CHAPITRE II

Le Faucon Millenium s’était posé sur l’unique terrain d’atterrissage du spatioport de Brigia. Il avait l’air d’un vieux cargo déglingué, mais il y avait quelques bizarreries dans son aspect : son équipement d’arrimage non standard, ses ports d’accélération plus grands que la norme, ses tourelles d’artillerie lourde et ses antennes de détection dernier cri trahissaient ce qu’il était réellement.

— C’est la dernière bande, dit Yan.

Il vérifiait le déchargement sur un écran portable pendant que Bollux, le droïd ouvrier, guidait une plateforme manuelle à répulsion. La peinture verte de l’automate scintillait d’un éclat bizarre sous la lumière des appareils d’irradiation auquel le vaisseau était raccordé. Brigia était repérée sur toutes les cartes : ceux qui s’y posaient devaient suivre la phase un de décontamination. Les systèmes environnementaux du vaisseau diffusaient des aérosols anti-contamination avec l’air. Les vaccins de Yan et de Chewbacca étaient à jour et les protégeraient des maladies locales, mais ils avaient quand même hâte de repartir.

Yan regarda Bollux se diriger vers le camion de fret à vapeur parqué près du vaisseau. Sous l’éclairage du terrain d’atterrissage, il voyait les ouvriers brigiens, tous des volontaires pour la future université, entasser les caisses et les conteneurs que le Faucon avait livrés. Ils bavardaient entre eux, très intéressés par le nouvel équipement de diffusion et surtout par la bibliothèque de bandes magnétiques.

Yan se tourna vers Hissai, qui faisait partie du voyage, et qui serait le premier président de l’université.

— Il reste seulement votre duplicateur à débarquer, dit-il.

— Ah, oui, le duplicateur, l’article que nous attendons avec le plus d’impatience ! Et le plus cher. Il nous permettra d’imprimer et de collationner les brochures à une vitesse que nos propres presses sont bien loin d’atteindre. Il peut aussi synthétiser n’importe quelle matière, à partir des données de base qu’il contient. Et tout ça, avec un appareil qui tient dans quelques caisses ! Stupéfiant !

Yan grogna. Bollux revenait. Yan appela :

— Chewie ! Sécurise la soute principale et ouvre la salle numéro deux. Je veux sortir ce duplicateur et filer d’ici.

Le grondement de réponse du Wookie lui arriva de l’arrière.

— Capitaine, une dernière chose.

Hissai tira une bourse de ses plis latéraux. Yan posa aussitôt la main sur son blaster. Hissai, sentant qu’il avait commis un impair, leva la main pour le calmer.

— Ne vous inquiétez pas. Je sais qu’il est d’usage parmi vous de donner une prime pour un travail bien fait.

Il tira une liasse de billets de sa bourse et la tendit à Yan.

Le pilote examina les billets. Ils avaient une texture étrange, plus semblable à celle du tissu qu’à du papier.

— Qu’est-ce que ce truc ? demanda-t-il.

— Une innovation, reconnut Hissai. Il y a plusieurs Progressions, le Nouveau Régime a remplacé les monnaies locales par un système monétaire planétaire.

Yan fit claquer la liasse contre sa paume gantée.

— Ce qui leur donne le monopole sur le commerce, évidemment. Merci quand même, mais ce truc ne vaut pas grand-chose en dehors de la planète.

La mine triste de Hissai se fit encore plus sinistre.

— Hélas, seul le Nouveau Régime peut détenir des monnaies interplanétaires. Tous les équipements et le matériel pour notre institut doivent venir de donations. La première chose que le Nouveau Régime a fait quand il a eu assez de crédits a été de louer les services d’une firme de conseillers en développement. En dehors du système monétaire, la firme a touché sa commission sur un achat important de matériel militaire pour le Régime, y compris le vaisseau de guerre que vous avez vu.

Yan avait remarqué le vaisseau, un mini-croiseur démodé de classe Maraudeur, entouré de projecteurs et de gardes armés.

— Ses commandes principales ont sauté lors de sa croisière d’inauguration, expliqua Hissai. Bien sûr, il n’y a pas de techniciens brigiens qualifiés pour le réparer. Il restera donc en rade jusqu’à ce que le Régime trouve assez de crédits pour faire venir les techniciens et les pièces. Cet argent aurait pu nous servir à importer de la technologie commerciale, ou des équipements médicaux.

— Ouais, c’est toujours la première chose que font ces mondes arriérés – sans vouloir vous offenser, Hissai. Ils s’achètent des joujoux pour améliorer leur image. Puis leurs voisins se dépêchent de faire pareil…

— Notre planète est pauvre, dit Hissai, solennel. Nos priorités sont ailleurs.

Yan refusa de discuter plus avant de cette question. Bollux était revenu, et il attendait le prochain ordre de Yan. Il y eut soudain un hurlement de sirènes à vapeur.

Le Corellien descendit au pied de la rampe. Une série de fourgonnettes métalliques avançait vers lui, avec leurs moteurs à pétrole crachotant, leurs sirènes hurlant, le terrain d’atterrissage secoué par leur poids. Des projecteurs à arc se braquèrent sur le Faucon Millenium et le camion de fret.

Yan bouscula Hissai en grimpant en haut de la rampe.

— Chewie ! On a des problèmes. Va dans le cockpit et active les canons principaux !

Puis il retourna à côté de Hissai.

Les volontaires de l’institut étaient restés figés de surprise au pied de leur camion. Un moment après, les fourgonnettes encerclaient le Faucon. Leurs portes s’ouvrirent, et des escouades de soldats en sortirent, brandissant des armes à projectiles de type ancien. Quelque chose dans leur uniforme sembla bizarre à Yan. Les soldats portaient des vêtements humains, peu adaptés à la silhouette dégingandée des Brigiens. Yan supposa que le Nouveau Régime s’était fait fourguer un lot de vieux uniformes dans la foulée de son achat groupé de matériel militaire…

Les soldats portaient des harnais de bataille mal ajustés et des casques bien trop grands. Les épaulettes pendouillaient sur leurs épaules étroites, et l’arrière de leurs combinaisons tombait en plis disgracieux sur leurs postérieurs plats. Leurs jambes et leurs pieds étaient trop étroits pour les bottes de combat. L’armée brigienne portait donc des guêtres roses aux boutons étincelants au-dessus de leurs pieds nus. Les officiers croulaient sous les médailles et les décorations, plusieurs épées de cérémonie, et des ceintures larges elles aussi mal ajustées. Quelques soldats s’époumonaient dans des clairons.

Les volontaires de l’institut furent bientôt faits prisonniers à la pointe des baïonnettes. D’autres unités avancèrent vers le cargo.

Yan avait attrapé Hissai par un bras et le tirait vers le haut de la rampe.

— Mais… C’est invraisemblable ! Nous n’avons rien fait de mal !

Yan le lâcha et plongea à l’intérieur du vaisseau.

— Vous voulez discuter de ça avec une balle dans la tête ? Décidez-vous. Je boucle !

Hissai fonça vers l’écoutille. Elle se referma juste à l’instant où les troupes atteignaient le pied de la rampe. Yan entendit une salve ricocher contre le métal.

Dans le cockpit, Chewbacca avait déjà activé les boucliers défensifs, et commencé les préparatifs de décollage. Hissai protestait toujours, mais il suivait Yan. Le pilote n’avait pas le temps de lui répondre.

Ils les virent enfermer les volontaires dans les fourgonnettes. Les rares à protester furent roués de coups, puis tirés par leurs frêles chevilles à l’étrange ossature. Yan remarqua que les fourgonnettes aux couleurs guerrières des Brigiens étaient en fait de vieilles bennes à ordures recyclées.

Les dents serrées, Chewbacca grogna.

— Moi aussi, ça me rend dingue ! répondit Yan. Comment aurons-nous notre solde sans accusé de réception ?

Tout autour du vaisseau spatial, les commandos se mettaient en position de tir.

— Ils n’auraient pas pu attendre dix minutes de plus, non ? bougonna Solo.

Un Brigien avança. Aveuglé par les néons, Yan mit une main en visière pour se protéger les yeux, et vit qu’il tenait un porte-voix, ainsi qu’un parchemin. Il rebrancha à temps son casque audio pour entendre :

— … il ne vous sera fait aucun mal, bons amis venus de l’espace ! Le Nouveau Régime pacifique voudrait simplement que vous lui livriez les fugitifs qui se trouvent à bord de votre vaisseau. Ensuite, le gouvernement brigien ne vous causera plus de souci.

Yan passa sur une fréquence externe.

— Et le reste de notre fric ? fit-il en évitant le regard de Hissai.

— Nous pouvons parvenir à un accord, honorable étranger, assura le Brigien. Permettez que je monte à bord pour parlementer.

— Que les soldats reculent, et qu’on coupe ces projecteurs ! Retrouvons-nous sur la rampe d’accès. Pas d’armes et pas d’entourloupes !

Le Brigien passa son porte-voix à un subalterne et fit signe aux commandos, qui reculèrent. Les bennes à ordures martiales se retirèrent aussi de la scène. Les lumières crues furent coupées.

— Chewie, dit Yan, ouvre l’œil. Au moindre geste suspect, préviens-moi.

Hissai fut outré.

— Vous voulez traiter avec ces hyènes ? Les cours de justice…

— … ne sont pas notre problème dans l’immédiat, coupa Solo en l’invitant à se pousser. Allez vous asseoir dans le compartiment avant et ne vous en faites pas. Nous ne vous livrerons pas à eux.

Hissai se drapa dans sa dignité.

— Je m’inquiète pour mes amis.

Bollux, le servo-droïd, patientait dans la coursive, devant le chariot contenant les caisses de composants du duplicateur.

— Quelles sont vos instructions, capitaine ?

Yan soupira.

— Je l’ignore. Pourquoi n’ai-je donc jamais les boulots pépères ? Remonte, Bollux. Si j’ai besoin de toi, je sifflerai.

Le robot s’éloigna. Chewbacca signala d’un ululement que la voie était dégagée.

Solo dégaina son blaster. L’écoutille principale ouverte, il découvrit le Brigien au pied de la rampe d’accès. Plus grand que Hissai, plutôt bâti en force pour un membre de son espèce, et le teint plus mat que la moyenne, il portait un harnais de combat chromé à épaulettes, une pléthore de décorations, des guêtres colorées et un casque à aigrette.

D’un geste empreint de lassitude, Yan lui fit signe d’avancer. Rouleau coincé sous un bras, le négociateur gravit la rampe et le rejoignit.

— Enlevez votre harnais et votre casque, ordonna Solo.

Le Brigien obéit, les laissant tomber à terre.

— Bienvenue sur notre belle planète, camarade bipède. Je suis l’inspecteur Keek, le chef de la police interne du Nouveau Régime de Brigia.

— Je me doutais que vous n’étiez pas le videur du club du coin…

Solo lui fit lever les bras pour palper ses replis de peau latéraux et s’assurer qu’il n’y avait pas d’armes cachées. Keek se tortilla.

— Bon. Passons dans le compartiment avant. Et pas de coups fourrés, hein ? Assez joué pour aujourd’hui…

En entrant dans le compartiment désigné, Keek jeta un coup d’œil à Hissai, installé dans un siège d’accélération près de l’holo-échiquier, sans offrir de commentaire. Il s’assit devant la console technique. Bollux occupait la banquette d’accélération, derrière la console.

Yan posa une fesse sur l’échiquier scintillant.

— Bon, alors… Où est le hic ? Je suis parfaitement en règle. Les Impériaux ne verront pas d’un bon œil que vous prétendiez détourner une cargaison légale.

— Mais voyons, mon bon monsieur, il n’y a aucun problème ! Dans sa bienveillance, le Conseil interne a tenu une séance extraordinaire quand il a eu vent de cette transaction, et il a placé sur liste d’accès restreint tous les documents de formation et les modes d’emploi. (Il brandit son rouleau entouré d’un ruban.) J’ai ici l’édit, que je dois vous présenter.

— Le Conseil interne ? C’est quoi, ce truc ? De toute façon, personne n’a le droit de réviser à sa sauce les accords commerciaux impériaux !

Yan se garda bien de préciser que pour sa part, il n’avait pas hésité à fouler aux pieds ces fameux accords impériaux…

Keek garda un ton égal.

— Mes soldats et moi sommes simplement chargés de confisquer la cargaison en question à titre temporaire, jusqu’à ce qu’un représentant de Tion et un arbitre juge impérial puissent se présenter. Les arrestations étaient un problème strictement interne.

Yan se dit que l’intervention d’un représentant de Tion et d’un arbitre juge impérial ne serait certainement pas gratuite.

— Bon, alors… qui me paiera ?

Keek tenta de sourire.

— Nos fonds monétaires impériaux sont pour l’instant en net déficit, en raison des lourdes réparations engagées pour notre flotte stellaire… Mais nos bons du Trésor, ou nos devises planétaires…

— Pas d’argent d’opérette ! explosa Solo. Je veux d’abord récupérer ma cargaison ! En outre, votre seul et unique rafiot délabré ne mérite pas le nom pompeux de flotte stellaire !

— Impossible. Votre cargaison est un élément de preuve à charge retenu contre certains sécessionnistes – on vous a même abusé pour que vous protégiez l’un d’entre eux. Allons, capitaine, coopérez et vous aurez ici un bon accueil. (Non sans un effort visible, Keek se fendit d’un clin d’œil complice.) Allons ! Nous nous imbiberons de liquides enivrants et ferons assaut de vantardises ! Soyons fous, soyons gais, ainsi que les humains aiment l’être !

Yan, qui détestait par-dessus tout être pris pour un gogo et un demeuré, grinça des dents.

— Je vous l’ai dit, je ne veux pas de votre monnaie locale… (Une idée soudaine le fit sauter en l’air.) Vous voulez une partie de ma cargaison ? Gardez-la ! Mais il me reste encore des choses à bord, qui appartiennent à Hissai, pour le moment…

Le chef de la sécurité parut amusé.

— Vous tentez de me soudoyer au moyen de matériaux à vocation éducative ? Allons, capitaine, vous et moi ne sommes pas nés de la dernière pluie…

Yan traita par le mépris cet essai peu subtil de flatterie. Muni d’un pied de biche à énergie dirigée, il commença à couper les sangles d’une des caisses du chariot.

— Voilà un duplicateur dernier cri, d’un type polyvalent. Hissai, réflexion faite, j’accepte le fric que vous m’avez proposé.

Dérouté, Hissai lui tendit les devises brigiennes.

Solo leur montra un des composants du duplicateur.

— C’est l’échantillonneur. On peut le programmer pour obtenir ce qu’on veut, ou lui donner un modèle. Comme ça…

Il inséra un billet de banque brigien dans le mécanisme et pressa des boutons. L’échantillonneur bourdonna, des lampes témoins clignotèrent, et l’original réapparut avec une copie, que Yan leva à la lumière pour un examen critique rapproché. Comprenant soudain que le pilote était en train de menacer le système monétaire planétaire tout entier, de le prendre en otage, Keek faillit s’étrangler.

— Hum…, fit Yan. Ce n’est pas parfait, mais il suffit d’avoir les bons papiers pour obtenir des copies parfaites, après tout. Et concernant les numéros de série de chaque liasse et de chaque billet, il suffit de les programmer dans le duplicateur. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Votre firme conseil était une boîte au rabais : elle ne s’est même pas fatiguée à élaborer une monnaie infalsifiable ! (Manifestement, le Nouveau Régime avait été victime de techniques de vente agressives.) Eh bien, Keek, que… ?

Débouchant son rouleau – un leurre – le « plénipotentiaire » mit en joue Yan, qui ne douta pas une seconde qu’il s’agissait bel et bien d’une arme.

— Posez votre pistolet sur cette table, primate alien ! ordonna Keek, les dents serrées. Avec votre robot et le traître Hissai, vous allez me précéder sur la rampe d’embarquement. Descendez !

S’exécutant, Yan s’abstint de chercher à prévenir Chewbacca. Keek n’hésiterait pas à tirer. Mais alors que celui-ci tendait la main pour s’emparer du blaster, Solo toucha subrepticement les commandes de l’échiquier.

Des holo-monstres miniatures surgirent de nulle part, d’étranges créatures originaires d’une dizaine de mondes, crachant, feulant, rugissant, sautillant, lançant force coups de pied et coups de poing dans le vide… Surpris, Keek bondit en arrière en ouvrant le feu d’instinct. Un rayon d’énergie orange percuta l’échiquier, et les monstres retournèrent au néant.

Au même instant, fort des réflexes d’un pilote interstellaire, Yan se jeta sur le chef de la sécurité, lui bloquant sa main armée. De l’autre, il chercha son blaster, mais le tir instinctif de Keek venait de le faire sauter de l’échiquier.

Doté d’une force physique étonnante, le chef de la sécurité envoya Solo valser à travers le compartiment, avant de le mettre de nouveau en joue. Alors, Hissai choisit ce moment pour lui sauter sur les épaules, le projetant contre la banquette d’accélération. Dans une mêlée reptilienne de bras et de jambes, les deux Brigiens luttèrent au corps à corps.

Mais Keek était aussi d’une force physique supérieure à celle de Hissai. Inexorablement, il ramena la gueule de son arme vers son adversaire… Et d’un coup de pied magistral, Yan la dévia de justesse en la faisant sauter des mains du chef de la sécurité. Le rayon mortel qui visait Hissai troua un des coussins de sécurité.

Les batteries du rouleau-pistolet apparemment vidées, Keek s’en servit comme d’une matraque contre son compatriote. Yan tentant de s’interposer, il le repoussa de nouveau avec une violence sidérante avant de se colleter de plus belle avec Hissai. Solo lui fit un croc-en-jambe. Keek entraîna son adversaire dans sa chute. Le rouleau qu’il venait de lâcher finit sa course contre la paume de Yan, qui en profita aussitôt pour assener un coup magistral sur le crâne du chef de la sécurité. Pris de spasmes, Keek se tétanisa. Hissai n’eut plus qu’à le repousser. Il s’effondra de tout son long.

Chewbacca qui survint à cet instant rugit de soulagement.

— Où étais-tu passé ? s’écria Solo, outré. Il a bien failli me liquider !

Frottant ses hématomes, il se releva et récupéra son pistolet.

Effondré sur un siège d’accélération, Hissai reprit son souffle.

— Merci, capitaine.

— Eh bien, nous voilà quittes ! s’exclama Yan.

D’une seule poigne, Chewbacca releva sans ménagement Keek, qui revenait à lui. Aussi fort qu’il fût, le vaincu eut le bon sens de ne pas opposer de résistance à un Wookie furibond.

Pour faire bonne mesure, Yan lui plaqua le canon de son arme sur son museau épaté. Le chef de la sécurité en croisa les yeux.

— Vilaine petite entourloupe, Keek ! Je hais les fourbes encore plus que les pirates de l’espace ! Je veux récupérer les collègues de Hissai et ma cargaison – qu’ils soient à bord avant cinq minutes, si vous ne voulez pas avoir un gros trou dans le crâne !

Une fois que les compatriotes libérés de Hissai furent de nouveau à bord, ainsi que la cargaison tant convoitée, Yan ramena Keek devant la rampe d’accès.

— L’Empire en entendra parler ! jura le Brigien déconfit. Vous serez condamné à mort !

— Désolé, ça ne m’empêchera pas de dormir, répondit Solo.

Ayant eu recours pour cette fois à de faux papiers, concernant le Faucon Millenium, il doutait fort qu’une agence quelconque de recouvrement réussisse à retrouver sa trace. En outre, vu les préoccupations majeures qui agitaient l’Empire, cette histoire serait vite classée et enterrée sous la rubrique « incidents mineurs ».

— D’ailleurs, ajouta Yan, faites-vous donc une fleur : en repartant d’ici, évitez de faire des âneries. Sur toute votre planète, vous n’aurez jamais assez de puissance de feu pour abattre mon vaisseau. En revanche, vos tentatives dérisoires risqueraient de me faire voir rouge…

Keek regarda les autres Brigiens.

— Et eux ?

Yan prit un ton décontracté.

— Oh, je les déposerai dans un patelin tranquille, loin de la foule et du bruit… C’est tout à fait légal, un spationaute peut faire des micro-sauts en fonction de ses contrats. Nous prendrons une orbite longue, de façon à ce que Hissai puisse tester son matériel de diffusion et le câbler sur les systèmes d’alimentation de bord.

Keek n’était pas idiot.

— À cette altitude, et avec autant de puissance à disposition, il pourra se brancher sur tous les émetteurs-récepteurs de la planète !

— Et qu’annoncera-t-il, à votre avis ? répondit innocemment Yan. Ce que trame en sous-main votre Nouveau Régime ? Personnellement, je m’en fiche, mais je vous avais prévenu que braquer un pistolet sur moi serait une grossière erreur. À votre place, j’envisagerais une retraite anticipée…

Chewbacca flanqua une bourrade au chef de la sécurité, histoire qu’il vide les lieux. Yan verrouilla l’écoutille.

— Au fait, Bollux, merci de m’avoir tendu ce rouleau pendant l’empoignade…

Le droïd répondit avec sa modestie foncière.

— Après tout, capitaine, l’inspecteur avait dit que c’était pour vous… J’espère seulement qu’il n’y aura pas de répercussions.

— À quel propos ?

— Pour avoir déstabilisé un gouvernement planétaire histoire de vous venger des tirs qu’a essuyés votre vaisseau…

— Ça leur apprendra à tricher ! conclut Yan Solo.