1. Chapitre I : Dérive dans l’espace

 

La lueur rouge ne cessait d’envahir les moindres recoins du vaisseau. L’alarme avait baissé en intensité et ne répétait plus « Incendie dans la partie inférieure du bâtiment ! » sans cesse mais seulement une fois toute les trente secondes. Une légère odeur de brûlé commençait à se faufiler dans le cockpit et partout ailleurs sur le pont supérieur.

Cette navette semblait vieille, certains endroits étaient recouverts d’une rouille naissante et certaines de ses nombreuses pièces sentaient le renfermé.

Des sons de tirs fusaient à l’extérieur mais ne touchaient pas la navette, les assaillants devaient se trouver bien trop loin, fuyaient-ils ou étaient-ils hors-jeu ? Peu importait, dans tous les cas, il y avait eu des dégâts.

En pleine course et à bout de souffle, un Zabrak trapu à la peau orangée tachetée de symboles noirs et gris courait à travers les couloirs inférieurs. Torse nu, il laissait entrevoir une large cicatrice qui lui longeait le bras droit et le caractérisait directement comme étant un dur à cuire, tout comme une de ses nombreuses cornes qui arboraient son crâne, dont la pointe était cassée. Son gabarit de sportif justifiait la vitesse impressionnante avec laquelle il parcourait les couloirs, ce gaillard n’était clairement pas simple à coincer.

— Incendie dans la partie inférieure du bâtiment !

Derrière lui, une humaine aux cheveux mi-longs et au teint pâle le suivait, tentant tant bien que mal de le rattraper. Son corps plus mince lui donnait plus d’agilité pour serpenter dans les entrailles du vaisseau mais elle devait s’aider de ses bras pour garder l’équilibre avec toutes ses secousses. Ses yeux marrons lui donnaient un regard impénétrable et sa tenue, un aspect de contrebandière. Elle aussi devait être pleine de surprises.

Instable et avec toutes ces secousses, le vaisseau vacillait par à-coups et les faisait trébucher ou se cogner sur les parois et divers conduits et tuyaux qui les longeaient.

— Tu l’as trouvée ? fit une voix dans l’interphone.

— J’y suis presque ! dit la jeune femme dans son comlink, en respirant très fort.

Le Zabrak tourna soudainement sur la droite et entra dans une pièce enfumée qu’il ne pouvait traverser sans porter un masque. Le souffle haletant, il chercha quand même un moyen de passer mais ne vit rien. Une lueur rougeâtre provenant d’une salle en parallèle rendait l’endroit terriblement angoissant, voire diabolique. En tout cas, il n’irait nulle part par là.

— Incendie dans la partie inférieure du bâtiment !

 

La jeune femme arriva dans la salle et s’arrêta un moment pour l’examiner à son tour. Le Zabrak se tourna vers elle et lui lança un regard aussi effrayé qu’exténué. Il resta sur place en la fixant. La fumée s’intensifiait et ne lui laissait qu’un choix, il devait repartir par la porte d’où il était venu.

Hésitante et l’air perdu, la femme réfléchissait à une solution.

— Vous y êtes ? demanda la voix dans le comlink.

— On y est, mais la salle est plongée dans la fumée !

— Rien n’y fait ! lança le Zabrak en passant à côté d’elle et en retournant dans le couloir, on doit passer de l’autre côté et atteindre la salle des moteurs.

L’humaine acquiesça et ils se dirigèrent vers l’origine de cet incendie, une salle de l’autre côté de l’enfumoir.

— Incendie dans la partie inférieure du bâtiment !

La température montait au fur et à mesure qu’ils progressaient dans les bas-fonds du 5H2-Chimera, une navette corellienne commerciale à l’allure de vaisseau de combat, à cause de sa forme étroite et allongée ainsi que de son nez en pointe. Elle avait un nombre incalculable d’heures de vol, et n’allait pas tarder à partir à la retraite, ce qui chagrinait le capitaine car son père la lui avait léguée avant de quitter Coruscant, leur planète d’origine, ainsi que sa famille pour des affaires importantes sur Talus, il y avait de cela deux ans.

Incroyable d’immensité et de modernisme, Coruscant, un monde urbain en pleine expansion, était une place de choix pour y instaurer le futur grand gouvernement galactique en train d’être mis en place pour mieux encadrer l’immensité de la galaxie.

À l’origine, la navette, que son capitaine préférait nommer vaisseau, devait subir une révision avant de quitter le spatioport mais, pressé par le temps, l’équipage était parti sans en prendre compte, ce qui ne les arrangea pas lorsqu’ils croisèrent des pirates Twi’lek sur leur route. L’échange avait été musclé et un des réacteurs avait pris un méchant coup, mettant le feu à un des moteurs principaux. Ils se devaient de réparer les dégâts s‘ils ne voulaient pas que ces bandits les rattrapent et mettent la main sur la cargaison.

— On arrive ! cria la femme.

— La chaleur est étouffante ! dit le Zabrak. On va devoir faire vite ! Occupe-toi d’éteindre le moteur pour stopper le moindre risque d’explosion !

 

Ils entrèrent dans une grande pièce où le feu s’était étendu un peu partout. La jeune femme se dirigea vers un panneau de commande et coupa le moteur endommagé afin de l’empêcher de s’abimer davantage et de tous les tuer.

Quant au Zabrak, il prit son élan et sauta au dessus d’un rideau de flammes afin d’atteindre une vanne. Il s’agissait du système de refroidissement en cas d’incendie, mais les commandes ne répondaient plus depuis le cockpit, ce qui les avait forcés à descendre l’actionner manuellement.

— Caeli ! Sors d’ici ! hurla le Zabrak en tournant la vanne brûlante.

Il serra les dents et y mit toutes ses forces. Le feu se répandait de plus en plus et la chaleur le rendait moins lucide. La vanne semblait soit trop bien serrée, soit carrément bloquée. Malgré sa grande force, il n’arrivait pas à la faire tourner.

Caeli, la jeune sœur du capitaine Nelac, sortit de la salle sans quitter du regard l’endroit où se trouvait son camarade. Les flammes s’intensifiaient et transformaient la pièce en four.

— Ta’riik ?! Tu y arrives ?! Ça fonctionne ?

Pas de réponse.

— Ta’riik ?!!

Toujours rien.

— Incendie dans la partie inférieure du bâtiment ! État critique ! Demande d’évacuation de l’équipage !

Caeli commençait à vraiment paniquer au milieu de tout ce vacarme, car le moteur mettait anormalement longtemps à se couper, sans oublier l’alarme et la lueur rouge clignotante qui n’arrangeaient pas les choses et faisaient monter le stress.

Elle entendit un bruit métallique suivi de cliquetis qui passèrent au-dessus de sa tête, dans les tuyaux. Le Zabrak avait visiblement réussi, mais elle ne le voyait toujours pas.

— Nelac ? fit-elle dans son comlink, tu vois Ta’riik ?

— Non, rien, avec cette fumée et cette lueur, impossible, même le détecteur de mouvement est complètement perdu.

Il y eut soudain une petite explosion et là, elle vit le Zabrak revenir en courant, les bras sur le visage pour se protéger des flammes.

— Mets-toi sur le côté ! cria-t-il.

Il bondit hors de la salle et la poussa plus loin dans le couloir. De puissants jets d’air et de mousse glacés surgirent des tuyaux et éteignirent l’incendie en quelques secondes.

Doucement, le calme revint et le système d’alarme se coupa.

Allongés au sol, Caeli et Ta’riik reprirent leurs souffles. Ce dernier avait la figure et le torse tout noirs, avec quelques plaies, la paume de ses mains étaient brûlées et ensanglantées.

— On va te nettoyer ça, fit Caeli, et ensuite on va tâcher de remettre ce tas de ferraille en état, ajouta-t-elle en se relevant.

— Ton frère devrait vraiment songer à prendre un droïde pour ces tâches, je suis copilote parce que je l'aime bien, mais sinon je ne suis qualifié que pour la communication, la mécanique et la sécurité. Ce genre d’urgence, ce n’est pas mon truc...

— Tu sais qu’il n’aime pas l’idée de voir un droïde se balader dans son vaisseau. Et puis, niveau sécurité, tu viens d’assurer, lui dit Caeli en l’aidant à se remettre debout.

— Et qu’il laisse aussi cette poubelle ambulante au garage, il a assez de fonds pour s’offrir un bâtiment plus décent. Il manque trop de matériels, il faut qu’il fasse la mise à jour de pleins de trucs... J’ai littéralement cuit là...

Caeli ricana et lui donna une tape dans le dos, puis ils prirent calmement la direction du pont.

 

— Vous avez fait merveille ! s’exclama Nelac en arrivant dans la pièce principale. Pas de bobo ?

— Il n’a que les mains brûlées et le corps légèrement abimé par-ci par-là, déclara Caeli en faisant signe au Zabrak de s’assoir à la table centrale, je vais soigner ça.

— En tout cas ce n’est rien comparé au Strill qui a failli t’arracher le bras, ironisa le capitaine, t’es un dur à cuire, personne ne t’arrive à la cheville.

— Toi tu étais bien dans ton cockpit. Confortablement assis dans ton siège... T’es mal placé pour évaluer la situation.

— Ne pense pas que je n’ai rien fait, j’ai dû semer ces enfoirés aussi.

Ta’riik se laissa tomber lourdement sur une chaise et posa délicatement ses mains sur la table.

— Comme quoi, avec un bon équipage, un vaisseau aussi vieux soit-il, peut tenir quelques années supplémentaires, dit Nelac avec un ton enjoué.

Ses deux amis se lancèrent des regards à la fois amusés et exaspérés.

Caeli sortit une boite d’un tiroir, elle y saisit un spray, prit les mains de Ta’riik qui grimaçait à cause de la douleur, puis aspergea ses blessures avec une mousse blanche. Elle fit de même sur les quelques plaies sur son torse.

— Laisse-la agir quelques minutes, ensuite tu pourras te rincer les mains et je te ferai un bandage, lui expliqua sa soigneuse.

Ta’riik lui adressa un clin d’œil et s’en alla s’allonger sur une banquette.

 

Nelac et Caeli se dirigèrent vers le cockpit.

— Alors ? Qu’en est-il de nos chers amis ?

— Je pense qu’on leur a autant fait de dommages qu’ils ne nous en ont fait subir, dit Nelac, ils ont suivi pendant un moment avant de stopper net. Ils continuaient de canarder mais ne nous touchaient plus au bout d’un moment.

— On pourra quand même arriver à destination sans faire escale ? demanda sa sœur en constatant les dégâts sur un des écrans du tableau de bord.

— Je crains fort que non, grimaça Nelac en s’installant dans son siège.

Il bidouilla quelques boutons et afficha une carte des environs.

Caeli s’assit à ses côtés et en profita pour se reposer. Elle ferma les yeux et inspira longuement.

Son frère arborait un air perplexe car il ne voyait aucune planète civilisée à proximité. Seules deux étaient à bonne distance mais leurs habitants n’avaient rien d’amicaux. Hors de question de s’y diriger, encore moins de les approcher.

Il regrettait maintenant de n’avoir pas fait les révisions nécessaires avant de quitter Coruscant. Le système de survie aurait peut-être pu limiter les dégâts lors de cette attaque, mais au fond, il avait plus eu peur pour ses amis que pour son vaisseau, même s’il tenait énormément à ce dernier qui était quasiment tout ce qu’il avait. Seulement, vu la pression que lui avait mis ce Crolute pour qu’il récupère et livre la cargaison le plus vite possible, il avait préféré prendre le risque…

— Pourquoi tu t’obstines à vouloir garder ce tas de ferraille ? lui demanda sa sœur, tu pourrais largement t’en payer un neuf avec tes économies. Où bien juste le retaper entièrement, mais qu’on n’ait plus à vivre de pareille galère.

— On en a déjà parlé, répondit Nelac sans quitter la carte des yeux.

Il grommela.

— Il est temps qu’ils mettent à jour leur carte ! Je ne vois rien aux alentours...

— Et pourquoi pas acheter un droïde ? Il pourrait être d’une grande aide et...

— Ça aussi, la coupa Nelac en lui jetant un bref coup d’œil, on en a déjà parlé. Pour l’instant, on reste comme on est. On s’en est toujours sorti et ça continuera ainsi.

— Comme tu veux...

Il replongea dans ses recherches mais rien n’apparaissait.

Tout se modernisait, l’armement, les moyens de transports, la technologie, sans oublier la vitesse lumière, qui était à portée de tous à présent. Mais son bâtiment était bien trop ancien.

La galaxie devenait plus précise ces derniers temps, quasiment toutes les planètes de tous les systèmes connus avaient été découvertes et intégrées dans les cartes, mais certains endroits reculés, bien que pas mal fréquentés car étant situés sur un axe commercial, comme celui où ils se trouvaient, n’avaient pas encore été ajouté dans certains modèles de vaisseaux. Ce détail était assez embêtant pour le coup car il n’avait pas la moindre idée d’où se poser pour le faire réparer.

Ta’riik était capable de réparer presque n’importe quoi, mais là, il fallait une intervention extérieure pour le remettre en bon état de marche et malheureusement, les combinaisons spatiales avaient pris un sale coup depuis leur dernière et très risquée livraison dans le système de Polis Massa.

Ils devaient se poser quelque part.

— Je n’ai absolument rien, marmonna Nelac en serrant les dents. La plus proche est bien trop éloignée, les moteurs risquent de ne pas tenir... À moins de se laisser dériver mais il y a trop de risques et ça mettrait trop de temps...

Il se jeta au fond de son siège en soupirant.

Caeli ouvrit lentement les yeux, elle savait qu’ils trouveraient une solution, ils y arrivaient toujours.

Elle observa l’espace qui s’ouvrait devant à eux. Depuis toute petite elle rêvait de voyager à travers les étoiles, sans hésiter, elle avait saisi l’opportunité d’aider son frère dans ses affaires. Ce n’était pas exactement ce qu’elle avait imaginé, mais que pouvait-elle espérer de mieux pour l’instant ?

Perdue dans ses pensées, elle remarqua un petit point au loin, pensant d’abord à un vaisseau, elle fut prise par la peur, pensant qu’il s’agissait peut-être d’autres pirates, en grand nombre dans ce coin, mais la forme s’apparentait plus à une planète, assez claire et brillante.

Intriguée, elle la fixa un moment. Ce morceau de terre flottant dans l’espace l’attirait, presque au point de la charmer. C’était une sensation étrange qu’elle n’avait jamais vraiment ressentie.

Quelque chose agissait sur ses pensées.

— Là, fit-elle en la pointant du doigt.

Nelac plissa les yeux et l’aperçut.

Il appuya sur un bouton du tableau de bord qui afficha une belle planète blanche. Assez petite et visiblement recouverte majoritairement de montagnes. Elle ne se trouvait qu’à quelques minutes de leur position.

— Elle n’est pas cartographiée, ni même référencée.

— Une planète inconnue ? sourit Caeli. Cool.

— Cool ? s’étonna son frère. Et pourquoi ce sourire ?

— N’oublie pas qu’être les premiers à découvrir une planète, c’est pas mal, déclara Caeli, c’est juste bizarre qu’elle n’ait pas encore été référencée. Elle se trouve sur une route commerciale assez fréquentée pourtant.

— Oui, mais personne ne s’attarde dans ce coin, tout le monde passe en vitesse lumière. De plus, les détecteurs ne sont pas encore assez perfectionnés pour détecter une planète auprès de laquelle on passe à une telle vitesse. On a encore beaucoup de choses à perfectionner là-dessus.

Nelac n’était pas vraiment partant, il se demandait s’ils trouveraient un plateau assez large pour pouvoir poser le 5H2-Chimera et le réparer tranquillement.

— Je ne sais pas, j’hésite...

— Pourquoi donc ? On passe en rase-motte, s’il n’y a rien, on atterrit, s’il y a des choses déplaisantes, on s’en va. Et puis comme ça, pendant que vous vous occupez de ce tas de rouille, dit-elle en tapant sur le mur du vaisseau, moi j’irai explorer les alentours.

— Toujours imprudente.

— Toujours partante pour de nouvelles aventures, rectifia-t-elle en souriant. Je ne t’ai pas suivi pour rien, dès que j’en ai l’occasion, je ne tiens pas en place.

Autant cette boule blanche qui approchait intriguait Caeli, autant elle ne semblait pas rassurer son grand frère. Ils n’avaient jamais croisé la route d’une planète officiellement inexplorée. La peur de l’inconnu l’envahit.

Il devint pensif et tout deux se jetèrent un coup d’œil. Caeli affichait un petit sourire et des yeux grands ouverts, tandis que Nelac fronçait les sourcils, le regard peu rassuré.

 

Il savait que les personnes découvrant une nouvelle planète pouvaient gagner une généreuse prime, cela l’intéressait mais, là où il doutait, c’était sur le fait que cet astre n’ait pas encore été découvert. Quelqu’un avait dû tomber dessus, elle n’est pas si reculée que ça. Et tous ces pirates qui rôdaient dans les parages, comment était-il possible qu’aucun d’entre eux n’ait jamais déclaré l’avoir découverte ? S’il s’agissait d’une planète où tous se regroupaient et magouillaient entre eux ? Dans ce cas, il devait être prudent et prêt à partir à la moindre alerte.

Il avait un mauvais pressentiment.

— On n’a qu’à demander son avis à Ta’riik, dit Caeli.

— Tu le connais, il n’hésiterait pas à te suivre. Il te ressemble trop sur ce point.

— Du coup je pense que la question est réglée, lança joyeusement la jeune femme en s’enfonçant dans son siège.

Nelac soupira, sachant qu’il ne pourrait rien faire face à ces explorateurs en herbe et que son vaisseau avait vraiment besoin de réparations.

Il prit les commandes. Direction la planète blanche.