Chapitre 7 : L’autre monde

 

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Vévé du Père Legba

 

Première nuit

Mambo Mira vient me chercher vers vingt-deux heures et m’entraîne à nouveau dans les profondeurs du bayou. On porte des gros sacs emplis de machins bizarres. On va soi-disant dans un lieu sacré et secret, où le Mississippi peut recevoir des offrandes entre les deux mondes. Le monde des vivants et celui des morts. Ces endroits seraient rares et ceux qui pratiquent n’importe où sont des escrocs.

Mambo Mira m’explique que le Baron Samedi y sera également, qu’il règne sur les esprits des morts, qu’il ne faut pas avoir peur de lui ni lui manquer de respect. Ce qui peut arriver quand on le voit débarquer avec son costard de carnaval, son chapeau haut de forme, ses lunettes de soleil et sa canne. Puis, elle me précise qu’elle fait les choses à sa manière, qu’elle doit rien à personne et enfin elle se tait. Il semblerait que je ne sois pas dans le bon état d’esprit pour en savoir plus.

On a pourtant bu quelques tisanes bien dégueulasses pour se mettre dans le bon état d’esprit mais j’ai déjà vomi deux fois et je ne sens plus mes mains. Quant à l’esprit, je ne saurais dire.

Plus tôt dans la soirée, elle m’a fait parler des cadavres que j’ai dispersés de-ci de-là le long du fleuve et elle a fabriqué des objets représentant chacune et chacun.

Sauf maman. Maman c’était pas moi, c’était la guirlande. Pas entendu dire qu’on lui ait fait faire tout ce cirque à la guirlande, mais bon.

Comme disait l’autre : trop bon, trop con !

Sacrée Molly !

Je suis à deux doigts d’un fou rire mais comme je sens plus mes doigts, je m’abstiens.

J’ai l’impression qu’on marche depuis des heures. Je suis crevée. Les arbres bougent et je vois des ombres dans la nuit. DES OMBRES DANS LA NUIT ! Je rirais bien à nouveau mais comme je sens plus ni ma gorge ni mes lèvres, je m’abstiens… C’est dommage quand même car c’est pas si souvent que je me sens d’humeur jeuse !

On arrive dans un sous-bois près d’une rive. Il y a des croix partout, des rubans rouges, des têtes de mort, des bouteilles remplies de produits de toutes les couleurs et des bougies, des brûlées, des vieilles, des nouvelles, des bébés bougies qui pleurent…

Mambo les allume en marmonnant. Elle demande au Père Legba d’ouvrir les barrières, afin qu’elle puisse passer dans l’autre monde.

J’imagine le père de madame mambo, tout noir, qui ouvre des barrières avec un joli costume de garde-barrière. Mais j’aperçois vaguement un type qui s’approche et qui n’a pas l’air d’un garde-barrière. Et puis, je me souviens que le Père Legba est un grand dieu, faut pas déconner. Rien à voir avec les trains. Putain, la boulette. Toi, tu fais passer des trains au lieu d’ouvrir des mondes… C’est comme ça qu’on fout en l’air une réputation.

Moi, j’aime bien les vaches qui regardent passer les trains sans se prendre la tête.

En m’asseyant sur ce qu’il me semble être la terre, bien que je flotte un peu, je me dis qu’au fond tout ça laisse père plexe, hi, hi, perplexe. Mais je broute un peu avec la langue.

Mambo sort ses affaires des sacs et elle étale tout ça sur la rive à l’intérieur d’un cercle où elle fait de beaux dessins. J’ai toujours aimé le dessin. Toute petite déjà, je dessinais des fleurs… et puis des guirlandes.

Mais mambo Mira, c’est une pro, ça se voit tout de suite. Parce que ses dessins, ils bougent !

Quand le fameux monsieur à costard et à lunettes est arrivé, j’ai même pas ri, juste un peu vomi. Il a posé sa canne au milieu du cercle, en dansant. Pour tout dire, j’ai connu pas mal de danseurs qui dansaient mieux mais je ne l’ai pas pensé, parce qu’on sait ce qu’on sait.

Le serpent que la mambo dessine est très réussi. Il se met à monter le long de la canne du monsieur le Baron, qui tient debout toute seule… la canne. Mais le Baron aussi. Et tout ça reste bien dans le cercle avec rien qui dépasse ! Comme dans les cahiers à dessin à la con, où faut pas dépasser les formes avec les couleurs. Rien que d’y penser, j’ai envie de chialer.

Forcément que t’arrives pas à pas dépasser les bords ! Et en plus, t’as envie de dépasser les bords parce que leurs dessins à eux, ils sont moches, ils bougent pas, c’est de la merde !

Pour me calmer, mambo me met dans la bouche un truc très épicé en chantonnant. C’est quand même un peu bizarre qu’elle puisse changer de place comme ça : des fois, je suis à sa gauche, des fois à sa droite, des fois devant, des fois derrière, une u-dessus. Ça peut pas être moi parce que je peux plus bouger : je sens plus mon corps !

Et puis, ils arrivent, un par un. Putain, je peux plus bouger ! Mon Luger, ma batte, mes bottes ! Putain, ils vont m’avoir, comme ils ont eu ma mère ! « Maman ! Maman ! », j’appelle. Mais forcément, elle vient pas, elle peut pas, elle fait décoration de Noël. « Père Noël ! Père Noël ! », je crie.

Et bien, IL VIENT, lui ! Il est là, le père Noël ! J’y crois pas, cette connerie de père Noël que j’y ai jamais cru, il est LÀ. C’est Lily qui serait contente. Il me prend sur ses genoux. Ça me fout la trouille et je me mets à pleurer.

Et puis, le salaud de marchand de glace de Saint Louis s’approche. Celui qui avait son échoppe dans le parc, près de l’églantier. Lui aussi, il m’avait prise sur ses genoux, l’enfoiré, derrière son échoppe, en me promettant une glace à la fraise. Plus jamais mangé de glace de ma vie, comme d’autres enfants de Saint Louis, j’imagine. Il s’approche plein de la terre que je lui ai fait bouffer vivant pour qu’il ait le temps d’apprécier à l’abri de son églantier. Déteste les églantiers, comme d’autres enfants de Saint Louis, j’imagine. Lâche-moi, père Noël, que je l’enterre encore une fois puisqu’il est ressorti. Cette fois, il ressortira pas.

Mais il se met à genoux, le glacier. Il pleure. Il demande pardon. Je les connais bien les enfoirés qui pleurent et supplient avant de recommencer leurs saloperies. Le père Noël me glisse à l’oreille sur un air de Mon beau sapin que le glacier ne recommencera plus, puisqu’il est mort, mort, mort, mort, mort, roi des forêts ! Et que les morts ne mentent pas, pas, pas, que j’aime ta verdure

Mais qu’est-ce que j’en sais que les morts ne mentent pas, moi ! Je vais quand même pas croire un père Noël qui franchement ferait mieux de pas exister parce qu’avec tous les cadeaux foireux qu’il m’a donnés, ça me fait chier de pas l’avoir buté aussi. Franchement.

C’est là que se pointe Marthe dans son châle vert fané. Ma Marthe, l’air content, qui danse. Ça fait plaisir ! On s’assied sur la branche d’un cyprès avec une bonne tasse de thé au jasmin.

— Ben, ma fille, t’as pas bonne mine, me dit-elle.

— C’est rien, Marthe, je suis un peu fatiguée. On aime le travail bien fait et là, c’est tout salopé, ça ressort de partout, ça demande pardon, j’ai pas pu prendre mes affaires, mes bottes sont dégueulasses à cause de cette saloperie de bayou… Et toi, ça va ? 

— Rien à dire. Mieux qu’Esaïe. J’ai retrouvé plein de potes, on se marre bien. Je te remercie, tu sais. C’était impeccable notre dernière soirée. Et pour une fois qu’une de t> risanes était bonne ! J’ai rien senti et hop, me v’là de l’autre côté. On reconnaît le métier, quand même !

— Je te remercie Marthe. C’est ce que je dis, le travail bien fait, réfléchi, précis, personnalisé. Ça compte, quand même ! Mais il semblerait qu’il faille aussi faire le service après-vente maintenant. Bon, de toute façon, c’est pas comme si j’étais attendue quelque part… Tu veux un gâteau au chocolat ? 

— Ça me ferait plaisir, c’est sûr, mais je fais attention à ma ligne depuis que j’ai repris la danse.

— Normal. J’ai jamais eu l’occasion de te le dire avant mais je voulais te remercier pour ma Mère.

— Normal. Entre putes, faut s’entraider. Et puis, elle était bonne comme du bon pain. Pas franchement futée mais vraiment gentille. Le contraire de toi, quoi ! Bon, faut que je te laisse, j’ai un gala. Au fait, il a raison, ton père Noël. Dans ce monde-ci, enfin en haut de là, que tu le veuilles ou non, tu peux pas mentir. Ça doit être l’air. L’air est pas pareil. D’ailleurs, c’est aussi bon pour la peau, regarde, les rides s’estompent… et les yeux, t’as vu les yeux… et je te parle pas des fesses ! 

Elle se marre, Marthe, avant de disparaître vers une grosse boule à paillettes disco.

Le glacier a pas l’air rajeuni, lui. Il pleure, couvert de terre. Ça fait de la boue sur sa figure. Je tombe de ma branche.

Le père Noël a disparu. Mambo Mira aussi. J’ai froid. L’autre glace à la fraise me raconte son enfance. Ouais, je connais, j’ai lu les bouquins. On t’a fait ça, tu fais ça, bla, bla. Seulement, il neige et j’ai jamais enculé personne, moi. Je vais l’enterrer sous la neige. Avec le froid, ça va tenir. S’il continue de pleurer, ça va geler. C’est logique, un glacier congelé. J’aurais dû y penser avant !

Merde ! Pas de pelle ! Fait chier, ce pays !

C’est en cherchant cette satanée pelle que je tombe sur le vieux Bobby. Décidément, c’est la fête à Saint Louis ! Ce con-là ne pleurniche pas, il est furieux et se met à me courir après en beuglant, son marcel et son froc rouges de sang, avec le petit rond noir de la balle de mon Luger dans le bide.

Là où c’est quand même un peu bizarre, c’est qu’il ne neige plus et qu’on est dans le Diner Chez Bobby. Ce qui n’est pas plus mal parce que je ramasse une chaise que je lui écrase à la gueule d’un coup sec et précis made in moi.

Il s’écroule.

Je me sers un café et une part de tarte aux myrtilles. Le Diner est vide et flambant neuf. Je réalise alors que ça n’est pas le Diner du jeune Bobby, c’est le club du vieux Bobby avec une scène et la barre verticale qui scintille au milieu. Surprise, la batte de baseball est bien à sa place derrière le bar. Pourquoi se priver ?

Le vieux Bobby se réveille et me jette un regard haineux.

— Sale pute, comme ta mère !

— Au fait, tu sais que ton fils a vendu cette merde pour un gros paquet de fric et qu’il est parti à la pêche…

— Pauvre con, comme sa mère !

— J’ai pas eu l’honneur de connaître la tienne de mère, vieux Bobby, mais vu le porc que t’es, ça a dû être une sacrée grosse cochonne, non ? 

Il me fonce dessus mais un bon coup de batte dans les couilles nous rappelle que le sport a été inventé pour civiliser l’homme, réduire les guerres et préserver ainsi la vie des reproducteurs de la race, tout en leur laissant le plaisir de se taper sur la gueule pour l’honneur de la patrie ; pendant que les femmes découvraient le shopping.

Me fait penser qu’il me faudrait une nouvelle paire de bottes.

Je lance Sex machine sur le jukebox et je pousse le vieux Bobby vers la scène à coups de batte.

— Allez, sexy Bobby, danse pour moi, montre-moi ce que tu sais faire avec cette belle queue brillante qui monte jusqu’au plafond ! T’es pas pédé ? C’est pas grave, dans la vie, faut s’adapter ! Vas-y, grimpe, salopard de merde !

Le vieux comprend rien. Il s’accroche à la barre pour se relever. Je le suis et lui hurle dans les oreilles :

— Danse, salope ! Fais ta pute ! De toute façon, c’est tout ce que tu sais faire, pauvre conne ! Bouge ton cul ! Fais les bander, connasse ! T’es même pas capable de bouger ton cul correctement !

Je frappe encore et encore, pas trop fort au début et puis toujours plus fort, pour qu’il comprenne.

— Tu vas bouger ton cul, saloperie ! Je vais te le faire bouger moi, tout à l’heure, sale pute ! À coups de trique dans ton petit cul d’empotée !

J’ai la nausée. Tout se met à tourner. Je rapetisse comme dans Alice aux Pays des Merveillesi> mais putain, elles sont où, les merveilles ? « Maman, maman ! », je suis petite, cachée derrière les rideaux des coulisses, pétrifiée. Il y a le vieux Bobby qui hurle sur Maman et qui la frappe. Elle s’accroche à la barre. Elle saigne. « Maman ! », je hurle. Je cours vers Elle. Mais Elle est sonnée. Je m’agrippe à la barre et tente de repousser le gros Bobby. Il est rouge, il pue, il lève son bras. La batte immense s’approche de mon visage…

Tout tourne à nouveau. Je vais vomir. Je sors du trou. Je m’élève au-dessus de la scène. Je vois Bobby Junior, seize ans, qui se précipite, ramasse la gamine de cinq ans, dont le sourcil droit pisse le sang. Le vieux lui hurle des injures mais le jeune tient bon et emporte la petite à l’extérieur. Lucy s’écroule en pleurant.

Bobby Junior dépose l’enfant aux urgences. Il raconte n’importe quoi. On fait semblant de le croire.

Il envisage de s’enfuir. Il cogite toute la nuit. Et puis, comme un bon chien, il rentre au petit matin. Il sait qu’il sera battu. Il courbe déjà l’échine.

— Ça va, tu es contente ? Mambo Mira, assise sur le comptoir du bar dans une magnifique robe limée or et un boa fuchsia, m’observe avec un drôle de sourire.

Je lui demande :

— Où est ma Mère ? 

— Elle se repose, je suppose. Qu’est-ce qu’on fait de lui ? 

Elle me montre la barre où s’accroche encore le vieux Bobby, l’air sonné.

— Pourvu qu’il me raconte pas son enfance ! Quelles sont les options ? 

— Tu le libères et il arrête d’encrasser mon territoire. Tu le retiens et tu me mets vraiment en colère !

Mambo Mira se lime les ongles.

— Libère de quoi ? Je l’ai déjà buté. Qu’est-ce que je peux faire de plus ?

— Tu lui lâches les couilles avec ta haine. Pour le reste, mes esprits s’en chargeront !

— Et sa haine à lui ?

— Mes esprits s’en chargeront !

— Avec tes gris-gris à la con ?

— Avec mes gris-gris à la con.

Je regarde le vieux au bout du rouleau de sa mort mais toujours avec la haine au fond des yeux. Je me sens vidée, fatiguée. Je pense à Junior qui pêche. Je pense à Elle. Bizarrement, j’essaie de ne jamais penser à Elle. Mais on fait pas toujours ce qu’on veut. Je ne sais pas comment on enlève la haine.

— Je ne sais pas comment on enlève la haine ?

— C’est un bon début. Allons nous coucher !

*

 

Premier lendemain

Je me suis réveillée l’après-midi avec un goût âcre dans la bouche et la sensation générale d’une sacrée gueule de bois, des souvenirs flous de la nuit passée, des impressions vagues et nauséeuses, le souffle imaginaire d’un Rimbaud imbibé d’absinthe.

Et puis le rire le Lily quelque part dans le potager derrière la maison. L’aboiement d’un chien au loin. Le monde des vivants. Je me sens de nulle part et j’ai très envie de foutre le camp de ce putain de marécage.

J’essaie de refaire dans ma tête le trajet en barque de John Junior mais j’ai vraiment besoin d’une aspirine.

Mambo Mira se pointe dans l’embrasure de la porte avec une tasse fumante.

— Tiens, bois, ça va te remettre en état. T’as une sale tronche !

Je tends la main et puis me retiens.

— Dis donc, tes tisanes, tu mets quoi dedans ?

— Ce qu’il faut, dit-elle en riant et en lâchant un pet sonore.

— Je vais m’en passer alors ! Je me lève comme une vieille, prends une aspirine dans mon sac et vais me chercher un verre d’eau. Elle me laisse passer en s’inclinant.

On peut pas dire que l’eau du robinet soit franchement claire. Mambo m’observe et se marre :

— Tu devrais faire bouillir sinon tu vas y laisser tes tripes, délicate comme tu es.

Je fais bouillir. Et puis je laisse refroidir. Et je peux enfin m’enfiler cette aspirine avant que ma tête n’explose. La mambo me lâche pas du regard :

— Ce soir, on remet ça. On n’a pas beaucoup avancé la nuit dernière.

Je fais vaguement oui de la tête en pensant à la barque de John.

Lily déboule dans la cuisine et se précipite dans mes bras.

— T’es réveillée ? C’est pas trop tôt ! Tu viens jouer ? Y a des poules ! Avec Bayou, on court après, c’est super drôle !

Tout ça avec l’accent du coin, évidemment.

— Tu vas pas à la pêche aujourd’hui ?

— Ben non, John, il est pas là ! Il avait à faire en ville, qu’il a dit…

— Ah !

« Ah ! » répète mambo sur le même ton que moi « Ah ! » « Ah ! » « Ah ! » puis elle ajoute :

— Bon, on va se préparer un bon dîner. Ce soir, faudra être en forme.

On prépare. Je dis pas un mot de tout le reste de l’après-midi. Mambo Mira non plus. Mais elle sourit. Lily apprend à parler chat et miaule avec Bayou.

Le soir, je fais attention à ne manger et à boire que les mêmes choses que Lily. Pas envie de me retrouver dans le même état que le soir d’avant. Aucune intention d’aller dans son coin pourri, de toute façon. J’en ai ma claque de ces conneries.

*

 

Deuxième nuit

C’est quand je me suis retrouvée dans le cercle avec le serpent que j’ai compris que j’avais dû rater un truc.

Bon, t’as un destin, t’assumes. J’ai pris la canne, le chapeau et j’ai gueulé « Je veux voir Elvis ! ».

Mais Elvis ne vient pas. Je commence à beugler A little less conversation, A little more action mais ça fait ni chaud ni froid à l’au-delà. Peut-être bien ceux qui pensent que le King n’est pas mort ont raison. Quand j’irai mieux, je mènerai l’enquête. Je trouve toujours.

Par contre, le Carlos et le Dingo pointent leur face de rats carbonisés. Paraît qu’il était beau, Carlos, quand Lucy est arrivée à l’hôtel La Princesse du Blues, recommandé par Molly.

L’hôtel appartenait à la mère du beau Carlos, madame Lola, une ancienne Miss Louisiane qui avait investi dans l’hôtellerie à la fin de sa beauté et de son mariage. Elle s’était spécialisée dans l’hébergement des danseuses de charme des clubs du quartier et se faisait un honneur de protéger ses filles des mauvaises fréquentations. Après le décès de madame Lola, suite à une intoxication alimentaire non élucidée, son fils, Carlos, s’est fait un honneur de proposer aux filles de mauvaises fréquentations.

Lucy a débarqué à ce moment-là, un bébé dans les bras. Le premier réflexe a été de la foutre dehors avec son chiard mais il faut dire qu’elle était bien fraîche et drôlement mignonne, la gamine. Un air naïf à vous faire bander illico presto. Il l’a installée dans la chambre dix-neuf avec un grand sourire protecteur.

Et puis, il lui a appris le métier.

Ce qu’il a de bien avec un hôtel à putes, c’est qu’il y en a toujours une en pause pour faire du baby-sitting. Et puis, c’est bien connu, les putes débordent d’instinct maternel. Bizarrement, les spécialistes sadomasos encore plus que les autres.

Le plus drôle, c’est que pendant les quatre ans que ça a duré et malgré les coups, Lucy a vraiment cru que Carlos l’aimait. Mais bon, quand il a voulu la foutre par la fenêtre parce qu’elle avait acheté une poupée qui dit « Maman » pour la petite avec le fric de la dernière passe, elle a commencé à comprendre. Et quand il a voulu foutre la petite par la fenêtre parce que, si, il avait bien entendu qu’elle avait dit « connard » au lieu de « bonsoir », là, elle a fini de comprendre.

Elle a attendu qu’il s’endorme, pris la petite sous le bras et le train pour n’importe où, Saint Louis en l’occurrence.

Donc, me voilà tout chose de revoir Carlos et son copain. Le crâne en vrac et bien cramés. Du bon boulot, rien à dire. Qu’est-ce qu’elle en pense, madame Mira ?

Là, je comprends pas trop. Elle leur jette des trucs à bouffer en beuglant des incantations. Elle souffle, crache un liquide d’une couleur indéfinissable et casse des pots. Ensuite, elle me dit de faire la même chose. Pourquoi pas ! Je jette, je beugle, je souffle, je crache, je casse.

Étrangement, les deux débiles retournent sous terre sans moufter quoique cela soit difficile à dire car au niveau du visage il ne reste pas grand-chose. Pour a, la batte, impeccable. Instantanément, ça ferme sa gueule.

Sur un manège, une tribu Choctaw chante Amazing Grace d’une voix nasillarde. Je monterais bien sur la licorne mais elle est déjà prise.

L’alligator semble malade. Il se contorsionne puis vomit mes trois pères dans le désordre : un bras, une jambe, un entonnoir, un visage…

Il me revient soudain à l’esprit que lors d’un Noël du temps de Memphis, alors que je devais avoir trois ans, j’avais reçu en cadeau un petit alligator en peluche que j’avais appelé Poupougne.

Lucy était une bonne gagneuse et Carlos avait eu la bonté de lui donner une chambre avec salle de bain et baignoire. La baignoire étant hors service, elle me servait de lit. Avec Poupougne, on a beaucoup rêvé qu’on descendait le Mississippi dans cette baignoire.

Betty Boop, une sadomaso très consciencieuse, était ma nounou en chef. Elle pensait qu’il n’était pas très « instruisant » pour une enfant d’entendre les bruits de l’hôtel et plus particulièrement ceux de la chambre où travaillait sa Maman. Elle m’avait donc donné de vieux écouteurs à mettre sur mes innocentes oreilles. Noyée dans le silence de l’épais cuir noir et reliée au grand vide par le fil magique, « Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots ».

Ceci dit, je pense qu’au contraire c’est fort « instruisant » quant aux différents aspects de la condition humaine d’écouter les aléas d’une chambre de pute mais ça n’incite guère à un sommeil réparateur. Poupougne et moi, on a beaucoup appris, autant dans le bruit que dans le silence. On a surtout appris à se la fermer et à se faire oublier. Être oublié des autres est un repos peu ordinaire.

Poupougne dans les bras, je regarde donc mes pères tenter de se redonner une apparence humaine, embourbés dans ce putain de marécage. J’aimerais vraiment monter sur la licorne et attraper le pompon rouge.

Mambo s’approche avec une bouteille de rhum, deux verres, et m’en propose un. Moi qui ne bois jamais, je le prends.

— Ils ne sont pas doués tes pères, trinque la mambo.

— Pourquoi je peux pas aller sur la licorne ?

Poupougne répond :

— Parce que j’ai le tournis sur les manèges !

— Ah !

"justify">— Je vais voir ton papa ! continue Poupougne et il se dandine vers un des trois pervers vaguement reconstitués comme de la bidoche de supermarché.

— Ben merde alors, mon cher père, c’est le vieux flic ! Si, si, regarde mambo ; celui qui s’est trompé de mâchoire ! Il a pourtant pas une allure de vainqueur…

— Ça m’étonne pas, rétorque la mambo. Avec ton sens de la justice, c’était couru d’avance !

— Mais cet enfoiré de pédophile était un flic pourri et je peux te dire que la justice aussi, il l’enculait tous les jours !

— Justement, ma chérie, justement. La justice, ça se prend par devant, par derrière et c’est pas toujours ce qu’on croit…

Et Poupougne fait des léchouilles à l’œil qui pendouille du Père la Justice ou il le bouffe, c’est pas très clair. Honte à toi, Poupougne !

Il s’est noyé, Poupougne.

Une nuit, la baignoire de l’hôtel Princesse du Blues s’est remise à fonctionner pendant qu’on dormait. Un vrai miracle.

J’ai dégueulé de la flotte quand Betty Boop m’a essorée mais Poupougne ne s’en est jamais remis. Lucy pleurait dans la chambre à côté. Carlos gueulait :

— C’est la dope qui a fini par te trouer la cervelle, pauvre conne ! Si elle avait crevé, ta môme, c’est les flics de la criminelle qu’on avait au cul et pas ceux des stups et des mœurs. Je peux pas arroser tout le monde, moi, tu comprends ?

Il lui a mis quelques beignes pour qu’elle comprenne et puis il l’a envoyée une semaine en vacances chez des amis pour reboucher les trous dans la cervelle et lui refaire la tronche. Parce que, quand même, il l’avait pas mal amochée et les clients veulent des rabais quand c’est abîmé.

Moi, j’avais bien compris qu’elle avait fait ça par gentillesse, Lucy. Elle voulait que je rejoigne les anges du Paradis avant que le mal m’attrape et me fasse des misères. Elle ne savait pas que je pouvais voguer sur les eaux plus léger qu’un bouchon et que le mal ne me faisait pas peur. Un jour, c’est moi qui lui ferais peur. Mais ça, Lucy, avec ou sans la dope, Elle aurait pas pu comprendre. Elle était trop gentille.

J’ai dormi dans le lit de fausse soie rouge de Maman toutes les nuits et Betty Boop m’a lu des histoires pour m’endormir : le marquis de Sade. C’était son seul bouquin. Parce que Betty, c’était une sacrée bonne sadomaso et c’est peut-être bien v que ce sont les meilleures mères. Elle avait de magnifiques bottes noires à talons hauts que je me suis cassé la figure avec dans les escaliers un jour où elle faisait une sieste bien méritée. J’en ai conclu qu’il fallait pas vouloir péter plus haut que son cul et que les talons n’étaient pas pour moi. Je pouvais même jouer avec son fouet et je me suis attachée un peu partout dans l’hôtel avec ses menottes en fourrure. Mais bon, on a vite fait le tour de la question, une fois qu’on a compris le bonheur de souffrir. J’ai rapidement pris en horreur le bonheur de souffrir. Mais il ne faut pas le sous-estimer. C’est comme certaines drogues, t’en prends une fois et t’es accro.

— On peut tuer un Choctaw pour que je puisse monter sur la licorne maintenant ? 

Mais la mambo a disparu. Le manège a disparu. Poupougne a disparu.

Il n’y a plus que les trois pervers en vrac en face de moi. Papa qui brandit la balance de la justice et les deux autres qui essaient de se branler mais soit il manque une queue soit il manque une main.

Il y a un truc qui essaie d’émerger des tréfonds de ma conscience comme on dit. Un truc profond qui change ta vie, tout ça… que tu mets dans les bouquins, sur les posters, les t-shirts, les prix Nobel… ça remonte lentement, de profundis, comme un reflux acide.

Ah oui, voilà : AU SECOURS !

*

 

Deuxième lendemain

— Tiens, bois, ça va te remettre en état. T’as une sale tronche !

Deux mambos et deux tasses fumantes flottent devant mes yeux. Je vomis dans deux seaux.

Putain, faut que je me casse d’ici, c’est de pire en pire.

Je bois les deux tasses et retrouve une mambo et un estomac plus ou moins à leur place. J’articule du mieux que je peux :

— Je veux partir d’ici immédiatement ! Où est Lily ? 

— D’abord, Lily est à la pêche avec John Junior ET sa barque. Ensuite, tu fais ce que tu veux. 

Et elle va dans sa cuisine en éclatant d’un rire sonore qui fait fuir les oiseaux.

Je la suis avec mon Luger et une nouvelle nausée :

— C’est pas possible que vous n’ayez pas aussi une barque quelque part !

J’avais déjà cherché la veille, sans succès. Courbée en deux de douleur, je vise son gros ventre :

— Je vous conseille de m’aider à partir, mambo, sinon c’est pas seulement dans votre autre monde que je vais continuer de foutre la merde, c’est aussi dans votre bide que je vais tirer une putain de balle !

*

 

Troisième nuit

— Où elle est la baballe, où elle est ? C’est un grand chien noir qui me renifle la joue en me posant la question.

Retour case vaudou. Les croix, les bougies, les machins… D’ailleurs, il y a une bougie plantée dans le canon de mon Luger avec une jolie flammèche orangée. Le tout oscille au bout de la queue du chien.

Je m’en fous. Je joue plus.

Je creuse la terre avec mes pattes. Je passe les herbes, les fleurettes, les racines, la boue. Je creuse encore jusqu’au magma de la terre, là où il fait bon chaud et je me roule en boule pour dormir.

Enfin, je me désintègre en ronflant. Mon corps pourrit tranquillement. Quelques particules s’échappent dans l’univers à la vitesse de la lumière, sans bruit, sans emmerder personne. Se font happer par un trou noir, se marrent simultanément, à l’infini.

Le premier spermatozoïde qui se pointe, je le bouffe, je le digère, je le chie.

Amen.

Et là, forcément, il y a un réveil qui sonne.

Non.

Si.

— C’est l’heure de l’école, ma chérie, mon ange, ma jolie…

Et c’est ta Mère, qui est morte, enterrée, qui se repose, ELLE, qui vient te réveiller. Putain, mais qu’est-ce que tu lui as fait à l’Autre Con là-haut ? Pourquoi toi ?

— Non, maman, je veux pas y aller !

Ça y est, t’as cinq ans. T’es de nouveau à Saint Louis. Le nouvel Eldorado de Lucy.

— Lève-toi, je t’ai fait des crêpes, ma chérie…

Non, je veux pas La voir, surtout pas La revoir !

Mais Elle me secoue, me fait des guiliguilis pour m’obliger à ouvrir les yeux. Je résiste tant que je peux et puis je les ouvre ces satanés yeux et je la vois, la belle Lucy, avec ses longs cheveux noirs, ses yeux bleus comme des rivières profondes, son sourire doux et blessé.

C’est si étrange car elle me regarde vraiment depuis qu’elle a arrêté la dope. En fait, on s’est vraiment rencontrées à Saint Louis après sa cure de désintoxication dans un foyer de la ville, avec l’aide d’un gars nommé Jean. Elle me scrute pendant des heures. Elle sourit et m’appelle « Mon ange » en essayant de rattraper l’enfant perdu. On joue, elle me lit des histoires. Elle regrette de ne pas avoir de photos de moi bébé. Les larmes lui viennent aux yeux. Elle les chasse : « Viens, mon ange, on va manger une glace au parc ! ».

Jean nous a trouvé une chambre dans une pension. J’ai commencé l’école. Beurk. Elle est heureuse, Lucy. Moi, je fais semblant pour lui faire plaisir. J’ai peur. Ce nouveau bonheur, c’est trop bizarre. J’ai toujours envie de lui dire « Fais gaffe, Lucy, fais gaffe, t’es trop naïve ».

— Tu te souviens de ce que je t’ai dit hier ? J’ai enfin trouvé du travail, mon ange, je commence aujourd’hui !

Oui, maman, je m’en souviens comme si c’était tous les jours hier.

— Je t’ai noté l’adresse et le téléphone dans ton cahier, si tu as un problème. Mais je serai là à la sortie de l’école. Je suis très contente. Ce Monsieur Bobby a l’air très gentil. C’est un bon travail, serveuse, et puis je pourrai finir tous les jours à seize heures, tu te rends compte ! Tout le temps qu’on va passer ensemble, c’est merveilleux !

Ça a été merveilleux quelques semaines. Et puis les horaires ont changé. Elle a pas osé dire non. Et puis le travail a changé. Elle a pas osé dire non. Et puis ses yeux ont changé. Elle a plus osé dire non. On s’est à nouveau perdues de vue.

La nuit où Bobby Junior m’a amenée aux urgences, elle s’est enfuie de chez Bobby. C’est Marthe qui l’a ramassée derrière une poubelle. Elle l’a soignée, désintoxiquée, puis elles sont parties à ma recherche dans les méandres des services sociaux.

Il lui fallait un travail et un logement pour me récupérer. Le casier judiciaire de Marthe étant quelque peu encombré, son adresse ne faisait pas office de référence. Alors Marthe a payé une chambre dans un motel propret et puis l’a aidée à trouver du travail chez une copine qui avait un Diner et cherchait une serveuse.

Pour commencer, Lucy a eu un droit de garde pendant les weekends et les fêtes. Et je l’ai regardé faire semblant comme j’avais fait semblant.

J’avais toujours peur : « Fais gaffe, Lucy, t’es plus assez naïve ».

Il y a des gens, comme elle, qui ont besoin d’être naïfs pour avancer, c’est comme ça. Il faut qu’ils voient de la beauté, de la bonté, des trucs à la con, pour vivre, sinon ils ne peuvent pas.

J’ai essayé d’en mettre dans mes yeux. J’ai porté des robes en couleurs, fait des sourires, chanté des chansons, raconté des fausses histoires de copines à l’école, eu les meilleures notes, mais j’ai jamais été douée pour les trucs à la con.

Bon, le coup de la guirlande, Lucy, c’était quand même un peu dégueulasse.

— Je sais !

Elle est là, devant moi, avec sa plus belle robe et ses chaussons rouges, assise dans l’herbe, une fleur à la main. Le lieu de culte vaudou est devenu une charmante clairière inondée de soleil. Pourtant, en arrière-plan, je vois la mambo dans la nuit, qui allume une guirlande et la déroule d’un arbre à l’autre en chantonnant.

Franchement, je sais pas quoi dire. Tu passes douze ans de ta vie à Lui consacrer chaque seconde et là… rien.

— Je te demande pardon ! me dit-elle en me regardant droit dans les yeux, les mêmes que les miens.

Et bien, sur la tête de tous les connards que j’ai butés pour Elle, je me rends compte à cet instant précis qu’au lieu de vouloir L’embrasser ou de Lui dire « Merci » ou « De rien » ou « Comment tu vas ? » ou « On les a bien eus, finalement ! », j’ai surtout, extrêmement, violemment, irrésistiblement envie de l’étrangler, ELLE.

Avec sa putain de guirlande à deux balles.

En hurlant « Joyeux Noël, maman ! ».

Je vois défiler toutes les pages de son putain de journal que j’ai récupéré avec ses affaires, autant dire rien, après l’enterrement. Ses souvenirs enroulés autour des miens comme des serpents venimeux. Tout ce que je savais, tout ce que je savais pas. Tout ce qu’elle savait, tout ce quGelle savait pas.

Parce que ce qui me saute à la gorge aujourd’hui dans le fin fond du trou du cul du monde, c’est que ma mère était une sacrée CONNE !

« Ce Monsieur Bobby a l’air très gentil » ! Non, maman, non ! Au premier coup d’œil, on voyait son air vicieux de faux cul et de vrai con. À cinq ans, je l’ai tagué dans la catégorie « À éviter absolument avant d’avoir les moyens d’éliminer » !

« Carlos était beau comme une star de cinéma. Il avait l’air si gentil… » ! Pas de commentaire.

— J’étais si jeune, me dit-elle maintenant, le regard plein de tendresse.

— Moi aussi, maman, je suis jeune…

— Je voulais pas voir le mal… Papa Johnson le voyait partout… 

— Au fait ? 

— Je sais.

— Ah !

Ça me fait penser qu’il n’est pas ressorti du marais avec les autres, celui-là. Il doit être retourné à son champ pour labourer.

— Non, il essaie de comprendre. Nous avons parlé. Je lui ai pardonné, tu sais…

Sacrée Lucy !

— La prochaine fois que tu le verras, passe-lui le bonjour ! 

— Toi aussi, tu ne vois que le mal, mon ange ! À cause de moi. C’est pour ça que je te demande pardon ! 

Je ne sais pas ce qu’ils ont tous avec leur pardon. À quoi ça sert ? Ce qui est fait est fait.

Retour au manège à cons de Marthe. On va franchiser tout ça à l’international et puis on ira boire des daiquiris à Malibu Beach.

Une chose en entraînant une autre, un vieux souvenir datant de juste avant la fin du monde me remonte à la mémoire :

— Au fait, il est où MON manège ? 

Lucy ouvre de grands yeux étonnés. Elle ne comprend pas. Évidemment.

— Quel manège, ma chérie ? 

— Celui que j’avais demandé pour Noël, tu sais, le fameux Noël… 

J’avais vu, dans la vitrine d’un magasin de jouet, un tout petit manège qui tournait pour de vrai avec la musique et tout et des licornes qui s’élevaient dans les airs à chaque tour. Je l’avais trouvé vachement beau. Comme quoi, je ne voyais pas le mal partout !

— Je suis allée au magasin pour te l’acheter et puis… 

Elle hésite, sa voix tremble :

— … il y avait cette boîte à musique avec la petite danseuse qui tournait… elle avait de magnifiques chaussons rouges…

Le son de sa voix est maintenant si ténu que je dois me pencher pour l’entendre. Je reconnais le parfum délicat de sa peau :

— … C’est là que… tout s’est mis à tourner dans ma tête. Je suis rentrée… Il restait la guirlande à mettre sur le sapin…

*

 

Troisième lendemain

— Tiens, bois, ça va te remettre en état. T’as une sale tronche !