CHAPITRE XVIII
La première chose que fit le nouveau Grand Chef fut de manquer tomber de tout son long devant plus d'un millier de ses nouveaux sujets. Blade avait chaud, horriblement soif et la perte de sang lui donnait des vertiges.
Katerina choisit ce moment pour s'évanouir dans ses bras, de soulagement. Il l'allongea par terre avec précaution. Ensuite, il fut bien trop occupé à s'assurer qu'on la traitait bien pour se soucier de ses propres blessures.
Il fut aussi fort occupé à écouter ce qu'elle racontait dans son délire, plus tard alors qu'elle se tournait et se retournait sur son matelas en proie à la fièvre et aux cauchemars. Il écouta avec beaucoup d'attention et n'aima pas du tout ce qu'il entendit.
Pour commencer, elle parlait en russe. Blade connaissait assez bien la langue pour comprendre presque tout ce qu'elle disait. Elle était désorientée, elle se croyait dans un hôpital au fin fond de la Russie, soignée à son retour d'une mission en Occident ! Puis elle poussa des cris et pressa les mains sur ses tempes et son ventre, en gémissant des propos sans suite au sujet de Lord Leighton, J et un terrible grand monstre d'ordinateur.
Quand elle finit par se calmer et sombrer dans un profond sommeil, Blade savait à peu près tout ce qu'il y avait à savoir de Katerina, qui elle était et comment elle avait été expédié dans la Dimension X.
Jusque-là, parfait. Mais rien de tout cela n'expliquait comment, au nom de Quiconque régnait dans la Dimension X, Katerina avait réussi à arriver là, saine de corps et d'esprit ! Comment était- ce possible ? Pourquoi une demi-douzaine d'Anglais triés sur le volet étaient-ils morts ou devenus fous lors de voyages dans la DX, et pas Katerina ? Comment ces années de recherches dans le monde entier, pour trouver quelqu'un d'autre pouvant survivre au voyage, avaient-elles pu être vaines, si Katerina avait réussi si facilement ? Qu'est-ce qui n'allait pas ?
Katerina se réveilla dans la nuit. Elle était faible, épuisée mais avait retrouvé tous ses esprits. Elle vit la silhouette de Richard Blade penchée sur elle dans la pièce obscure. Il était calmement assis par terre à côté de son lit bas, et la contemplait. Il portait des pansements sur la joue, la jambe et l'oreille.
En voyant qu'elle était réveillée, il lui prit une main.
— Eh bien, Katerina ? Ça va mieux ? Vous m'avez un peu inquiété, je l'avoue.
— Moi, je vous ai inquiété ? répondit-elle en riant. Qu'est-ce que vous croyez que je faisais, alors que vous vous battiez contre Geddo ? Des équations de trigonométrie de tête ?
Il rit aussi.
— Non, probablement pas. Mais c'est quand même un plaisir de vous ravoir parmi nous.
— Nous ?
— Moi et les Ganthis. Je suis Grand Chef, à présent, pour avoir vaincu Geddo en combat loyal. Du moins lui, il a eu sa chance.
— Est-ce que Stul est mort ?
— Oui. On est venu m'apporter sa tête, au moment où vous vous êtes évanouie. Nous n'avons plus besoin d'avoir peur de lui. Je crois que nous n'avons plus à avoir peur de rien, tout au moins cette nuit.
Katerina surprit un accent singulier dans la voix de Blade, quand il prononça ces mots. Ils lui firent prendre plus vivement conscience de sa nudité, sous la couverture de roseaux tressés, et de celle de Blade, sauf pour le pagne et les pansements. Il avait un corps musclé, splendide, rayonnant de force et de compétence. Elle ne pouvait s'empêcher de détailler ce corps des pieds à la tête. Pas plus qu'elle ne pouvait limiter son examen à l'étude professionnelle d'un ennemi possible. Une légère étincelle d'intérêt érotique clignotait dans sa tête. Il y avait dans cette sensation le simple attrait sexuel de Blade, l'immense soulagement d'être en sécurité pour le moment et mille autres choses indéfinissables. Elle se surprit à imaginer ces énormes bras autour d'elle, ce beau torse pressé contre ses...
Sans un mot, Blade se pencha, écarta la couverture et se coucha à côté d'elle. Pendant une minute il ne bougea pas, sinon d'un index léger qui caressa la joue de Katerina, sa gorge, le ferme renflement de son sein gauche. Elle frémit et sentit le mamelon se dresser. Blade s'en aperçut et le prit entre ses lèvres chaudes. Katerina se sentit envahie par une autre espèce de chaleur, palpitante, parcourue par de petites décharges électriques.
Elle ne s'était pas attendue à cela, pas avec Blade, pas après avoir été violée par les chasseurs dans la forêt. Mais elle n'était pas tellement surprime et elle savait qu'elle ne pourrait endiguer son désir. Elle ne pourrait pas même si elle le voulait. Et elle ne le voulait pas. Tout ce qu'elle désirait, c'était que Blade sente ce qu'elle ressentait, qu'il la prenne dans ses bras, qu'il lui fasse tout ce dont elle le savait capable.
Pendant un long moment, les lèvres et les doigts de Blade explorèrent son corps. Les décharges électriques devinrent une flambée qui se répandit en elle, elle gémit quand son désir s'exacerba; elle se mordit la lèvre pour ne pas crier d'une exquise douleur. Elle voulut se forcer à rester inerte mais son corps s'arqua malgré elle, s'offrit, ses bras se tendirent, sa bouche murmura une plainte passionnée.
Blade lui prit les lèvres et elle ouvrit la bouche et darda sa langue alors que celle de Blade venait chatouiller son palais. Puis il laissa échapper un petit gémissement et se souleva au-dessus d'elle sur ses bras puissants. Elle sentit qu'il l'écrasait, qu'il la pénétrait en chuchotant des mots tendres.
Blade -était énorme. Au premier abord, cette gigantesque verge lui parut à la fois exaltante et terrifiante. Puis la peur disparut et l'exaltation prima tout quand elle sentit cette merveilleuse virilité commencer à remuer en elle.
Blade se soulevait et retombait avec un rythme admirablement contrôlé, se retirait parfois complètement, la taquinait et la torturait. Dans ces moments-là, elle soulevait son bassin et lui griffait le dos et les épaules pour le ramener en elle. D'autres fois, il plongeait si profondément qu'elle se demandait comment elle pouvait le contenir. Alors elle nouait les jambes autour de sa taille, pour le garder, le retenir.
La chaleur vibrante ne cessait de l'envahir. Les petites pulsations et les chocs électriques se précipitaient. Elle gémit, elle râla au fond de sa gorge, elle cria des mots sans suite en anglais et en russe, sentit des larmes lui brûler les yeux. Elle savait qu'elle perdait tout contrôle d'elle- même, que dans un instant elle ne serait plus qu'une bête hurlante, démente.
Son contrôle l'abandonna. Elle ne savait plus qui elle était, où elle était, ce qu'elle faisait, ce qui lui arrivait. Elle sentait vaguement que sur elle et en elle le grand corps se tordait aussi violemment qu'elle-même, que cette massive virilité qui la sondait et la fouillait palpitait et déversait en elle des jets brûlants. Pendant un très long moment, elle n'eut plus conscience de rien.
Quand elle reprit ses sens, Blade s'était rallongé sur le côté et la tenait dans ses bras. Même alors, elle n'eut que de vagues impressions de sa tiédeur, de l'obscurité, des bruits de la fête filtrant par la porte de la hutte.
Elle eut bien conscience, cependant, du désir qui les reprenait tous les deux. Cette fois elle épargna tout effort à Blade, elle eut pitié de ses blessures. Cette fois elle lui caressa tout le corps des mains et des lèvres, elle l'enfourcha, elle le prit en elle... Et une fois de plus ils furent réduits à l'état de bêtes. Quand enfin elle retomba à côté de lui, ils sombrèrent immédiatement dans un sommeil sans rêves.
Ils dormirent si profondément qu'ils ne sentirent même pas le troisième tremblement de terre.