Robin Cook

CHOC

ROMAN

Traduit de l'anglais

par Marie-France Girod

Albin Michel

Titre original :

SHOCK

© Robin Cook 2001

Tous droits réservés

y compris droits de reproduction totale ou partielle, sous toutes formes.

Traduction française :

© …ditions Albin Michel SA., 2002

22, rue Huyghens, 75014 Paris

www.albin-michel.fr

ISBN 2-226-13401-8

A la mémoire

de mon excellent ami Bruno d'Agostino,

qui nous manque beaucoup.

Pour ma famille nucléaire fissionnée,

Jean et Cameron,

avec toute mon affection.

Parmi la soixantaine d'ovules humains, ou ovocytes, celui que captura la légère succion de la micropipette n'avait aucune particularité, si ce n'est d'être le plus proche de l'extrémité du minuscule tube de verre au moment o˘ celui-ci entra dans le champ de vision de la technicienne. Le groupe d'ovocytes, en suspension dans une goutte de milieu de culture recouvert d'une fine couche d'huile minérale, se trouvait sous l'objectif d'un puissant microscope de dissection.

La présence d'huile évitait toute évaporation du liquide. Il était essentiel, en effet, que l'environnement de ces cellules vivantes demeure stable.

Comme tous les autres, l'ovocyte avait un aspect parfaitement sain, avec une bonne granularité du cytoplasme. Sa chromatine, ou ADN, entrait en fluorescence sous la lumière ultraviolette, telles de minuscules lucioles dans un épais brouillard. Seuls les résidus effilochés de la corona radiata de sa granulosa qui adhéraient à la membrane relativement dense, la zone pellucide, révélaient que cette cellule avait été

extraite par aspiration de son follicule en croissance. Tous les ovocytes avaient été arrachés prématurément à leur nid ovarien, puis poussés a maturation in vitro. Normalement, à ce stade, ils étaient prêts à recevoir une injection de sperme, mais le but visé était tout autre. Ces gamètes femelles n'étaient pas destinés à être fertilisés.

Une autre pipette entra dans le champ visuel. C'était un instrument d'aspect plus menaçant, surtout fortement agrandi par le microscope. En réalité, son diamètre ne dépassait pas vingt-cinq millièmes de millimètre, mais sous l'objectif elle ressemblait à une épée à la pointe en biseau très aiguisée. Inexorablement, elle s'approcha du gamète immobile et entailla le bord de la zone pellucide de la cellule. D'un petit coup précis sur le micromètre de contrôle de la pipette, la technicienne introduisit alors d'un geste s˚r l'extrémité de celle-ci à l'intérieur de la cellule et la dirigea vers l'ADN

fluorescent. Une légère succion et l'ADN disparut dans le tube de verre.

Plus tard, vérification faite que ce gamète, comme tous les autres, avait bien supporté le processus d'énucléation, il fut immobilisé de nouveau. Une autre pipette biseautée le pénétra. Cette fois, elle n'alla pas au-delà de la zone pellucide, épargnant la membrane cellulaire de l'ovocyte et, au lieu de procéder à une aspiration, elle introduisit une infime quantité

de liquide dans ce qu'on appelle l'espace périvitellin. Ce liquide contenait une cellule adulte, plus petite et fuselée, obtenue par grattage de l'intérieur de la bouche d'un adulte.

L'étape suivante consistait à placer les gamètes et leurs cellules épithéliales adultes appariées en suspension dans quatre millilitres de milieu de fusion et à les placer entre les électro-des d'une chambre de fusion. Une fois les gamètes correctement alignés, une impulsion électrique de quatre-vingt-dix volts fut envoyée dans le milieu durant quinze millionnièmes de seconde. Le résultat fut identique pour tous les gamètes.

Sous le choc, les membranes séparant les gamètes énucléés et leurs cellules adultes partenaires se dissocièrent temporairement, et les deux cellules fusionnèrent.

Une fois la fusion réalisée, les cellules furent placées dans un milieu d'activation. Sous l'action de la stimulation chi-mique, chaque gamète, qui était prêt à être fertilisé avant qu'on ne lui retire son ADN, fit alors des merveilles avec sa garniture chromosomique d'adoption. Par un mystérieux mécanisme moléculaire, les noyaux adultes renoncèrent à leur fonction épithéliale antérieure pour revenir à un rôle embryonnaire. Très vite, les gamètes commencèrent à se diviser pour former des embryons individuels qui seraient bientôt prêts à être implantés. Le donneur de cellules adultes venait d'être cloné. Une soixantaine de fois.