Charity n’avait pas eu l’intention de lui rendre son baiser. De toute évidence, quelque chose semblait avoir contrarié Josh. Et même si elle aimait croire que c’était à cause de la soirée qu’elle venait de passer avec Robert, elle n’en était pas au point de vouloir se couvrir de ridicule. Par conséquent, résister à son baiser arrogant aurait sans doute été la réaction la plus intelligente.
Seulement, voilà… Le désir l’avait embrasée avec une telle violence que son intelligence n’avait pas eu le temps d’entrer en action, et elle était là, tremblante et le cerveau en panne.
Il y avait quelque chose d’incroyable chez Josh, il suffisait qu’il la touche pour qu’elle perde tout contrôle sur elle-même. Il éveillait en elle un instinct primitif, une faim qu’il lui fallait assouvir. Son parfum l’enivrait, son regard la clouait sur place, le contact de son corps la rendait folle. C’était effrayant. Et tandis que ses lèvres dévoraient sa bouche et que ses mains caressaient ses reins, elle se surprit à vouloir davantage. Bien davantage…
Inclinant la tête, elle lui rendit caresse pour caresse, baiser pour baiser. Ses mamelons étaient si durs et sa peau si sensible que le frottement de la dentelle de son soutien-gorge rendait la pointe de ses seins douloureuse. Et il y avait cette pulsation lancinante entre ses jambes, cette moiteur. Elle était prête. Dramatiquement prête. Au cas où Josh ne s’en serait pas aperçu, elle se plaqua contre lui, pressant ses hanches contre sa virilité.
Il s’écarta légèrement pour semer dans son cou jusqu’à la naissance de sa gorge une pluie de baisers qui la firent frissonner de plaisir.
Peut-être était-il un homme à femmes. Peut-être était-elle sur le point de commettre une erreur monumentale. Mais jamais elle n’avait éprouvé une telle excitation, une telle faim. Afin de s’assurer qu’il saisissait le message, elle prit ses mains et les posa sur ses seins. Leurs regards s’enchaînèrent, et elle lut dans ses yeux verts un désir au moins aussi fort que le sien. Un désir qui lui ôta ses derniers doutes.
Comme pour répondre à sa question inexprimée, il prit sa main et l’entraîna vers sa chambre. Il ouvrit la porte avant qu’elle ait eu le temps de réfléchir. C’était aussi bien ainsi, se dit-elle. Parce que ce n’était plus le moment de réfléchir.
La seconde suivante, il l’avait plaquée contre le mur et s’emparait de nouveau de sa bouche. Dans le même temps, il déboutonnait d’une main experte son chemisier et dégrafait son soutien-gorge. Quand ses doigts se refermèrent sur ses seins, elle crut défaillir. Et tandis qu’il penchait la tête pour les embrasser, elle le caressa, sentant sous ses doigts onduler ses muscles, palpiter sa chair, frissonner sa peau, lui arrachant un gémissement, quand sa paume se pressa contre son érection. Il se vengea en glissant une main entre ses cuisses, la faisant gémir à son tour.
Ecartant sa culotte, il la caressa en une lente exploration. Elle était humide et brûlante sous ses doigts. Une caresse plus profonde… puis une autre…
Elle était tendue à l’extrême, au bord de l’orgasme, quand il s’arrêta brusquement.
Elle le dévisagea, ne comprenant pas ce qui se passait, jusqu’à ce qu’elle voie ses mains défaire la ceinture de son jean pour libérer son sexe tendu et palpitant. Puis il se pressa contre elle, chair contre chair, l’amenant au paroxysme de l’excitation.
— Josh… s’il te plaît…, souffla-t-elle contre sa bouche.
N’y tenant plus, il la souleva par les hanches et s’enfonça en elle, l’empalant sur son sexe, l’embrassant à pleine bouche, creusant les reins pour la posséder tout entière et l’emmener vers l’orgasme.
* * *
Lorsqu’il la fit doucement glisser à terre, Charity n’était plus très sûre de tenir sur ses jambes. Josh la retint par la taille.
— Ça va ?
Il lui demandait si ça allait, alors qu’elle venait de faire l’amour, debout contre un mur, avec un homme qu’elle connaissait à peine ? Chose qu’elle n’avait jamais faite. Le dernier homme avec lequel elle avait couché, elle l’avait d’abord fréquenté sérieusement pendant trois mois avant de se glisser timidement dans son lit.
— Ce n’était pas une question piège, Charity.
— Excuse-moi.
Elle leva les yeux sur lui, puis détourna la tête.
— Je réfléchissais, murmura-t-elle.
— Plutôt risqué, surtout maintenant.
Elle réussit à se redresser. Ses escarpins à talons hauts ne lui facilitant pas les choses, elle s’en débarrassa, perdant ainsi cinq bons centimètres.
Mais l’équilibre n’était pas son seul problème. La tête lui tournait. Qu’était-il arrivé ? Ou plutôt, pourquoi était-ce arrivé ?
Josh lui caressa doucement la joue.
— Ça va ? demanda-t-il de nouveau.
Elle hocha la tête. Il était trop tard pour les remords et les regrets. Elle venait de faire l’amour avec Josh Golden. De son plein gré. Sauvagement.
Dans ses bras, elle s’était soudain transformée en une autre femme. Celle qu’elle était peut-être réellement sous les apparences, lui souffla une petite voix intérieure.
Pas du tout ! Elle secoua la tête pour s’éclaircir les idées. Non, elle n’était pas comme ça.
Fébrilement, elle rabattit les pans de sa jupe et remit son chemisier. Josh s’était rajusté en quelques secondes à peine, mais c’était nettement moins facile pour elle. Son soutien-gorge devait être quelque part sur le sol. Ainsi que sa culotte. Elle s’occuperait de ses sous-vêtements plus tard, quand elle partirait.
A moins qu’elle ne soit censée partir maintenant.
Les aventures d’un soir n’étaient pas son genre. Et très franchement, elle ne connaissait pas les règles.
La voix de Josh la tira de ses interrogations.
— Je sais ce que tu penses.
— J’en doute.
Il aurait fallu pour cela qu’il soit médium pour lire dans le dédale tortueux de ses pensées.
— Je ne fais pas ça tous les jours, dit-il. Ce que les gens racontent sur moi, toutes ces rumeurs, c’est faux.
— Il y a certainement une part de vérité dans ce qui se dit, répliqua-t-elle. La semaine où je suis arrivée, il y avait une blonde qui t’attendait dans cette chambre. J’imagine que c’est toi qui l’avais invitée.
— Pas du tout. Je ne la connaissais même pas. Elle a réussi à se faire ouvrir la porte par un membre du personnel d’entretien.
Il croyait lui faire croire ça ?
— Ne me dis pas que tu lui as demandé de se rhabiller et de rentrer chez elle ! lança-t-elle, moqueuse.
— C’est pourtant ce que j’ai fait.
Comme elle détournait les yeux, il lui saisit le menton.
— C’est la vérité, Charity.
Le plus drôle dans l’histoire, c’était qu’elle voulait le croire. Décidément, elle n’avait plus toute sa tête !
Josh lui prit la main et l’emmena dans le salon.
— Tu veux boire quelque chose ?
Elle aurait bien pris un verre de vin, mais l’idée qu’un membre du personnel de l’hôtel puisse la voir dans cette chambre et que le bruit se répande dans toute la ville lui coupait l’envie. Comme s’il lisait dans ses pensées, Josh lui indiqua le minibar.
— Inutile d’appeler la réception. J’ai tout ce qu’il faut ici. Un verre de vin rouge ?
Elle hocha la tête. Et pendant qu’il sortait une bouteille, elle courut récupérer son soutien-gorge et sa culotte près de la porte d’entrée. Le temps qu’elle revienne dans le salon dans une tenue décente, il avait rempli deux verres et allumé la cheminée au gaz.
— Tu vas me faire la cour ? s’étonna-t-elle. Ce n’est pas un peu tard ?
— Parce que j’ai déjà possédé la fille ? plaisanta-t-il en la conduisant vers le canapé.
— Je dois reconnaître que tu l’as possédée de façon éblouissante. Tu as une sacrée force dans les bras.
— Théoriquement, je devrais me contenter d’accepter le compliment avec un sourire satisfait, répondit-il en s’asseyant à côté d’elle pour l’attirer contre lui. Mais je vais te dire la vérité, ce n’est qu’un effet de levier.
Elle fit la grimace.
— J’aimerais autant ne pas savoir.
— Pourquoi ?
— Il ne s’agit pas de l’aspect technique, mais du fait que tu aies tellement d’expérience que tu puisses en parler de cette façon. C’est angoissant.
— Je ne te mentirai pas, Charity. J’étais un sportif célèbre et les femmes me couraient après. Alors, j’en ai profité. J’ai pris du bon temps. Beaucoup.
Quel besoin avait-il de lui dire cela ? Franchement, ce n’était guère réconfortant.
— Mais je ne suis plus le même, poursuivit-il. Les gens d’ici refusent de le croire parce qu’ils préfèrent la légende et les histoires qui tournent autour. Ils veulent que je reste le champion sur l’affiche. Celui qui leur amène la gloire par procuration.
— Difficile de ne plus être un héros, si je comprends bien, laissa-t-elle tomber, un brin sarcastique.
— Je sais que cela peut paraître prétentieux, mais j’essaie juste de t’expliquer comment ça se passe ici pour moi. Les habitants de cette ville m’ont accueilli et se sont occupés de moi. D’une certaine façon, je leur appartiens. Ils aiment croire qu’une femme différente m’attend chaque nuit, parce que cela alimente une légende qu’ils adorent. Et qu’ils entretiennent.
Charity songea à toutes ses sorties nocturnes à vélo, dont il rentrait en nage, laissant tout le monde supposer qu’il revenait d’un rendez-vous galant.
— Tu ne fais rien pour démentir, dit-elle.
— Je ne tiens pas à ce qu’ils sachent la vérité.
Il se tut un instant avant de reprendre :
— J’ai divorcé il y a deux ans. Je suis sorti deux ou trois fois avec des femmes, mais rien de concluant. Je suis revenu m’installer ici, et depuis un an…
Cette fois, ce fut lui qui détourna les yeux.
— Disons que sur le plan sexuel, c’est la traversée du désert, conclut-il.
— Merci ! Je me sens mieux. Je déteste n’être qu’un numéro dans la foule.
— Eh bien, moi aussi !
Elle leva sur lui un regard interloqué.
— Pourquoi dis-tu cela ? Il n’y a pas une foule d’hommes à mes pieds.
Il haussa un sourcil sceptique.
— Tu ne vas tout de même pas croire que j’ai couché avec Robert ! protesta-t-elle. Nous sommes sortis ensemble seulement trois fois. De toute façon, ce n’est pas mon genre.
— Ce n’est pas ce que tu disais tout à l’heure.
— Tu m’énerves ! Que voulais-tu que je te dise ?
— Toi aussi tu m’énerves.
— Tu es sortie avec lui.
— Oh !
Elle ne s’était pas attendue à une telle réaction de la part de Josh. Elle lui glissa un coup d’œil à la dérobée, puis détourna les yeux et prit une gorgée de vin, davantage pour se donner une contenance que parce qu’elle avait soif. Peu à peu, son trouble s’estompa et elle commença même à se sentir bêtement sentimentale.
— Je ne sortirai plus avec lui, murmura-t-elle.
Elle glissa un nouveau regard en coin sur Josh, avant d’ajouter :
— C’est un passionné de la guerre de Sécession, tu sais. Chez lui, il y a une pièce entièrement dédiée à la reconstitution de la bataille de Bull Run. Il a réalisé une immense maquette avec des maisons, des routes, des arbres minuscules et des petits soldats de plomb.
Un sourire se dessina sur les lèvres de Josh.
— Passionnant, dit-il. Cela doit demander beaucoup de recherches et de patience.
— Certainement.
Ils restèrent un moment silencieux. Puis Charity se retourna sur le canapé pour faire face à Josh et replia une jambe sous elle.
— Ne le prends pas mal, mais je ne connais rien au cyclisme, commença-t-elle. Tu étais vraiment très fort ?
Josh éclata de rire.
— J’étais le meilleur. Et pendant quelques années, Lance Armstrong a été mon unique rival. J’ai fait la une de la plupart des magazines sportifs et people.
— Alors, là, ça m’angoisse encore plus, murmura-t-elle.
— Pourquoi ?
— C’est le côté rock star qui m’effraie.
— Je ne sais pas tenir une guitare.
— Tu sais très bien de quoi je veux parler. Toute cette gloire et cette notoriété. Fréquenter quelqu’un de connu n’a jamais fait partie de mes fantasmes. Je mène une vie tranquille et je la préfère ainsi.
— Je ne suis plus une célébrité.
— Tu l’es, mais ici, c’est différent. Je t’ai dit que j’avais passé mon enfance à déménager avec ma mère. Tout ce dont j’ai toujours rêvé, c’est de m’installer quelque part et d’y planter mes racines. Avoir un point d’ancrage. Des amis. Une famille. Surtout une famille. Je n’ai pas besoin de notoriété et je n’en veux pas. Trop de contraintes. J’ai simplement besoin de quelqu’un avec qui partager ma vie, quelqu’un à aimer, tu comprends ?
— Je comprends.
* * *
La lampe derrière eux jetait des reflets roux dans les cheveux châtains de Charity. Sous la lumière qui l’éclairait de profil, ses yeux paraissaient plus grands, plus mystérieux. Elle affichait une expression de contentement, mais aussi de « Dieu qu’ai-je donc fait ? ».
Josh n’avait pas de réponse à sa question informulée. Il n’avait pas eu l’intention de coucher avec elle. C’était arrivé comme ça. Apprendre qu’elle était sortie avec Robert l’avait agacé, et la seconde d’après, il était prêt à prendre tout ce qu’elle voudrait bien lui offrir.
Et à présent, il sentait de nouveau le désir croître en lui. Il avait de nouveau envie de lui faire l’amour, mais plus lentement, cette fois. Il avait envie de l’avoir dans son lit, nue contre lui, et de prendre tout son temps pour explorer son corps, caresser sa peau satinée. Il avait envie de la goûter, de la dévorer. Il rêvait de se perdre en elle…
La voix de Charity l’arracha à ses pensées.
— Toi, tu as la chance d’avoir les Hendrix. Tu as une famille, dit-elle doucement.
Il lui fallut quelques secondes pour se souvenir de quoi ils parlaient.
— C’est vrai. Ils ont toujours été formidables avec moi. Ils avaient déjà six gamins, quand ils m’ont accueilli. Denise rêvait d’avoir une fille. Après trois garçons, elle commençait à désespérer, mais la quatrième tentative fut la bonne. Trois filles d’un coup !
— Quel choc !
— Quand je suis arrivé chez eux, les filles avaient trois ans. Nevada, Montana et Dakota. C’est ainsi que leurs frères les ont baptisées.
— Cela aurait pu être pire ! s’exclama Charity en riant.
Reprenant son sérieux, elle le dévisagea quelques instants avant de demander :
— Tu étais heureux avec eux ?
— Très.
— Tout le monde autour de moi a des attaches, murmura-t-elle, l’air soudain mélancolique. Une histoire, un passé…
Josh jura en son for intérieur. A cet instant, il détestait la situation dans laquelle Marsha l’avait mis. C’était à elle de dévoiler ce maudit secret. Plus elle attendait, plus ce serait difficile.
— Je crois qu’il serait préférable que personne ne sache ce qui s’est passé entre nous, ce soir, dit-il brusquement, soucieux de changer de sujet.
Charity releva la tête.
— Pourquoi ?
— Je ne voudrais pas que les gens sachent que tu profites de moi.
— Que je… profite de toi ?
— Oui, tu t’es servie de moi, reconnais-le. Tu as joué de tes charmes pour m’amener à te faire l’amour.
Charity comprit rapidement qu’il plaisantait.
— Je ne me sers pas de toi pour assouvir ma libido, protesta-t-elle, l’air faussement indigné.
— Tu ne m’as même pas offert à dîner, avant de te jeter sur moi.
— C’est au garçon d’inviter.
— Génial ! Non seulement tu abuses de moi, mais en plus tu es sexiste.
Charity éclata de rire. Elle posa son verre de vin sur la table basse et vint se blottir contre son torse, la tête sur son épaule.
— Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme toi, murmura-t-elle.
— Merci.
— Ce n’était pas un compliment.
Elle releva les yeux sur lui, sérieuse cette fois.
— A propos de ce que nous avons fait… Je pense en effet préférable que nous n’en parlions pas. Je suis nouvelle ici, et même si tu n’es pas celui que tout le monde croit, je ne voudrais pas passer pour une conquête de plus à ton tableau de chasse
— Je comprends.
Comme elle le regardait, l’air à la fois inquiète et pleine d’espoir, il comprit qu’il n’y avait rien de mesquin dans ses paroles. Elle essayait juste de protéger sa réputation. Une réputation qui était tout pour elle et qu’il pourrait détruire d’une simple remarque anodine.
Il avait si longtemps vécu sous les feux des projecteurs, qu’il avait oublié ce que c’était que de passer inaperçu.
Charity lui sourit.
— Si tu as un fan-club, je pourrais m’y inscrire.
— Je te ferai parvenir une demande d’adhésion. La cotisation est raisonnable et tu recevras une photo de moi dédicacée, prête à être encadrée.
— Celle où tu poses nu sous la douche ?
— Comment sais-tu ça ?
— Sheryl, ma secrétaire, la faisait tourner en boucle sur son économiseur d’écran avant mon arrivée. Je lui ai demandé de l’enlever. Cela ne me semblait pas très professionnel, dans un bureau.
— Certainement. Ne t’inquiète pas. Mon fan-club n’envoie jamais celle-ci.
Elle bougea un peu pour s’installer plus confortablement, et il eut de nouveau très envie de refaire l’amour avec elle. Lentement, doucement, apprendre à connaître chaque centimètre carré de son corps…
Mais ce n’était pas le moment. Ce qui s’était passé un peu plus tôt avait été spontané. L’emmener dans son lit maintenant serait différent. Ce serait lui faire miroiter plus qu’il ne pouvait lui offrir dans l’immédiat. Il ne connaissait pas grand-chose d’elle, mais il était clair qu’elle n’était pas du genre à multiplier les aventures d’une nuit. Elle était plutôt du genre à s’attacher, à offrir son cœur en même temps que son corps. Et ça, ça l’angoissait, pour reprendre son expression.
Aussi, malgré l’urgence de son désir, il se détacha doucement d’elle et se leva.
— Je vais te raccompagner chez toi, proposa-t-il.
— Je connais le chemin.
— Peut-être, mais les rues sont dangereuses la nuit, ironisa-t-il. Je ne voudrais pas qu’il t’arrive quoi que ce soit.
— Ma porte est à deux mètres de la tienne. Que pourrait-il m’arriver ?
— On ne sait jamais.
Charity lui sourit, enfila ses escarpins et récupéra son sac à main tombé sur le sol. Il la raccompagna jusqu’à la porte de sa chambre.
Comme elle posait la main sur la poignée, elle se tourna vers lui.
— Tu n’es pas celui que je croyais.
— Surtout, ne le dis à personne. Si on te pose la question, je suis un dieu au lit, souviens-toi.
— Oh ! Tu l’es, c’est juste que…
Elle effleura sa joue du bout des doigts.
— La notoriété, ta réussite et ton physique auraient pu te monter à la tête et faire de toi un homme odieux. Or, tu es tout sauf ça. Tu es attentionné. Compréhensif. Cela ne me regarde pas, mais ton ex-femme a fait une belle bêtise de te laisser partir.
Il avait l’habitude des compliments. Les femmes le félicitaient sur tout, depuis son physique jusqu’à ses performances au lit. Mais la plupart du temps, c’était uniquement pour le flatter et obtenir de lui ce qu’elles désiraient.
Cette fois, ce qu’il lisait dans les yeux de Charity, c’était de la sincérité. Elle pensait réellement ce qu’elle disait.
— Merci.
Elle lui adressa un rapide sourire, puis entra dans sa chambre.
Il resta un long moment immobile, seul dans le couloir, réfléchissant à ce qui venait de se passer. Il y avait bien longtemps que quelqu’un ne lui avait manifesté autant d’estime. Faux. Il avait toujours eu des supporters. La seule personne qui ne croyait pas en Josh Golden, c’était lui.
* * *
Josh dormit comme une masse, se réveilla tôt et poussa la porte de son bureau un petit peu avant 7 heures.
Eddie arriva une demi-heure après, vêtue de son survêtement en velours jaune. Elle le fusilla du regard.
— C’est le seul moment de tranquillité de ma journée, grogna-t-elle. Qu’est-ce que tu fais ici ?
— Je travaille, répondit-il, sans prendre la peine de lui préciser que c’était son bureau et qu’il était son employeur.
— D’ordinaire, tu n’arrives jamais avant 8 heures. Je préférerais que tu ne changes pas tes habitudes.
— Je ferai de mon mieux.
— J’espère que tu as au moins pensé à préparer le café ?
Josh désigna la cafetière sans répondre.
— On finira peut-être par faire quelque chose de toi, soupira Eddie, en se versant une tasse de café.
Elle s’installa à son bureau, et Josh l’entendit bougonner, sans doute contre lui, mais il n’y prêta aucune attention. Il étudiait une proposition que son notaire lui avait envoyée. Un investissement sous forme d’un centre commercial à Las Vegas. Suite à la chute du marché de l’immobilier, de nombreux locaux commerciaux étaient à vendre pour un prix intéressant, surtout si l’investisseur était prêt à payer cash.
Il examina attentivement le dossier. L’emplacement était idéal. Visiblement, c’était une affaire sûre.
— Steve au téléphone ! lui cria Eddie. Steve, ton ex-entraîneur. Le grand chauve.
— Merci. Je le prends.
Il y avait plus d’un an qu’ils ne s’étaient pas parlé. Après son retrait de la compétition, Josh n’avait plus eu besoin d’entraîneur. Que lui voulait-il ? Il n’était pas du genre à passer un petit coup de fil juste pour prendre des nouvelles.
— Salut, Steve. Tu es bien matinal.
— Je suis en Floride et il est bientôt midi, ici. Comment vas-tu ?
— Bien. Et toi ?
— J’entraîne une bande de gamins, grogna Steve. Du potentiel, mais aucune discipline. De vrais petits fous. Il suffit d’une jolie fille en Bikini sur le trottoir pour qu’ils tournent tous la tête et se rentrent dedans. Ça me tue !
Josh se renversa contre le dossier de sa chaise et se mit à rire.
— Quelqu’un d’exceptionnel ? demanda-t-il.
— Jorge. Issu d’une famille pauvre. Il a commencé le vélo au lycée. Il va devoir rattraper le retard, mais je pense qu’il en est capable.
— Tu cherches un sponsor ?
Il avait déjà reçu des demandes auxquelles il n’avait jamais donné suite, jusqu’à présent. Mais si Steve estimait que le garçon en valait la peine, il pourrait envisager d’investir.
— Pas pour le moment, mais j’y réfléchirai. De toute façon, il faudrait d’abord que tu viennes le voir courir, avant de prendre une décision.
Josh n’y tenait pas du tout. Se rendre en Floride pour regarder courir ce gamin impliquait de remettre un pied dans ce monde dont il avait un jour été le roi. Un monde qu’il évitait depuis deux ans.
— Mais je ne t’appelle pas pour Jorge, reprit Steve. Je t’appelle au sujet de notre course cycliste caritative. Tu es au courant que l’entreprise qui nous parrainait a fait faillite.
— C’est ce qui arrive quand le P.-D.G. puise dans la caisse et prend la poudre d’escampette avec la secrétaire.
— Exact. En temps normal, je ne t’aurais pas embêté, mais cette fois-ci, c’est différent. L’argent ira à la recherche médicale contre le diabète infantile. Je me sens donc d’autant plus concerné que le fils de ma sœur souffre de cette maladie. La municipalité de Fool’s Gold a demandé des infos sur cette course et j’ai pensé que tu étais derrière. Alors, naturellement, je compte sur toi pour plaider notre cause. Nous aurons des coureurs de talent sur la ligne de départ. Bon nombre de tes amis. Jorge participera également, ce qui t’épargnerait un voyage en Floride. Et si par hasard tu décidais de faire ton retour sur scène, nous serions heureux de te compter parmi les participants. Tu as toujours été le meilleur, Josh. Aucune raison pour que ça change.
Josh eut l’impression de recevoir un coup au plexus.
— Je… je ne me suis pas entraîné depuis un bout de temps, bredouilla-t-il, conscient que ses sorties nocturnes avaient entretenu sa forme, mais ne l’avaient absolument pas préparé à participer à une compétition.
Quant à pédaler au milieu d’un peloton… Bon sang, il en tremblait rien que d’y penser !
— Tu as le temps, dit Steve. Si ça t’intéresse, tu sais ce qu’il te reste à faire. Je sais que la mort de Frank t’a terriblement secoué, mais te retirer du circuit ne le ramènera pas.
— C’est l’entraîneur qui parle.
— Toujours, Josh. Alors, tu peux nous aider pour cette course ?
Josh hésita. Voilà maintenant deux ans qu’il luttait seul contre ses démons. Et jusqu’à présent, il n’avait pas gagné un seul round. Le moment était peut-être venu de changer de tactique. Et de prendre sa revanche. Alors, malgré toutes les raisons évidentes pour lesquelles organiser cette course à Fool’s Gold était une folie, il s’entendit répondre :
— Je connais pas mal de monde. Je ferai en sorte que la course ait lieu ici.
— Formidable ! s’écria Steve. Je te revaudrai ça, mon garçon.
Il marqua une pause, avant de demander :
— Tu vas participer ?
Josh ferma les yeux. Rien que l’idée de pédaler à côté d’un gamin sur un tricycle lui donnait des sueurs froides. Il n’était absolument pas prêt. S’il acceptait, ce serait l’humiliation assurée face aux meilleurs cyclistes. L’info circulerait, et tout le monde saurait que le grand Josh Golden n’était qu’un perdant mort de trouille.
— Josh ?
« Qu’ils pensent ce qu’ils veulent, je m’en fous ! » jura-t-il brusquement en son for intérieur, les doigts crispés sur le téléphone.
— D’accord, laissa-t-il tomber. Je participerai à cette course.