CHAPITRE VII

— Pourquoi êtes-vous venus me voir ? demanda Burr. Je suis le plus jeune shar tahl de la Citadelle...

Aidan sourit.

— C'est pour ça que nous nous adressons à vous. Parce que vous êtes différent des autres.

— Et parce que vous êtes le seul à avoir parlé de son père à Biais, ajouta Shona.

— Oui. Je crois que mes pairs ont eu tort. Mais, Tiernan ayant été effacé des registres de naissance, comment auraient-ils pu évoquer un guerrier qui n'existait plus ?

— Pourtant, vous lui avez répondu.

— Je le devais. Si j'avais refusé ces informations à Biais, j'aurais failli à un de mes devoirs : servir les Cheysulis pour tout ce qui touche aux coutumes, à leur héritage et à la tradition... J'ai interprété mes devoirs différemment des autres shar tahls, c'est tout.

— Ainsi, dit Shona, nous vous avons posé la question. Allez-vous nous répondre ?

— Bien sûr. Vous pouvez avoir un pavillon dans la Citadelle. Pourquoi vous le refuserais-je, alors que j'ai donné la permission à Biais ? Il est absent pour le moment, mais vous aurez l'occasion de le revoir. Avez-vous l'autorisation du chef du clan ?

Shona éclata de rire.

— Il l'a donnée aussitôt ! Aurait-il osé refuser au fils du Mujhar ?

— Il en aurait eu le droit. Mais il pense sans doute qu'Aidan saura ainsi ce que c'est d'être un guerrier lié aux clans. Il l'apprendrait encore mieux s'il étudiait son héritage avec un shar tahl.

— Puis-je choisir lequel ?

— C'est d'accord, dit Burr. Installez votre pavillon, puis venez me voir tous les jours.

— Leijhana tu’sai.

Aidan se leva, aidant Shona à faire de même.

— Vous avez dit un jour que j'avais votre sympathie. Est-ce toujours le cas ?

— Entre autres choses..., dit Burr.

Aidan savait qu'il était inutile d'en demander plus.

Soupirant, il tint le rabat de la tente ouvert pour laisser passer Shona.

Trois jours durant, ils préparèrent le tissu et le cousirent. Puis ils peignirent un corbeau noir sur ce qui serait les côtés.

Avec l'aide de trois guerriers, ils érigèrent enfin le pavillon.

— Il est à nous, dit Shona, quand leurs compagnons les eurent quittés.

Aidan lui passa un bras autour de la taille.

— Quelque chose que nous avons construit ensemble, continua-t-elle. Il règne ici une telle paix... Je pourrais y vivre pour toujours.

—« Pour toujours », c'est bien long ! Et tu ne sais pas ce que c'est d'être cheysuli.

— Pas encore. Mais je ne mens pas quand je dis que je sens la paix et la sécurité qui régnent ici. Laisse-moi les savourer un peu avant d'imposer tous les changements dont tu parles...

— Je ne veux pas tout modifier, dit-il, seulement des abominations comme l'exclusion... De toute façon, je ne suis pas encore Mujhar. Et les Cheysulis sont surtout gouvernés par les dieux, pas par les rois. Rien ne dit que je serai capable de les convaincre...

Aidan posa les mains sur le ventre de Shona, contrainte d'abandonner les braies pour des jupes amples quelques semaines plus tôt.

Il sentit la chair tendue sous la douceur de la laine.

— Nous avons monté notre tente à temps, je crois !

— Il sera cheysuli avant toute autre chose, dit Shona. Tu dois le sentir, Aidan : j'ai connu la liberté à Kilore. Mais pour la première fois, je me sens vraiment libre. Et entière. Cet endroit est mon foyer !

— Il y a aussi Homana-Mujhar.

— Je sais que nous ne pourrons pas vivre ici en permanence. Mais j'aimerais que nous y restions aussi longtemps que possible...

— Nous resterons... autant que nous le pourrons. Et nous donnerons à notre enfant les bases que tu n'as pas eues. Et qui me manquent aussi, car j'ai été élevé à Homana-Mujhar.

Tu es étrangement satisfait de toi, dit Teel. Je ne crois pas que le pavillon y soit pour grand-chose.

Je suis trop heureux pour polémiquer. Il y a le pavillon, cette femme...

... Et l'enfant à venir.

Oui, lir. Toutes ces choses ! Simples et magnifiques.

Aidan serra Shona dans ses bras.

— Commençons par allumer un feu. Il fait sacrément froid ici à mon goût !