Epilogue

11 mai 2001

9 h 35

Spencer Wingate contempla la vaste pelouse verdoyante qui s'étendait sous la fenêtre de son bureau. Dans le lointain, il apercevait le clocher de l'église de Bookford et quelques cheminées qui pointaient entre les arbres bourgeonnants.

C'était une vue agréable et elle l'aida à apaiser son tumulte intérieur. Jamais il n'avait été aussi tendu. Pour tout aggraver, il n'avait pas dormi depuis plus de vingt-quatre heures et il avait encore la gueule de bois.

Il s'éclaircit la voix. Će qui m'inquiète surtout, dit-il, ce n'est pas ce que ces filles ont appris, mais la manière dont elles l'ont découvert. ª Spencer se détourna de la fenêtre et fit face à Paul Saunders et à Sheila Donaldson, assis dans des fauteuils de l'autre côté de son bureau. ´ Je dois dire que j'ai été abasourdi quand je les ai vues arriver chez moi alors qu'en principe vous aviez toutes vos troupes à leurs trousses. Si ce n'est pas de l'incompétence, qu'est-ce que c'est ? Et puis surtout, si elles ont pu percer à jour en vingt-quatre heures l'ensemble de vos activités, n'importe qui est capable d'en faire autant !

- Spencer, calmez-vous, dit Paul d'un ton pressant.

Nous avons la situation bien en main.

- Si vous appeliez ça avoir la situation bien en main, qu'est-ce que ce serait autrement ? ª railla Spencer. Il alla s'asseoir lourdement sur son fauteuil de bureau.

Ńous sommes d'accord, répondit Paul. Nous devons trouver comment elles s'y sont prises pour tout découvrir.

- Elles sont au courant que vous confiez la gestation de clones humains à des truies, dit Spencer. qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Vous ne m'en avez même pas parlé hier soir.

- Il s'agit d'éviter que nous dépendions des Nicaraguayennes. Dès que nous aurons perfectionné la technique, ce procédé constituera une formidable source de nouveaux ovules à côté des cultures d'ovogonies.

- Mais bon sang, comment ont-elles pu être au courant ?

rugit Spencer.

- On le saura. Faites-moi confiance.

- Je me demande ce qui vous permet de l'affirmer. Kurt Hermann et ses sbires sont en train de les cuisiner depuis trois heures du matin à la loge, et il n'y a pas cinq minutes encore vous reconnaissiez que vous n'aviez rien appris ! ª

Sheila Donaldson intervint : Éxcusez-moi. Ce n'est pas Kurt, mais moi, qui ai mené l'interrogatoire jusqu'à maintenant et je ne dirais pas que nous n'avons rien appris.

- Vous leur avez parlé ? questionna Spencer.

- Bien s˚r. J'avais demandé à être prévenue dès qu'on aurait mis la main sur elles. Comme nous essayons de vous le dire, nous tenons autant que vous à savoir par quels moyens elles sont arrivées à leurs fins. Et nous avançons. Par exemple, nous savons maintenant que c'est votre carte d'accès qui leur a permis de s'introduire dans la salle du serveur et dans la salle des ovules.

- Je vois. ª Spencer Wingate jeta un regard noir à ses deux supposés subordonnés. Én quelque sorte, c'est moi qui suis à bl‚mer dans cette déb‚cle.

- Loin de nous l'idée de vous bl‚mer, protesta Paul.

- Il n'en reste pas moins que c'est bien maigre, comme résultat, après six heures d'interrogatoire. ª

Sheila soupira. Će sont des jeunes femmes très intelligentes. Elles savent parfaitement qu'elles détiennent des informations de la première importance. Elles ne craqueront pas facilement, mais je ne manque pas de patience.

- Nous utilisons la technique du gentil flic et du méchant, expliqua Paul.

- Exactement, approuva Sheila. Le gentil, c'est moi. En ce moment, c'est Kurt qui prend le relais pour la première fois. Lui, il joue le méchant. Dès que nous aurons terminé

cette réunion, je redescends et j'interviens. Je pense que nous aurons obtenu toutes les informations que nous voulons avant midi.

- Aussitôt, dit Paul, nous effectuerons toutes les modifi-cations nécessaires dans notre organisation. Nous avons déjà

pris des mesures en ce qui concerne la sécurité du système informatique. Désormais, Randy Porter est le seul à avoir accès à la salle du serveur.

- Il faudra que nous tirions les leçons de cette malheureuse affaire, ajouta Sheila.

- Précisément ! lança Paul. Cela devra nous inciter à

déplacer toutes les installations vers une zone offshore, comme on l'a évoqué hier soir. A propos, Spencer, que pen-sez-vous des plans que je vous ai remis hier soir pour ce centre aux Bahamas ?

- Pas mal, admit Spencer sans enthousiasme excessif.

- Et l'idée même de déménager pour s'installer offshore ?

- Je dois reconnaître que j'y suis favorable. Même si nous avions relativement les coudées franches ici, ce sera mieux de pouvoir agir encore plus librement. Mais revenons à ces jeunes femmes. qu'avez-vous l'intention d'en faire après leur interrogatoire ?

- Je n'en sais rien, répondit Paul.

- Comment ça, vous n'en savez rien ? ª Spencer sentait la colère le gagner de nouveau.

´ Très exactement, je ne veux pas le savoir. Je laisse Kurt Hermann régler ce genre de problèmes. Après tout, c'est pour ça qu'on le paye.

- Vous laissez Kurt Hermann régler le problème, mais vous récupérez leurs ovaires, c'est ça ? ª railla Spencer.

Sheila intervint : Ńous avons eu tort de le faire par le passé. C'était une erreur. Nous nous en rendons compte maintenant et nous n'avons pas l'intention de recommencer.

Pour notre défense, je dois dire qu'à l'époque nous étions terriblement à court d'ovules.

- Ce qui n'arrive plus maintenant, ajouta Paul. Avec la filière nicaraguayenne et l'avancée que représente notre technique de culture d'ovogonies, nous disposons maintenant d'un stock pratiquement inépuisable d'ovules. On pourrait pratiquement subvenir aux besoins de clonage du pays tout entier ! ª

Spencer les dévisagea l'un après l'autre. ´ Dois-je comprendre que vous n'êtes pas plus gênés que ça par ce qui vient de se passer ? ª

Paul et Sheila échangèrent des regards.

´ Détrompez-vous, dit Sheila. Nous considérons que c'est une affaire sérieuse et nous devons en tirer les leçons, comme je l'ai dit. Mais nous maîtrisons la situation, comme nous l'avons fait lors de ce malheureux accident d'anesthésie. Et même si l'incident avec ces deux filles s'était terminé diffé-remment, nous aurions réussi à gérer le problème.

- Ecoutez, Spencer ª, dit Paul. Il se pencha en avant et tendit les mains dans un geste de conciliation. Ćomme je vous l'ai dit la nuit dernière lors de notre discussion, en matière de recherche nous sommes virtuellement assis sur une mine d'or. Avec les enseignements sur l'élaboration des cellules-souches que nous tirons de nos travaux de clonage, nous allons devenir au XXIe siècle les leaders dans le domaine des biotechnologies. Le clonage et les cellules-souches vont révolutionner la médecine. Et nous, nous serons à l'avant-garde de cette révolution.

- A vous entendre, notre avenir est radieux, dit Spencer.

- Radieux, exactement! C'est le terme que j'emploie quand j'y pense. Un avenir radieux ! ª

A ce moment, on frappa à la porte du bureau, à la grande surprise des trois interlocuteurs, puis la porte s'entrouvrit et le visage de la secrétaire apparut.

´ que se passe-t-il, Gladys ? demanda Spencer Wingate.

J'avais donné l'ordre qu'on ne nous dérange pas.

- M. Hermann est là, avança timidement la secrétaire.

Il tient absolument à parler au Dr. Saunders. C'est urgent, paraît-il. ª

Paul se leva, l'air perplexe. Il bredouilla des excuses et suivit Gladys hors de la pièce. Il lui suffit de jeter un coup d'úil sur Kurt Hermann pour que la façade de nonchalance et d'assurance qu'il arborait s'effondre.

Ón a un très gros problème, dit Kurt, hors d'haleine.

- qu'est-ce qui se passe ? Vous avez couru ?

- Oui, depuis la loge. ª

Paul fit signe à Kurt d'entrer dans son bureau, puis referma la porte sur eux. Álors ? interrogea-t-il.

- Il y a un procureur à la loge. ª Les mots se bousculaient sur les lèvres de Kurt.

Árticulez, bon sang ! ordonna Paul. qu'est-ce qu'il fait là?

- Il a un mandat de perquisition et il fouille la loge avec plusieurs marshals fédéraux. Ils exigent également d'avoir accès au reste des lieux.

- Nom d'un chien ! Comment a-t-il obtenu ce mandat ? ª Paul était sidéré.

´ Je lui ai posé la question. Il paraît que c'est sur la plainte d'un certain Carlton Williams.

- Jamais entendu parler.

- Son père est une grosse légume au Texas et il a des relations au ministère de la Justice. Il est au courant que les deux filles sont venues hier soir et qu'elles n'ont pas reparu depuis.

- Merde ! l‚cha Paul. O˘ sont-elles actuellement ?

- Elles sont toujours au sous-sol de la loge, répondit Kurt.

- Est-ce que le procureur les a découvertes ?

- Je n'en sais rien. J'ai couru jusqu'ici dès que j'ai pu faire patienter tout ce monde-là cinq minutes. Ils menacent de revenir avec un groupe d'intervention de la police si on ne coopère pas. ª

Paul reprit un peu contenance. Ś'ils en sont encore aux menaces, c'est bon signe, dit-il. «a veut dire qu'ils ne sont pas arrivés avec le groupe d'intervention en question. On a donc une bonne demi-heure devant nous. Déclenchons l'alerte rouge. Allez voir Randy Porter et dites-lui de tout transférer sur des zip, puis d'effacer les disques durs. Ensuite accompagnez-le au hangar et faites chauffer l'hélico. Je vous rejoins là-bas avec le Dr. Wingate et le Dr. Donaldson dès qu'on aura détruit tous les documents papier des bureaux, ainsi que la salle des ovules. D'accord ?

- A vos ordres ! ª Kurt fit le salut militaire, puis il se rua dehors. Paul sortit à son tour et le regarda filer dans le couloir en direction de la porte coupe-feu. Une fois le chef de la sécurité disparu, il prit plusieurs profondes inspirations pour retrouver son calme et son assurance, puis il regagna le bureau de Spencer Wingate. Spencer et Sheila se tournèrent vers lui, le regard interrogateur.

Éh bien, il semble que nous allons devoir mettre à exécution notre plan d'installation offshore plus tôt que prévu... ª, dit-il.

DU MEME AUTEUR

Aux Editions Albin Michel

AVEC INTENTION DE NUIRE

NAISSANCES SUR ORDONNANCE

VENGEANCE AVEUGLE

PHASE TERMINALE

CURE FATALE

RISqUE MORTEL

CONTAGION

INVASION

TOXINE

CHROMOSOME 6

VECTOR

Cet ouvrage a été réalisé par la

SOCI…T… NOUVELLE FIRMIN-DIDOT

Mesnil-sur-l 'Estrée

vour le compte des …ditions Albin Michel

en ao˚t 2002

Ouvrage composé par

Nord Compo (Villeneuve-d'Ascq)

Imprimé en France

Dépôt légal : septembre 2002

N∞ d'édition: 20817 - N∞ d'impression: 60366