Rosalba CARRIERA

1675 – 1757

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Figure 18.

 

Rosalba Giovanna Carriera est née le 17 octobre 1675 à Chioggia dans la province de Venise. Elle est la fille d’Andrea Carriera de Constantino, greffier et d’Alba di Angelo Foresti, brodeuse. Ces derniers ont eu deux autres filles, Giovanna et Angela. Leur famille fait partie de la classe moyenne vénitienne.

Fait rare dans le milieu social peu aisé, leur quotidien familial est consacré essentiellement à la musique, la poésie, l’art de la dentelle et de la peinture, activités couramment enseignées aux femmes du XVIIIe siècle.

Rosalba a quatorze ans quand elle s’essaye à peindre à la peinture à l’huile mais il lui apparait très vite qu’elle a une prédilection pour les sujets fins et délicats. Ce serait sous l’influence du peintre italien Giuseppe Diamantini (1621-1705) et plus probablement sous celle du français Jean Steve, miniaturiste vivant alors à Venise, que Rosalba est encouragée à exécuter des miniatures sur ivoire.

Le tabac à priser est devenu une mode. Rosalba se lance dans la peinture de miniature, afin d’orner les couvercles des tabatières. Elle devient une artiste très en vogue auprès d’une clientèle étrangère de passage à Venise et a beaucoup de succès auprès des voyageurs britanniques. Rosalba développe une technique qui lui est propre et se lance dans la tempera sur ivoire, du latin temperare, qui signifier mélanger. Technique à base de jaune d’œuf et d’huile de lin, qui sert de liant aux pigments, permettant ainsi la perfection dans la transparence et la profondeur des teintes, ceux-ci ne s’évaporent, ni ne s’oxydent, ce qui rend la peinture insoluble à l’eau après séchage.

En 1700, Rosalba a vingt-cinq ans quand elle déménage à Venise dans une maison en bordure du Grand Canal dans le Dorsoduro, partie méridionale de la ville.

Son premier portrait au pastel est celui du collectionneur et critique d’art vénitien Anton Maria Zanetti (1679-1767), qui acquiert nombreuses de ses œuvres et fait la promotion de son travail lors de ses voyages à travers l’Europe.

Dès 1703, Rosalba est l’une des premières miniaturistes européennes. Elle utilise le pastel, qui se caractérise par un aspect poudreux et velouté, matière qui offre le grand avantage de pouvoir être travaillé rapidement et qu’elle apprivoise avec talent. Sa technique consiste à peindre directement, sans dessin préalable, sur un papier bleu, ce qui donne à ses portraits une luminosité toute particulière.

Malgré son succès, Rosalba continue à parfaire sa technique, en nouant des relations fructueuses notamment avec le peintre Italien rococo Gian Antonio Pellegrini (1675-1741), qui épousera sa sœur Angela en 1704, ce qui vient renforcer leurs liens professionnels.

En 1705, à trente ans Rosalba présente à l’Accademia di San Luca à Rome Jeune fille à la colombe, une tempera miniature sur ivoire. Carlo Maratta (1625-1713), alors directeur de l’Académie lui rend un vibrant hommage en la comparent à l’illustre maître bolognais du XVIIe siècle Guido Reni (1575-1642).

Rosalba reçoit l’Accademico di merito, décerné par l’académie, titre réservé aux artistes non romains, et devient ainsi la première femme à être admise à l’Académie en qualité de membre. Celle-ci a été fondée en 1577 à Rome, comme une association d’artistes, afin de promouvoir le travail de ces derniers. Elle comprend des peintres, des sculpteurs et des architectes.

La renommée de Rosalba se répand à travers toute l’Europe grâce à ses portraits plaisants et raffinés aux tons délicats et subtils.

En 1706, Rosalba voyage en Allemagne à la Cour de Düsseldorf où l’a invité Johann Wilhelm von der Pfalze (1658-1716), alors électeur Palatin, fervent protecteur des arts et mélomane averti et passionné. Le roi Frédéric IV du Danemark en visite – en 1709 – à Venise, friand de belles femmes, passe commande à Rosalba de douze miniatures des plus jolies vénitiennes. En 1712, lors d’un voyage à Venise le roi Auguste II de Pologne dit “Le Fort” (1670-1733), visite Rosalba dans son atelier et acquiert une grande collection de ses pastels. Les travaux exécutés font aujourd’hui partie de la grande collection de la Galerie Alte Meister de Dresde en Allemagne.

Son art et son gout très raffinés pour son temps, lui apportent, en 1715, des commandes de portraits de nombreux notables, princes allemands, aristocrates français, lorsqu’ils passent à Venise. C’est d’ailleurs Joseph-Antoine Crozat (1699-1750), amateur éclairé d’art français et grand collectionneur, qui l’encourage à venir à Paris.

En 1719, le père de Rosalba, décède le 1er avril et, le 14 janvier 1720, à quarante-cinq ans, Rosalba est admise comme membre de l’Accademia Clementina de Bologne.

Sur l’invitation de Crozat, Rosalba part pour Paris au début du mois de mars, en compagnie de sa mère et de sa sœur Giovanna. Elles y arrivent par Lyon vers la fin avril et descendent chez Joseph-Antoine Crozat, dont l’hôtel particulier est situé rue de Richelieu.

Sa sœur Angela et son mari Gian Antonio Pellegrini logent dans une auberge près de l’hôtel de Crozat. Pellegrini réalise à cette époque la peinture des plafonds de la Banque Royale de France, à la demande du financier britannique John Law, alors contrôleur général des finances de la France sous Louis XV.

À peine installée, Rosalba Carriera est assaillie de visites et pour ainsi dire persécutée, chez elle, dès six heures du matin, par la noblesse française qui, tous, veulent leur portrait au pastel. Selon ses dires, le 25 novembre 1720, le régent Philippe d’Orléans vient la voir travailler à l’improviste dans son atelier, pendant plus d’une demi-heure, ce qui lui permit ainsi de faire le portrait du jeune Louis XV, alors âgé de dix ans.

Son séjour à Paris lui permet de parfaire ses connaissances et ses techniques en étudiant d’importantes collections d’art, mais aussi de rencontrer des artistes comme le peintre Antoine Watteau (1684-1721), qui lui commande son portrait, ou encore le peintre et pastelliste suisse Jean-Etienne Liotard (1702-1789).

Les artistes français alors en vogue, cherchant sa compagnie, sont admis dans son intimité chez Crozat, ne laissant paraître contre elle aucun sentiment d’hostilité – même si jalousie il y a – devant l’intérêt que Rosalba suscite auprès de l’aristocratie.

Rosalba lance la mode du portrait au pastel en France lors de son passage dans la capitale, à tel point que Maurice Quentin de la Tour (1704-1788) se met lui aussi au pastel et fait des copies de ses portraits, dont certains sont conservés au Musée de Saint-Quentin-en-Yvelines.

Quentin de la Tour cherchera d’ailleurs pendant de longues années la formule du fixatif idéal, qui ne ternit ni l’éclat du coloris, ni n’écrase la légèreté de la poudre du pastel ; tandis que la palette de rose et de bleu de Rosalba laissera une trace marquante dans les œuvres de Jean-Marc Nattier (1685-1766) et de François Boucher (1703-1770).

Lors de son séjour à Paris Rosalba tient un journal de la période 1720 à 1721, retraçant ses rencontres, ses séances de poses, les intrigues de la cour et autres soucis d’argent. Les notes autobiographiques sont conservées dans la collection Ashmoleon de la Bibliothèque de Florence.

Le 20 octobre, sur la proposition de l’artiste peintre français Antoine Coypel (1661-1722), Rosalba est reçue à l’Académie Royale de peinture et de sculpture à Paris et y présente un pastel Nymphe à la suite d’Apollon. En 1721, après plus d’une année passée en France, Rosalba rentre à Venise en passant par Vienne et Parme.

En 1723, elle est invitée à Modène afin d’exécuter les portraits des trois filles du Duc d’Este, en âge de se marier. Elle perd sa mère en 1728, part pour le Frioul où elle est reçue par les comtes de la maison de Lantieri à Gorizia.

En 1730, sur l’invitation de l’Empereur Karl Albrecht VII de Bavière (1697-1745), Rosalba part pour Vienne où elle reste six mois, et devient le professeur de dessin de l’impératrice Marie-Amélie (1701-1756). Elle va faire le portrait de l’Impératrice, ainsi que ceux d’autres membres de la famille impériale. Sa sœur cadette Giovanna l’accompagne dans ses déplacements ; les deux sœurs sont très proches, cette dernière l’aide en faisant les ébauches et les esquisses préparatoires de ses toiles.

Ses portraits sont toujours flatteurs, presque toujours en buste, le corps tourné légèrement de quart et le visage tourné vers le spectateur. Rosalba avait une capacité inhabituelle à représenter les textures, à fidèlement récréer les galons, dentelles, fourrures et autres bijoux.

Rosalba Carriera n’est pas une belle femme, ses autoportraits la montrent pourtant avec un visage accueillant, même si elle a un grand nez difforme. Elle est cependant connue pour la douceur de son caractère mais est sujette à la tristesse et à la dépression, celles-ci attribuées au fait qu’elle ne se soit jamais mariée. Elle a eu de nombreuses relations amicales avec de nombreux hommes, mais jamais aucun n’a souhaité l’épouser.

Le 9 mai 1737, sa sœur Giovanna décède de la tuberculose.

En 1746, à septante et un ans, devenant partiellement aveugle, conséquence de la vieillesse et du fait d’avoir peint des miniatures, elle doit cesser de peindre. Rosalba subit plusieurs opérations de la cornée en 1749. Alors qu’elle pense être guérie, elle perd définitivement la vue, quelques mois plus tard.

Rosalba Carriera survécut à toute sa famille et vécu ses dernières années seule dans le Dorsoduro, où elle mourut, le 15 avril 1757, à l’âge de quatre-vingt-deux ans.

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Figure 19.

Le déclin du portrait au pastel à la fin du XVIIIe siècle a conduit la critique à taxer d’efféminée l’œuvre de Rosalba Carriera et d’autres pastellistes ; mais sa réputation n’en a jamais été entièrement ternie. Le tournant du XXe siècle, marqué par une vision nostalgique de l’âge rococo, a vu un regain d’intérêt pour Rosalba.

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Figure 20.

Dans les années 80, Bernardina Sani(10) a compilé, avec grand soin, ses œuvres et des documents biographiques inédits. Depuis, de nouvelles études se penchent sur le contexte multiculturel dans lequel cette artiste célibataire a réussi à mener de front sa carrière.

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Figure 21.

 

Sources

Internet :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Rosalba_Carriera

http://en.wikipedia.org/wiki/Rosalba_Carriera

http://www.artcyclopedia.com/artists/carriera_rosalba.html

http://www.campiello-venise.com/artistes-venitiens/rosalba-carriera.htm

http://users.skynet.be/fa826656/pat/hist/carriera.htm#galerie

http://www.siefar.org/dictionnaire/fr/Rosalba_Carriera

Livre :

Bartolena, Simona. Femmes artistes de la Renaissance au XXIème siècle, Paris, Gallimard, 2003.

 

Biographie

Carriera, Rosalba. Journal de Rosalba Carriera pendant son séjour à Paris en 1720 et 1721, Paris, Ed. Giovanni Vianelli, Alfred Sensier, J. Techener, 1865. (lien vers Gallica)

Carriera, Rosalba. Journal pendant mon séjour à Paris en 1720-1721, Dijon, éd. Les presses du réel, 1997.

Sani, Bernardina. Rosalba Carriera Letters, Firenza, Leo S. Olschki Editore, 1985.

Sani, Bernardina. Rosalba Carriera, 1673-1757 : maestra del pastello nell’Europa ancient, Ed. U. Allemandi, 2007.

Rosalba Carriera, 1673-1757 : atti del Convegno Internazionale di Studi 26-28 aprile 2007, Venezia, Fondazione Giorgio Cini Chioggia, Auditorium San Niccolò.

 

Ventes aux enchères

http://www.christies.comhttp://ww.sotheby.com

http ://www.arcadja.com/auctions/fr/carriera_rosalba/artiste/21385/

 

Musées

 

Gemäldegalerie, Dresde, Allemagne

Kunsthistorisches Museum, Vienne, Autriche

Galerie Nationale du Canada, Ottawa, Canada

Art Gallery of Ontario, Toronto, Canada

Musée du Louvre, Paris, France

Palais Vecchio-Palais Pitti, Florence, Italie

Musée d’État de Florence, Florence, Italie

Galleria degli Uffizi, Florence, Italie

Pinacoteca di Brera, Milan, Italie

Pinacothèque dell’Accademia dei Concordi, Rovigo, Italie

Galerie des Offices, Venise, Italie

Galerie de l’Académie, Venise, Italie

Museo del Settecento Veneziano, Venise, Italie

Galleria dell’Accademia, Venise, Italie

Musée National de Stockholm, Stockholm, Norvège

Statens Museum for Kunst, Copenhague, Pays-Bas

Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg, Russie

The Bowes Museum, Barnard Castle, UK

Collection Royale de Windsor, Londres, UK

Victoria and Albert Museum, Londres, UK

National Gallery, Londres, UK

Museum of Fine Art, Boston - MA, USA

The Art Institute of Chicago, Chicago - IL, USA

Cleveland Museum of Art, Cleveland - OH, USA

Detroit Institute of Art, Detroit - MI, USA

Harvard University Art Museum, Cambridge - MA, USA

Metropolitan Museum of Art, New York - NY, USA

National Museum of Women in the Arts, Washington- WA, USA

The National Gallery of Art, Washington - WA, USA

Collection Wallace and Wihelmina Holladay, Washington - WA, USA