CHAPITRE IX
Tenel Ka s’éveilla dans l’obscurité. Au cœur d’un espace exigu, elle était entourée par une vibration assourdie. Le cœur tambourinant dans la poitrine, trempée de sueur, elle éprouvait un sentiment d’urgence, la notion que quelque chose allait terriblement de travers. Elle essaya de se lever et se cogna durement la tête sur le fond de la couchette supérieure. Étouffant une exclamation, elle se souvint qu’elle était à bord du Off Chance.
Elle se détendit légèrement.
Après en avoir terminé avec le Hutt courtier en informations, sur Borgo Prime, Luke et Tenel Ka avaient décidé que leur meilleure chance de trouver Jacen, Jaina et Lowbacca était d’aller directement sur Dathomir, le monde natal des Sœurs de la Nuit. Leur seul indice était la mystérieuse femme ; il leur fallait découvrir son identité et déterminer si elle s’était vraiment emparée des jumeaux et du Wookie.
Luke avait pressé Tenel Ka de prendre un peu de repos pendant le trajet. C’était la première occasion de dormir qui se présentait depuis que ses amis avaient été enlevés. La jeune guerrière fut heureuse d’en profiter.
Tenel avait somnolé, isolée de la lumière et du bruit, dans une des couchettes du Off Chance, mais son repos avait été troublé par des rêves. Elle effleura un commutateur, près de sa tête, et sursauta quand l’éclairage brillant de la cabine inonda la pièce. Elle roula sur le ventre, passa les jambes par-dessus le bord de la couchette et se laissa tomber, un mètre et demi plus bas, sur le sol de la cabine. Secouant sa chevelure, elle se redressa de toute sa hauteur et s’étira, remarquant avec plaisir la sensation de liberté que lui donnait son armure en peau de lézard, à la fois souple et résistante. Elle était contente d’être de nouveau habillée en guerrière.
Le malaise dû à son rêve persista tandis qu’elle se dirigeait vers le cockpit et s’asseyait dans le siège du copilote, à côté de Luke. Elle vit à travers un hublot les couleurs tourbillonnantes signifiant que le Off Chance voyageait dans l’hyperespace.
Luke leva les yeux des commandes.
— As-tu dormi un peu ?
— Oui…
La jeune fille attacha son harnais de sécurité puis entreprit de tresser sa chevelure, ajoutant çà et là des perles et des plumes qu’elle gardait dans une bourse pendue à sa ceinture.
— Mais tu n’as pas bien dormi, n’est-ce pas ?
Elle cligna des yeux, étonnée qu’il ait remarqué ce détail.
— Exact, oui…
Luke ne répondit pas. Il attendit. Avec un sentiment de malaise croissant, elle comprit qu’il escomptait des explications.
— J’ai… fait un rêve, dit-elle. Ça n’a pas d’importance.
Les yeux bleus de Luke scrutèrent le visage de la jeune fille. Puis il parla à voix basse :
— Je sens de la peur en toi.
Elle grimaça et haussa les épaules.
— J’ai déjà fait ce rêve avant.
Il ferma les yeux et pencha la tête, comme il aurait pu le faire s’il avait étudié son expression les paupières levées.
— Les Sœurs de la Nuit ? demanda-t-il.
— Oui. C’est enfantin, admit-elle en rougissant jusqu’aux oreilles.
— Étrange… J’ai aussi rêvé d’elles, dit Luke.
Tenel Ka le regarda, incrédule.
— Quand j’étais petite, je croyais qu’elles étaient une légende que les mères et les grand-mères de Dathomir racontaient pour effrayer les enfants. Mais les Sœurs de la Nuit ont été détruites. Comment pourrait-il en exister encore ?
— Le peuple de Dathomir a souvent une grande aptitude à la Force. Il ne serait pas difficile de former certains de ses membres aux voies du mal.
Il s’appuya contre son siège et regarda fixement l’hyperespace comme s’il évoquait un souvenir ancien.
— Il y a des années, avant ta naissance, je me suis rendu sur Dathomir à la recherche des parents de Jacen et Jaina, Yan et Leia. C’est à ce moment que j’ai rencontré ton père et ta mère et que nous avons uni nos forces pour anéantir les Sœurs de la Nuit.
Tenel Ka le regarda avec curiosité. Ses parents répugnaient à parler de ces événements.
— Ma mère a une très haute opinion de vous, dit-elle, espérant qu’il allait lui en dire plus.
Luke lui lança un regard taquin.
— Mais t’a-t-elle confié comment nous nous sommes rencontrés ? T’a-t-elle dit qu’elle m’a capturé ?
— C’est impossible ! dit la jeune fille. Elle ne pouvait pas espérer…
Luke sourit du désarroi de Tenel Ka.
— Comme je te dis !
— Oh, maître Skywalker !
Tenel Ka n’arrivait pas à en croire ses oreilles. Elle ne parvenait pas à se représenter Luke Skywalker victime de coutumes matrimoniales qu’elle avait toujours considérées comme primitives et pittoresques. Sur Dathomir, la femme choisissait et capturait l’homme qu’elle voulait épouser. Sa mère, Teneniel Djo, avait tenté l’aventure avec Luke Skywalker ? Impossible !
Son embarras augmenta à l’idée que sa mère avait même enlevé le plus grand Maître Jedi de la galaxie, comptant qu’il l’épouse et devienne le père de ses enfants. Puis le comique de la situation la frappa et elle laissa échapper un son qu’on entendait rarement dans sa gorge : un gloussement de rire.
— Ma mère m’a toujours recommandé le plus grand respect pour les Jedi, et par-dessus tout pour vous, maître Skywalker. Je vous en prie… ne soyez pas offensé… haleta-t-elle en essuyant des larmes de joie de ses yeux, mais je suis heureuse qu’elle ne soit pas arrivée à ses fins avec vous !
Luke sourit et lui serra l’épaule, compréhensif.
— Moi aussi. Tes parents étaient faits l’un pour l’autre.
— J’aime mon père, vous savez, dit Tenel Ka en retrouvant son sérieux. Et ma mère aussi.
— Et pourtant tu n’as jamais dit à tes amis qui sont tes parents. Pourquoi ?
Tenel Ka se tortilla dans son harnais, qui lui sembla soudain trop serré. Elle avait souvent réfléchi à ce problème pour arriver chaque fois à la même conclusion.
— C’est difficile à expliquer, commença-t-elle. Je n’ai pas honte de mes parents, si c’est ce que vous pensez. Je suis fière que ma mère ait un tel pouvoir et qu’elle règne sur les mondes de Hapès parce qu’elle est une guerrière de Dathomir. Et je suis fière de ce que mon père est devenu, en dépit de la façon dont il a été élevé… et de celle qui l’a élevé.
Luke hocha la tête.
— Ta grand-mère ?
— Oui. Je ne suis pas fière de cette partie de ma famille. Ma grand-mère est assoiffée de pouvoir. Elle manipule les gens. Je ne sais pas si elle connaît le sens du mot « amour ». Pourtant, mon père est aimant et avisé. Il ne lui ressemble pas.
— Non, c’est vrai, dit Luke. Il y a bien longtemps, Isolder a fait quelque chose de très difficile et de très courageux. Quand il a compris que ta grand-mère aimait tant le pouvoir qu’elle était prête à tuer tous ceux qui la menaçaient, il a rejeté ses enseignements. C’est une femme forte et fière, mais ses leçons étaient mauvaises. Ton père a choisi de respecter et d’honorer la vie. La décision a été dure à prendre, mais il a fait le bon choix.
Tenel Ka hocha la tête.
— Ma lignée est souillée par des générations de tyrans assoiffés de sang et de pouvoir. Je ne suis pas fière d’être née dans la famille royale de Hapès, cracha-t-elle. Je ne veux pas que mes amis sachent que je suis l’héritière du trône parce que je n’ai rien fait pour l’obtenir ou le mériter.
Le visage de Luke s’assombrit.
— Jacen et Jaina comprendraient. Leur mère est une des femmes les plus puissantes de la galaxie.
Tenel Ka fit un signe de dénégation.
— Avant de leur dire, je dois me prouver que je ne suis pas comme mes ancêtres. J’ai décidé de m’enorgueillir seulement de ce que j’accomplirai moi-même, d’abord avec ma propre énergie, puis avec la Force, jamais avec un pouvoir hérité. Mes parents sont très fiers que j’aie décidé de devenir un Jedi.
— Je comprends, dit Luke. Tu as choisi une voie difficile. C’est un bon début pour un Jedi.