CHAPITRE VIII

Zekk avançait au pas de course dans les rues faiblement éclairées de la Cité Impériale. Fuyant le Palais, il empruntait des chemins dérobés pour être sûr de ne rencontrer personne.

Au-dessus de sa tête, les lumières des navettes-taxis avaient du mal à percer le brouillard qui régnait en permanence sur la ville.

Écrasé par les gratte-ciel aux illuminations violentes, Zekk venait de comprendre une chose terrible : malgré les milliards d’habitants de la planète, il était seul. Absolument seul.

Après sa misérable prestation de la soirée, il avait le sentiment qu’un droïde doré se penchait en permanence sur lui, répétant à la cantonade qu’il était un crétin, et un véritable boulet pour ses amis.

Aussi, quel idiot il avait été ! Se mêler à la bonne société, côtoyer des diplomates et des ambassadeurs, copiner avec les enfants de la présidente ! Pour qui se prenait-il donc ?

Un prince ?

Il baissa les yeux, cherchant un objet dans lequel shooter. Avisant une boîte métallique, il tira un fantastique penalty, salissant la botte qu’il avait passé si longtemps à cirer pour plaire à ses prétendus amis.

La boîte percuta un mur. À la grande déception de Zekk, elle n’explosa pas comme un fruit pourri.

Le regard baissé sur les immondices qui jonchaient le caniveau, l’adolescent continua à errer dans le labyrinthe des rues de Coruscant.

Qu’importait où il arriverait ! Les sous-sols de la cité étaient son monde, le seul où il pouvait survivre. Ça valait mieux, car il n’avait pas une chance de s’en sortir un jour. Le concept de promotion sociale était un leurre. À l’évidence, il n’était pas l’égal de gens comme Jaina et Jacen, qui pouvaient rêver d’un avenir brillant.

Zekk était et resterait un moins que rien.

Devant lui, il vit un groupe de marchands qui fermaient leurs boutiques en bavardant joyeusement avec les gardes de la sécurité de la Nouvelle République.

Il ne voulait pas approcher de ces gens. Au diable la compagnie ! Ça ne vous apportait jamais rien de bon !

Il se glissa dans un ascenseur public et appuya au hasard sur un bouton. Dix-neuf étages plus bas, il émergea dans une partie plus obscure de la ville.

Le vieux Peckhum devait déjà être au travail, dans son satellite. Sans lui, la maison serait inamicale. Passer la nuit seul à jouer à des jeux holos ne disait rien à l’adolescent. C’était même une idée sinistre…

Il était libre de se promener aussi longtemps qu’il le voudrait. Pourquoi ne pas en profiter ? Personne n’allait lui dire de filer au lit. Personne ne lui passerait un savon pour avoir fréquenté des endroits interdits.

Il avait la bride sur le cou !

Cette idée amena un sourire sur ses lèvres. Il possédait un bien qui manquerait toujours aux jumeaux : la liberté !

Quand ils partaient en exploration, Jaina et Jacen devaient sans cesse regarder leurs montres. Rentrer à l’heure était leur credo, et il n’y avait pas de dérogation. Ces petits anges n’auraient pas voulu que leur droïde de protocole fonde un circuit à force de se faire du souci !

Leur emploi du temps était la prison des enfants Organa Solo.

Zekk n’avait aucune idée des manières requises dans un palais. Et alors ? Qui se souciait qu’il ne sache pas quels couverts utiliser pour manger du poisson ? Ou qu’il ignore les ronds de jambe recommandés face à un ambassadeur insectoïde.

Nom de nom ! Il aurait fallu le payer cher pour qu’il échange sa place contre celle de Jacen ou de Jaina.

Très cher !

Alors qu’il errait dans les tunnels abandonnés, prenant un malin plaisir à abîmer ses bottes, Zekk ne s’aperçut pas que les ténèbres s’épaississaient autour de lui. Il ne remarqua pas non plus le silence, de plus en plus oppressant.

Serrant les poings, il blêmit au souvenir de ses récentes humiliations.

Bon sang, il fallait oublier tout ça ! Il se promenait dans sa ville, seul et libre. C’était la vraie vie !

Au plafond, les panneaux lumineux clignotaient. Au bout du tunnel, ils étaient carrément grillés. Un bruit aigu, dans un tuyau d’aération, signala le passage d’un gros rongeur.

Un autre bruit, plus-fort, tira Zekk de sa méditation.

Une grande silhouette noire se matérialisa devant lui. Un petit cri s’échappa de ses lèvres.

— Mais qui avons-nous là ? susurra une voix grave et profonde.

La silhouette avança encore. Zekk vit qu’il s’agissait d’une femme aux yeux violets. Elle portait un manteau noir brillant et ses longs cheveux noirs flottaient autour de son visage à la peau laiteuse et aux lèvres carmin.

Elle tenta de sourire, mais cette expression semblait plaquée sur son visage comme un masque.

— Salutations, mon jeune ami, dit-elle. Veux-tu bien m’accorder un peu de ton temps ?

Quand elle approcha encore, l’adolescent remarqua qu’elle boitait.

— J’ai bien peur que non…, commença Zekk en reculant.

Il se retourna pour constater que deux silhouettes massives lui barraient la route. Une solide femme à la peau marron clair et un jeune homme aux sourcils broussailleux.

— Un peu de ton temps, mon garçon, répéta la femme. Vilas et Garowyn, mes amis, vont s’assurer que tu ne feras pas de bêtises. (Elle se pencha vers lui.) Je me nomme Tamith Kai. Nous aimerions te faire passer un test. Rassure-toi, ça ne fait pas mal.

Zekk crut reconnaître de la déception dans la voix de la femme.

Vilas et Garowyn le prirent par les bras. Furieux, il se débattit et cria comme un beau diable.

Ses agresseurs semblaient se moquer comme d’une guigne qu’il fasse du bruit. Glacé de terreur, Zekk comprit qu’il ne devait pas être le premier à appeler en vain dans ces couloirs sinistres.

Il essaya de se dégager les bras, mais n’y parvint pas.

Tamith Kai sortit de sous sa cape un étrange appareil composé de feuilles de cristal reliées par un enchevêtrement de fils et connectées à un boîtier de commande.

L’appareil bourdonna.

— Laissez-moi ! cria l’adolescent.

Il flanqua un coup de pied derrière lui, espérant toucher quelque zone sensible.

— Soyez prudents, dit Tamith Kai à ses complices. Les petits ânes peuvent être dangereux quand ils ruent…

Se penchant encore, elle promena l’étrange appareil le long du corps de sa victime.

Le cœur battant la chamade, Zekk serra les dents et ferma les yeux. À sa grande surprise, il n’éprouva aucune douleur, et ne sentit pas de rayon laser lui découper les chairs.

Tamith Kai recula. Vilas et Garowyn tendirent le cou pour regarder le petit écran de l’appareil.

Sans cesser de se débattre, Zekk aperçut sa propre silhouette, minuscule et entourée d’une aura bleue.

— Hum… Surprenant ! dit Tamith Kai. On dirait qu’il a le… potentiel.

— Excellent ! approuva Garowyn. Une sacrée chance !

— Pas pour moi ! cria Zekk. Que voulez-vous ?

— Tu vas venir avec nous, dit Tamith Kai, péremptoire.

— Pas question ! s’insurgea Zekk. Je me fiche de votre « potentiel », et…

— Par pitié, assommez-le ! s’écria Tamith Kai. Il sera plus facile à transporter, et il ne nous cassera plus les oreilles.

Elle fit volte-face et disparut dans l’ombre.

Vilas et Garowyn lâchèrent les bras de Zekk, qui essaya de courir, conscient que c’était sa dernière chance.

Un rayon paralysant le foudroya avant qu’il ait fait cinq mètres.