13
Les renforts de la République seront d’ici peu en orbite autour de Teth, ma’ame. Il est temps que nous partions.
Commandant des droïdes de combat à Asajj Ventress, après avoir repéré un croiseur républicain sortant de l’hyperespace
Salle du trône abandonnée
Anakin resserra les courroies du sac à dos d’Ahsoka. Rotta protesta d’un couinement, fixant sur lui son regard jaune perturbant qu’il préférait éviter.
— Oui, je sais, c’est serré, mais tu risques de glisser si on doit se remuer et sauter, tu vois ? Tu es un petit gars plutôt visqueux, et tu vas le devenir encore plus en grandissant.
— Il ne comprend pas, dit Ahsoka. Tout ce qu’il sait, c’est que vous êtes méchant, avec lui.
— Ouais.
La compassion, chez un Jedi, était primordiale, mais, avec Rotta, Ahsoka poussait le bouchon un peu loin.
— Allez, on bouge, maintenant, dit-il. Sinon ces droïdes vont nous tomber dessus.
R2-D2 se dirigea vers la sortie. Ahsoka lui emboîta le pas et Anakin ferma la marche.
— Vous avez oublié ce que c’est d’être un enfant ?
Si tu avais seulement la plus petite idée, Chipie…
— Tu veux dire d’empoisonner tout le monde ?
— Non, je veux dire d’être traité comme si on était encombrant, sourd et débile par des adultes censés être assez intelligents pour se conduire mieux que ça.
Aïe. C’était une gifle bien sonnée, et Anakin, en toute honnêteté, ne trouvait rien à y redire. C’était une assez bonne description de sa relation avec le Conseil Jedi. Et comme il n’avait aucune repartie percutante à offrir, il se retrouva soudain à se demander combien de temps il lui faudrait pour sortir de son engourdissement et avant que la réalité le projette contre le mur en hurlant : « Pourquoi est-ce que tu n’as pas sauvé Rex ? Pourquoi es-tu incapable de sauver ceux qui comptent ? À quoi bon être l’Élu si tu ne peux pas sauver ceux que tu aimes ?
Il était sur le seuil et contrôlait le passage derrière eux, quand son comlink crépita.
— Anakin, répondez.
Ahsoka se figea.
— Qui est-ce ?
Anakin connaissait cette voix, mais elle lui apparaissait étrangement plate et douce. Rex. Il dut se faire violence pour ne pas répondre. Rex est encore en vie, remercie la Force. Il eut envie de déverser son soulagement et de lui demander comment les autres s’en étaient sortis, de lui dire simplement qu’il était heureux de l’entendre. Mais quelque chose clochait.
Rex, jamais, ne l’appelait Anakin.
— On tient les droïdes, monsieur.
Non, c’est faux. Je le sais. Je le sens. Je l’ai entendu.
— Quelle est votre position ?
Ahsoka revint vers lui. Il n’avait pas encore pressé la touche de transmission, et il posa son doigt sur ses lèvres. Pas un mot. Il mit tous ses sens à contribution pour tenter de saisir des bruits, des présences en arrière-plan. De toute évidence Rex n’était pas seul, et il subissait une coercition. Son message était un avertissement. Anakin désirait ardemment lui dire qu’il comprenait, l’encourager à tenir bon parce qu’il viendrait à son secours, mais il n’osait pas, et il espérait que Rex le connaissait assez pour savoir que jamais il ne chercherait à sauver sa propre peau en l’abandonnant à son sort.
Anakin referma le comlink.
— Que se passe-t-il, Skyman ? C’était Rex ! Et il a dit que…
— Je sais ce qu’il a dit.
Lui prenant l’épaule, Anakin la fit se retourner et la poussa gentiment en avant.
— Il m’informait qu’on avait quelques problèmes.
— C’était un code, alors ? Écoutez, il est vivant, et…
— Rex ne m’appellerait jamais « Anakin », il ne me parle jamais comme un droïde imbécile, et il sait parfaitement que je peux deviner, par les perturbations dans la Force, que nos gars ont été massacrés, là-haut.
Anakin n’avait pas de temps à perdre avec ça.
— Il est entre les mains de l’ennemi, et je suis pratiquement sûr de connaître celui qui essaie de se servir de lui comme appât.
— Qui ?
Un des sbires de Dooku, bien sûr. Et il n’était pas toujours possible d’identifier d’autres utilisateurs de la Force grâce à la seule impression qu’ils y laissaient ; seule leur présence était perceptible. Toutefois certains… certains s’annonçaient si clairement qu’ils auraient aussi bien pu être là en chair et en os.
Asajj Ventress.
Anakin connaissait cette douleur violente, cette haine d’une obsessivité aveugle – un foyer si âpre et si pur à sa façon obscure qu’on avait l’impression de contempler le cœur d’un diamant.
— La tueuse de Dooku, dit-il. Ventress. Elle a dû penser qu’elle pouvait manipuler Rex pour nous piéger. Pas de bol pour elle ; il faut un esprit faible, pour ça, ou le faire d’une manière très subtile. Son acharnement doit lui faire torchonner le boulot.
— C’est quoi, qu’elle veut, à votre avis ?
Anakin était maintenant convaincu du dénouement que comptait donner Ventress à cette histoire.
— Elle est ici pour tuer le Hutt et nous faire porter le chapeau.
— Et nous tuer aussi…
Oui, naturellement.
— Nous sommes ici uniquement pour ramener cet enfant chez lui. Tout le reste constituera simplement les détails de notre rapport final.
Tandis qu’ils suivaient R2-D2 qui, infailliblement, les pilotait à travers le labyrinthe des passages qui sinuaient dans les fondations du monastère, Anakin révisa son plan afin d’y inclure la nouvelle donnée. Un plan n’était qu’un espoir, une base sur laquelle on s’appuyait jusqu’à l’arrivée de l’ennemi qui y injectait sa réalité et obligeait à tout balancer à la poubelle.
Appelle un larty.
Transfère le Hutt.
Renvoie le larty au vaisseau et dis-leur de rester en stand-by avec les médics.
Retourne près de Rex. Demande équipe d’évacuation.
Fais évacuer Rex et les autres survivants.
Une fois que Rotta serait en sécurité à bord du LAAT/i, la mission primordiale serait accomplie, et il aurait donc les mains libres pour se concentrer sur ses troupes.
Faudra-t-il que j’envoie Ahsoka au vaisseau avec le Hutt ? Elle serait en sécurité, elle aussi. D’un autre côté, est-ce que je devrai, moi, rester auprès du Hutt et abandonner Rex ?
Non. La question ne se posait même pas. Qu’il embarque ou non à bord du LAAT/i avec le Hutt ne changerait rien : dans un cas comme dans l’autre, le transport resterait une proie à abattre. Ce n’était en définitive qu’une histoire de chance et de bon pilotage.
Pouah, ces boyaux empestent encore plus que le Hutt. Il doit y avoir des canalisations éventrées, dans le coin.
R2-D2 siffla un je-vous-l’avais-bien-dit passablement infatué pour un droïde. Une porte apparaissait au bout du passage, exactement comme sur les holoplans. Elle s’ouvrit avec quelque réticence, mais elle s’ouvrit – sur une bouffée d’air chaud et humide qu’Anakin reçut comme un gant mouillé en pleine figure. Ils se trouvaient sur une plateforme faisant saillie au-dessus d’un à-pic impressionnant. Les arbres au-dessous baignaient encore dans un nuage de brume.
Ahsoka inspira longuement, et Rotta, même malade, couina avec le soulagement manifeste de pouvoir enfin respirer un air relativement frais. Comme Anakin évaluait l’accès à la plate-forme, il aperçut d’énormes insectes remontant les courants ascendants, étincelants comme des joyaux, et qui, pour être aussi visibles de la plate-forme, devaient avoir au moins trois mètres d’envergure. Il devrait en avertir le transport. Ils risqueraient de faire des dégâts dans les soupapes d’admission.
Il porta son comlink à sa bouche.
— Skywalker à vaisseau de soutien de la 501e, vous m’entendez ? Je répète, ici Skywalker, on a besoin d’une évacuation et d’un médic…
— Skywalker, ici larty 39, donnez votre position.
— Coordonnées en cours de transmission.
— Bien reçu, monsieur. J’arrive. Temps estimé six minutes standard. Des blessés ?
— Négatif, mais l’otage est malade et il aura besoin de soins. Il faudrait que quelqu’un fouille dans la banque de données pharmaceutique des espèces. Et faites attention, il y a des espèces de mégamouches traqueuses de trois mètres qui traînent dans le secteur.
— J’en ai déjà grillé quelques-unes au passage, monsieur ; elles ont l’air d’être attirées par le bruit et nous prennent apparemment pour des partenaires possibles. On a fermé les prises d’air avant qu’elles nous bousillent complètement les propulseurs.
— L’amour n’est plus ce qu’il était… ironisa Anakin. Tenez-vous prêt, trente-neuf.
Il ignorait où le chasseur avait attendu, ou même s’il était le dernier de la flotte encore entier, et se demanda comment ces pilotes vivaient leur inaction forcée quand ils entendaient, par les coms, que leurs camarades étaient en difficulté.
Tout ça pour un Hutt.
Et ils ne disaient jamais rien de ce qu’ils éprouvaient.
— Donne-moi ce sac à dos, dit-il à Ahsoka. Repose-toi un peu tant que c’est possible et reste collée à la paroi ; quand le larty atterrit, il projette un paquet de poussière. Et on ne sait pas qui d’autre peut se trouver dans les parages.
Rotta lui parut deux fois plus lourd que lorsqu’il l’avait soulevé la première fois. Et il n’avait toujours pas l’air dans son assiette, même selon les critères hutts. Mais au moins, une fois qu’Anakin eut fixé le sac sur son dos, il n’avait plus besoin de le voir.
Il se tourna dans le sens du vent pour ne pas avoir à supporter la puanteur de son fardeau ; elle lui rappelait toujours un temps et un lieu qu’il préférait oublier, quand sa mère et lui appartenaient à un Hutt – Gardulla. Ils avaient servi à régler une dette de jeu, au même titre qu’un tabouret, une paire de jumelles, ou tout autre objet sans importance et qui n’a pas son mot à dire.
Vous ne valez pas la vie de Rex, espèces de sales limaces. Aucun d’entre vous.
Ahsoka, avec son ouïe fine de prédateur, tourna la tête avant même qu’il ait remarqué quoi que ce fût. En se concentrant, il perçut le son caractéristique d’un moteur de LAAT/i. Et il sut à cet instant pourquoi ce bruit avait un effet aussi galvanisant sur les soldats-clones attendant d’être évacués. Rien que de l’entendre, de savoir que les renforts étaient là, bien concrets et tout proches, Anakin sentit son moral remonter en flèche. Le transport apparut soudain sous le niveau de la plate-forme et fit pivoter sa queue à cent quatre-vingts degrés afin de se poser avec son écoutille bâbord ouverte. Son courant descendant balaya des bourrasques de poussière jusqu’au visage d’Anakin qui n’y prenait même pas garde. Il n’avait rien vu de plus beau que ce larty depuis une éternité, même couvert d’éclaboussures et d’entrailles d’insectes géants. Ahsoka se protégeait le visage d’une main.
— Monsieur !
Le treuilliste se pencha, une main tendue, l’autre accrochée au filin de sécurité.
— Faut pas traîner. Le coin est infesté de vaisseaux séps !
— Prenez le Hutt, c’est tout.
Anakin commença à faire glisser le sac de son dos en se traitant d’idiot de ne pas avoir pensé à le faire plus tôt ; au moins il aurait été prêt à le remettre au gars dès que l’écoutille se serait ouverte.
— On retourne chercher le capitaine Rex et les autres.
Le gars ne moufta pas et Anakin ne put voir son expression derrière le viseur.
Cours. C’est tout ce qu’il avait à faire, parcourir en sprintant les quelques mètres de la plate-forme, remettre le gosse et revenir sur ses pas alors que le LAAT/i repartait aussi vite que possible.
Il vit le treuilliste se retourner vers l’intérieur du vaisseau, entendit les capteurs répercuter une alerte dans le cockpit.
Il n’était encore qu’à dix pas de la paroi rocheuse quand une ombre tomba sur la plate-forme, épaisse et rapide, accompagnée du hurlement aigu d’un chasseur en piqué.
Le LAAT/i explosa en une énorme boule de feu.
La déflagration propulsa une volée de fragments de métal et de duracier et Anakin fut jeté à terre ; sa dernière, image du larty fut celle d’une structure en flammes qui se tordit affreusement sur le bord de la plate-forme avant de basculer dans la jungle au-dessous. Quelques secondes seulement avaient séparé la joie extatique du désespoir le plus noir. Une fumée fuligineuse monta comme une colonne très haut dans le ciel.
— Maître !
Ahsoka se rua vers lui.
Avec le poids dans son dos, il eut du mal à se remettre debout.
— Le Hutt est sauf, s’entendit-il dire. Va te mettre à l’abri !
Alors qu’il se relevait, l’ombre tomba de nouveau. Ce n’était pas de la fumée. C’était un droïde-vautour qui atterrit juste devant eux, les empêchant d’atteindre la porte. Tous deux tirèrent leur sabre-laser. L’espace d’un instant, Anakin pensa qu’il était venu enlever le Hutt et, qu’en conséquence il ne prendrait pas le risque de le tuer en ouvrant le feu. Il avait tort. Et sur toute la ligne.
L’engin fit basculer ses ailes qui devinrent des jambes aux bords tranchants, puis il commença par des tirs laser. Anakin sautait d’un côté et de l’autre, déviant les décharges, s’efforçant de se maintenir face au vautour afin de protéger Rotta de son corps. Ahsoka tentait d’attirer le droïde loin de lui. R2-D2 bipa bruyamment en se jetant en avant comme pour leur prêter main-forte.
— R2 ! appela Anakin.
Le Hutt le ralentissait, mais il n’était pas franchement envisageable de faire une pause pour aller le mettre à couvert pendant que le vautour attendrait poliment la reprise du match. Il essaya de calculer s’il serait possible à R2-D2 d’approcher suffisamment pour arracher Rotta du sac et l’emmener à l’abri. Non, j’ai bien trop serré ces foutues lanières. Le droïde astromec commença de rouler vers son maître qui venait de l’appeler.
— Non, R2, non, retourne à l’intérieur ! lança-t-il finalement. J’ai besoin de toi indemne !
Ahsoka plongea de nouveau, obligeant le vautour à effectuer une rotation de quatre-vingt-dix degrés pour l’affronter, mais il semblait avoir compris son stratagème. Il l’ignora, tournant un canon vers elle pour l’éliminer sans cesser de canaliser le plus gros de son tir sur Anakin. Ces boîtes de conserve ne tombaient donc jamais en panne de munitions ?
En attendant, il ne les traiterait plus jamais de machines débiles.
L’engin avait trouvé le moyen de foncer sur lui et de s’introduire à l’intérieur de l’arc de son sabre-laser. Il s’élança, cherchant à le transpercer des pointes acérées de ses ailes transformées en jambes et en pieds ; il le força à reculer. Et Anakin n’avait toujours d’autre choix que de lui faire face. Il n’osait pas lui tourner le dos, ne serait-ce qu’une fraction de seconde. Ce qui l’empêchait de bondir, de faire des sauts périlleux et toutes ces choses dont un Jedi, contrairement à un tas de ferraille, était capable.
Ainsi c’est comme ça que les gens normaux doivent se battre.
D’accord.
Rotta chouinait et criait. Anakin était sûr que, secoué comme il l’était, il avait dû vomir, et il ne voulait surtout pas penser que la mort de l’otage serait peut-être la rançon de sa victoire. Mais Rotta était un Hutt, et les Hutts étaient bien plus résistants que les malingres humains.
— Allez, viens, vieux déchet d’épave…
Il recula, sachant exactement, sans avoir besoin de regarder, où se trouvait le bord de la plate-forme, et essayant de prendre en compte le déplacement de son centre de gravité que provoquait un Hutt empaqueté dans un sac à dos.
— Montre-moi ce que tu as dans le bide…
Le vautour ne se fit pas prier et se mit à courir vers lui. Mais comme Anakin reculait, l’engin s’arrêta net et ouvrit le feu, une manœuvre qui le prit au dépourvu et le laissa déstabilisé le temps d’un moment crucial. Un adversaire vivant pouvait être perçu et jaugé dans la Force, mais un droïde… Un de ces robots vraiment intelligent pouvait sacrément donner du fil à retordre à un Jedi. Anakin repoussa les tirs, renvoyant des ricochets d’énergie. Puis le vautour ramena son quatrième canon – celui qui avait occupé Ahsoka – et entama un tir totalement aléatoire de ses quatre canons qu’Anakin avait bien du mal à bloquer.
Il était à deux doigts de lâcher pied. Il le sentait. Il avait le dessous. Il attrapa une courroie, prêt à détacher le sac pour lancer Rotta dans les bras d’Ahsoka – avec la redoutable coordination de mouvements due à son héritage de prédateur, elle l’attraperait sans problème – et à se jeter sur le vautour.
Ahsoka se rapprocha soudain. Tout près. Bien trop près.
— Hé, la poubelle ! hurla-t-elle, en agitant son sabre-laser.
Elle n’était pas assez proche pour atteindre le vautour, mais elle capta son attention. Sans doute parce qu’elle titillait son système complexe d’analyse de menaces. Un court instant, la machine s’immobilisa. Ahsoka roula sur elle-même en anticipation de son tir.
Elle roula trop loin.
Avait-elle glissé sur une flaque de vomi hutt ? Son sabre-laser lui échappa de la main et elle bascula du bord de la plate-forme.
Non, non, non !
— Ahsoka !
Le vautour renonça à attaquer Anakin pour se rendre de sa démarche bruyamment cliquetante à l’endroit où elle avait disparu. Anakin songea qu’il voulait voir où elle était tombée quand il le vit lever une jambe en un mouvement agressif, prêt à poignarder. Il était alors directement derrière lui, presque sur son dos. Il entendit sa voix à elle. Il vit les bouts de ses doigts – rien que les bouts – cramponnés au rebord de permabéton, complètement blancs sous l’effort qu’exigeait la prise.
— Je vais bien, haleta-t-elle. Je vais bien.
Non, pas vraiment. Un droïde était sur le point de lui trancher les bras et, Jedi ou non, elle allait faire une chute mortelle. Sabre-laser tourbillonnant à la main, Anakin s’avança vers le vautour qui pivota pour répondre par une salve de laser. Ces quelques secondes de distraction suffirent à Ahsoka pour remonter sur la plate-forme : toujours cramponnée par le bout des doigts, elle balança une jambe très haut, comme une gymnaste, et, d’un mouvement de hanche, hissa tout son corps. Ensuite, à l’aide de la Force, elle récupéra son sabre-laser qui revint se placer dans sa paume.
Anakin était maintenant si près du vautour que la lumière de son tir laser faillit l’aveugler alors qu’il se démenait pour le dévier. Et brusquement le robot fit un bond de côté. Croyant à une feinte, Anakin lui sauta dessus et, en un quart de seconde, plongea profondément son sabre-laser entre ses capteurs visuels. Ce fut à cet instant seulement qu’il remarqua que l’engin avait perdu une jambe, et que c’était Ahsoka qui l’avait tranchée.
Il se laissa glisser et atterrit lourdement sur ses pieds juste au moment où le vautour, aveugle et infirme, basculait au bord de la plate-forme.
N’ayant pas lui-même de doigts, il ne put s’accrocher et s’éviter la chute. Et comme sa jambe avait été son aile, il ne put même pas s’en tirer en s’envolant.
Alors il tomba, tomba, tomba… et s’écrasa.
— Ça, c’était un coup génial, Chipie… dit Anakin.
Sa voix chevrotait presque de soulagement et d’épuisement, il s’en rendit compte. Il se redressa. Hé, j’ai encore un Hutt à bord. J’avais presque oublié.
— J’ai bien cru que je t’avais perdue pour de bon.
Les lekkus d’Ahsoka s’étaient colorés de rayures plus vives. Peut-être était-ce la façon de rougir pour une Togruta. Elle sourit, mais pas de son habituel sourire poli : elle exhiba sauvagement ses dents acérées – le triomphe du prédateur qui a eu raison de sa proie.
— Je n’avais pas vraiment envie de découvrir si c’est vrai que nous autres Togrutas retombons toujours sur nos pieds, dit-elle.
— Bonne diversion, en tout cas.
— Je l’ai peut-être fait exprès, dit-elle avec un sérieux feint, et peut-être que non.
Il faut de tout pour faire un Jedi. Et la façon dont elle s’y prenait lui convenait tout à fait.
Leur soulagement fut cependant de courte durée. Rotta pleurnichait misérablement dans l’oreille d’Anakin. Rex et ses hommes – il voulait penser que certains au moins avaient survécu – étaient toujours entre les mains de Ventress la fanatique. Il refusa d’imaginer ce qu’elle pouvait leur faire. Il avait encore quelques combats à mener.
Après avoir deux ou trois fois haussé les épaules pour apaiser la douleur que lui causait le poids du sac à dos, il ouvrit son comlink.
— Maître Kenobi, vous m’entendez ? Maître… êtes-vous encore dans les parages ?
Rien. Que le crépitement des parasites.
Anakin attendit.
Palais de Jabba, Tatooine
TC-70 poussa presque Dooku dans le passage menant à la salle du trône.
Ce n’était qu’un bref effleurement dans les reins, un geste des plus subtils, mais qui, de la part d’un droïde protocolaire, équivalait à traîner le visiteur par la peau des fesses. Simple avertissement de la rage qui attendait Dooku lorsqu’il se retrouverait devant Jabba.
TC-70 manifestait tous les signes d’un droïde qu’on aurait menacé et effrayé.
Ce qui intriguait Dooku. Au point d’en oublier presque la crise qu’il s’apprêtait à affronter, mais comme cette information pourrait bien lui servir un jour, il se promit d’y revenir et d’inciter habilement le robot à lui raconter son histoire. C’était souvent à lui, Dooku, que revenait la tâche de faire parler ceux qui n’en avaient pas envie. Et il avait le plus beau taux de réussite en la matière.
Les portes s’ouvrirent et Dooku traversa la salle du trône à présent peuplée de l’entourage habituel de Jabba. Tous, assis ou debout, silencieux, évitaient de se regarder et semblaient prendre un grand intérêt à observer leurs pieds. C’était le genre de silence qui peut régner dans une cuisine où une cocotte-minute est sur le point d’exploser. Une rage à l’état pur mijotait sur l’estrade.
Jabba, de toute évidence, avait besoin de faire étalage de son mécontentement. Dooku était désormais familiarisé avec les démonstrations de pouvoir des Hutts.
TC-70 se lança sans préambule.
— Le Glorieux Jabba perd patience, et il exige que…
— Merci, TC, dit Dooku. Je m’adresserai directement au Seigneur Jabba afin de mieux lui réaffirmer mon respect de sa culture et de sa langue.
— Mon fils, cracha Jabba. Mon fils n’est toujours pas revenu ! J’exige de savoir ce que vos sous-fifres incapables fabriquent pour remédier à ça. Vous devriez les exécuter et en acheter de meilleurs. Jamais je ne tolérerais une telle incompétence de la part de mes serviteurs.
Ventress n’aurait pas apprécié la comparaison. Dooku inclina insensiblement la tête. Une attitude déférente opérait toujours des miracles.
— Mon armée de droïdes est sur le point de capturer Skywalker et de sauver votre fils. Ç’aurait déjà dû être terminé, mais j’ai donné des instructions très strictes pour que rien ne soit fait qui puisse le moindrement mettre le petit seigneur Rotta en danger. Aussi cette opération est-elle menée avec toute la délicatesse exigée. Il ne s’agit pas là d’une évacuation d’otages de la République où les forces de l’ordre interviennent à coups de blaster et qui s’achève par la mort des otages.
Cette évocation ne tomberait sûrement pas dans l’oreille d’un sourd. La République avait dernièrement connu une série de récupérations d’otages proprement salopées. Et Dooku ne mentait pas ; un Rotta mort ne lui serait d’aucune utilité. L’affaire devait être menée avec le plus grand soin.
Jabba ne s’était pas calmé, mais au moins n’avait-il pas pété les plombs. Dooku pouvait encore sauver la situation.
— Mon fils avait l’air malade quand Skywalker l’a pris. Est-il encore vivant, au moins ? Parce que s’il ne l’est pas, je…
— Il est vivant, Seigneur Jabba. J’ai des informations très fiables et très récentes. Skywalker a tenté de fuir Teth avec votre fils, mais il en a été empêché sans qu’aucun mal ne soit fait à Rotta. Il est à présent immobilisé sur place, il n’a pas d’armée, et nulle part où fuir.
Jabba se pencha légèrement vers lui.
— Comte Dooku, vous n’êtes pas idiot, et moi non plus. Croyez-vous vraiment que, à partir du moment où j’ai su que mon fils était sur Teth, je ne prendrais pas la peine de faire surveiller le secteur ? J’ai mes sources. Et mes sources me disent que les forces de la République sont en route pour soutenir Skywalker.
Il avait raison, et Dooku se reprocha de ne pas l’avoir deviné. Il affecta cependant une patience un peu condescendante, comme si Jabba enfonçait une porte ouverte.
— Je ne cherche pas à sous-estimer le danger, Seigneur Jabba, mais Skywalker et une compagnie d’infanterie d’élite ont été incapables de tenir tête à mon armée. Leur flotte, s’ils en ont une, sera aisément neutralisée. J’ai plus de puissance de feu autour de Teth que la République sera jamais en mesure d’en rassembler.
— Je me pose une question, dit Jabba. En fait, je me demande pour quelle raison Skywalker voudrait kidnapper mon fils.
Dooku, bien que déconcerté par ce brusque changement de cap, n’en laissa rien paraître.
— Les Jedi ont la sale habitude de s’emparer des enfants, monseigneur. Tous leurs novices sont enlevés à leurs familles.
D’un geste, Jabba balaya l’argument trop évident.
— Pourquoi Skywalker ne comprend-il pas que prendre mon fils ne lui apportera ma coopération que si je le récupère, et que je ferai ensuite tout ce qui est en mon pouvoir pour détruire les Jedi, la République, et tous ceux qui s’aviseront ne serait-ce que de leur sourire ? S’imagine-t-il qu’il pourra le garder éternellement en otage ?
Dooku était fasciné par le fait que les êtres ne posaient presque jamais les questions évidentes d’entrée de jeu. Jabba devenait maintenant trop curieux. Dooku allait devoir remettre un peu d’huile sur le feu de sa fureur.
— Vous avez vu l’enregistrement, Seigneur Jabba. Il déteste les Hutts, et je ne serais pas surpris que son geste ait été dicté autant par cette haine de votre peuple que par une sous-estimation de votre détermination.
— Oui, et son irrespect lui vaudra la mort. Mais il faut qu’il soit fou – et Palpatine aussi – pour me confondre avec un humain servile qui céderait à leur chantage sans exercer des représailles dès que ce serait possible.
Il se redressa lentement, et Dooku dut reconnaître que l’attitude était physiquement très intimidante.
— Je suis un seigneur kajidic, et j’ai le devoir de montrer à mon peuple que personne ne peut se tirer à bon compte d’un tel affront. Si on ne punissait pas les affronts, qu’adviendrait-il de notre civilisation ?
Comme il répétait le mot « affront » – chomma –, Dooku prit conscience que ce mot avait un sens notablement différent de ce qu’il pensait. À travers toutes ses négociations avec les Hutts, il avait déduit que chomma était simplement une terrible offense faite à quelqu’un. Mais il s’agissait en réalité d’une menace dirigée contre l’ordre social, et en conséquence contre les mécanismes bien huilés de la société hutt.
Chomma était un crime spécifiquement hutt.
Et les crimes humains n’avaient pas de signification pour les Hutts. Ce qui expliquait que les Hutts passaient pour des criminels auprès de la République. Leur code de la morale était radicalement différent de celui de la République qui, là encore, comme dans bien d’autres domaines, jugeait le comportement de la galaxie et des millions d’espèces douées de conscience qui l’habitaient à l’aune de ses propres règles.
Ça pourra me servir comme un levier de plus.
— Ils ne comprennent pas les Hutts, dit-il.
Il n’était pas certain lui-même d’en savoir autant qu’il l’avait pensé.
— La République et les Jedi sont des organisations humaines très commodes, et qui s’imaginent que tout être réagit comme eux. Et ils sont aussi arrogants les uns que les autres ; ils ont exercé un pouvoir facile depuis trop de siècles, c’est évident.
— Il me faut la tête de Skywalker, dit Jabba.
Son ton était soudain neutre, comme s’il énonçait un détail administratif et non une abominable menace.
— Rotta pourra jouer avec son crâne. Ce sera une leçon dont ils se souviendront.
— Si mon armée en laisse quelques morceaux reconnaissables, vous les aurez.
Dooku allait devoir communiquer avec Ventress pour savoir ce qui se passait.
— Maintenant, Seigneur Jabba, en attendant, peut-être pourrions-nous négocier le traité entre les kajidics hutts et la Confédération des Systèmes Indépendants ?
Jabba aspira une longue goulée de sa pipe.
— Je ne négocierai rien tant que mon fils ne sera pas rentré, sain et sauf. Les humains ne comprennent peut-être pas les Hutts, mais les Hutts, eux, comprennent très bien les humains.
Dooku l’avait bien cherché, mais ce n’était pas si mal, finalement. Jabba devait être vu comme le gagnant de l’histoire, et Dooku ne devait pas considérer cela de façon égocentrique comme un échec personnel, mais comme un des rouages essentiels de la société hutt : une confiance absolue dans un leader qui ne serait jamais mis à mal par des ootmians, des étrangers. Et il ne s’agissait pas seulement de sauver la face, mais de montrer aux Hutts que le patron des patrons était toujours en place, et que tout allait pour le mieux dans leur monde.
Accepter cela permettrait à Dooku d’être plus à l’aise avec Ziro quand viendraient les moments difficiles.
— Comme il vous plaira, Seigneur Jabba, dit-il en se retirant de la salle, la tête toujours baissée.
De retour sur son vaisseau, il contacta Ventress. Elle fut longue à répondre. Lorsque son image holographique apparut devant lui, elle était debout, les jambes écartées, les bottes bien plantées dans le sol, un sabre-laser dans chaque poing, et un masque meurtrier plaqué sur le visage. Il devina qu’elle avait dû s’interrompre en plein combat pour capter la com sur un droïde proche.
— Je voulais savoir comment progressait la situation, dit Dooku, mais je suppose que j’ai ma réponse.
— Maître, Skywalker est coincé sur une plate-forme d’atterrissage. On lui coupe la retraite vers la porte, et ensuite c’est le cou que je lui couperai.
— Vous avez ma bénédiction. Jabba veut sa tête, et au sens littéral.
— Et vous voulez toujours le rejeton vivant.
— S’il devait y avoir le plus petit doute dans votre esprit, Asajj, j’en serais fort dépité. Ne me décevez pas. Skywalker est déjà discrédité, donc la République devra se passer de l’aide des Hutts, mais si nous voulons avoir Jabba à la table des négociations, le bébé doit lui être rendu indemne. Suis-je assez clair ? Ne prenez aucun risque avec lui.
— Oui, mon Seigneur.
— Rappelez-moi dès que vous en aurez terminé.
Dooku coupa la com. Il se demanda si Skywalker arriverait à la conclusion que la mort de l’enfant réduirait le grave préjudice porté à la République, étant donné que dans ce cas ni l’un ni l’autre clan n’obtiendrait l’autorisation de Jabba d’emprunter ses routes. Et s’il y parvenait – passerait-il à l’acte ?
Dooku connaissait des Jedi qui, sans aller jusqu’à agir eux-mêmes, seraient néanmoins prêts à fermer les yeux sur une… bavure. Et il était intéressant de noter que ce n’étaient pas les Jedi désillusionnés qui l’avaient désormais rejoint.
Il songea à contacter Dark Sidious afin de le mettre au fait des événements, mais renonça finalement à importuner son maître avec des détails dont il serait toujours temps de l’informer une fois la tâche menée à bien.
Les seigneurs hutts n’étaient pas les seuls à avoir une image à préserver.
Cour d’accès, monastère de Teth
— Monsieur ?
— Je t’entends, Coric.
— Je m’assurais seulement que vous étiez encore avec nous.
Rex n’avait pas bougé depuis que la Séparatiste aux yeux fous en avait terminé avec lui. Son heure viendrait, avec elle, et il saurait la reconnaître. Il était étalé là où Ventress l’avait finalement jeté, à demi adossé contre un mur, naviguant sur tous les canaux auxquels les systèmes de son casque lui donnaient accès, et recommençant sans cesse dans l’espoir d’en trouver un qui ne serait pas bloqué. Dès que le centre com de la GAR neutralisait un signal de brouillage des Séparatistes, ceux-ci s’empressaient d’en changer. Mais s’il persévérait, il pourrait avoir la chance de trouver un créneau.
— Je vais bien, Sergent, répondit-il.
Elle avait dû lui casser des côtes. Il avait si mal quand il respirait qu’il s’en mordait les lèvres.
— J’ai jamais frappé une femme, mais elle sera la première si j’en ai l’occasion.
— On ne m’avait encore jamais traité de « larbin lèche-bottes de Jedi ».
— Je préfère encore « chair à canon débile ».
Les droïdes ne semblaient pas s’être aperçus que les casques des clones, une fois scellés, devenaient complètement hermétiques, de sorte qu’il pouvait bavarder en toute liberté avec ses hommes. Peut-être jaugeaient-ils leur environnement en fonction de leurs propres limitations. Il n’avait jamais compris pourquoi les droïdes avaient besoin de parler à voix haute au lieu de transmettre silencieusement d’un code machine à un autre, mais ça en disait sans doute plus long sur les êtres qui les avaient conçus que sur les droïdes eux-mêmes. C’est drôle… d’un côté, cette guerre rendait les droïdes plus proches des hommes, et de l’autre elle transformait insensiblement les hommes en droïdes.
— Je croyais que vous lui auriez tapé dans l’œil ; vous avez tous les deux la même coupe, dit Coric.
— J’aurais dû ôter mon casque pour le lui montrer.
— Donc c’est une sorte de Jedi ?
— Une Sith, c’est-à-dire une adepte du Côté obscur. Apparemment, on les reconnaît entre autres à la lame rouge de leur sabre-laser.
— C’est quoi, la différence ?
— Une carte d’adhérent, peut-être… En attendant, ça fait aussi mal.
Rex s’intéressait davantage aux questions terre à terre.
— Je n’arrive toujours pas à avoir un canal com dégagé.
— Moi non plus, monsieur.
Rex revint au début de la liste des fréquences, s’attardant un instant sur chacune en s’efforçant de capter quelque chose de stable avant de passer à la suivante. Tout en écoutant, il regardait des droïdes en train de déblayer un passage parmi les débris à partir de la porte. Quatre autres, dans la cour, à côté, étaient symboliquement chargés de garder ce qu’il restait de la Compagnie Torrent. L’ampleur des pertes de Rex finirait par le ronger s’il ne parvenait pas à canaliser cette rage en égalisant le score.
Les fréquences des com se résumaient toujours au bruit blanc et à des rafales de parasites.
À quoi va-t-on pouvoir leur servir ?
Il avait une assez bonne idée de ce que Ventress leur réservait, ne serait-ce que pour décharger sa bile si elle n’était pas capable d’alpaguer un Jedi. Il ignorait ce qu’ils avaient pu faire à son copain, mais bon sang ça l’avait drôlement transformée. Il avait déjà décidé qu’il préférerait mourir en combattant plutôt que d’attendre qu’elle vienne le tuer à petit feu, et il n’allait pas la laisser s’en prendre à ses hommes, non plus. Il les descendrait lui-même avant.
Les droïdes leur avaient pris leurs armes, mais ce n’était pas ça qui allait l’arrêter. Il y avait un max de DC-15 et d’armes de poing qui traînaient dans les gravats.
Et ils n’avaient pas non plus trouvé sa vibrolame…
Rex attendait son heure.
Il avait pris garde que rien, dans son attitude, ne trahisse le fait qu’il était en train de parler – pas de mouvement de la tête, des mains, aucun de ces signes extérieurs que les gens font inconsciemment en discutant. Pas question d’alerter les casseroles. Côté sécurité, il était certain d’avoir couvert tous les angles.
Et soudain le comlink à son poignet bipa, et le droïde le plus proche se tourna vers lui.
Et flûte. Il n’avait pas dévié ce foutu machin vers son casque.
— Rex ? Tu me reçois ? C’est Skywalker.
Oui, les droïdes avaient entendu. Un autre se retourna.
Rex, sans bouger d’un poil, resta sur son circuit com interne.
— On ne bouge pas, les gars. Et on se tient prêts.
Les droïdes n’étaient pas particulièrement réputés pour leur vivacité d’esprit. Deux d’entre eux hésitaient quant à ce qu’il convenait de faire. L’un d’eux s’avança vers lui de sa démarche bruyante et inclina la tête pour étudier la source du bruit. Son regard se vissa sur son poignet. Le comlink cracha de nouveau quelques parasites.
— Rex, si tu ne peux pas répondre, donne un coup sur le récepteur, ou autre chose…
Le droïde se pencha un peu plus. Rex, très lentement, leva le bras, se raidissant contre la douleur qu’il allait s’infliger sous peu. Il entendit ses hommes déglutir et se préparer à l’action.
— Tu veux voir comment ça marche, clonkeur ?
De ses doigts tendus, il agrippa le plastron de la cuirasse du droïde et le retint tandis que, de son autre poing, il le frappait juste sous la mâchoire. La tête du robot, projetée verticalement, craqua avec son cou, arrachant net les câbles de contrôle de leurs connecteurs. Il n’eut même pas besoin de lancer un ordre. Tous ses soldats étaient déjà debout. Coric récupéra le fusil du droïde estropié qui reculait en chancelant. Nax s’empara d’un bloc de permabéton dont il martela la tête d’un autre droïde jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans ses épaules. Rex éjecta la vibrolame de son avant-bras et bondit sur un droïde qui en perdit l’équilibre tandis qu’il l’énucléait de ses photorécepteurs. Le robot aveuglé gesticula tellement qu’il arracha les câbles de contrôle de sa tête.
Les six clones traversèrent la cour ventre à terre pour aller s’abriter derrière un AT-TE hors service. Il y avait assez d’armes chargées – DC et autres – à portée de main pour tenir les casseroles en respect un moment. Rex attrapa une seringue d’analgésique à usage unique dans le medpac à sa ceinture et se piqua sur le dos de la main avant de viser. L’échange de tirs commença.
Tant qu’il s’agissait de faire front et de tirer, les droïdes étaient dans leur élément. Mais ça se gâtait dès qu’ils avaient affaire à d’autres aspects de l’art militaire – poignarder, étrangler, mutiler, enfin bref, tous ces petits plaisirs du close-combat. Ça les décontenançait. Et hors des terrains plats, ils n’étaient pas fortiches non plus.
— Bon sang, ça fait du bien, dit Nax, presque pour lui-même. Idéal pour décompresser un peu.
— Tu vas pouvoir déstresser un peu plus avec ceux-là, dit Rex.
Plusieurs SDC venaient de s’amener. Avec eux, pas de têtes à ratatiner ou à arracher. Et les droïdes-araignées ne tarderaient pas à rappliquer aussi. Rex désigna le bord du plateau. Ils pourraient tenter leur chance dans la jungle.
— Tout le monde a sa corde de rappel prête, pour le cas où ?
— Oui, monsieur.
C’était une autre option. D’ici là, ils avaient des armes et un compte à régler.
— Rex, répondez !
Skywalker n’avait donc pas renoncé à le joindre.
— Je vous reçois, général. On est coincés dans la cour – cinq hommes, moi…
— Besoin d’aide ?
— … et une sacrée cargaison de casseroles.
Il balança quelques décharges plasma. Les murs de la cour amplifiaient le boucan des tirs.
— Une cargaison moins une.
— Je prends ça pour un oui, capitaine. On arrive.
La carcasse de l’AT-TE fut secouée sur son flanc par la décharge d’un SDC. Nax, allongé par terre, regarda par le trou, puis y plongea le bras. Quand il le ressortit, il avait un coupe-boulons à la main.
— Boîte à outils, dit-il en actionnant les mâchoires de la pince. Venez ici, les casseroles. Petits, petits, petits… Gentilles petites casseroles.
Rex visa de nouveau, et songea que c’était une autre des raisons qui faisait d’un soldat-clone un bien meilleur combattant que n’importe quel droïde.
Ils n’étaient pas seulement inventifs.
Ils avaient des frères qu’ils voulaient venger.
— Gardez-m’en un vivant, dit-il.