XXVII – CHANTS LYRIQUES DE SAÜL.

IMITATION DES PSAUMES DE DAVID.

Je répandrai mon âme au seuil du sanctuaire,

Seigneur ; dans ton nom seul je mettrai mon espoir ;

Mes cris t’éveilleront, et mon humble prière

S’élèvera vers toi comme l’encens du soir !

Dans quel abaissement ma gloire s’est perdue !

J’erre sur la montagne ainsi qu’un passereau ;

Et par tant de rigueurs mon âme confondue,

Mon âme est devant toi comme un désert sans eau.

Pour mes fiers ennemis ce deuil est une fête ;

Ils se montrent, Seigneur, ton Christ humilié.

« Le voilà, disent-ils ; ses dieux l’ont oublié ;

Et Moloch en passant a secoué la tête,

Et souri de pitié ! »

…………………………

Seigneur, tendez votre arc ; levez-vous, jugez-moi !

Remplissez mon carquois de vos flèches brûlantes.

Que des hauteurs du ciel vos foudres dévorantes

Portent sur eux la mort qu’ils appelaient sur moi !

Dieu se lève, il s’élance ; il abaisse la voûte

De ces cieux éternels ébranlés sous ses pas ;

Le soleil et la foudre ont éclairé sa route ;

Ses anges devant lui font voler le trépas.

Le feu de son courroux fait monter la fumée,

Son éclat a fendu les nuages des cieux ;

La terre est consumée

D’un regard de ses yeux.

Il parle ; sa voix foudroyante

A fait chanceler d’épouvante

Les cèdres du Liban, les rochers des déserts

Le Jourdain montre à nu sa source reculée ;

De la terre ébranlée

Les os sont découverts.

Le seigneur m’a livré la race criminelle

Des superbes enfants d’Ammon.

Levez-vous, ô Saül ! et que l’ombre éternelle

Engloutisse jusqu’à leur nom !

…………………………

Que vois-je ? vous tremblez, orgueilleux oppresseurs !

Le héros prend sa lance,

Il l’agite, il s’élance ;

À sa seule présence,

La terreur de ses yeux a passé dans vos cœurs.

Fuyez !… Il est trop tard : sa redoutable épée

Décrit autour de vous un cercle menaçant,

En tout lieu vous poursuit, en tout lieu vous attend,

Et, déjà mille fois dans votre sang trempée,

S’enivre encor de votre sang.

Son coursier superbe

Foule comme l’herbe

Les corps des mourants ;

Le héros l’excite,

Et le précipite

À travers les rangs ;

Les feux l’environnent,

Les casques résonnent

Sous ses pieds sanglants :

Devant sa carrière

Cette foule altière

Tombe tout entière

Sous ses traits brûlants

Comme la poussière

Qu’emportent les vents.

Où sont ces fiers Ismaélites,

Ces enfants de Moab, cette race d’Édom,

Iduméens, guerriers d’Ammon,

Et vous, superbes fils de Tyr et de Sidon,

Et vous, cruels Amalécites ?

Les voilà devant moi comme un fleuve tari,

Et leur mémoire même avec eux a péri !

…………………………

Que de biens le Seigneur m’apprête !

Qu’il couronne d’honneurs la vieillesse du roi !

Éphraïm, Manassé, Galaad, sont à moi ;

Jacob, mon bouclier, est l’appui de ma tête.

Que de biens le Seigneur m’apprête !

Qu’il couronne d’honneurs la vieillesse du roi !

Des bords où l’aurore se lève

Aux bords où le soleil achève

Son cours tracé par l’Éternel,

L’opulente Saba, la grasse Éthiopie,

La riche mer de Tyr, les déserts d’Arabie,

Adorent le roi d’Israël.

Peuples, frappez des mains ! le Roi des rois s’avance !

Il monte, il s’est assis sur son trône éclatant ;

Il pose de Sion l’éternel fondement ;

La montagne frémit de joie et d’espérance.

Peuples, frappez des mains ! le Roi des rois s’avance !

Il pose de Sion l’éternel fondement.

De sa main pleine de justice

Il verse aux nations l’abondance et la paix.

Réjouis-toi, Sion ! sous ton ombre propice,

Ainsi que le palmier qui parfume Cadès,

La paix et l’équité fleurissent à jamais.

De sa main pleine de justice

Il verse aux nations l’abondance et la paix.

Dieu chérit de Sion les sacrés tabernacles

Plus que les temples d’Israël ;

Il y fait sa demeure, il y rend ses oracles,

Il y fait éclater sa gloire et ses miracles :

Sion, ainsi que lui ton nom est immortel.

Dieu chérit de Sion les sacrés tabernacles

Plus que les tentes d’Israël.

C’est là qu’un jour vaut mieux que mille ;

C’est là qu’environné de la troupe docile

De ses nombreux enfants, sa gloire et son appui,

Le roi vieillit, semblable à l’olivier fertile

Qui voit ses rejetons fleurir autour de lui.

Commentaire.

 

Cette méditation est tirée des chœurs de ma tragédie de Saül, qui n’a jamais été ni représentée ni imprimée. J’avais écrit ce drame en 1818, pour Mme de Raigecourt, qui m’engageait à faire pour Louis XVIII ce que Racine avait fait pour lui XIV. Mais il manquait un Racine et un Louis XIV.

Les chœurs de Racine, dans Esther et dans Athalie furent mon modèle. On voit combien je restai loin de ce grand maître en harmonie et en images.