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11

Ils jouaient encore dans l’air pur de Dragonia, et son cœur débordait d’une affection qu’il n’avait jamais éprouvée auparavant. Une affection teintée de douceur et d’amertume.

Leur jeu prit fin sur la terre du Palais Royal de Dragonia, près de l’Arbre-Monde. Le dragon vert sombre s’enroula autour du tronc et, l’un après l’autre, caressa les fruits de ses griffes.

— Un jour, l’un d’entre nous les protégera, tu le sais, dit-il, lui décochant un coup d’œil indéchiffrable.

Son corps avait quelque chose de sinueux et d’insinuant.

Thuban le voyait déjà loin, presque hors de vue.

— Nous serons toujours ensemble, n’est-ce pas ? demanda-t-il et, dans sa voix, il y avait une supplique désespérée. Quoi qu’il arrive.

L’autre dragon ne répondit pas. Il se contenta de le regarder en souriant. Mais petit à petit, son doux sourire se déforma en un rictus monstrueux. Sa gueule s’allongea démesurément, ses crocs s’affilèrent encore, deux rangées terribles et grotesques. Ses mâchoires s’ouvrirent sur un rire terrifiant, et tout devint rouge comme le sang.

 

Sofia se réveilla, haletante. Elle avait de nouveau fait le même rêve, le cauchemar de la nuit où le nuage avait obscurci le ciel, le rêve du dragon vert. Elle jeta un coup d’œil dans la pièce : elle se trouvait chez Gillian. Elle chercha instinctivement la silhouette de Lidja dans le lit près du sien. Il était vide, les couvertures parfaitement lissées.

Bien sûr. Lidja se trouvait avec Ewan au château. Sofia se sentit soudain en proie à la jalousie, mais elle n’aurait su dire si elle était jalouse d’Ewan ou de Lidja. Avec Ewan, tout était simple. Ses yeux bleu clair étaient sans ambiguïté, et ses paroles toujours franches et directes. Il était aimable, sympa, et ne lui aurait jamais dit les phrases que Fabio avait prononcées ce soir-là. Elle soupira et sentit que Lidja lui manquait, maintenant plus que jamais. Parce qu’une confusion terrible régnait dans sa tête. Qui était ce dragon vert que Thuban semblait aimer au désespoir ? Et elle, comment devait-elle se comporter avec Fabio ?

« Sur ce sujet, Lidja t’a déjà donné une réponse » pensa-t-elle.

Elle se leva, sortit dans le couloir et franchit la porte toute proche qui était entrebâillée. Karl dormait à poings fermés, une jambe hors de la couette et la bouche ouverte, comme un enfant. Fabio se trouvait dans le lit voisin. Même dans le sommeil, il ne renonçait pas à cette attitude défensive qui était son trait distinctif : les poings devant le visage, le corps en position fœtale, la mine boudeuse.

Cela aurait été facile. Poser la main sur son épaule, le secouer légèrement. Il avait le sommeil léger. Tous dormaient dans la maison. Ils auraient été seuls, ils auraient pu s’expliquer. Mais c’était trop tard. Il y avait trop de non-dits entre eux, trop de malentendus. Le lien ténu qui les avait unis était définitivement rompu, et le pire, c’était que Sofia ne savait même pas pourquoi.

Elle frotta vigoureusement ses yeux brûlants. Elle ne voulait plus pleurer, elle s’était déjà accordé sa dose de faiblesse, il était temps d’en finir. Une journée terrible l’attendait le lendemain.

Elle se retira doucement, se remit au lit et s’enveloppa dans la couette comme dans un cocon.

 

Sofia et Gillian se rendirent au château peu avant l’aube. Elles ne purent éviter de pousser un soupir de soulagement quand elles virent Ewan sain et sauf. Gillian le serra de toutes ses forces contre elle, et il protesta comme à son habitude.

— M’man, c’est bon…

Lidja était assise en tailleur au milieu de la pièce, les yeux clos, le teint pâle. Elle avait maintenu la barrière active durant toute la nuit et devait être épuisée.

— Repose-toi un peu, je suis là, dit Sofia.

— Je dois tenir jusqu’à l’arrivée des visiteurs ; ensuite, je pourrai baisser la garde, répondit-elle sans ouvrir les paupières.

— Tu peux la baisser maintenant. Tu auras besoin de toute ta concentration pour écouter la nouvelle que j’ai à te donner.

Elle la mit au courant des derniers événements. Lidja la regarda d’abord avec stupéfaction, puis avec réprobation.

— Ça m’ennuie de l’admettre, mais cette fois, je suis de l’avis de Fabio.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— Sof, ce que m’a fait Nida ne peut s’oublier. Sa démarche cache sûrement quelque chose.

— En attendant, personne ne vous a attaqués cette nuit.

— C’est peut-être un truc pour gagner notre confiance, insista Lidja. Nidhoggr veut l’autre Dragonien pour accéder au fruit. Tu crois qu’ils savent qu’il se trouve dans le corps de Chloe et d’Ewan ?

— J’en doute. Nida n’y a fait aucune allusion pendant notre conversation. Je suppose que c’est justement à cause de la présence du fruit que Nidhoggr n’arrive pas à bouger dans le corps de Chloe : tout ce qui est lié à l’Arbre-Monde lui est nuisible, et sa nature de vouivre doit être en train de lutter contre celle du fruit.

— De toute façon, il ne faut surtout pas qu’ils le découvrent, dit Lidja avec méfiance. S’ils trouvaient le moyen de l’extraire du corps de Chloe, nous aurions un problème supplémentaire à résoudre.

Dans leur coin, Ewan et Gillian bavardaient sans relâche.

— Et pour le reste ? demanda Sofia, la gorge nouée.

Lidja eut un sourire malicieux.

— Il sait y faire, celui-là… dit-elle en regardant Ewan. Évidemment, on n’a pas trop d’occasions de discuter. Moi, je dois maintenir la barrière active. Mais de temps à autre, je m’octroie une petite pause. Il en connaît, des chansons ! ajouta-t-elle dans un murmure.

Sofia éprouva un accès de jalousie.

— Et il m’a dit qu’il a rarement vu des filles aussi fascinantes que moi.

Lidja avait les yeux brillants.

— Super ! s’exclama Sofia.

Elle voulait feindre l’enthousiasme, mais ce n’était pas franchement réussi, car Lidja changea d’expression sur-le-champ.

— Il te plaît, à toi aussi ? demanda-t-elle à brûle-pourpoint.

— Non ! cria Sofia, si fort qu’Ewan et Gillian se retournèrent. Non, murmura-t-elle.

— Alors, qu’est-ce qu’il y a ? Tu t’es expliquée avec Fabio ?

Cette fois, ce fut Sofia qui changea d’expression.

— Laisse tomber.

Elles bavardèrent encore un peu, puis Sofia partit, avant que la vie ne se réveille au château. Elle laissa Gillian dans la pièce souterraine en compagnie de son fils et s’envola haut dans le ciel, tandis que le soleil tentait à grand-peine de percer l’éternelle chape de nuages.

Pourquoi est-ce que ça l’ennuyait ? Ewan lui plaisait-il ? Non. Elle s’était juste fait des illusions, comme d’habitude. Bien sûr, elle savait comment il était, qu’il s’amusait à se donner des airs de tombeur, mais pendant un instant, elle avait cru qu’elle pouvait lui plaire, telle qu’elle était, sans être mince, ni belle, et avec ce manque terrible de confiance en elle. Mais non. Il avait été sympa avec elle parce qu’il avait la même attitude avec toutes les filles.

Elle repensa à sa mère et secoua la tête pour la chasser de son esprit. Elle avait été curieuse, rien d’autre, et devait oublier cette histoire. Elle arriva derrière la maison au moment où la lumière du jour s’intensifiait et réveillait la cité. Et se prépara à une longue journée d’attente.

 

Sofia entra dans la cathédrale St Giles. Grise comme tous les édifices de la ville, elle était, vue de l’extérieur, à la fois massive et gracieuse. Elle n’était pas particulièrement haute, mais ses flèches, son clocher et ses vitraux en affinaient la forme.

L’heure de fermeture était proche, il n’y avait presque plus personne.

Elle venait à peine d’en franchir le seuil qu’une musique somptueuse l’enveloppa. Sofia sentit vibrer le sol et tout l’espace environnant : les trois nefs, séparées par de lourdes colonnes, les voûtes sillonnées d’épaisses nervures, les immenses vitraux, tout semblait résonner. Elle resta bouche bée, plantée devant la nef centrale. Il lui semblait que la musique transfigurait toute chose et la transportait dans un monde où ni la mission ni la peur n’existait, où tout n’était que joie et mélodies merveilleuses.

Elle n’avait jamais été une grande passionnée de musique classique. Le professeur en écoutait souvent, mais elle s’enfermait presque toujours dans sa chambre à écouter sa musique à elle : du rock mélodique et quelques auteurs-compositeurs.

Mais cet orgue était différent. Ces notes paraissaient provenir d’un autre monde et subjuguaient ses sens. La main du professeur sur son épaule la ramena à la réalité.

— Asseyons-nous et écoutons, dit-il.

Et ils en firent ainsi, en compagnie de Karl et de Gillian. Celle-ci avait insisté pour aller avec eux dès que le professeur lui avait tout expliqué et s’était séparée d’Ewan à la tombée du jour. Elle voulait voir l’ennemi en face, au moins une fois.

Sofia ferma les yeux et s’abandonna à la musique, oubliant toute préoccupation. Puis les notes s’éteignirent et elle rouvrit les yeux. Le monde l’attendait au-delà de ses paupières closes, tel qu’il était auparavant.

L’organiste, un jeune prêtre, lui sourit.

— The church will close in a few minutes, dit-il gentiment.

— Thank you, répondit le professeur.

Ils firent semblant de sortir mais, arrivés près de la grande porte, ils se glissèrent dans une niche sur le côté, à côté des battants. Puis, de là, dans une chapelle latérale.

L’attente leur sembla sans fin. L’idée que Nida pouvait leur avoir tendu un piège les tourmentait encore, mais ils avaient pris une décision et n’avaient plus le choix.

Sofia se perdit dans ses pensées. Fabio aurait dû être là lui aussi, mais il n’avait pas voulu venir.

— Karl est assez fort pour vous protéger tous, avait-il dit.

L’autre avait bombé le torse avec fierté.

— Et puis, si on est nombreux, on sera trop bruyants, avait-il conclu.

Mais Sofia connaissait la véritable raison : Nida, la compagne de Ratatoskr. Fabio ne s’était pas encore pardonné ce qui s’était passé.

Tout était paisible, et Karl piqua du nez une ou deux fois.

— Heureusement que tu es là pour monter la garde, lui chuchota Sofia avec un sourire moqueur.

— C’est le stress, répliqua-t-il.

— Ah oui. Eh bien moi, quand je suis énervée, je ne dors pas comme un loir.

— Ben moi, ça me donne envie de dormir, compris ?

— C’était histoire de blaguer, murmura-t-elle.

Ils entendirent un claquement, quelque part dans l’église et se tinrent aussitôt sur le qui-vive. Puis il y eut un raclement de pierres et un grincement de gonds rouillés.

— Là ! lança Karl, et tous se retournèrent.

Nida émergeait d’une trappe près du tombeau d’un roi, vêtue exactement de la même manière que la fois précédente. Elle les repéra au premier coup d’œil, comme si elle avait su depuis le début où ils s’étaient réfugiés. Elle sourit, et Sofia sentit le sang se glacer dans ses veines. Tout à coup, elle se rendait compte à quel point sa décision avait été risquée et prenait la mesure de tout ce qui était en jeu.

Elle y pensait encore quand Gillian jaillit de leur cachette en hurlant. C’était tellement inattendu qu’aucun d’entre eux ne réagit durant quelques instants. Ébahis, ils virent Gillian se jeter à la gorge de Nida et la faire tomber au sol.

— Où est ma fille ? Que lui as-tu fait ? Dis-le-moi ! hurlait-elle.

À califourchon sur elle, armée de ses seuls poings, elle la secouait avec violence. Karl fut le premier à intervenir, suivi de près par les autres.

Nida, les mains levées, maintenue au sol par le corps de Gillian, continuait de sourire. Si elle l’avait voulu, elle aurait pu la réduire en cendres avant même qu’elle ne l’approche, se dit Sofia. Et pourtant, elle n’avait rien fait. Cela signifiait-il qu’ils pouvaient lui faire confiance ?

— Gillian, je vous en prie… dit doucement le professeur en la prenant par les épaules.

Nida se redressa en position assise et se massa la joue. Puis elle regarda Sofia droit dans les yeux.

— Je suppose que c’est toi qui parles au nom de tous.

— En effet.

— Alors, vas-y : qu’avez-vous décidé ?

Sofia hésita. Il était encore temps. Ils étaient deux contre un, ils pouvaient s’en tirer. Abattre Nida aurait été un coup de maître.

— On est d’accord, dit-elle en tendant la main.

Nida la regarda sans comprendre.

— Quand ils font un pacte, les humains se serrent la main.

— Ni toi ni moi ne sommes humaines, déclara Nida, qui la toisa avec mépris.

— Moi, je le suis à moitié, répliqua Sofia qui lui prit la main de force. Et maintenant, allons nous asseoir et discuter des détails.

 

— Où que j’aille, il peut me trouver, expliqua Nida. Parce que je fais partie de lui et que mon essence – ma nature – et la sienne ne font qu’une. Il peut flairer mon odeur à des kilomètres de distance ; il n’y a aucun endroit au monde où je puisse me cacher. S’il décide de me tuer, je mourrai.

Ses mains tremblaient.

— Pourquoi le trahis-tu alors ? demanda Sofia.

— Si je trouvais la manière de dissimuler ma véritable essence, si je pouvais faire en sorte qu’il ne puisse plus me percevoir… dit Nida tristement en se tournant vers eux.

Sofia se tut quelques instants.

— Et tu crois que nous, nous pourrions faire quelque chose ?

— Je ne le crois pas, j’en suis certaine.

Et Nida leur raconta comment Ratatoskr avait réussi à toucher le fruit. Ils avaient déjà reconstitué l’histoire, mais l’entendre de la bouche de l’ennemi faisait un tout autre effet.

— Ce qui est intéressant, c’est qu’au moment où Ratatoskr a été en mesure de toucher le fruit mon Maître a soudain moins bien perçu son essence, et moi aussi, j’avais des difficultés à la sentir. Quelque chose en masquait la véritable nature, quelque chose la dissimulait en partie à nos yeux. C’est lui qui a compris de quoi il s’agissait. À force d’exercer son propre pouvoir sur les objets dragoniens, une partie de leur essence s’était accumulée sur ses mains, et cette essence recouvrait la sienne.

— Si toi, tu en étais recouverte, tu mourrais, intervint le professeur. Je comprends ce que tu as à l’esprit, mais cela te serait fatal.

Nida secoua la tête.

— Ratatoskr m’a enseigné à moi aussi comment résister au pouvoir du fruit et j’ai amélioré sa technique. Je ne dois pas m’enduire de sève : une fiole de sève de l’Arbre-Monde que j’aurai toujours sur moi suffira, et mon Maître ne pourra plus me retrouver.

Sofia regarda le professeur. Cette fois, elle ne savait vraiment pas que faire. Il s’agissait de livrer à l’ennemi ce qu’ils avaient de plus précieux. Schlafen se taisait, serrant et desserrant rythmiquement la mâchoire.

— Et si on refuse ?

— Je dirai à mon Maître où se trouve l’autre Dragonien. Et si vous essayez de l’emmener ailleurs, je le trouverai de toute façon.

Sofia entendit grincer les dents de Karl.

— Ce n’est pas un pacte… c’est du chantage.

Nida haussa les épaules.

— Je veux juste avoir la vie sauve. Si vous étiez à ma place, vous feriez la même chose.

— Et en échange de la sève, que nous donnerais-tu ? voulut savoir Sofia.

— En premier lieu, des nouvelles de la gamine, et ensuite, je vous le livrerai, lui. Vous pourrez récupérer le corps de la Dragonienne.

Sofia regarda de nouveau le professeur. Là, elle avait un besoin désespéré de son avis. Elle ne pouvait pas décider seule. Mais il se taisait et la fixait avec une confiance absolue. Quand elle tourna les yeux vers Karl, elle vit la même expression dans son regard. Ils comptaient sur elle.

— Tu l’auras, souffla-t-elle.

Nida parut se détendre un peu, mais sourit d’un air fanfaron.

— Je n’en doutais pas.

— Mais seulement quand tu nous auras livré Nidhoggr.

La jeune fille tressaillit.

— Entendu, dit-elle.

— Chloe, intervint Gillian à ce moment-là. Dis-moi comment va Chloe.

Nida se retourna vers elle.

— Le jour où mon Maître l’a enlevée, il a imposé sur elle une magie complexe. Il lui a injecté son sang dans les veines et a vidé son corps de tout esprit vital, de manière à en prendre possession.

— Ce n’est pas vrai… dit Gillian d’une voix tremblante. Ce n’est pas vrai !

— La fille n’est pas morte, ajouta Nida avec nonchalance. Mais peut-être que pour elle, il vaudrait mieux qu’elle le soit.

— Explique-toi, fit Sofia, les dents serrées.

Derrière elle, Gillian sanglotait.

— Son esprit erre maintenant dans la ville, exactement comme un fantôme, à la recherche de son corps, dans lequel il ne peut retourner, à cause du sang de mon Maître qui l’intoxique.

— Mais ce n’est pas un état définitif ? demanda anxieusement Gillian. Il pourra réintégrer son corps ?

Nida regarda Sofia.

— Si vous êtes en mesure d’éliminer son sang et de chasser son esprit… oui.

Sofia ferma les yeux. Ils avaient libéré Effi, ils avaient sauvé Mattia et Lidja.

— On peut le faire, affirma-t-elle avec assurance en posant la main sur le bras de Gillian. Nous la sauverons, je vous le promets.

Les yeux de Gillian se remplirent de gratitude.

— À condition de retrouver l’esprit de la fille, ajouta Nida.

— Ça, je m’en occupe, intervint Karl.

— Si nous avons besoin de te contacter, on fait comment ? demanda enfin Sofia.

Nida glissa la main dans sa poche et en tira une poupée de porcelaine haute de quinze centimètres, avec une robe de dentelle blanche pleine de poussière. Elle avait de longs cheveux noirs tout emmêlés et l’expression angélique typique d’un jouet de film d’horreur.

— Derrière, il y a un bouton. Appuyez dessus, et je recevrai un signal, dit-elle en pressant le petit bouton dissimulé sous la robe.

Les yeux de la poupée devinrent rouges, et un son intermittent émanant de son corps se propagea à quelque chose dans le sac de Nida. Il s’agissait d’une autre poupée, identique en tout point à la première, à l’exception de sa robe noire.

— Si vous m’appelez, on se verra le soir même, toujours ici, après l’heure de la fermeture, précisa Nida en se levant et en s’étirant, l’air insouciant. Dites-moi juste quand et où vous voulez que je vous amène mon Maître, et je le ferai. Il est pratiquement privé de pouvoirs dans le corps de la gamine ; on est donc seuls, moi et ses maudites araignées, à le défendre. Alors je vous conseille de ne pas tarder à me joindre, avant qu’il ne s’entoure de ces créatures répugnantes. Dans ce cas, il vous débusquera même si vous vous cachez sur une autre planète…

Sofia acquiesça.

— On te tiendra au courant.

Nida les salua d’un geste de la main, exactement comme l’aurait fait une gamine impertinente, et traversa la nef avant de disparaître par là où elle était apparue.

Sofia la regarda s’éloigner, essayant d’assimiler la portée de cet événement. Nida, leur ennemie de toujours, était devenue leur alliée. Si elle disait vrai, la victoire n’avait jamais été aussi proche. Si elle avait menti… Elle secoua la tête. Elle ne voulait même pas y penser.