Brève annexe historique
ABBAYE DE FEMMES DES CLAIRETS, Orne : Située en bordure de forêt des Clairets, sur le territoire de la paroisse de Masle, sa construction, décidée par charte en juillet 1204 par Geoffroy III, comte du Perche et son épouse Mathilde de Brunswick, sœur de l’empereur Othon IV, dura sept ans, pour se terminer en 1212. Sa dédicace fut cosignée par un commandeur templier, Guillaume d’Arville, dont on ne sait pas grand-chose. L’abbaye était réservée aux moniales de l’ordre de Cîteaux, les Bernardines, qui avaient droit de Haute, Moyenne et Basse Justices.
ARTHUR II DE BRETAGNE (1261-1312) : Duc de Bretagne et comte de Richmond, fils de Jean II et de Béatrice d’Angleterre. Il succéda à son père en novembre 1305, après la mort accidentelle de celui-ci, écrasé par un mur à Lyon, alors qu’il menait la mule du pape Clément V. Il fut d’abord marié à Marie de Limoges, puis à Yolande de Dreux, reine douairière d’Écosse, deux unions dont naquirent neuf enfants. Ces alliances permirent à la couronne ducale de récupérer la vicomté de Limoges ainsi que le comté de Montfort-l’Amaury. Le règne d’Arthur II fut assez bref et paisible. Entre autres choses, la Bretagne lui dut de mettre un terme à l’interminable querelle dite du tierçage. Le clergé paroissial breton exigeait que lui soit remis un tiers des biens meubles de chaque paroissien à son décès. Après d’âpres négociations avec les émissaires de Clément V, Arthur II parvint à faire diminuer ce prélèvement à un neuvième, d’où son nom de neume, dont furent exemptés les plus pauvres.
BONIFACE VIII (Benedetto Caetani) (vers 1235-1303). Cardinal et légat en France, il devint pape sous le nom de Boniface VIII. Il fut le virulent défenseur de la théocratie pontificale, laquelle s’opposait au droit moderne de l’État. Il fut également l’auteur de lois anti-femme et fut soupçonné, sans qu’il existe de preuve, de pratiquer la sorcellerie et l’alchimie afin de préserver son pouvoir. L’hostilité ouverte qui l’opposa à Philippe le Bel commença dès 1296. L’escalade ne faiblit pas, même après sa mort, la France tentant de faire ouvrir un procès contre sa mémoire.
BOURREAU : Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les bourreaux de métier n’ont pas toujours existé. On « s’arrangeait » auparavant en désignant un individu qui devait exécuter les sentences (le seigneur, le juge, ou, parfois même le dernier marié ou le dernier arrivé en ville, etc). Puisque chacun pouvait être mis à contribution, qu’il s’agissait d’une tâche occasionnelle, ceux qui en étaient chargés n’étaient pas frappés d’ostracisme comme ce fut le cas plus tard. C’est au XIIIe, et peut-être même au XIIe siècle, qu’une seule personne fut chargée de l’application de toutes les sentences.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il règne un flou certain sur l’encadrement de ce métier, et ceci jusqu’à la Révolution, à peu près. D’ailleurs, ce flou règne également quant à l’origine du terme « bourreau ». Certains prétendent qu’il dérive du seigneur Richard Borel qui avait obtenu son fief en 1261, à charge pour lui de pendre les voleurs du coin. Une autre étymologie fait remonter le terme à la profession de bourrelier qu’exerçaient conjointement de nombreux bourreaux, ainsi que celle de boucher.
Sans doute faut-il voir, en partie, dans ce manque de netteté, le fait que cette profession était si honnie de tous que personne ne voulait en entendre parler. Ce qui, en revanche est certain, c’est leur condition de parias, détestés par la société, alors même qu’ils étaient indispensables, notamment en raison du nombre considérable d’exécutions et de tortures insoutenables, mais aussi parce qu’ils évitaient aux bons chrétiens de souiller leurs mains de sang. On comprend donc difficilement pourquoi ils ont pu être traités avec cette dureté, ce mépris, au point qu’ils étaient exclus des villes jusqu’au XVIIIe siècle – hormis lorsqu’ils logeaient sur la place du pilori. Ils étaient interdits de spectacles, leurs enfants ne pouvaient côtoyer les autres, pas même à l’école, on refusait de les servir dans les auberges et ils durent le plus souvent porter une pièce de tissu sur leur vêtement, marque infamante destinée à les signaler aux autres. Non-citoyens, il fallut attendre 1789 et l’intervention de M. le comte de Clermont-Tonnerre pour qu’on commence à les considérer comme partie prenante de la société. Cette intervention avait pour objet l’éligibilité des juifs, des protestants et des comédiens. M. de Clermont-Tonnerre souhaitait qu’on y ajoute les exécuteurs.
Au Moyen Âge, il s’agit de la seule charge non-honorifique. En dépit du fait qu’il n’existait pas de véritable encadrement de leur profession, et les candidats étant très rares, les bourreaux bénéficiaient de passe-droits qui permirent à certains d’entre eux de considérablement s’enrichir alors que leurs « interventions » étaient maigrement rémunérées. C’est également en raison de leur rareté que l’on recruta souvent des condamnés à mort, en échange de leur grâce. Puisqu’ils ne pouvaient se marier qu’entre eux, leur charge, de fait, devint héréditaire, aucun membre de la famille ne pouvant sortir du cercle vicieux. On devint donc bourreau de père en fils. Se créèrent de véritables dynasties d’exécuteurs, comme les Jouënne en Normandie. Il est intéressant de noter qu’alors qu’ils étaient exclus de partout, la plupart d’entre eux savaient parfaitement lire et écrire, fait peu courant dans la population générale.
De vraies bourrelles ont existé, ainsi que l’atteste une ordonnance de saint Louis, même si le nom était également attribué à la femme du bourreau. Elles avaient pour tâche de battre et fustiger les femmes condamnées. Au milieu du XVIIIe siècle, il y eut un M. Henri, bourreau de Lyon, qui se révéla être une femme – Marguerite le Pestour. Elle fut emprisonnée après avoir exercé plus de deux ans dans la ville. Libérée assez rapidement, elle se maria. Elle confia « qu’elle exécutait avec plaisir les personnes de son sexe mais avec beaucoup de peine celles qui ne l’étaient pas ».
CHARLES DE VALOIS (1270-1325) : Seul frère germain de Philippe le Bel*. Le roi lui montra toute sa vie une affection un peu aveugle et lui confia des missions au-dessus des possibilités politiques et diplomatiques de cet excellent chef de guerre. Charles de Valois, père, fils, frère, beau-frère, oncle et gendre de rois et de reines, rêva toute sa vie d’une couronne qu’il n’obtint jamais. En 1303, il reçut de son frère les comtés d’Alençon et du Perche en apanage et devint donc Charles Ier d’Alençon. Bien que recevant énormément d’argent de seigneurs, du roi, de ses terres et s’endettant auprès de l’ordre du Temple, Charles de Valois courut toujours après l’argent, dépensant sans compter, jusqu’à se tailler une réputation de pilleur en Sicile. Lorsque l’ordre du Temple fut supprimé, il semble qu’il ait affirmé que ce dernier lui devait de l’argent et que Philippe le Bel lui ait concédé un neuvième des biens des templiers, une somme colossale. Cependant, Charles de Valois fut sans doute celui qui parvint à convaincre le roi son frère d’abandonner son désir de procès posthume contre la mémoire du pape Boniface VIII.
Il semble que Charles Ier de Valois ne se soit pas du tout impliqué dans les affaires de ses terres du Perche, laissant œuvrer le grand bailli entouré de ses lieutenants et de hauts fonctionnaires de justice ou de finance, par l’intermédiaire d’une assemblée où siégeaient également le vicomte du Perche, représentant la châtellenie de Mortagne, et le vicomte de Bellême représentant celles de Bellême, de La Perrière et de Ceton – qui n’avaient que des fonctions de faible importance – sans oublier des dignitaires ecclésiastiques. La châtellenie de Nogent-le-Rotrou ne faisait pas partie de cet apanage, ayant été donnée en dédommagement à un des descendants du comte de Rotrou lorsque la lignée directe fut éteinte.
CLÉMENT V (Bernard de Got) (vers 1270-1314) : Il fut d’abord chanoine et conseiller du roi d’Angleterre. Ses réelles qualités de diplomate lui permirent de ne pas se fâcher avec Philippe le Bel* durant la guerre franco-anglaise. Il devint archevêque de Bordeaux en 1299 puis succéda à Benoît XI* en 1305 en prenant le nom de Clément V. Il semble acquis que Philippe le Bel ait beaucoup œuvré pour l’élection de Clément au Saint-Siège. Redoutant d’être confronté à la situation italienne qu’il connaissait mal, Clément V s’installa en Avignon en 1309. Il temporisa avec Philippe le Bel dans les deux grandes affaires qui les opposaient : le procès contre la mémoire de Boniface VIII et la suppression de l’ordre du Temple. Il parvint à apaiser la hargne du souverain dans le premier cas et se débrouilla pour circonscrire le second. Clément V est connu pour sa prodigalité vis-à-vis de sa famille, même distante. Il dépensa sans compter les deniers de l’Église afin de faire construire en son lieu de naissance (Villandraut) un château somptueux qui fut achevé en six ans, un temps record à cette époque, preuve des moyens mis en œuvre.
GUILLAUME DE NOGARET (vers 1270-décédé en 1313) : Ce docteur en droit civil enseigna à Montpellier puis rejoignit le conseil de Philippe le Bel* en 1295. Ses responsabilités prirent vite en ampleur. Il participa, d’abord de façon plus ou moins occulte, aux grandes affaires religieuses qui agitaient la France. Nogaret sortit ensuite de l’ombre et joua un rôle déterminant dans l’affaire des templiers* et dans la lutte du roi contre Boniface VIII. Nogaret était un homme d’une vaste intelligence et d’une foi inébranlable. Son but était de sauver à la fois la France et l’Église. Il devint chancelier du roi pour être ensuite écarté au profit d’Enguerran de Marigny, avant de reprendre le sceau en 1311. Il semble que M. de Nogaret ait été un homme austère et probe, bien que ses fonctions lui aient permis d’amasser une jolie fortune.
ISABELLE DE VALOIS (1292-1309) : Fille issue du premier mariage de Charles de Valois avec Marguerite d’Anjou. Son père la maria à l’âge de cinq ans au petit-fils de Jean II de Bretagne afin de sceller la paix entre la France et le duché de Bretagne. Elle décéda douze ans plus tard, sans avoir eu d’enfant. Son époux, Jean III, qui devint duc de Bretagne en 1312, se remaria deux fois, sans avoir d’héritier.
JEAN II DE BRETAGNE ET LE DUCHÉ (1239-16 novembre 1305) : Fils de Jean Ier le Roux et de Blanche de Navarre, marié à Béatrice d’Angleterre et donc beau-frère d’Édouard Ier d’Angleterre, il devint duc de Bretagne en 1286. Son grand-père, Pierre Ier dit Mauclerc avait considérablement accru le nombre des territoires placés sous sa domination. Le fils de Mauclerc, Jean Ier, dit le Roux, et donc le père de Jean II, poursuivit cette expansion. Plus retors que son père, Jean Ier flatta aussi bien les Anglais que les Français afin de préserver son duché pour lequel il fit beaucoup sur le plan politique, administratif, financier et militaire. Son fils Jean II n’eut pas son envergure, ni celle de son grand-père et se trouva vite sous la coupe de Philippe le Bel. Prudent, pieux et économe, il laissa pourtant la Bretagne en bonne santé. Il mourut le 16 novembre 1305, écrasé par la chute d’un mur à Lyon, alors qu’il menait la mule du pape Clément V, après le sacre de celui-ci. Son fils Arthur lui succéda. Son petit-fils Jean (le futur Jean III) épousa Isabelle de Valois afin de sceller la paix entre la Bretagne et la France.
JEAN III DE BRETAGNE, dit Jean-le-Bon (1286-1341) : Fils aîné d’Arthur II et de Marie de Limoges, il devint duc de Bretagne en 1312 et comte de Richmond en 1333. Jean III eut trois épouses, Isabelle de Valois, Isabelle de Castille et Jeanne, fille d’Édouard comte de Savoie et de Blanche de Bourgogne. Il n’en eut aucun enfant, preuve que la stérilité venait très probablement de son côté. Toujours fidèle aux rois de France, pour le grand déplaisir d’Édouard III d’Angleterre, il participa à la campagne de Flandre aux côtés de Louis X dit le Hutin, fils de Philippe le Bel. Sans héritier, il tenta de léguer la Bretagne à la couronne de France. Rencontrant l’opposition de ses sujets et avant tout désireux d’enlever le duché des mains de son demi-frère Jean de Bretagne dit de Montfort, il maria sa nièce Jeanne de Penthièvre à Charles de Blois, neveu de Philippe VI. Cependant, son décès engendra la guerre de succession de Bretagne.
JUSTICES : Après avoir été surtout pénale jusqu’au XIIe siècle, la justice seigneuriale s’appliqua ensuite au civil quoique les justifiables aient longtemps eu le choix du juge dans ce dernier cas et aient le plus souvent préféré des juges royaux, plus au fait des subtilités du droit. Elle s’exerçait sur trois niveaux, étant entendu que les seigneurs ne pouvaient juger que des laïcs. Le droit de haute justice, qui remplaça au XIIIe siècle « la justice de sang », les autorisait à juger toute affaire et à prononcer toute peine, même capitale. Le droit de moyenne justice leur permettait de juger des délits importants mais non punis de mort, comme les rixes, les vols, les escroqueries graves, etc. Les condamnations prononcées dans ce deuxième cas allaient de peines de prison, au bannissement, à de fortes amendes ou à des châtiments corporels. Le droit de basse justice était réservé aux délits mineurs comme les conflits de voisinage, désordres causés par des ivrognes, ou les manquements aux droits du seigneur, etc. Les peines se limitaient alors à des amendes modestes.
Existait également une justice d’Église exercée dans les domaines relevant de la foi et de la morale ou visant à protéger l’Église et ses membres. L’Église jugeait ainsi les problèmes d’hérésie (tribunal inquisitoire) mais également tous les aspects découlant des sacrements comme la validité d’un mariage, donc des successions et des filiations.
La justice royale, quant à elle, s’intéressa bien sûr aux affaires relevant de la sphère politique même si certains souverains, dont saint Louis, s’attachèrent à juger des affaires de droit commun, plus pour rappeler aux seigneurs que le jugement du roi l’emportait sur le leur, que par réel intérêt. C’est du reste sous le règne de saint Louis que se développa la procédure d’appel à laquelle eurent de plus en plus recours des justiciables en désaccord avec la sentence rendue. Cette procédure eut un effet dissuasif qui permit d’assainir la justice puisque le juge de première instance était condamné si le tribunal royal donnait raison à l’appelant. Se mit également en place une condamnation sévère pour « fol appel », qui frappait les justiciables de mauvaise foi, de sorte à les dissuader de faire systématiquement appel d’un jugement.
Rappelons également que la justice médiévale était basée sur le principe de la « loi du talion » (Exode 21, 23-25), où la peine doit être proportionnée au crime, du moins symboliquement, dans le sens où les actes étaient punis par « où » ils avaient été commis. Ainsi, on coupait la main du voleur. Ceci peut sembler féroce à notre regard moderne mais, dans l’esprit de l’époque, il s’agissait au contraire de ne pas punir un acte de façon abusive, comme punir de mort un voleur, par exemple.
MOYEN ÂGE, UNE PÉRIODE « DOUCE » ? Bien que les estimations puissent varier, il s’étend approximativement du VIe au XVe siècle.
« L’historien » amateur est souvent troublé par une affirmation qui revient, portée parfois par des spécialistes de la période : le Moyen Âge ne serait pas l’époque dure1 qu’on en a fait. Certes, tout est affaire d’appréciation et de point de comparaison, peut-être aussi de « sous-période » du Moyen Âge (haut ou bas Moyen Âge). Toutefois, à l’époque où se situe ce roman (XIVe siècle), les caractéristiques politiques et sociales de la France n’encouragent pas le contemporain à considérer cette époque comme « douce », même si nombre de ses « vertus » fascinent à juste titre.
S’ajoutait au servage (état de non-libre, une forme d’esclavage), aux multiples et lourds impôts qui pesaient sur le peuple, aux conditions de confort presque inexistantes, aux épidémies, aux famines qui ravagaient le pays assez souvent, à la torture2, à l’Inquisition, à la justice souvent très dure et expéditive, à l’état presque permanent de dénutrition, à la faible longévité3, à la mortalité des enfants4, aux balbutiements de la médecine, à l’extrême pauvreté de la plupart, à la condition des femmes5 très délabrée, sauf pour certaines dames de noblesse, le fait que la France fut encore plus lourdement éprouvée par la Grande Peste (1347-1352) qui décima 20-25 % de la population, puis par la guerre de Cent Ans, que subirent cinq générations, par épisodes. D’autres épidémies de peste eurent aussi lieu.
ORDRE DU TEMPLE : Créé à Jérusalem, vers 1118, par un chevalier, Hugues de Payns, et quelques chevaliers de Champagne et de Bourgogne. Il fut définitivement organisé par le concile de Troyes en 1128, sa règle étant inspirée – voire rédigée – par saint Bernard. L’ordre était dirigé par le grand-maître dont l’autorité était encadrée par les dignitaires. Les possessions de l’ordre étaient considérables (3 450 châteaux, forteresses et maisons en 1257). Avec son système de transfert d’argent jusqu’en Terre sainte, l’ordre devint au XIIIe siècle l’un des principaux banquiers de la Chrétienté.
Après la chute d’Acre – qui, au fond, lui fut fatale –, le Temple se replia surtout en Occident. L’opinion publique finit par considérer ses membres comme des profiteurs et des paresseux. Diverses expressions de l’époque en témoignent. Ainsi, « on allait au Temple », lorsqu’on se rendait au bordel. Jacques de Molay, grand-maître, ayant refusé la fusion de son ordre avec celui de l’Hôpital, les templiers furent arrêtés le 13 octobre 1307. Suivirent des enquêtes, des aveux (dans le cas de Jacques de Molay, certains historiens pensent qu’ils n’ont pas été obtenus sous la torture), des rétractations. Les enquêteurs, versés dans l’art de la rhétorique, n’eurent guère de peine à obtenir des déclarations incriminantes de la part de templiers dont bon nombre étaient des paysans ou de petits seigneurs. Par exemple, certains ne perçurent pas la différence religieuse cruciale entre « idolâtrer » et « vénérer » et furent, bien sûr, accusés d’idolâtrie.
Clément V, qui craignait Philippe le Bel pour d’autres motifs, dont le procès posthume qu’exigeait le souverain contre la mémoire de Boniface VIII, décréta la suppression de l’ordre le 22 mars 1312. Jacques de Molay revint à nouveau sur ses aveux et fut envoyé au bûcher, avec d’autres, le 18 mars 1314. Certains templiers parvinrent à fuir à temps, notamment en Angleterre ou en Écosse.
Il semble acquis que les enquêtes sur les templiers, la saisie de leurs biens et leur redistribution aux hospitaliers coûtèrent davantage d’argent à Philippe le Bel qu’elles ne lui en rapportèrent, preuve que les mobiles du souverain étaient avant tout politiques, d’autant que l’ordre de l’Hôpital, aussi riche que celui du Temple, ne fut pas inquiété.
PHILIPPE IV LE BEL (1268-1314) : Fils de Philippe III le Hardi et d’Isabelle d’Aragon. Il eut trois fils de Jeanne de Navarre, les futurs rois : Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel, ainsi qu’une fille, Isabelle, mariée à Édouard II d’Angleterre. Philippe était courageux, excellent chef de guerre. Il était également connu pour être inflexible et dur, ne supportant pas la contradiction. Cela étant, il écoutait ses conseillers, parfois trop, notamment lorsqu’ils étaient recommandés par son épouse.
L’histoire retiendra surtout de lui son rôle majeur dans l’affaire des templiers*, mais Philippe le Bel était avant tout un roi réformateur dont l’un des objectifs était de se débarrasser de l’ingérence pontificale dans la politique du royaume.
PLOMB : La domestication du plomb par l’Homme est vieille de 3 500 ans. Il est indispensable à une bonne croissance mais à des doses infinitésimales. Il fut longtemps un des poisons préférés des assassins. On l’utilisait à de multiples fins : alliages, étanchéité, canalisations, couvertures, ustensiles de cuisine, soudure des boîtes de conserve. Il fut également un des premiers édulcorants de l’histoire puisque les Romains l’utilisaient déjà pour sucrer leurs vins fins.
L’intoxication au plomb, ou saturnienne, fut la première maladie professionnelle reconnue en France. Il existe toujours en France des cas de saturnisme dus à l’ingestion de copeaux de vieilles peintures par des enfants, ou à la consommation d’eau trop riche en ce métal (saturnisme hydrique).
Le tableau de symptômes varie en fonction de la dose ingérée et de la durée de l’intoxication. L’intoxication chronique (faibles doses sur une longue période) se manifeste par des difficultés d’apprentissage peu ou pas réversibles, neurotoxicité à laquelle le fœtus et l’enfant sont particulièrement sensibles. L’intoxication moyenne (doses plus importantes) se solde par un goût métallique dans la bouche, une anorexie, des violentes douleurs abdominales, des nausées, vomissements, diarrhées. L’intoxication aiguë (très fortes doses) se caractérise par une agitation ou au contraire une somnolence, l’hypotension, des convulsions, le coma.
1- La remarquable historienne, grande spécialiste du Moyen Âge, Claude Gauvard (Le Monde, 7 mai 2010) évoque la « violence de la société médiévale ».
2- Le métier d’exécuteur des supplices et peines de mort, donc de bourreau, ne vit le jour que vers le XIIIe, peut-être un peu plus tôt dans certaines grandes villes, preuve qu’il y avait du « travail » !
3- Au Moyen Âge, 10 % des adultes parvenaient à soixante ans, contre 96 % en 2000. Il est vrai que le premier pourcentage est abaissé par le nombre considérable de femmes qui décédaient en période périnatale.
4- Au Moyen Âge, la moitié des enfants n’atteignaient pas cinq ans et seul un quart parvenait à l’âge de quinze ans.
5- Après avoir quitté la tutelle de son père, la femme mariée était frappée d’incapacité juridique. Son statut était, bien sûr, meilleur lorsqu’elle était personnellement fortunée, même si les maris géraient les biens de leur épouse. Cependant, entre le Ve et Xe siècle, l’Église limita les cas d’annulation de mariage et interdit la simple répudiation (le mari étant le seul à avoir la capacité de rompre l’union), rendant un peu moins précaire la situation des femmes.