Ils trouvèrent enfin sous leurs pieds du roc solide et rampèrent en tremblant hors du tourbillon, le visage blême, ébranlés, silencieux, avec un seul désir, celui de sortir de cette sombre sépulture.
Carse trouva le tunnel. Mais, arrivé au bout, la terreur l’oppressait qu’il se fût encore égaré dans le temps, et il n’osait regarder au dehors.
Il n’y avait pas lieu de craindre. Rhiannon les avait guidés d’une main sûre. Carse se retrouva au milieu des montagnes dénudées de son Mars habituel. Le soleil se couchait et les vastes étendues de la mer morte étaient inondées d’une lumière rouge éclatante. Le vent souffla du désert, froid et sec, en soulevant la poussière, et il vit au loin Jekkara – son Jekkara des Bas Canaux.
Il se retourna pour voir le visage d’Ywain qui, pour la première fois, posait son regard sur ce monde. Les lèvres de la jeune femme se serrèrent, comme pour réprimer une peine profonde. Puis elle rejeta les épaules en arrière, sourit et arrangea dans son fourreau la poignée de son épée.
– Partons ! dit-elle, en mettant de nouveau sa main dans celle de Carse.
Ils parcoururent le long chemin fatigant, à travers le pays désolé où les fantômes du passé les entouraient tous. Maintenant, sur l’ossature de Mars, Carse voyait la chair vivante qui avait autrefois revêtu la planète de splendeur, les arbres puissants et la terre riche qu’il ne pourrait jamais oublier.
Il regarda au loin le fond de mer morte et il comprit que, tout au long de sa vie, il entendrait le grondement du ressac sur les rives d’un océan spectral.
L’obscurité tomba. Les petites lunes basses se levèrent dans un ciel sans nuages. La main d’Ywain était ferme et forte dans la sienne. Carse prit conscience d’un grand bonheur qui montait en lui. Ses pas se firent plus rapides.
Ils entrèrent dans les rues de Jekkara, les rues défoncées, près du Bas Canal. Le vent sec agitait les torches et le son des harpes était exactement tel qu’il était resté dans son souvenir. Les petites femmes brunes, en marchant, faisaient un bruit de clochettes. Ywain sourit.
– C’est encore Mars, dit-elle.
Ensemble, ils longèrent les chemins sinueux : l’homme dont le visage portait encore l’empreinte sombre d’un dieu, la femme qui avait été une reine. Les gens s’écartaient pour les laisser passer et se retournaient pour les regarder. L’épée de Rhiannon était comme un sceptre dans la main de Carse.
FIN