Chapitre 23

 

Je connais cet endroit, grommela Riley en se garant tout près de l’ancien Starbucks. 

Elle était venue ici à un rendez-vous quelques années plus tôt, à l’époque où l’établissement était encore ouvert. Elle se rappelait bien du garçon très mignon qui l’avait servie. Aussi beau qu’un mannequin. Elle avait dit cela à Allan, son petit copain de l’époque, qui ne l’avait pas très bien pris. Ce jour-là, elle avait compris que l’ego des hommes avait un point commun avec les fruits : tous les deux étaient fragiles et marquaient facilement.

En sortant de la voiture, elle aperçut les autres élèves. Il y avait trois groupes distincts, plus quelques éléments isolés, dont elle ferait sans doute bientôt partie.

Dommage que Peter ne soit pas là. Il était la seule constante de son existence, l’ami qui l’avait aidée à supporter ses quatre derniers changements d’écoles. Pour lui, ces bouleversements étaient toujours synonymes d’aubaines, alors que pour elle, c’était tout le contraire.

Pourquoi se casser la tête ? D’ici à quelques mois, ceux d’en haut déplaceraient une nouvelle fois tous les élèves comme on jette un paquet de cartes dans les airs. L’administration désignait ces remaniements par des mots compliqués, mais à la fin, c’était toujours la même chose : c’étaient les mômes qui trinquaient. Pourquoi devenir ami avec quelqu’un qu’on perdrait de vue un mois ou deux plus tard ? Si Riley ne jouait pas le jeu, les autres élèves la trouveraient sûrement bizarre ou coincée, mais cela la dérangerait-elle réellement ?

— Oh que non ! Cette fois-ci, je me laisse aller, annonça-t-elle. 

Après tout ce qu’elle avait vécu, elle n’avait plus envie de faire d’efforts.

Le groupe le plus proche était composé de filles de son âge. Sans être riches (autrement, elles n’iraient pas à l’école dans un ancien Starbucks), elles étaient mieux habillées qu’elle. Riley se rapprocha de l’entrée en étudiant ses congénères. La fille qui se tenait au centre de la bande était une grande et mince brunette aux yeux noisette et aux lèvres charnues, que les cinq autres filles regardaient fixement comme des androïdes attendant des instructions. Toutes portaient des vêtements de la même couleur. Avec quelques années de plus et une chirurgie mammaire, la fille du milieu pourrait poser pour le genre de poster qu’on trouvait dans la salle de bains de Harper.

Avec le tatouage et tout.

Quelque chose lui disait quelles ne seraient pas très copines, toutes les deux.

— Elle est à toi ? demanda la fille en désignant sa voiture. 

Je viens de sortir de cette poubelle, non ?

— Non, je l’ai volée sur le chemin. Sinon, j’ai un cabriolet rouge. 

Une des filles gloussa, mais elle se tut lorsque le centre autoproclamé de l’univers lui lança un regard assassin.

— Comment tu t’appelles ? 

— Riley. Et toi ? 

— Brandy. 

Ça m’aurait étonnée

— Tu es nouvelle, ici, observa Brandy. Tu fréquentais quelle école avant ? 

— J’allais dans une épicerie de Moreland. 

— Ça n’a pas l’air terrible. 

— Effectivement. 

Avant que Brandy ait eu le temps de la questionner davantage, la double porte s’ouvrit, et la personne qui représentait l’autorité dans cet établissement leur fit signe d’entrer. D’après les documents que Riley avait reçus, il devait s’agir de Mme Harpity. Elle imaginait aisément comment les élèves l’appelaient lorsqu’elle avait le dos tourné.

Les tempes grisonnantes, Mme Harpity devait avoir la cinquantaine. Elle avait une coupe courte au carré et s’habillait comme une avocate. Elle portait une petite broche représentant un ange au revers de son manteau.

Riley fit la queue pour entrer. Dès qu’elle fut à l’intérieur, une odeur l’assaillit. Du café. Il s’était écoulé pas mal de temps depuis que le dernier grain avait été torréfié, mais cet endroit sentirait toujours l’expresso.

C’est mieux que le fromage moisi.

Les élèves s’amassèrent à l’avant de la boutique, près des grandes vitrines. Les groupes étaient toujours bien identifiables. Comme chacun s’asseyait, Riley jeta un rapide regard circulaire sur le décor. Le comptoir et les présentoirs avaient disparu. Les banquettes étaient toujours en place au fond de la salle, tout comme les tables originelles, même si elles étaient beaucoup moins belles que dans ses souvenirs. D’autres tables avaient été ajoutées devant la vitrine. Riley choisit l’une des plus petites, mais comprit en la voyant brinquebaler pourquoi personne ne s’y était installé. Elle coinça la sangle de son sac sous un pied, ce qui régla plus ou moins le problème. Le plateau, en revanche, était irrécupérable, car couvert de graffitis, pour la plupart obscènes. Et parfois écrits avec des fautes d’orthographe…

Quand Mme Harpity se positionna enfin derrière la table de jeu qui lui servait de bureau, Riley se leva et se faufila jusqu’à elle. Elle connaissait les règles d’usage : remise des papiers de transfert en main propre au responsable de l’établissement, hochement de tête approbateur de ce dernier, retour à sa place. Mme Harpity examina le document, regarda Riley, fronça les sourcils, relut le nom imprimé sur la feuille de papier et soupira.

— Je vous attendais lundi dernier. 

— Je n’ai pas pu venir, répondit Riley. J’étais malade. 

J’ai failli crever de la peste démoniaque. En toute probabilité, tout le monde était en train d’épier leur conversation pour essayer d’en apprendre davantage sur la nouvelle. Peut-être la prof laisserait-elle filtrer des infos croustillantes.

— L’assiduité est très importante, reprit Mme Harpity. Vous devez penser à votre avenir. 

Quelle bonne blague ! Riley hocha la tête d’un air grave. Les profs étaient moins emmerdants quand ils pensaient que vous étiez d’accord avec eux.

— Il me faut un mot d’excuse signé par les parents. 

— Bien sûr. 

Je vais l’exhumer, ne vous inquiétez pas. Par chance, elle imitait très bien la signature de son père.

— Écoutez-moi tous… Je vous présente Riley. Accueillez-la comme il se doit dans sa nouvelle classe. 

Cool, elle n’a pas dit mon nom de famille. Finalement, la situation ne se présentait pas si mal.

— Vous pouvez vous asseoir, mademoiselle Blackthorne. 

Et merde.

Comme elle retournait à sa place, Riley vit ses camarades de classe échanger des regards en essayant de se rappeler où ils avaient entendu ce nom. Alors ils écarquillèrent les yeux. Ceux qui n’étaient pas au courant furent aussitôt informés par d’autres, avec force chuchotis dans l’oreille. Quelques-uns sortirent même leur téléphone. Sans doute pour rechercher une des vidéos qui traînaient sur Internet.

À présent que tout le monde connaissait son identité, Riley ne fut guère étonnée de voir sa voisine, la fille osseuse aux cheveux brun terne, la regarder du coin de l’œil comme si elle risquait de faire apparaître un monstre de l’Enfer au milieu de la classe.

Ce serait sympa, remarque.

Mme Harpity ne perdit pas de temps et se mit au travail. Le programme était le même que dans son école précédente et respectait les directives imposées par l’État, soit une demi-heure de maths, qui passa très vite, suivie d’une demi-heure d’anglais, puis de sciences, puis de littérature. La dernière heure était consacrée à l’histoire, en particulier à la guerre civile. Riley connaissait cette période par cœur, grâce à son père. Pendant la leçon somnifère consacrée à la bataille de Lookout Mountain, elle entendit chuchoter derrière elle.

Les trois heures passèrent relativement vite en dépit des gloussements et des bavardages dans son dos. Il fut bientôt 17 heures. Puis 17 h 10. Riley commença à s’agiter parce que les cours étaient normalement terminés et qu’elle devait se rendre au cimetière. Elle était pressée, d’autant qu’elle devait aussi préparer quelque chose à manger. Le volontaire du cimetière resterait à son poste, mais il lui demanderait de l’argent si elle n’était pas là au coucher du soleil.

De l’argent que je n’ai pas.

Et Mme Harpity qui continuait à parler et à parler… Riley jeta un coup d’œil à sa montre : 17 h 15. Elle commença à ranger ses affaires, ce que l’enseignante remarqua aussitôt.

— Mademoiselle Blackthorne ? Nous sommes en retard, ce soir. Cela nous arrive de temps à autre. 

— Je suis désolée, rétorqua Riley en se levant, mais je dois y aller. Je dois… Enfin, j’ai quelque chose à faire. 

— C’est-à-dire ? insista Mme Harpity avec une autorité toute professorale. 

Fait chier.

— Je dois monter la garde devant la tombe de mon père. 

L’enseignante cligna des yeux.

— Vous êtes la fille de… ? 

Apparemment, elle était la seule à ne pas avoir relié les points entre eux et fait le lien entre son nom et son défunt père.

— Bien, les enfants, ce sera tout pour aujourd’hui. Et n’oubliez pas de lire le chapitre sur la destruction d’Atlanta par Sherman pour dimanche. 

Riley mit son sac de coursier à l’épaule et prit la direction de la porte. Sortir lui prit plus de temps que prévu, car tout le monde semblait faire exprès de se mettre en travers de son chemin. Arrivée devant sa voiture, elle comprit pourquoi cela avait pris tellement de temps : un message était griffonné sur son pare-brise.

« La putain de Lucifer ! »

La couleur du rouge à lèvres lui était familière.

Riley lança un regard empoisonné au groupe de filles. Brandy lui sourit en agitant son bâton de rouge comme un mini-sabre laser.

Salope.

Riley sauta dans sa voiture et actionna ses essuie-glaces. Mauvaise idée. Le rouge à lèvres s’étala sur la vitre en de longues traînées graisseuses. Elle insista jusqu’à y voir suffisamment clair pour pouvoir conduire et s’éloigna de l’école en crachant des mots que seuls les démons auraient pu comprendre.

Dans son rétroviseur, elle vit les filles éclater de rire.

Riley n’avait plus que quelques minutes devant elle. Le manuel de son père sous le bras, elle courait à en perdre haleine.

Le livre était bien caché sous la roue de secours, mais elle n’avait pas encore eu le loisir de se plonger dedans.

Rod, le volontaire, lui sourit en la voyant arriver.

— Je serais bien resté pour discuter un peu, mais il y a compète, ce soir. 

— Compète ? demanda-t-elle. 

Il écarta les pans de son manteau et révéla une chemise de bowling rouge. Dans son dos étaient brodés les mots « Six Feet Under ».

Le Six Feet Under était une brasserie située juste en face du cimetière. En de rares occasions, son père et elles y avaient mangé quand il leur restait un peu d’argent à la fin du mois. Les piégeurs y organisaient des soirées et de petites fêtes. Encore une autre tradition.

— Besoin d’aide ? demanda Rod. 

Elle secoua la tête, et il s’empressa de disparaître.

Après un bref moment d’appréhension, Riley établit un nouveau cercle puis composa le numéro de Peter.

À peine avait-il décroché qu’elle lui fit le récit de sa journée.

— Tu ne devineras jamais ce qui m’est arrivé à l’école ! 

Son ami l’écouta sagement sans l’interrompre.

— Merde, quelles saloperies, compatit Peter. Dommage que je n’aie pas été à tes côtés. 

Riley lâcha un soupir.

— Tu sais comment ça se passe ! Il faut toujours qu’ils prennent quelqu’un pour cible, et ce quelqu’un, c’est moi. C’est toujours moi, d’ailleurs. 

— Pas toujours. Parfois c’est moi. On est différents, et ça les dérange. 

— Je me demande comment je vais retirer ce rouge à lèvres de mon pare-brise, bougonna-t-elle. 

— Attends une seconde… 

Elle l’entendit pianoter sur son clavier.

— Il te faut de l’ammoniaque, annonça-t-il. 

— Génial ! 

Elle n’avait pas d’ammoniaque chez elle, mais Peter trouverait bien une solution à son problème.

— Alors, ça te fait quoi d’être la putain de Lucifer ? plaisanta-t-il. 

— Peter ! 

— Je déconne, répondit-il avant d’éclater de rire. Tu sais, si tu n’étais pas piégeuse de démon, tes nouvelles camarades de classe trouveraient une autre raison de te harceler. Elles ont juste besoin d’un prétexte, comme tes cheveux, ton nez ou n’importe quoi d’autre. 

— Qu’est-ce qu’il a, mon nez ? 

— Ne me lance pas sur ce sujet. 

— Peter, ne t’aventure pas sur ce terrain-là ! 

Il rit encore.

— En tout cas, ne te laisse pas impressionner. 

— Ne t’en fais pas. C’est toujours la même chose. Quand j’étais petite… 

Elle s’interrompit, consciente d’être sur le point de révéler un de ses plus grands secrets.

— Continue, l’encouragea Peter. 

Il s’agissait de Peter. Peter ne se moquerait pas d’elle. En tout cas, pas longtemps.

— Tu te rappelles, au collège, je n’ai jamais réussi à m’intégrer. Tous les étés, j’essayais de devenir quelqu’un d’autre, de changer pour qu’à la rentrée les autres me trouvent « cool ». Sauf que ça ne marchait pas, évidemment. J’avais beau me donner du mal, ils voyaient toujours l’ancienne Riley. 

— Ah ! c’est pour ça que tu étais toujours un peu bizarre en début d’année. Je me suis toujours demandé pourquoi. 

— Ouais, j’imagine que je devais me comporter étrangement. 

— Moi, j’aime bien la vieille Riley, avoua Peter. Elle est cool, même si c’est la putain de Lucifer. 

— Arrête, tu veux bien ! 

— Je vois qu’on est de mauvais poil. Toi, au moins, tu as cours dans un Starbucks, alors que moi, je me retrouve dans une crèche. Encore ouverte, qui plus est. 

— Ça ressemble à quoi ? 

— Ça sent le caca et le talc. 

— Tu as une chaise haute pour pupitre ? lui demanda-t-elle en souriant. 

— Non, mais on fait la sieste sur de minuscules lits de camp après un goûter de jus de fruits et de crackers. 

Cette fois, elle éclata de rire.

— Tu me manques, Peter. Je regrette qu’on ne soit plus dans la même classe. 

Il y eut un moment d’hésitation.

— Euh, tu pourrais répéter ? 

— Pourquoi ? 

— Pour que je t’enregistre. Comme ça, je pourrai me repasser la bande quand tu me traiteras de trou du cul. 

— Sûrement pas. Tu as raté une chance unique. 

— En fait, je vais demander à être transféré dans ton école. 

— C’est vrai ? Tu crois que ça marchera ? demanda-t-elle pleine d’espoir. 

Avec Peter à ses côtés, tout redeviendrait plus facile.

— Je ne sais pas. Ma gardienne n’a apparemment rien à voir avec nos changements d’affectation. C’est la faute à pas de chance, et la chance, ça se provoque. 

— Comment ? 

— Ce n’est pas le genre de sujet qu’on aborde au téléphone. 

Ce qui signifiait qu’il essayait de pirater le système informatique du ministère de l’Éducation pour organiser son transfert.

— Fais quand même attention. 

Plus il se montrerait créatif dans sa tentative, moins les gens de l’administration apprécieraient.

— Bon, il faut que je te laisse, dit-elle en voyant Simon arriver. Un piégeur vient voir comment je me débrouille. 

Un piégeur qui est aussi mon nouveau petit ami.

— Sois prudente, la mit en garde Peter. Oh ! j’aurai imprimé les fichiers de ton père d’ici à demain matin. Appelle-moi et on conviendra d’un moment pour se voir, d’accord ? 

— Bien sûr. À plus. 

— À plus. 

Simon la salua, et elle l’invita à entrer dans le cercle. Lorsqu’il enjamba les flammes, celles-ci réagirent à peine.

— Je voulais voir comme tu allais, commença-t-il en cachant quelque chose dans son dos. 

— Je suis un peu fatiguée. Les cours ont duré plus longtemps que prévu. J’ai failli arriver en retard. 

Tu vas arrêter de t’apitoyer sur toi-même, oui ?

— Excuse-moi, reprit-elle. Je n’arrête pas de me plaindre. 

— Eh ! bien, justement, je t’ai apporté un petit quelque chose qui devrait te remonter le moral. 

Il sortit sa main de derrière son dos et lui montra ce qu’il cachait, à savoir une toile goudronnée toute neuve encore emballée dans sa cellophane.

Certaines filles se voient offrir des fleurs, moi, c’est de la toile goudronnée. Et cela ne la dérangeait pas du tout.

— Tu es génial, Simon, dit-elle, parfaitement sincère. 

— N’est-ce pas ? répondit-il en haussant plusieurs fois les sourcils. 

Riley nettoya rapidement le sol. Les pommes de pin et les cailloux étaient une plaie et le devenaient encore plus à mesure que la nuit avançait.

— Attends, je vais t’aider, proposa-t-il. 

Ensemble, ils étendirent la toile, puis les sacs de couchage, sa couverture et le reste de son matériel.

— Il reste des trucs dans ton appartement ? demanda-t-il en désignant d’un geste de la main tout ce qu’elle avait apporté. 

— Mais oui ! feignit-elle de s’offusquer. Des bonbons ? 

— Pourquoi pas. Tu as des fraises ? 

Elle fouilla dans sa boîte et lui en trouva une. Leur bonbon à la main, ils partagèrent la même couverture dans ce campement de fortune.

— Qu’est-il arrivé à ton pare-brise ? s’enquit-il en mâchouillant son bonbon. Il est tout rouge. 

Riley lui livra une version écourtée et superficielle des événements. A sa grande surprise, le visage de Simon vira au rouge lorsqu’elle lui révéla ce que son ennemie avait écrit sur sa voiture.

— Tu n’es pas du tout ce genre de fille ! s’exclama-t-il en grimaçant. 

— Merci, dit-elle, heureuse de le voir prendre ainsi sa défense. Je n’ai pas encore décidé de la manière dont je vais me venger. 

— Ne perds pas ton temps avec ça. Tu vas te prendre la tête pour pas grand-chose. 

Riley pencha la tête sur le côté et le considéra longuement.

— Tu restes calme quand Harper se comporte avec toi comme un connard fini ; tu es poli tout le temps, même avec les démons. Mais comment fais-tu ? 

— Elle m’aide à me focaliser sur ce qui est important, répondit Simon en tapotant sa croix. 

— Ma mère me disait des choses du même genre, reprit-elle en se remémorant des instants chéris. J’aimais bien aller à l’église avec elle. Une fois, on a même assisté à une messe en latin. C’était bizarre et mystérieux. 

— Je ne savais pas que ta mère était catholique, s’étonna le jeune homme, le front plissé. Et toi ? 

— Je ne sais pas trop. Je crois que Dieu est quelque part là-haut qui veille sur nous, mais si c’est le cas, il doit me haïr. 

Son petit ami passa un bras autour de sa taille et l’attira contre lui. Cela lui fit un bien fou à l’intérieur.

— Dieu ne hait personne, expliqua-t-il. Il nous teste, c’est tout. Malheureusement, les épreuves qu’il t’a fait traverser ont été très difficiles. 

— Et toi, alors ? 

— Je n’ai pas encore été testé. Enfin, pas vraiment. 

Il se pencha vers elle et lui déposa un baiser sur les lèvres.

Bien que surprise, elle ne recula pas. Il embrassait bien. Non qu’elle soit vraiment expérimentée en la matière, mais elle savait qu’elle avait envie qu’il recommence. Ce qu’il fit. Cette fois-ci, le baiser dura plus longtemps et eut un goût de fraise. Il finit par s’écarter, les joues légèrement rosies.

— Tu représentes une telle tentation, marmonna-t-il en secouant la tête. 

On dirait que c’est une mauvaise chose.

À sa grande déception, il se leva subitement comme s’il avait peur de son propre comportement en sa présence.

— Je dois te laisser, j’ai promis à ma mère d’être à l’heure pour le dîner. 

— Ça doit être sympa… 

Avec une famille aussi nombreuse que la sienne, l’ambiance devait être chaotique, mais au moins n’était-on jamais seul.

Il réfléchit une seconde.

— Tu devrais venir, un jour. Maman fait du poulet frit carrément excellent. 

Je rêve ou il vient de m’inviter chez lui ?

— Ça… me ferait plaisir, bafouilla-t-elle. 

— Super. Mes parents veulent te rencontrer. Je leur ai parlé de toi. 

De moi ?

Elle se leva et l’embrassa furtivement sur la joue. Puis elle l’embrassa encore, mais sans se presser cette fois.

— Un test, oui, un test, murmura-t-il. N’hésite pas à m’appeler si tu as besoin de quelque chose. 

— D’accord. Bonne nuit, Simon. 

— Bonne nuit, Riley. 

Comme il s’éloignait, elle repensa aux quelques minutes qu’elle venait de passer en sa compagnie.

Il m’a embrassée. Il m’a invitée à dîner, et ses parents veulent me rencontrer.

Tout cela allait beaucoup plus vite que prévu.