sur son chemin, un peu comme un gourmet qui prendrait son temps en consommant un dessert rare et soigneusement préparé.

Mais il y avait une fuite. Une fuite qui pouvait doubler ou même tripler son pouvoir et stimuler son appétit. Le Maître Jedi Noir projeta une son esprit vers l’extérieur. Il créa un cercle autour d’un chaudron rempli d’énergie agitée, et localisa un endroit où un courant régulier d’énergie obscure avait brisé la coquille protectrice et filtrait à travers l’espace.

Jerec choisit un seul axe d’énergie négative, draina son pouvoir, et sentit son être se développer. De plus en plus grand, jusqu’à ce que son esprit soit partout, qu’il ne fasse qu’un avec le tissu interne obscur de la Force elle-même, qu’il se tienne à la limite de ce qu’il percevait comme la toute-puissance.

Ce n’était pas l’état d’illumination que tous convoitaient, mais un état dans lequel on pouvait accéder à un pouvoir, le former, et l’utiliser. Tout cela sans subir les années de méditation fastidieuses et la formation que les partisans du côté lumineux considéraient nécessaires. La prochaine étape était encore mieux. L’étape qui allait au-delà de la maîtrise du Jedi, l’étape que Jerec était en train d’entamer.

Il ressentait le lieutenant, situé à quelques mètres, terrifié et désireux de prendre ses jambes à son cou ; ses gardes du corps à l’esprit las : Sariss, bouillonnante d’idées malfaisantes ; Boc, savourant avec un plaisir évident le déconfort d’une tierce personne ; Yun, confus et en proie au doute ; Maw, cherchant à exprimer sa rage ; des animaux, appliquant les lois de leurs programmations génétiques et là, plus près qu’il ne l’aurait pensé, les intrus. Et pas n’importe quel intrus. Kyle Katarn !

Une seconde… le garçon avait changé. Il était devenu plus qu’une simple nuisance… c’était un Chevalier Jedi ! Ce n’était pas totalement inattendu, puisque Jerec avait senti le potentiel du garçon avant même que celui-ci ne s’en rende compte lui-même. Mais cela restait surprenant. Un Jedi autodidacte… à moins que… La vérité frappa son esprit. Le jeune Jedi avait un mentor : Rahn !

Son rire sembla provenir de très loin et soudain, Jerec ressentit un accès de peur. Il ressentait le besoin d’agir, d’écraser quiconque se dressait sur son chemin, mais il garda l’impulsion sous contrôle. C’était un déroulement intéressant, mais pas une menace immédiate.

De plus, songea Jerec, ouvrant son esprit, même la meilleure lame peut être retournée contre ceux qui l’ont forgé.

Son rire s’évanouit, et un sourire se dessina sur son visage. Une corde sensible avait été touchée.

Quelque part au cœur du labyrinthe de croyances, pensées, et expériences qui constituaient la personnalité de Kyle Katarn, il existait une faille, une faille qui, tout comme le besoin de Yun d’être approuvé ou le sadisme déraisonné de Boc, pouvait être exploitée. Cette idée plaisait au Jedi Noir. Il prit une décision.

— Maintenez la surveillance. Tenez-moi informé.

Les bottes du lieutenant émirent un cliquetis lorsque l’homme répondit :

— Monsieur ! Oui, monsieur !

Une colonne de soldats passa à proximité de la tour et se dirigea vers les anciennes resserres dissimulées dans les murs de la Vallée. La récolte continuait. La vie était belle.

L’aqueduc était vieux, très vieux, d’après les observations de Jan et Kyle qui suivaient un chemin en direction d’un point lumineux au loin. Leurs torches projetaient de la lumière sur les parois du canal ridées par le passage de l’eau. Des tunnels secondaires apparaissaient de temps en temps, indiquant l’existence de passages situés sous la roche.

Kyle dit :

— Prends garde où tu mets les pieds.

Mais son avertissement vint seulement après que quelque chose ait craqué sous ses bottes. Jan pointa sa torche vers le sol. Il y avait un squelette – ou du moins ce qu’il en restait – qui semblait appartenir à une espèce qu’elle n’avait jamais vue auparavant. Était-ce une créature consciente ? Les cavités oculaires semblaient dégager une sensation d’agressivité.

La lumière devint plus intense, et le tunnel s’arrêta près d’une corniche. Flotteur fit un signe de ses tentacules, et Kyle sortit en rampant. Jan suivit. Elle et Kyle se cachèrent derrière un mur de pierres sculptées par la main de l’homme au moment où duo de chasseurs TIE passait par là. Après avoir tourné autour d’un pilier de roche, les chasseurs disparurent au loin.

Jan rampa pour se positionner à côté de Kyle. Elle se mit à genoux, et jeta un œil par-dessus le muret. Une tour se dressait à des centaines de mètres dans les airs. Des plateformes d’amarrage germaient de chaque côté comme des bras rétractables. Jan vit un transport lourdement chargé décoller d’une plateforme d’amarrage, descendre sur cinquante mètres et disparaître au loin.

Le vaisseau devrait se frayer un chemin à travers une série de canyons raccordés les uns aux autres avant d’émerger dans le désert où il pouvait voler à une vitesse élevée. Une vitesse qui lui permettrait de se libérer de la gravité de la planète et de traverser l’atmosphère. Un signe qui prouvait que les impériaux avaient trouvés quelque chose qui valait le coup d’être volé. Il y avait également d’autres cargos, ainsi que des navettes et un essaim de chasseurs TIE.

Kyle scruta la vallée qui s’étendait plus bas. Il vit un duo de TB-TT marcher le long d’un sentier, un trio de droïdes sondes voler vers la tour, et une colonne de soldats impériaux marcher vers un bâtiment préfabriqué.

Jan lui donna une petite tape.

— Alors, qu’est-ce que tu en penses ?

— C’est pire que ce que j’avais imaginé, répondit Kyle en observant la colonne à travers ses électrojumelles. Bien pire. Les impériaux ont vraiment planté leurs griffes dans cet endroit.

Jan acquiesça.

— C’est sûr.

— Attends une minute, dit Kyle. Regarde qui est là.

Le Jedi tendit les électrojumelles à Jan et indiqua la tour.

— Au sommet de la plateforme d’amarrage. Un homme et une femme.

Jan se concentra sur le sommet de la tour et balaya le bâtiment jusqu’à trouver la plateforme d’amarrage en question. La femme portait des vêtements noirs, tout comme l’homme.

— Je les vois. Qui sont-ils ?

— L’homme s’appelle Jerec, répondit Kyle d’un air pensif. La femme fait partie des nombreux Jedi Noirs qui le servent.

— Comme ceux que tu as tués sur Sulon.

— Exactement.

— Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

— Moi, je vais visiter la tour, dit Kyle. Toi, tu restes ici.

— Non, je viens aussi.

— Pour laisser Flotteur tout seul ?

Jan regarda le Jedi d’un air perplexe. Essayait-il de la protéger en se servant du bondissant comme excuse ? Où était-il réellement inquiet pour la sécurité de l’alien ? Difficile à dire.

— Tu vas te mettre dans de beaux draps.

— Et tu seras là pour me sauver, dit Kyle en esquissant un sourire.

Aucun d’eux ne remarqua l’œil céleste qui scannait les signaux thermiques au-dessus d’eux.

Les heures qui suivirent le départ de Kyle semblèrent interminables. Le soleil se leva, la température augmenta, et Flotteur fut forcé de se retirer dans l’obscurité relative qu’offrait l’aqueduc. Jan, effrayée à l’idée de manquer quelque chose, garda sa position. Mais c’était difficile.

Difficile de rester caché, et de rester éveillé. La nuit avait été longue et difficile, et tout cela, combiné à la chaleur du soleil, lui donnait sommeil. C’est la raison pour laquelle un esquif de combat parvint à s’approcher d’aussi près sans que Jan le remarque immédiatement.

Lorsqu’elle prit conscience de la présence des soldats impériaux embarqués sur la barge en approche, Jan réalisa qu’elle avait commis une terrible erreur.

Le véhicule transportait une demi-douzaine de soldats. Un officier hurla en pointant du doigt l’endroit où Jan se cachait.

Une fois alertée, la rebelle fut rapide, extrêmement rapide, et son blaster sembla bondir dans sa main. Elle ouvrit le feu. L’officier tomba de l’esquif, et le canon à énergie articulé se mit à cracher ses munitions. Le faisceau de tirs passa au-dessus de la tête de Jan et heurta l’aqueduc.

Des rochers chauffés par l’impact explosèrent dans toutes les directions, et l’ouverture s’effondra. Un officier hurla.

— Jerec la veut vivant, bande d’idiots !

Jan trébucha en arrière alors que l’esquif menaçait de l’écraser. Il fallut moins de trois minutes pour que les soldats descendent de l’esquif, neutralisent l’agent rebelle, et la menottent. Un officier, dont le regard était dissimulé par une visière, donna des ordres :

— Embarquez-là à bord… et dégagez la cavité. Il pourrait y en avoir d’autres, et je les veux tous.

Jan se souvint des tunnels secondaires qui menaient plus profondément dans la montagne, et elle savait où Flotteur irait. C’était une maigre consolation, mais c’était mieux que rien. Ses pensées allèrent vers Kyle. Que ferait-il sans elle ? Et si les choses en arrivaient là, que ferait-elle sans lui ?

Kyle sentait que quelque chose n’allait pas, mais il ne parvenait pas à savoir quoi. Il étendit ses perceptions, cherchant le moindre danger, mais il ne trouva rien d’autre que du calme. Réconfortant, mais impossible étant donné les circonstances. C’était comme si quelqu’un ou quelque chose avait annihilé ses sens. Mais c’était impossible, n’est-ce pas ?

Le malaise persista alors que Kyle descendant le long d’une cheminée à trois côtés et se laissait tomber à la surface du sol. Il avait été chanceux, presque trop chanceux, mais ce n’était pas de son fait.

Le Jedi envisagea d’utiliser une corde mais se ravisa. En supposant que sa chance continuait et qu’il s’en sortait vivant, cette corde serait utile.

Le passage du temps, ainsi que les forces naturelles de l’érosion, avait causé une accumulation de rochers aux pieds de la colline. Le rebelle s’en servit pour se déplacer furtivement.

La tour était un excellent point de repère et on ne pouvait pas la rater. Après s’être retrouvé en face de la structure, l’agent se fraya un chemin vers le fond de la Vallée, et jeta un œil furtif à travers une cavité creusée dans les rochers.

La zone située entre la cachette de Kyle et la base de la tour était complètement découverte. Traverser était hors de question. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était attendre.

Une heure passa. Le soleil baignait l’endroit de chaleur, son corps était en sueur, et sa réserve d’eau disparaissait gorgée après gorgée. La situation de l’agent était désespérée. Un véhicule à tractation apparut, lui offrant la seule chance qu’il fût susceptible d’avoir. Il vit un seul garde assis près du pilote, en pleine conversation.

Kyle attendit que le véhicule avançât au niveau de sa position, se précipita à travers l’espace qui les séparait, et bondit sur un coupleur. Une rangée de quinze véhicules suivait le véhicule tracteur et projetait un énorme nuage de poussière rougeâtre. La poussière le fit tousser, mais le bruit généré par les moteurs du tracteur couvrit le son.

Le train de véhicules passa un parking à moitié occupé et contourna la tour. Dès que le moment vint, Kyle bondit au sol et se précipita vers un des énormes piliers qui soutenaient la structure. Il fit une pause, tendant l’oreille à l’affût de la moindre alarme. Aucune alarme.

Kyle se retourna et courut vers le cœur de la tour. Les sentinelles, le regard concentré sur la vallée qui s’étendait à l’horizon, se tenaient dos à lui. Le rebelle les contourna, pressa un interrupteur « haut » et attendit le turbo-ascenseur. Les portes s’ouvrirent et un groupe de commandos fit son apparition.

Kyle coinça son sabre-laser sous son bras, un peu à la manière d’un officier qui portait un bâton de fanfare, et fit un signe de tête en croisant les commandos. Le rebelle prit un air hautain, vit que l’un des impériaux s’apprêtait à dire quelque chose, et se renfrogna.

Cela, ajouté au sabre-laser, suffisait à entretenir l’illusion. Les Jedi Noir, et c’était bien là ce que ces commandos le soupçonnaient d’être, étaient réputés pour leur manque de patience. Ceci étant, aucun des commandos n’osa prendre la parole.

La porte se referma, et le turbo-ascenseur s’éleva à une vitesse impressionnante si Kyle avait eu besoin de se dépêcher. Certes, il était un Jedi, et certes, il avait fait preuves de ses talents face à trois subordonnés du maître obscur, mais l’idée d’affronter Jerec lors d’un face à face le terrifiait. Il avait besoin d’aide. Beaucoup d’aide.

C’est alors que Rahn se manifesta dans l’esprit de Kyle.

La Force est avec toi, tout comme je suis avec toi.

Kyle s’efforça de sourire.

— Quoi, sans arrêt ?

À chaque seconde, répondit sèchement le maître Jedi, depuis que tu as posé le pied sur Ruusan.

— Ça tombe bien, parce que j’ai besoin de votre aide.

Le savoir, et l’admettre, est une preuve de force. Le demi-homme attend. Utilise mon nom pour garder l’avantage.

Qui était ce demi-homme ? Et quelle différence ferait le nom de Rahn ? Kyle avait une demi-douzaine de questions en tête, mais le turbo-ascenseur commençait à ralentir. L’agent prépara son sabre-laser, posa son pouce sur l’interrupteur, et fixa la porte du regard.

Le turbo-ascenseur s’arrêta. Il y eut une petite sonnerie, et une lumière s’alluma. La porte s’ouvrit, et un droïde messager se glissa dans l’ouverture. La machine émit un couinement, envoya un signal au turbo-ascenseur, et attendit que la plateforme commence sa descente.

Kyle s’approcha de la porte, glissa la tête hors de la cage d’ascenseur et découvrit une plateforme inoccupée. Il pouvait entendre le bruissement d’une machinerie. Le message était clair : sortir de l’ascenseur ou tenter sa chance à un autre étage. Il n’y avait aucune trace d’un demi-homme, d’un homme entier, ou de tout autre humanoïde.

Stupéfié par l’erreur de Rahn, et plus qu’un peu inquiet, le rebelle fit deux pas sur la plateforme. Ses pas résonnèrent, et la porte se referma derrière lui. Une rampe de chargement dépassait sur la droite, révélant la présence d’un vaisseau cargo.

Kyle fit deux pas en avant, sentit une légère détonation, et se retrouva brusquement inondé de sensations. Rien d’inhabituel, en tout cas pas d’après ses critères. Juste le genre de sensations qu’il avait l’habitude de recevoir à travers la Force, mais qu’il ne parvenait pas à comprendre avant dix ou quinze minutes. Pourquoi ?

La réponse le frappa d’un coup. Quelque chose – il n’était pas sûr quoi – heurta son épaule et le fit tomber. Il roula sur le dos, bondit sur ses pieds, et activa son sabre-laser. L’air crépita et se retrouva empli d’une odeur d’ozone.

C’est là que Kyle comprit que Rahn avait dit vrai. La partie inférieure du corps de son adversaire était manquante. C’était la Force qui le maintenait dans les airs. Le crâne du Jedi Noir était rasé et semblait trop petit pour son corps. Son regard était empli de haine, et sa bouche était tordue sous l’effet de la fureur. Deux énormes bras pendaient de son torse musclé, et l’un d’eux portait un sabre-laser.

En plus d’aider le Jedi Noir à flotter dans les airs, la Force exerçait son influence sur d’autres objets tels que des cailloux, une ration alimentaire, et un tas de câbles. Toutes ces choses orbitaient autour du corps du demi-homme comme les planètes tournaient autour du soleil.

Le sabre-laser bourdonnait d’énergie maléfique, et le demi-homme prononça des paroles grinçantes.

— Je m’appelle Maw… tu vas mourir !

— Peut-être, répondit Kyle sur un ton calme, en me rappelant bien sûr que mon ami Rahn t’a fait déjà perdre quelques centimètres.

L’effet de ses paroles fut électrifiant. Le visage de Maw changea de couleur sous l’effet de la colère, et il poussa un grognement de rage pure. Il réagit à une vitesse plus fulgurante que Kyle ne l’avait anticipé. Le rebelle se jeta en arrière, laissa le Jedi Noir passer au-dessus de lui, et lui fit une entaille dans le dos.

Maw hurla de douleur, perdit sa concentration, et heurta le sol. Le sabre-laser lui glissa des mains, et des débris tombèrent sur sa tête et ses épaules.

Kyle fit un seul pas en avant et scruta le dos de son adversaire. Il considéra l’idée de l’achever, mais il ne pouvait s’y résoudre. Maw souleva son poids à l’aide de ses poignets, se retourna, et leva les yeux.

— Je suis sans défense… Tue-moi ! Ou es-tu trop lâche ? Comme ton père l’était !

Kyle baissa la tête. Sa haine, contenue et contrôlée pendant si longtemps, bouillonnait en lui. Il la sentait irradier hors de lui, se glisser hors de son corps, et picoter le bout de ses doigts. Son sabre-laser bourdonnait, et ses doigts s’enroulaient et se déroulaient autour de la poignée bien usée. Il avait en face de lui l’un de ceux qui avaient assassinés son père ; et pas seulement son père, mais des centaines de personnes, peut-être même des milliers. Tuer une telle personne serait juste, et pourtant…

Maw esquissa un sourire démoniaque.

— Ton père était à genoux, pleurant comme un bébé, avant que Jerec ne le tue. J’ai placé sa tête sur une pique, à un endroit où toutes les autres vermines rebelles pourraient la voir.

Le sabre-laser de Kyle se dressa et s’abattit. La lame entra dans l’épaule gauche du demi-homme, trancha à travers son torse, et ressortit du côté droit de son corps. Il y eut une explosion de sang alors que Maw se séparait en deux morceaux distincts, et Kyle sentit de l’énergie tourbillonner autour de lui. De l’énergie obscure, attirée par la nature de son acte, prêt à être déchaînée.

Choqué par ce qu’il avait fait et malade à l’idée d’un tel massacre, Kyle recula. Une voix vint de derrière.

— Excellent… ton voyage dans le côté obscur a commencé. Mais ce n’est que le début…

Kyle se tourna pour découvrir que Jerec, Sariss, et Boc venait d’émerger du turbo-ascenseur, et que Jan était avec eux. Boc bouscula Jan. Elle trébucha et reprit son équilibre. Kyle vit les hématomes sur son visage et réalisa que ses mains étaient attachées. Jan força un sourire.

— Désolé, Kyle, on dirait que je ne pourrai pas te sauver cette fois-ci.

Jerec la bouscula et Jan tomba à terre. Il pointa du doigt l’endroit où elle était étalée.

— Tue-la ! Embrasse ta vraie destinée… ton vrai pouvoir.

Le temps sembla s’allonger. Jerec sentait la soif de Kyle, l’ambition qui grandissait dans sa conscience. Il esquissa un sourire. Voilà la faille que Rahn avait tant craint, voilà la faiblesse que Jerec avait recherchée, voilà une soif qui égalait la sienne.

Jan regarda son compagnon dans les yeux, vit la tentation dans son regard, et se demanda si elle l’avait mal jugé.

Boc esquissa un sourire malfaisant, et fit une petite danse, attendant que quelqu’un soit tué. Il portait deux sabre-lasers. L’un fixé dans au dos de sa ceinture, l’autre devant.

Kyle regarda Jan et Jerec tour à tour. Le fait qu’il était tenté, qu’il pouvait être tenté, le rendait malade.

— Non.

Le Jedi Noir invoqua l’énergie qui émanait de la Vallée. Il lui donna forme et la projeta sur Kyle. La poussée de Force projeta le rebelle en arrière et le fit tomber sur une rampe de chargement. Il tituba et alors qu’il venait à peine de reprendre son équilibre, une autre explosion d’énergie, cette fois-ci plus puissante, l’aspira au fond du vaisseau cargo.

Le sas détecta sa présence, et la porte commença à se refermer. La rampe de désintégra. Le vaisseau se pencha, et tomba en direction des rochers situés en bas.

Jan se leva, tenta de marcher jusqu’à la corniche, mais fut plaquée au sol. Boc se mit à rire et posa un pied sur son torse.

Inconscient de ce qui se passait au-dessus, Kyle se releva et sut immédiatement ce qu’il devait faire. Se diriger vers le ventre du vaisseau et passer par le sas de chargement. C’était sa seule chance.

Le sas de chargement ? Pourquoi le sas de chargement ? Il n’avait pas la réponse, juste une sensation d’urgence.

L’écoutille interne s’ouvrit et Kyle se glissa à travers pour se retrouver dans l’un des deux corridors qui parcouraient la longueur du vaisseau. Comme sur la plupart des vaisseaux de la même conception, il y avait un conduit d’urgence qui parcourait le vaisseau de haut en bas. Kyle tituba car le nez de l’appareil était toujours penché en avant. Il se mit à genoux et ouvrit l’écoutille d’accès encastré dans le sol.

Une échelle était fixée sur une paroi du conduit. Le rebelle cramponna les barreaux de l’échelle, entama sa descente, et activa le sas. L’agent arriva au bout du conduit et atterrit sur le sas de chargement. Où c’est ce qui se serait passé, si le vaisseau avait été à l’endroit. Le vaisseau étant penché en avant, le rebelle rata le sas et dut lutter pour remonter.

De précieuses secondes passèrent pendant lesquelles il traversa le sas et entra dans un compartiment à l’air familier. Le Corbeau ! Les impériaux avait localisé le vaisseau et l’avait emmené dans la tour. L’agent entendit un bip et comprit que WeeGee était enfermé dans l’un des compartiments de stockage. Mais il n’avait pas le temps de le libérer. S’il parvenait à enclencher les moteurs… s’il parvenait à rompre la connexion…

Toutes les chances étaient contre lui, mais Kyle ne pouvait faire autrement. Il se fraya un chemin jusqu’à l’habitacle de pilotage, s’installa sur le siège du pilote, et enfonça l’interrupteur d’urgence. Des alarmes retentirent et des lumières s’allumèrent alors que le navordinateur du vaisseau faisait fi du non-respect du protocole. Ignorant les procédures de sécurité habituelles, et répondant aux prières du rebelle, les moteurs se mirent à gronder.

Kyle se mordit les lèvres, enfonça le bouton de décollage d’urgence, et ressentit la présence d’autres vaisseaux. Une montée de puissance, ainsi qu’une embardée à bâbord, augmenta la distance qui séparait le Corbeau de ses poursuivants. L’agent tira la manette de contrôle, vit une lumière aveuglante scintiller lorsque le cargo frôla le sol, et prit de l’altitude.

Le Corbeau trembla violemment, et heurta une cime rocheuse. Les moteurs bâbords se coupèrent, le nez de l’appareil se pencha en avant, et le Corbeau tomba. La coque percuta le sol, rebondit, et commença à glisser.

Kyle se dit qu’il aurait aimé penser à boucler sa ceinture. Sa tête heurta le panneau de contrôle. Le rebelle était inconscient lorsque le vaisseau s’immobilisa enfin. Son rêve, si c’en était un, semblait incroyablement vrai.

Rahn souriait comme pour accueillir Kyle chez lui. Il portait une robe aux couleurs claires, ainsi qu’une capuche qui tombait sur ses épaules.

— Ce qui est découle de ce qui était. Le meilleur moyen d’apprendre une chose est de ressentir ce qu’elle était.

Le Jedi disparut, et Kyle réalisa qu’un autre esprit coexistait avec le sien. Bien qu’ignorant apparemment de qui il s’agissait, il était tout à fait conscient de sa présence. Il percevait les souvenirs d’une jeunesse passée à explorer les étoiles, d’une passion pour une femme morte depuis longtemps, et d’une planète recouverte de glace et de neige. Il y avait également une lassitude, car l’esprit était très, très vieux.

Mais le mal n’avait que faire de l’âge ou de l’infirmité. Il grandissait là où il le pouvait, enfonçant ses racines profondément dans le riche fertilisant de l’ego, de la luxure, de l’envie, et de la haine, envoyant de nouvelles ondes à la surface où elles formaient un enchevêtrement qui ne laissait rien échapper. C’est pourquoi Tal avait ramassé son sabre-laser au-dessus de la cheminée, et rejoint l’Armée de la Lumière.

— Tal ? Tu es réveillé ?

Ce n’est que lorsque le Jedi ouvrit les yeux que Kyle réalisa qu’il était resté inconscient. Un homme était assis à côté de lui : un géant aux cheveux longs et blonds, une mâchoire saillante, et des yeux bleus comme la glace. Ils pétillaient de joie.

— Te voilà enfin. J’avais peur que tu rates la reddition.

Tal choisissait ses mots avec prudence. Hoth avait beau être un Jedi, et un grand Jedi, de nombreuses voix tentaient de briser son attention. Ces voix étaient si nombreuses qu’il était difficile pour l’homme de les distinguer. C’est pour cela que Tal réservait son conseil pour les questions les plus importantes. C’est pourquoi il choisissait ses mots avec prudence.

— Il n’y aura pas de reddition. Ni aujourd’hui, ni demain.

Le visage du Seigneur Hoth devint sombre comme plongé dans l’ombre.

— Tu me fais perdre patience, vieillard. Nous avons créé une armée à partir de rien… Nous avons transformé des cargos en bâtiments de guerre… nous avons livré sept terribles batailles… des batailles qui ont provoqué la mort de milliers de Jedi. En dépit de leur nombre supérieur, en dépit de leur brutalité, en dépit de leur volonté d’invoquer le côté obscur de la Force, la Confrérie des Ténèbres a perdu tous ces affrontements sauf deux. Il ne leur reste qu’une alternative… et c’est la reddition. Pourquoi refuser l’évidence ?

Tal haussa les épaules.

— Parce que tout ce que nous considérons être impensable, ils sont prêts à l’accomplir sans hésiter.

— Quoi ? demanda Hoth. De quoi as-tu peur ? Dis-le-moi. Je ne peux pas agir à partir du pressentiment d’un seul homme… peu importe la confiance que j’accorde à cet individu.

Tal chercha les mots qui pourraient d’expliquer ses craintes, mais ne trouva rien.

— Je suis navré, monsieur… c’est un pressentiment. Rien de moins, rien de plus.

Hoth secoua la tête, apparemment irrité.

— Je suis entouré de toutes sortes de flagorneurs, de voyants, et de devins. Viens, il est temps de partir.

Tal se servit de son bras du siège de campagne pour se relever. Il fit une révérence.

— Je prie pour avoir tort, monsieur, car rien ne me plairait plus. Je serai à vos côtés quelle que soit la fin.

Hoth sourit et prit la main du vieil homme.

— Je le sais et je n’en suis que plus fort. Viens… l’histoire nous attend.

Le leader Jedi attrapa son sabre-laser, fixa sa cape sur ses épaules, et fit un pas hors de la tente. L’Armée de la Lumière le vit émerger de sa tente, et un millier de voix hurlèrent son nom.

Tal jeta un dernier regard à la tente, sachant qu’il ne la reverrait plus jamais, et marcha jusqu’à l’entrée.

Il fallut une bonne partie de la matinée pour rassembler les troupes, parcourir la route tortueuse, et entrer dans la Vallée. Tal était ravi que les évènements se déroulent lentement, car l’âge avait vidé son corps jadis robuste de sa force et de sa vivacité.

Mais son esprit demeurait intact. Il était plus fort, soutenu par plus de quatre-vingt ans d’expérience et à l’affût de la moindre ondulation dans la Force. Tal pouvait ressentir ce que les Sith avaient accompli. La Force semblait coaguler comme le sang d’une blessure, alourdir l’air autour d’elle, exercer une pression sur leurs poitrines.

Les autres le sentaient aussi, car c’étaient des Jedi, sages dans les voies de la Force. Les visages devenaient sinistres, les muscles se tendaient sous le fardeau invisible, et l’air crépitait sous l’influence d’une énergie contenue.

Des poteaux apparurent de chaque côté de la route. Chacun d’eux portait les restes picorés d’un Jedi dont les vêtements portaient les traces d’une vie passée, balayée par le vent.

Des collines longeaient le chemin et servaient de points d’observation depuis lesquels les Sith pouvaient tout voir. Leurs rangs étaient réduits, de beaucoup, mais ils n’en restaient pas moins intimidants. Leurs bannières languissantes flottaient sous la brise, leurs yeux étincelaient de haine, et leurs mains étaient toutes posées sur leurs armes. Car ils étaient tous des survivants, des êtres si doués dans le domaine du combat mental et physique que même sept batailles violemment menées n’avaient pas suffi à les abattre. Bien au contraire, elles avaient été l’occasion pour eux d’aiguiser leurs talents. Tal savait qu’ils représentaient – et qu’ils représenteraient toujours – un danger.

Une double rangée de têtes apparut, chacune placée de chaque côté de la route. De nombreux visages étaient encore reconnaissables. Tal vit l’une de ses élèves, les yeux dénués de la joie de vivre qu’on lui connaissait jadis, et sentit un profond sentiment d’amertume. Il pensa à Hoth, à supplier le maître Jedi d’annuler l’opération, mais il savait pertinemment que c’était inutile. La même détermination qui faisait de Hoth un grand leader causerait sa perte. Rien ne pouvait l’arrêter… à part la mort elle-même.

Les chambres, presque aussi grandes que l’ego de la personne pour laquelle elles avaient été construites, s’étendaient sur des kilomètres. Situées profondément dans le sous-sol de la planète, elles s’étaient révélées invulnérables aux bombes, aux missiles, et aux divers assauts. Jusqu’à aujourd’hui. Plus d’un millier de drapeaux usés par les combats pendaient des parois rocheuses. Beaucoup portaient encore le sang de ceux qui les avaient amenés là.

Les leaders à qui on les avait confiés, ou ce qui en restait, étaient alignés devant ces drapeaux. Certains étaient humains, beaucoup d’autres ne l’étaient pas. Leurs regards étaient vides, leurs blessures étaient remplies de solutions curatives, et leurs corps sans vie étaient soutenus par des tiges en acier.

Des trophées se tenaient en deux rangées et formaient la lettre « V ». Kaan était assis à l’endroit où les lignes se croisaient, sur un trône fait d’os. Il avait des cheveux blancs, un front proéminent, et un menton pointu. De la puissance irradiait du Seigneur Sith comme de la chaleur irradiait d’un rocher noirci par le soleil. Cette puissance faisait chatoyer l’air autour de lui, envoyait de l’électricité statique à travers les comlink, et rongeait les esprits sans défenses. Ses yeux étaient emplis de haine et sondaient les êtres qui se tenaient devant lui.

— Ils arrivent.

Ses commandants en second, tiers, et quarts étaient morts, tués dans d’épiques batailles qui avaient eu lieu au cours des semaines précédentes. Numéro cinq, le Jedi Noir connu sous le nom de LaTor, s’avança et s’inclina. Kyle s’inclina avec lui.

— Oui, mon seigneur. Ils arrivent.

— Nous n’avons aucun moyen de les arrêter ? Aucun plan pour notre salut ?

— Non, mon seigneur, aucun à ma connaissance.

— Alors nous devons en créer un ! La reddition est hors de question. Rassemblez mes guerriers.

— Oui, mon seigneur.

Il fallut deux bonnes heures pour répandre la nouvelle, conduire ce qui restait de la Confrérie à l’intérieur des chambres, et capter leur attention.

Une fois rassemblée, l’Armée des Ténèbres avait l’air lamentablement petite. Moins de deux mille Sith, contre les vingt mille qui avaient suivi Kaan dans les premières batailles. Pourtant, bien que peu nombreux, ceux-là étaient les plus malins, les plus forts, et les plus puissants du lot, car les autres étaient morts, vaincus par Hoth et son Armée de la Lumière. L’air crépitait sous l’effet d’une énergie tout juste contrôlée. Kaan se leva et les chambres plongèrent dans le silence. Ses yeux firent le tour de l’audience, trouvèrent ceux qui savaient être des leaders, et invoqua leurs esprits.

— Salutations, mes frères… et bienvenue dans les ténèbres. Notre grande et noble cause touche à sa fin. Les forces qui préfèrent l’anarchie à la structure ont gagné. Car quelle est cette « démocratie » dont ils parlent si ce n’est l’absence d’ordre ? De raison ? Il est certain que les forts règneront, car c’est ainsi que va la nature. Mais nous devons oublier ce qui aurait pu être, et nous concentrer sur ce qui est. La défaite n’est qu’à quelques heures, et elle condamne nos rêves à la destruction. Je vous demande de me rejoindre dans une dernière tâche. La création d’une arme si puissante qu’une fois déclenchée, les victorieux deviendront les vaincus, et seront balayés des pages de l’histoire.

Kaan était un orateur talentueux, et il savait quand il devait s’arrêter. Les chambres plongèrent dans le silence. LaTor laissa le silence grandir… avant de le briser avec le salut traditionnel.

— Gloire à Kaan !

La réponse tomba comme la foudre et résonna à travers les murs des chambres.

— Gloire à Kaan !

Ainsi, la décision était prise de placer la mort avant la vie. Plus d’un millier d’esprits entraînés étaient concentrés sur un seul et même objectif. Vint d’abord la création d’une structure mentale qui ressemblait à une bombe. Un conteneur dans lequel on pouvait stocker de l’énergie. Vint ensuite le moment d’inverser le courant de la Force, de saisir les ténèbres qui y résidaient et de concentrer cette énergie dans le conteneur.

Le temps semblait suspendu, l’air était saturé d’énergie concentrée, et trois Jedi Noirs s’effondrèrent, leurs esprits écrasés par la violence du processus. D’autres devinrent fous, brandissant leurs armes avant d’être exécutés par leurs capitaines d’armement.

Kyle était un novice en comparaison de ceux qui l’entouraient, et il serait probablement mort sans LaTor et la force des autres Jedi. Car LaTor était puissant, très puissant, et Kyle était stupéfait par la puissance qui habitait le côté obscur. Sa puissance et sa relative facilité d’accès… une tentation pour quiconque possédait le talent nécessaire.

Finalement, leurs robes trempées de sueur et leurs cœurs battant comme des tambours de guerre, la Confrérie acheva enfin le processus. La bombe de pensée était complète. Une énergie s’était échappé à la surface, avait enveloppé les Jedi victorieux et les avait traîné jusqu’enfer.

La confrontation finale eut lieu dans la Vallée située au-dessus des chambres. C’était là, dans un amphithéâtre creusé par les forces du vent, de la pluie, et de l’érosion, que la Confrérie des Ténèbres s’était rassemblé en attendant la mort.

Et ce fut là que Tal ressentit une douleur lancinante parcourir son corps, sachant que la mort attendait non loin, mais déterminé à défendre son maître.

Et ce fut là que Kaan, le Seigneur des Ténèbres, rencontra Hoth, le Défenseur de la Lumière. Kaan fit un geste pour indiquer les collines qui se dressaient de chaque côté.

— Bienvenue, seigneur Hoth. Bienvenue dans la tombe et dans l’obscurité dont personne ne ressortira jamais.

Cette idée était relativement vulgaire, de la même manière que la pression exercée par un tireur d’élite représentait seulement une fraction de sa force totale mais avait la capacité de détruire ce qu’il n’aurait jamais pu créer.

Cependant, l’explosion qui suivit fut tout sauf vulgaire, car elle brisa la structure conçue pour la contenir et répandit la destruction sur la Vallée. Tal tituba sous la force de l’impact. Il sentit son corps se dissiper, avant d’être projeté vers les étoiles. De la joie emplit son cœur. Liberté ! Il était débarrassé de la douleur… débarrassé de…

Cependant, la nature abhorrait le vide, et celui contenu au cœur de l’explosion devait être comblé avec quelque chose. Aussi Tal se retrouva-t-il aspiré. Tal et tout le reste. La compréhension emplit l’esprit du Jedi. Ses hurlements se confondirent avec ceux des autres.

— Non ! Pitié ! Non !

Mais le mal était fait. Pour chaque action, il y avait une réaction égale et opposée, et en accord avec cette loi, les deux armées furent annihilées. Un état d’équilibre fut atteint alors que les deux forces s’annulaient, et tous se retrouvèrent piégés. Piégés ensemble pour l’éternité… ou jusqu’à ce que quelque chose vienne perturber l’équilibre existant.

Tal, et son alter ego, Kyle, étaient toujours en train de considérer ce fait, lorsque le rebelle se réveilla.

Chapitre Six

Kyle ressentit une douleur, une douleur plus grande que ce qu’il n’avait jamais ressenti, plus grande qu’il ne pouvait le supporter. Tellement de douleur qu’il lui fallut un moment pour réaliser que cette douleur était la sienne, et non pas celle de son alter ego, Tal.

Le rebelle ouvrit les yeux, vit les étoiles briller dans le ciel, et sentit l’air glacé de la nuit emplir ses poumons. Il tenta de se redresser. Ce qui ressemblait à une aiguille longue de six centimètres s’enfonça dans son crâne et toucha son cerveau. Il grogna et prit appui sur une épaule.

C’est là que Boc fit un pas en avant, et que Kyle comprit que d’autres étaient présents. Son cœur se serra. Les impériaux avaient investi le Corbeau et étaient en train d’extirper son corps hors de l’épave. La tête à l’envers ? Ça n’avait que peu d’importante. La femme qu’il avait vue plus tôt à travers ses électrojumelles était présente elle aussi, se tenant droit comme un « i », tout comme le Jedi que Kyle avait affronté et épargné sur Sulon. Le même qui avait localisé la patrouille disparue ? Oui, sa personnalité dégageait la même impression. Leurs regards se croisèrent, et se séparèrent lorsque Boc brandit son sabre-laser hors de sa robe.

— Mon dieu, quel crash. Tu as de la chance d’être en vie… ou peut-être pas. Oh, qu’est-ce que c’est que ça ? Un sabre-laser ? Non, pas un simple sabre-laser, mais ton sabre-laser, une belle pièce.

Boc plaça l’arme sur une parcelle de schiste, saisit un rocher, et le souleva au-dessus de sa tête.

Kyle essaya de se lever, parvint à se mettre sur un genou, et s’arrêta alors que la douleur emplissait sa tête.

Boc esquissa un sourire grimaçant.

— Oui ? Tu voulais quelque chose ? Non ? Eh bien, voyons si ce sabre-laser est si puissant…

Aussitôt, le Jedi Noir abattit le rocher sur le sol de toute sa force. Il y eut un craquement, et des morceaux de sabre jaillirent dans toutes les directions. Boc gloussa.

— Bon sang ! On ne fait plus les bons vieux sabres-lasers… Enfin, ce n’est pas comme si tu l’avais construit de tes mains. C’est un procédé bien trop complexe pour toi.

Sariss dégaina son arme et pressa l’interrupteur. L’air grésilla.

— Assez… préviens Jerec que nous avons retrouvé Katarn.

Boc regarda Sariss, puis Kyle, et plaça une main devant sa bouche.

— Oh ! Ça n’annonce rien de bon, à mon avis. Mais à quoi t’attendais-tu ? Du lait et des biscuits ?

Le Jedi Noir éclata de rire, se retourna, et s’éloigna. Sariss se tourna vers Kyle et brandit son arme. Kyle contempla la lueur de la lame, et pensa à Jan. Était-elle en vie ? Seraient-ils bientôt réunis ?

Sariss raffermit sa prise autour de la poignée et abattit son arme.

Yun perçut la scène au ralenti. Il sentait une pulsion en lui, et s’interrogea sur sa nature. Avait-il prit sa décision ? Il n’en avait aucun souvenir… En tout cas, il n’avait pas souvenir d’une décision en particulier, mais plutôt d’une longue succession de petites décisions qui, assemblées les unes aux autres, constituaient une seule décision importante. La lame de son sabre-laser sembla s’activer d’elle-même. Si son approche était bien calculée, si son entraînement avait porté ses fruits, il parviendrait à dévier l’arme de son mentor. Elle manquerait son coup, et Katarn serait épargné. Probablement pas pour longtemps, mais ce fait ne dépendait pas de lui.

Du sang jaillit alors qu’un faisceau d’énergie tranchait dans la chair de la Jedi Noir. Surprise par l’attaque, et réagissant instinctivement, Sariss se retourna. Son sabre-laser s’éleva dans les airs, retomba, et trancha l’épaule de Yun. Le jeune Jedi Noir parut surpris, poussa un halètement de douleur, et tomba à genoux.

Sariss était horrifiée. Yun, son meilleur élève, et ce qui se rapprochait le plus d’un ami, était à l’agonie. Pourquoi ? C’était impossible, et pourtant tout se déroulait sous ses yeux. Il était agenouillé devant elle. Elle appela un médecin, et l’écho de son cri sembla revenir à elle sous la forme d’un rire moqueur. Yun se releva. Son regard était perçant.

— Sariss, peux-tu voir la lumière ? À quel point elle brille ?

Puis plus rien. Il se pencha en avant jusqu’à ce que son front heurte le sol, et s’allongea sur le flanc.

Kyle vit Sariss lui tourner le dos, et Yun lâcher son sabre-laser. Saisissant l’occasion, il se servit de la Force pour attirer le sabre-laser à lui. L’arme émit un son claquant en heurtant la paume de sa main. Le rebelle oublia sa douleur, lutta contre ses vertiges, et pressa le bouton d’activation.

Chaque sabre-laser était aussi unique que l’être vivant qui l’avait conçu, et Yun était un parfait exemple. Il était équipé de ce que l’instructeur d’escrime de Kyle aurait appelé une « crosse modifiée », ce qui voulait dire que des projections soigneusement effectuées faisaient écho à la main qui tenait l’arme, et lui offrait un endroit où reposer son index.

En plus de ça, la poignée était faite d’un polymère hautement malléable qui sonda la main de Kyle et se matérialisa en une poignée solide et hautement personnalisée. Kyle n’avait jamais vu de telle chose, mais il fut immédiatement séduit par le dispositif.

Le rebelle brandit l’arme dans la position traditionnelle du « en garde » et crut entendre la voix de son instructeur d’escrime de l’académie. Il avait une voix aiguë et haut perchée.

Ne baisse pas la tête, fixe ton adversaire, et contrôle ton équilibre. L’extrémité devrait être au niveau de l’œil, ou légèrement en dessous, comme…

Bien sûr, une lame en acier différait de celle d’un sabre-laser, mais de nombreuses techniques similaires pouvaient être appliquées.

Sariss se retourna. Ses yeux brûlaient de haine. Rien ne pressait. Aucune entaille ne serait fatale en elle-même, mais chacune ajoutée aux autres provoquerait une mort douloureuse. Puis, une fois que sa force vitale se serait échappée et que son sang se serait mélangé au sable, elle lui couperait la tête. Bien que cela n’atténuerait pas la douleur dans son bras ou la souffrance dans son cœur.

Kyle déglutit, sachant que son adversaire était plus expérimenté que lui, et plia sous l’impact d’une attaque mentale. Cette bataille serait livrée sur deux plans. L’un mental, l’autre physique – tout comme ceux de son « rêve ».

Le Jedi chercha les connaissances qu’il avait acquises auprès du défunt Tal, bloqua l’attaque mentale de Sariss et riposta. Il exécuta un assaut de la troisième posture, fléchit son poignet, et tendit le bras.

Bien qu’elle fût plus légère que son équivalent métallique, l’arme à énergie du Jedi possédait des caractéristiques similaires. Elle pouvait pénétrer comme une dague et trancher comme un sabre. Un sabre à double tranchant.

Sariss para la riposte, se demandant où Kyle avait acquis de telles connaissances, et se retrouva à nouveau assaillie. Le talent de son opposant était une surprise, et lui rappelait qu’il ne s’agissait pas d’un rebelle ordinaire.

Il y avait diverses manières de se défendre contre cette attaque. Sariss choisit la parade cinq, et enchaîna avec une riposte soigneusement effectuée. Sa lame passa sous celle de Katarn, bourdonna en passant à travers le sillage laissé par l’autre lame, et fonça vers sa poitrine.

De l’énergie crépita tandis que l’agent interceptait son coup et se désengageait.

L’attaque avait échoué. Kyle en choisit donc une autre. La botte qu’il lança était une évolution relativement simple. Il dirigea l’extrémité de son sabre vers le sol, tendit le bras, et bondit sur son adversaire.

Sariss vit l’attaque venir, bloqua la lame du Jedi, et remarqua une faille dans sa technique. Le poignet de Katarn était trop bas, un peu sous son épaule, exposant donc son visage à une attaque. Elle bondit en avant alors qu’il reculait, vit une fine ligne rouge apparaître sur sa joue, et ressentit de la satisfaction. Le novice avait eu de la chance, mais son prochain coup ne manquerait pas sa cible. Yun serait vengé.

Kyle vit un flash de couleur et entendit la lame siffler près de son visage. Ses narines furent assaillies par une odeur de chair brûlée. Sa chair. La douleur suivit. De la douleur superposée à de la douleur. Il savait que l’entaille n’était qu’un avant-goût des souffrances à venir. Il était épuisé, blessé, et moins expérimenté. Le Jedi Noir espérait épuiser son adversaire. Ce qu’il lui fallait, c’était une fin rapide et décisive. L’agent reprit sa position initiale et en appela de nouveau aux connaissances de Tal. Que ferait l’ancien maître Jedi dans une telle situation ?

Sariss sentit l’hésitation du Jedi, la confondit avec de la peur, et feinta. Le coup était destiné au torse de Kyle. Il se laissa prendre à son jeu, la vie se retirer, et comprit que le coup était imminent. Il parvint à parer l’attaque, sentit la force de résistance alors que leurs sabres s’opposaient, et trouva enfin la réponse qu’il cherchait…

Tal avait été l’élève d’une autre, et non moins formelle, grande école de duelliste qui était à moitié physique, à moitié mentale. Il y avait de nombreuses évolutions, et nombreuses attaques, mais une seule se prêtait à la situation présente.

La « Coupure de l’Eau Coulante » était préconisée pour un duel lame contre lame. Le timing était crucial… et alors que Sariss se retirait, Kyle comprit qu’il devait être flexible comme de l’eau, mélangeant corps et esprit, et qu’il devait s’avancer, frapper, et libérer Sariss de son enveloppe charnelle.

L’action suivit la pensée. Sa lame s’enfonça dans le torse de son adversaire. Très peu de sang fut projeté étant donné que la blessure fut cautérisée juste après le passage de la lame. Sariss parut surprise. Son regard de pencha vers le point d’entrée de la lame dans sa poitrine, remonta pour croiser le regard de Kyle, puis plus rien. Elle s’effondra en arrière, heurta le sol, et dérapa sur du gravier.

Kyle resta là, chancelant légèrement, luttant pour comprendre ce qui venait de se passer. Il était en vie, ce qui l’étonnait et l’enchantait en même temps. Que faire ensuite ? Trouver Jan ? Partir à la recherche de Jerec ? Ces deux idées avaient du mérite, mais par où commencer ?

Des collines obscures se tenaient fièrement sur à sa gauche, mais le soleil avait commencé à se lever, projetant une douce lumière rosâtre sur les cimes rocheuses. L’ombre plongeait vers le sol, pointant vers la Vallée située plus bas.

Soudain, sans même comprendre comment il le savait, Kyle choisit une direction. Il fit ses adieux à Yun, qui avait sacrifié sa vie pour quelque chose qu’il avait à peine commencé à comprendre, et lui souhaita un repos paisible.

Du gravier craquait sous les bottes du Jedi tandis qu’il suivait l’ombre vers la cavité qui se trouvait plus bas. Il y avait des sentinelles, et une patrouille qui était en chemin pour les terres sauvages, mais Kyle décida de les ignorer. Un commando le vit et fit un pas en avant.

— Halte ! Qui va là ?

Kyle tendit une main.

— Vous m’avez déjà croisé auparavant, et vous êtes au courant de mon accréditation.

Le commando acquiesça.

— Navré, monsieur. Je n’ai pas réalisé que c’était vous.

Le Jedi fit un signe de tête et reprit sa route. La zone située autour de l’ouverture avait été débarrassée de ses débris. Les escaliers étaient suffisamment larges pour accueillir quatre hommes marchant côte à côté. Les marches étaient taillées dans la roche et suivaient la courbe du mur.

L’éclairage s’améliorait à mesure que le soleil s’élevait dans le ciel et envoyait des rayons de lumière dans toutes les directions.

L’air était devenait pesant autour de Kyle. Il entendit une plainte, comme issue d’une multitude de râles de souffrance. Des hiéroglyphes aliens ornaient les murs, et le Jedi tendit le bras pour les toucher pendant que les escaliers l’emmenaient plus bas.

Il y eut un reflet lumineux dans le brouillard. Le scintillement attira l’œil du rebelle et attisa sa curiosité. Qu’est-ce que c’était ? De la ferraille ? Un artefact ?

Kyle atteignit le sol de la chambre, se fraya un chemin jusqu’à l’endroit d’où la réflexion était venue, et poussa du pied une pile de débris. Le métal émit un fracas tandis que le Jedi trouvait ce qu’il cherchait.

Il connaissait l’objet : un outil multifonction, similaire à celui qu’il avait l’habitude d’utiliser, mais plus ancien. N’importe qui aurait pu laisser l’outil à sa place, mais quelque chose poussa le Jedi à l’examiner de plus près. Il le tint sous la lumière et découvrit une inscription : Pour Papa, de la part de Kyle.

Le Jedi sentit une boule se former dans sa gorge et il réalisa que son père était venu ici, et car il avait été incapable de libérer les esprits, il s’était arrangé pour que quelqu’un de plus compétent se charger de les sauver. En supposant qu’il vivait assez longtemps pour accomplir cette mission.

Qu’avait ressenti son père en ayant fait tout ce chemin et en découvrant qu’il n’était pas capable d’aller plus loin ? Avait-il ressenti de la frustration ? De le peur ? C’était impossible à savoir, mais une chose était sûre : Morgan Katarn était venu ici, et s’il était encore en vie, il aurait voulu que son fils persévère. Après avoir rangé l’outil multifonction dans sa poche, Kyle reprit sa route.

Ses sens étaient affûtés, et un millier de sensations inondaient son esprit. Il avait d’abord vu la Force comme une chose abstraite, une chose hors de lui-même, mais ce n’était plus le cas. Maintenant, Kyle avait l’impression de ne faire plus qu’un avec la Force. Elle déferlait et bouillait comme un animal qu’on parvenait à peine maîtriser. Elle s’écoulait des pores de sa peau, emplissait chacune des cellules de son corps, et remplaçait la souffrance et la fatigue. Il se sentait léger, fort, et puissant. Était-ce une bonne chose ? Ou devait craindre quelque chose d’autre ? La mort du demi-homme pesait toujours sur la conscience du Jedi et le forçait à remettre ses motifs en question.

Prudemment, car il n’était pas certain ni de lui-même, ni de ce qu’il s’apprêtait à rencontrer, Kyle s’approcha d’une arche baignée d’ombre. Il la traversa et fit un pas dans la Vallée des Jedi.

Un millier de tombes jonchait le sol. Chacune était unique, aussi unique que l’esprit auquel elle était dédiée. De véritables œuvres d’art. Des années, peut-être des centaines d’années, avaient été peintes sur les murs du vaste mémorial.

Kyle était bouleversé par le spectacle qu’offrait cet endroit. Il descendit un corridor auquel étaient reliées plusieurs allées. Il vit des statues. Certaines étaient sculptées d’après des modèles humains, et d’autres à partir de modèles aliens. En revanche, toutes étaient sculptées dans les moindres détails. Ici, capturé dans la roche, se tenait l’Armée de la Lumière. Qui étaient ses artisans ? Et que leur était-il arrivé ? Les bondissants semblaient être les candidats les plus probables, mais il n’y avait aucun moyen de s’en assurer.

Une tête s’éleva par-dessus toutes les autres, et Kyle marcha dans sa direction. C’était le seigneur Hoth. Son regard était fixé sur quelque chose que Kyle n’arrivait pas à voir. Sa main était posée sur son sabre-laser. Le maître Jedi semblait si réel, si puissant que le rebelle s’attendait presque à l’entendre parler.

Et là, à la droite du maître Jedi, se tenait une figure familière. L’homme se tenait droit en dépit de ses nombreuses années de vie. Il portait une longue barbe blanche, et malgré le fait qu’une capuche dissimulait la majorité de son visage, Kyle savait très bien de qui il s’agissait.

Loyal devant l’éternel, toujours aux côtés de son maître, Tal attendait les années.

Hoth, et la manière qu’il avait de surplomber toutes les figures amassées autour de lui, donna à Kyle une idée. Il scruta les alentours, remarqua une tombe à la surface plane, et se hissa jusqu’à elle. Une corniche courait tout autour de la structure et servait de marche. Des gargouilles aux yeux exorbitées firent office de poignées.

Une fois au sommet, Kyle avait un excellent point de vue sur la Vallée. Il vit une rangée de colonnes, réalisa que quelqu’un avait été ficelé à l’une d’entre elles, et reconnut la personne. Jan était en vie !

Kyle sentit son cœur battre la chamade. Il bondit de l’autre bout du pavé, et jeta un œil en bas. Une autre tombe se tenait à deux mètres en dessous. Le sommet avait été sculpté afin de ressembler au Jedi étendu à l’intérieur. Kyle atterrit sur le front du guerrier et bondit ensuite sur le sol. Les colonnes étaient clairement visibles… et il se mit à courir en leur direction.

Si le rebelle avait été plus réfléchi et moins concentré sur Jan, il aurait remarqué une statue qui ne ressemblait à aucune autre. Une statue qui ne semblait pas seulement en vie, mais qui l’était.

Boc suivit Kyle du regard tout en restant figé. Le Jedi aurait pu sentir sa présence s’il n’avait pas formé un puissant bouclier mental autour de lui. Katarn était en vie ! Mais c’était impossible… sauf si… Où était Sariss ? Yun ? Boc obtint ses réponses lorsqu’il distingua le sabre-laser du jeune Jedi Noir fixé à la ceinture de Katarn. De toute évidence, ils étaient morts. Rien d’irremplaçable de l’avis de Boc, mais néanmoins surprenant. Le rebelle avait la vie facile, mais plus pour longtemps.

Inconscient de la présence de Boc, Kyle entra dans la clairière. Jan le vit et sourit.

— Kyle ! C’est gentil de passer me voir.

Kyle enclencha le sabre-laser de Yun et se servit de l’arme pour trancher les liens de Jan. Les paroles de Kyle étaient légères, mais cachaient un profond soulagement.

— Ça va te coûter cher cette fois-ci…

Jan sentit ses mains se libérer et frotta ses poignets.

— Envoie-moi la facture… Je serai ravi de payer.

— Et tu vas payer, dit Boc sur un ton froid. Tu vas payer.

Il y eut un bruit sourd lorsque le Jedi Noir bondit de son perchoir, suivi par un bourdonnement colérique émis par le choc des sabres.

Kyle résista à la force exercée par Boc, et repoussa son adversaire de toute sa force. Boc sourit. Ses dents ressemblaient à des pierres tombales.

— Tout a une fin, Katarn. Transmets mes salutations à Maw, Sariss, et Yun.

Les actes prirent le relais, et Jan hurla un avertissement :

— Kyle ! Prends garde ! Il a deux sabre-lasers !

Le rebelle bondit en arrière tandis que la seconde lame à énergie fendait l’air près de son visage. Il avait remarqué la deuxième arme durant sa précédente confrontation, mais il l’avait oubliée. Une erreur stupide, et peut-être fatale. Kyle avait peur. Boc sentit sa peur et s’avança.

— Peut-être aimerais-tu apprendre quelque chose avant de mourir ? L’usage de deux lames, l’une pour soutenir l’autre, est une tradition qui remonte à des milliers d’années et qui est connue de nos deux espèces. L’invention de nouveaux sabre-lasers n’a rien fait pour réduire l’efficacité de cette stratégie, comme tu t’apprêtes à le comprendre.

En fait, grâce à Tal, et à l’expérience considérable du vieil homme, Kyle en savait un peu sur le combat à deux lames, ce qui signifiait qu’il savait à quel point une telle combinaison était dangereuse. Ce n’était pas comme si le fait de savoir tout cela allait l’aider, étant donné le fait qu’il n’avait qu’une seule arme à disposition.

Une seule arme dis-tu ? dit une voix dans sa tête. Et que fais-tu de ton esprit ? Es-tu vraiment un Jedi ?

Ces paroles, et le fait de savoir que Rahn était avec lui, lui redonnaient espoir.

Boc s’avança. Ses sabre-lasers semblaient danser devant lui. Ils bourdonnaient d’une malice à peine contenue et dessinaient des lignes intriquées dans l’air. Ses mouvements avaient un effet hypnotique, et Kyle devait lutter pour y résister.

De l’énergie grésilla alors que leurs lames se rencontraient. Kyle se recula alors que Boc lançait une nouvelle série de coups. Le Jedi Noir sourit triomphalement, s’avança à nouveau, et sentit une menace supplémentaire. Il se tourna vers Jan. La rebelle lançait des rochers de toutes ses forces, mais en vain. Les projectiles explosaient alors que les sabres les frappaient et se transformaient en fragments de roche chauffée. Jan trébucha et tomba en arrière alors qu’une décharge d’énergie frappait son esprit.

L’attaque à coups de rochers n’avait infligé aucun dommage au Jedi Noir, mais elle avait fait gagner du temps à Kyle. Celui-ci profita de l’occasion pour invoquer la Force, forger une lance d’obscurité, et la projeter sur son ennemi.

Boc vacilla, lâcha ses sabre-lasers, et saisit l’arme invisible plantée dans son torse. Kyle observa la scène, fasciné, tandis que le Jedi Noir tentait d’extraire l’arme en vain. Il trébucha, et s’effondra au sol. Une statue se dressait devant sa dépouille. Newar Forrth, commandant de la Troisième Légion de la Lumière, semblait donner son approbation.

Le son d’un rire distant résonna dans l’esprit de Kyle.

Magnifique ! C’est la deuxième fois que tu fais appel au côté obscur. Maintenant, commences-tu à comprendre ? Le pouvoir est tout autour de toi. Il attend d’être saisi. Tue la fille, romps les liens qui t’enchaînent à ton passé, et embrasse ton destin.

Inconsciente de l’échange que Kyle avait avec la voix désincarnée, Jan courut dans les bras de son compagnon.

— Kyle ! Est-ce que ça va ? Je ne sais pas ce que tu as fait, mais ça a marché.

Le rebelle la prit dans ses bras et l’embrassa sur le front.

— Viens, trouvons Jerec.

— Ça ne devrait pas être trop dur, répondit Jan. Regarde !

Kyle leva les yeux et vit deux faisceaux de lumière foncer vers le plafond pour s’entrechoquer. Les deux faisceaux foncèrent dans leur direction. Jan baissa la tête alors qu’un hurleur passait en trombes près de sa tête.

— Qu’est-ce que c’était que ça ?

— Ne t’inquiète pas, répondit Kyle. Ils ne te feront aucun mal.

Aucun mal, aucun mal, aucun mal, fit un écho de voix mystérieuses soudain interrompu par une vague de balbutiements incompréhensibles. Ayant perdu toute trace de la réalité durant des siècles d’emprisonnement, beaucoup de ces esprits étaient devenus fous, mais certains demeuraient sains. Ils offrirent des conseils contradictoires.

Refuse le côté obscur, mon garçon.

Pars ! Fuis tant que tu le peux encore.

Affronte-le, fiston, car il n’y a pas d’autre alternative.

Il y avait également d’autres voix, dont certaines parlaient des dialectes étrangers, mais aucune de ces voix n’était aussi claire que celle qui parlait depuis l’intérieur.

Savoir où le mal prend racine et le permettre de fleurir, c’est accepter la responsabilité de tout ce qui suit.

Un édifice apparut en face d’eux. Il marquait le centre de la Vallée et le point duquel émanaient les faisceaux de lumière.

Quelqu’un avait laissé des traces de pas dans le sol, et Kyle les suivit jusque sur l’édifice. Jan suivit le mouvement. La lumière, qui avait gagné en intensité, s’élevait et rejaillissait sur le plafond rocheux.

Kyle pouvait sentir le pouvoir qui se concentrait autour de lui. Il savait que le temps jouait contre lui.

Arrête-le ! s’écria une voix désincarnée. Arrête-le avant qu’il ne soumette les milliards de vies que nous protégeons ! En ce moment même, il renforce les liens qui nous maintiennent captifs ici ! Il prévoit de se nourrir de nos forces, de s’emparer de nos pouvoirs, et de les utiliser pour le mal !

Kyle voulut répondre mais fut coupé dans son élan lorsque le sol se mit à trembler et que des débris se mirent à pleuvoir du plafond. Il était devenu difficile de se déplacer sur ses jambes, alors il décida de ramper à quatre pattes, déterminé à atteindre le sommet de l’édifice. Au centre de la structure se trouvait un gouffre. De la poussière tombait du bord et s’amassait dans la fosse.

Jan arriva aux côtés de Kyle, regarda au centre de l’édifice, et fut surprise par ce qu’il y vit. Jerec, frémissant sous le pouvoir qui traversait son corps, et de la lumière jaillissant de ses cavités oculaires vides. Sa voix semblait venir de partout.

— Oui ! Rejoins-moi ! Partage mon pouvoir !

Kyle continua sa progression. Jan tenta d’agripper son bras mais échoua. Le Jedi bondit, vola dans les airs, et retomba sur ses jambes. Son sabre-laser crépita alors qu’il l’activait.

Oui, hurla un chorus de voix, libère-nous pour que nous ne fassions plus qu’un avec la Force !

Jerec choisit d’ignorer le sabre-laser et les voix des esprits. Il prit la parole sans même se retourner.

— Tes efforts servent la mauvaise cause. Les entends-tu ? Gémissant et pleurnichant ? Est-ce là ce que tu souhaites devenir ? Une voix de plus dans ce concert dédié à la faiblesse ?

Jerec se retourna enfin. Il tendit la main, et déclencha une explosion. Kyle fut propulsé en dehors de la chambre jusque sur le sol de la Vallée. L’impact lui coupa le souffle. Il était étendu là, essayant de respirer, lorsqu’un vent glacial balaya la Vallée.

Il décrivit d’abord un cercle, comme pour canaliser une énergie, avant de prendre de la vitesse. De la poussière et des débris furent aspirés dans le tourbillon. Des voix gémirent tandis que le brouillard s’élevait en tourbillons et que la température continuait de chuter.

Kyle prit appui sur un genou alors que Jerec lévitait hors de l’édifice. Les voix émirent d’autres plaintes lorsque de larges morceaux de l’édifice central et d’autres pavés se mirent à le suivre dans les airs.

Kyle se releva, le cœur battant à toute vitesse, le regard fixé en l’air. Que pouvait-il faire ? Jerec avait réclamé le pouvoir de la Vallée, il s’en était déjà emparé, et il ne tarderait pas à s’emparer de ce qui restait de l’Empire. Que ferait-il ensuite ? Un nouvel empire, pire que le premier. Bien pire. Le désespoir menaça de le détruire. Faire tout ce chemin pour décevoir ceux qui comptaient sur lui était pire que la mort elle-même.

Le rebelle regardait Jerec s’élever et contemplait le pouvoir que le Jedi Noir avait libéré. Un pouvoir attendant d’être utilisé, un pouvoir susceptible de défaire Jerec, susceptible de le vaincre…

Kyle se redressa. Qu’avait dit Jerec ? C’est la deuxième fois que tu fais appel au côté obscur. Quel était le nombre magique ? Le chiffre au-delà duquel il n’y avait plus de retour possible ? Était-ce trois ? Quatre ? Cinq ?

Soudain, Kyle comprit le chiffre n’avait aucune importance, que le côté lumineux offrait plus de pouvoir que nécessaire pour n’importe quelle tâche qu’il aurait à accomplir, et que ce savoir était la clé.

Le Jedi ferma les yeux. Il résista à l’envie de contempler la lumière qui se heurtait à ses paupières, et envoya une série d’ordres. Il invoqua la Force, lui donna la forme d’un cocon de protection, et enferma Jerec à l’intérieur.

Jerec expérimenta une sensation de chaleur et de paix tandis que le cocon de lumière se formait autour de lui. C’était une sensation magnifique, jusqu’à ce quelque chose tourne mal. Le Jedi Noir commença à tomber. Il lutta pour rester dans les airs, et retomba encore. Quelque chose, ou quelqu’un, avait neutralisé son emprise sur le pouvoir du côté obscur de la Force. Qui ? Comment ?

Le Jedi Noir s’efforça de briser le cocon, mais il était trop tard. La colonne d’énergie obscure qui jaillissait de l’édifice avait été rompue, et le maître des Jedi Noirs s’effondra au sol, ainsi que les rochers qui s’étaient élevés dans les airs avec lui.

Kyle ouvrit les yeux. Il vit le Jedi Noir dégringoler, et comprit qu’il avait adopté la bonne approche. En faisant quelque chose de positif, en protégeant Jerec du mal, il avait remporté la bataille. Le sol sous les bottes de Kyle craqua alors qu’il s’approchait de Jerec. Bien qu’il était sonné et gravement contusionné, Jerec était encore conscient.

En dépit de sa cécité, le Jedi Noir savait que Kyle se tenait au-dessus de lui, sabre-laser en main. Sa propre arme était étalé dix mètres plus loin, mais c’était comme si elle était situé à l’autre bout du monde. N’ayant jamais fait preuve d’aucune pitié envers les autres, Jerec n’espérait aucune clémence pour lui-même.

— Tue-moi et le pouvoir du côté obscur sera à toi ! C’est moi qui ai tranché la tête de ton père… ou peut-être l’as-tu l’oublié ?

Kyle baissa le regard vers l’homme qui était étalé devant lui, et expérimenta une étrange sensation de pitié. Il était là, affaibli physiquement, mais cherchant toujours à rallier Kyle à sa cause. Si cela ne fonctionnait pas, alors il espérait qu’on lui offre une mort rapide et sans douleur.

Le rebelle secoua la tête.

— Non, je n’ai pas oublié, et je n’oublierai jamais.

Il tendit la main, sentit le sabre-laser du Jedi Noir se nicher au creux de sa paume, et envoya ensuite l’arme à Jerec.

Jerec, savourant la stupidité du Jedi, se releva, et activa la lame de son arme. De l’énergie crépita alors qu’il s’avançait, et Kyle se prépara à l’affronter. Le rebelle pivota sur son pied droit, et exécuta ce que Tal appelait la « feuille tombante » et « entaillé depuis le ciel ».

Jerec vacilla, leva son arme, et attendit le résultat inévitable. Quelque chose de chaud toucha son flanc, trancha vers l’intérieur, et s’arrêta près de son épine dorsale.

Il fallut un moment à Jerec pour comprendre de quoi il s’agissait. Il réalisa que sa vie touchait à sa fin, et qu’il allait commencer le sombre et long voyage dans le royaume des morts.

Jan arriva aux côtés de Kyle alors que le corps de Jerec commençait à tomber. Son corps sembla perdre toute substance tandis que la Force s’en échappait, et il s’effondra comme une ombre sur le sol.

Pendant ce temps, les anciens liens que Jerec s’était efforcé de réparer avaient été irrémédiablement coupés par la récente agitation. Désormais, assujettie à plus de tension à mesure que les prisonniers se tenaient de se libérer, la structure commença à se briser. L’un des esprits les plus actifs remarqua la brèche, se glissa à travers, et fut rapidement suivi par un autre. Le charme était rompu !

Une multitude de voix crièrent leur joie, entourèrent la Vallée, et rejoignirent le ciel. Les esprits volaient au vent jusque dans l’atmosphère, fredonnant un chant réjouissant, et Kyle sentit un frisson parcourir son échine tandis que les voix le remerciaient, les unes après les autres. Et puis il n’en resta plus une seule. Kyle savait que l’Armée de la Lumière venait de partir pour son dernier voyage, et que sa mission était enfin accomplie.

La « tempête » continua pendant ce qui semblait être une éternité, qui en fait ne dura pas plus de quelques minutes. Finalement, après que le vent se fut calmé et que le dernier hurleur s’en fut allé, les rebelles partirent.

Le chemin vers la sortie, qui traversait une série de monuments, fut long à parcourir. Kyle se retourna en entendant une série de cliquetis, de vrombissements, et de bips. C’était WeeGee. Le Jedi sourit.

— WeeGee ! Tu as survécu au crash ! Je suis content que tu nous aies retrouvés.

Le droïde couina de joie et rejoignit son maître.

Kyle se tourna vers le mur, activa son sabre, et asséna un coup soigneusement calculé. Une section de roche se détacha de la paroi et tomba à ses pieds.

WeeGee tourna son capteur visuel dans la direction de Jan, et elle haussa les épaules.

Le rebelle, inconscient de l’intermède qui se jouait derrière lui, s’agenouilla devant le mur. Il dit ces mots :

— Merci, père.

Et Jan, qui s’était approché de lui, découvrit deux reliefs fraîchement sculptés dans la roche. Elle avait déjà vu des holos de Morgan Katarn, et elle le connaissait de vue. L’autre visage sculpté était nouveau, mais Kyle l’avait décrit suffisamment souvent pour que Jan devine qu’il s’agissait de Rahn. Il y eut un moment de silence pendant lequel Kyle inclina la tête et laissa la Force couler en lui.

Puis, prenant la main de Jan et faisant signe à WeeGee de le suivre, le Jedi quitta la Vallée des Jedi. Et ce fut là, à ce moment précis, que la prophétie devint réalité… Un chevalier était venu, une bataille avait été livrée, et les prisonniers étaient enfin libérés.

LUMIYA, NOUVELLE ÉTOILE DE L’EMPIRE

Michael Mikaelian & Patrick McLaughlin

 

Chronologie

Lumiya, Nouvelle Étoile de l’Empire : un titre qui n’a pas été facile à trouver. Il convient pourtant parfaitement à Shira Brie, devenue ensuite celle que l’on sait. Car oui, il s’agit bien d’une Nouvelle Étoile, d’une Nouvelle Star (sans mauvais jeu de mots), du genre qu’on enterre pendant quelques années avant de déterrer pour remettre sur le devant de la scène une fois oubliée.

Pour preuve, la très courte histoire qui suit a été publiée en 95 dans le Star Wars Galaxy #3, il y a une éternité donc quand on sait que Shira Brie a été ressortie des cartons de LucasFilm en 2006 pour la série de romans Legacy of the Force, dont le premier tome, Trahison paraît ce mois-ci en français. Revenons à cette nouvelle chronique, son contenu, presque anecdotique, permet de faire connaissance avec Lumiya tandis que l’article qui l’accompagne nous présente plus en détail son histoire, liée à celle de l’Empire qu’elle a longtemps servi.

Titre original : Lumiya Dark Star of the Empire

 

La frégate Impériale Revenant, flanquée de ses corvettes d’escorte Wolf-Pack et Borealis, brisa la désolation habituelle de l’espace près de la Dérive de Cron. Les vaisseaux martelaient les petits astéroïdes qui rendaient habituellement dangereuse la navigation dans la Dérive. Sur le pont du Revenant, le faible bip d’un senseur poussa l’une des enseignes Impériale à parler.

— Capitaine Valek, nous approchons de la Station de Recherche des Communications Epsilon Neuf.

— Très bien. Prévenez les de notre…

— Non, siffla une voix grave et métallique. Continuez notre approche à mi-vitesse et contrôlez toutes les transmissions. (Lumiya approcha comme une ombre, le regard perdu au loin.) Capitaine, les scanners indiquent neuf chasseurs X-Wing en approche, vecteur d’attaque deux-sept-neuf.

— Comment la République a-t-elle pu prendre connaissance de cette station, et de plus la capturer ? dit Valek avec étonnement, se tournant pour observer Lumiya, qui ne semblait pas dérangée par cette situation.

— Les Renseignements Impériaux ont appris la nouvelle il y a peu, Capitaine. Apparemment, ils ont fait une avancée dans le secteur d’Elrood pour s’approprier quelques unes de nos technologies.

Il y avait plusieurs fabriques isolées, construites par l’Empire pour effectuer des recherches top secrètes, chacune dissimulées aux alentours de la Dérive de Cron. La tâche actuelle de Lumiya était d’inspecter chacune d’entre elles et de faire un rapport avancé sur leurs progrès. En raison des dissensions entre les divers commandants des forces Impériales, le projet de recherche Epsilon était ignoré de beaucoup. Mais pas par la Nouvelle République.

— Que les corvettes attaquent les batteries laser de la station, ordonna Lumiya, exhalant une vague froide d’autorité sur le pont. Helm, placez-nous au flan de la station, mais maintenez l’attention des turbolasers sur ces chasseurs. Commandant de Vol, lancez l’escadron Alpha d’intercepteurs TIE. Envoyez l’escadron Thêta de bombardiers TIE soutenir les corvettes.

Hors du vaisseau, la Dérive était embrasée de toutes parts, mutilée avec précision par les turbolasers. Les X-Wings furent surpris par les armes lourdes du Revenant, se sentant dépassés par la puissance de la frégate et l’assaut soudain des intercepteurs TIE.

Les tourelles laser de la Nouvelle République tirèrent sans grands résultats sur le flan du Revenant, ignorant les deux corvettes. Le duo découpa avec une précision chirurgicale les armements de la station ainsi que les abris des troupes. Leurs bombardiers TIE les assistant en larguant des torpilles à protons avec une précision surnaturelle, éventrant la plateforme d’atterrissage, ouvrant une brèche d’où s’échappait l’air, vital pour la station.

Du ventre du Wolf-Pack apparurent deux navettes d’assaut. Le Borealis vola au ras et largua deux Juggernauts. Leurs énormes roues passant au dessus des nombreuses barricades alors qu’ils se frayaient un passage vers le centre de la station de recherche ; leurs puissants canons laser déchiquetaient les portes de sécurité du périmètre extérieur. Des stormtroopers aux armures couleur écarlate suivirent, s’infiltrant par les portails grands ouverts. Même dépassés par le nombre, deux contre un, les commandos de Lumiya finirent vite le travail dans la station de sécurité.

Alors que l’échange de tirs faisait rage plus bas, une navette de classe Lambda sortie du Revenant pour se rendre à la surface du planétoïde.

Lumiya étudia le carnage causé par sa flotte tandis qu’elle passait par le trou béant de la station. Les stormtroopers avaient réuni un petit groupe de scientifiques terrifiés, les seuls survivants de la station. Une odeur d’ozone flottait dans la salle, de petites traces de tirs de blaster marquaient ça et là le sol et les murs.

— Toutes les forces de la République ont été éliminées. Nous avons trois blessés. Tout le personnel à été réuni ici, rapporta un stormtrooper, en désignant le groupe.

La lueur des feux léchait le contour de l’armure de Lumiya alors qu’elle approchait des scientifiques.

— Une femme ? s’exclama l’un d’entre eux.

En un instant, il fut soulevé par une force invisible, et vola au travers de la pièce, pour finalement être stoppé par la main de Lumiya agrippant sa gorge. Les autres observèrent avec horreur tandis qu’elle lui brisait le cou.

— Je suis Lumiya, déclara-t-elle froidement, lâchant le corps sans vie du scientifique. Vous aviez pour objectif de développer un nouveau système de satellites espions pour les Renseignements Impériaux. Je suis ici pour vous rappeler votre loyauté envers l’Empire, et pour traiter à ma façon ceux qui négocient avec l’ennemi.

Lumiya se retourna vers la porte toujours grande ouverte. D’un geste rapide de son bras, des filaments mortels d’énergie serpentèrent du fouet laser de Lumiya pour s’enrouler autour d’un emblème de la Nouvelle République. Des étincelles volèrent alors que le symbole de l’espoir se transformait en copeaux métalliques sous la puissance de l’arme. Les scientifiques secouèrent leurs têtes, sachant qu’une fois de plus, ils étaient au service de l’Empire.

— Ma garnison va s’assurer de votre travail constant, et de votre sécurité. Je serai de retour dans huit semaines pour être témoin de vos incroyables progrès. L’échec ne sera pas toléré.

Après cela, Lumiya et son équipe d’assaut embarquèrent à bord des navettes et s’en allèrent. Tandis que les troupes escortant l’équipe d’Epsilon Neuf s’installaient dans leurs nouveaux quartiers, le petit groupe parla doucement.

— Pensez vous qu’ils ont intercepté notre signal ? chuchota une femme aux cheveux sombres.

— J’en doute, répondit un Mon Calamari. Leurs scanners doivent avoir seulement balayé des émissions de faible niveau. Quand notre message atteindra le relais des satellites, il transmettra le signal de détresse… Mais il n’y a aucune garantie que quelqu’un le reçoive.

Lumiya a passé la majeure partie de sa vie au service de l’Empire. Née Shira Elan Colla Brie, elle était native de Coruscant où elle fut élevée dans l’un des domaines appartenant au Sénateur Palpatine. Shira était dotée de tous les dons qu’un enfant peut avoir : elle était belle, intelligente, forte et rapide.

Adolescente, Shira fut sélectionnée pour le COMPNOR, un programme d’endoctrinement des adolescents. Elle devint rapidement une parfaite recrue, démontrant une allégeance sans limites pour l’Empire.

Pour résultat, elle fut admise pour un programme Impérial similaire. La réussite de Shira dans tous les domaines d’entraînement attitra l’attention de Dark Vador, qui recommanda qu’elle soit entraînée pour les opérations de renseignements Impériales. Ses compétences de combat et sa soumission pour l’Empire étaient déjà exceptionnelles, son corps fut biologiquement modifié pour améliorer d’autant plus ses résultats. Les scientifiques de l’Empereur augmentèrent le seuil de douleur que pouvait supporter Shira, lui fournissant un système de régénération accéléré.

La défaite de l’Empire à la bataille de Yavin, où fut détruite la première Étoile Noire, fut un véritable coup dur. Après cela, un plan fut mis en place pour s’assurer que l’Alliance Rebelle ne puisse plus jamais prendre le dessus. Fournissant à Shira une histoire fiable montée de toute pièce, Dark Vador s’arrangea pour l’infiltrer dans la Rébellion en tant que pilote. La ville de Chinshassa sur Shalyvane résistait à la volonté de l’Empire. La ville tout entière fut rasée pour rappeler à ses habitants la peur de l’Empire, et fournir à Shira un alibi fiable.

Shira eut peu de mal à rejoindre la Rébellion après la bataille de Hoth. Les Rebelles étaient désespérément à la recherche de pilotes, ce qu’elle démontra être par ses compétences exceptionnelles. Les mois passèrent, sans que personne ne soupçonne ses véritables intentions.

Dans sa dernière mission pour l’Alliance Rebelle, Shira pilotait un chasseur TIE volé. L’escadron TIE Rebelle était équipé de transmetteurs leur permettant de se reconnaître. Leur cible était un Star Destroyer équipé d’un système de communication expérimental, ce qui rendit les transmetteurs inutilisables. Dans le chaos qui en résultat, le chasseur TIE de Shira fut détruit par un autre pilote Rebelle. Les Rebelles survivants réussirent à détruire le prototype de communication et retournèrent à la base, croyant que Shira était morte. Cependant, grâce à sa physiologie modifiée elle survécut.

Shira fut sauvée par l’Empire et ramenée sur Coruscant. Là-bas, les scientifiques de l’Empereur utilisèrent leur technologie cybernétique la plus avancée pour la sauver. Peu après son rétablissement, le seigneur Vador commença son entraînement aux voies de la Force. Shira rejoint pleinement la voie des ténèbres que lui offrit Vador, commençant une nouvelle vie. À partir de cet instant Shira Brie n’existait plus. Elle devint Lumiya.

Tandis que la bataille faisait rage au dessus de la lune d’Endor, Lumiya commença le test final de tout Jedi. Voyageant jusqu’à l’autre bout de la galaxie, elle découvrit un ancien livre Sith parlant d’une arme forgée de “métal acéré et de lumière brûlante”. Cela servit de base pour son fouet laser, une arme plus difficile à manier que le sabre laser.

Après la mort de l’Empereur, Lumiya traqua les Rebelles survivants avec l’aide d’une espèce alien appelée Nagai, puis plus tard avec leurs ennemis, les Tofs. Durant le conflit final de cette rencontre, Lumiya fut blessée et laissée pour morte une fois encore. Et cette fois encore, elle parvint à survivre, plus forte que jamais.

Lumiya avait à ses ordres trois Star Destroyers (Le Béhémoth, le Fury, et le Rampage), deux frégates Nebulon-B (le Revenant, et le Spectre) et quatre corvettes Corelliennes (le Wolf Pack, le Borealis, le Firestorm, et le Scorpion IV). Chaque Star Destroyer contenant 72 chasseurs TIE et chaque frégate en contenant 24. La corvette Firestorm fut modifiée pour contenir quatre chasseurs TIE pour les embuscades. La corvette Scorpion IV possédait une tourelle lance-missiles dans la section arrière. Des quatre pelotons de stormtroopers sous les ordres de Lumiya, deux escadres avaient été sélectionnées comme gardes du corps pour l’Empereur, et se distinguaient par leurs armures rouges.