CHAPITRE UN
D’après le vieux dicton, le temps est un amant : un amant Sith. Il vous attire éternellement, puis vous entaille et vous laisse pour mort.
Le regard fixé sur le bassin réfléchissant, Varner Hilts étudiait sa dernière cicatrice laissée par le temps, une cicatrice unique et permanente. Non, il ne pouvait imputer ça à un effet de lumière, ou à la pollution de l’eau. Elle était bien réelle. Une récente brèche partait de son œil gauche pour rejoindre sa tempe. Tournant légèrement la tête pour mieux voir, il jura. Pourquoi n’y avait-il pas au moins une ride correspondante de l’autre côté de son visage ? La symétrie n’était pas le fort du temps.
Hilts était bien parti pour devenir l’entité la plus inutile de toute la création : un vieillard dans une société Sith. C’était là la grande ironie de la Tribu de Kesh. Un homme sans ennemi vivait longtemps, mais n’avait aucun avenir. En vertu de son unique vocation, Hilts était parvenu à survivre à des décennies de tumulte. Mais tout pour ça pour quoi ? Pour qu’il puisse passer trente années de plus à marcher près du même bassin, observant son déclin chaque jour en allant au travail ?
Il faut dire que les traditions sont importantes, pensa Hilts.
S’agenouillant au-dessus de son reflet, il leva la main vers son visage et plissa les yeux. Lentement, il passa son doigt le long de la nouvelle crevasse…
Crac !
La pierre usée par le temps se brisa. Surpris, Hilts leva les yeux. Plus haut dans les airs, une section du canal suspendu de Tahv se plia et finit par céder, arraché de son support de maintien par la gravité.
Gardien !
Avant que Hilts n’ait pu se lever de toute sa hauteur, une silhouette trouble surgit de l’allée. Le Keshiri fonça tête la première sur Hilts, projetant l’humain en arrière. D’énormes pavés en pierres tombèrent dans la rue, pulvérisant la bordure du bassin où Hilts s’était agenouillé plus tôt. L’inconnu venait de lui sauver la vie.
À plat ventre du la surface pavée, Hilts invoqua le pouvoir de la Force et s’en servit pour dévier la trajectoire des plusieurs débris. Mais aucun pouvoir ne pouvait arrêter la cascade d’eau saumâtre qui jaillissait du canal brisé. Le Keshiri protégea Hilts du mieux qu’il put jusqu’à ce que la pluie d’eau et de roches cessât.
Saisi par un accès de toux, Hilts reconnut enfin son sauveur.
— Tu essaies de marquer des points avec le boss, Jaye ?
Il put enfin se relever et éponger sa chevelure argentée.
— Je suis… je suis désolé de vous avoir poussé, maître Hilts, balbutia le Keshiri. Je passais par-là et…
— Calme-toi. (Hilts savait que c’était une instruction inutile, même si Jaye était officiellement sous son commandement. Le natif aux joues rondes avait autant de chances de se détendre que Hilts en avant de devenir Grand Seigneur.) C’est une journée normale dans la « Couronne de Kesh. »
— C’est la conjoncture dit Jaye en essuyant la cape de son supérieur. (Son regard scruta le ciel de la capitale.) Le présage dont je vous avais parlé !
— Encore et encore. (Hilts repéra une foule d’humains en train de se quereller près des débris du canal suspendu, jetant le blâme sur l’industrie croissante de Tahv. Il tira sur la manche de son assistant.) Retournons au bureau avant que quelqu’un ne nous pointe du doigt !
Par le passé, les Sith de Kesh attendaient le bon moment pour acquérir plus de pouvoir, suivant temporairement le mouvement afin de réclamer le titre. Durant cette époque plus simple, pour la plupart des gens, la hiérarchie de Yaru Korsin faite de Haut Seigneurs, de Seigneurs, et de Sabres était un ensemble de moyens en vue d’une fin. La hiérarchie survécue car elle servait les intérêts de nombreuses personnes ; des personnes disposées à défendre le système contre ceux qui cherchaient à le détruire. Pendant les mille ans qui suivirent la mort du fondateur, la Tribu avait prospéré.
Mais le second millénaire apporta d’inexorables vicissitudes. Le Grand Seigneur Lillia Venn avait disparu plus de neuf cent ans auparavant, au cours de ce que les gens du coin appelaient la Nuit du Météore Inversé. Cette histoire était sans aucun doute le signe d’un destin funeste pour les petits-fils d’Omen – le vaisseau qui amena les premiers Sith sur Kesh. En apprenant la disparition de Venn, les rivaux de cette dernière s’attaquèrent d’abord à ses partisans, avant de s’entretuer. Les combattants vaincus quittèrent la capitale pour se réfugier dans l’arrière-pays, où nombre d’entre eux joignirent la cause des esclaves humains qui furent bannis. Un nombre croissant de Sith enrôlèrent de force les pacifiques Keshiris dans leurs rangs. Durant des siècles, les factions s’unirent assez longtemps pour conquérir Tahv et éliminer le Grand Seigneur. Mais une fois la guerre terminée, ils ne tardèrent pas à se battre les uns contre les autres. Il y eut d’abord une force rebelle, puis deux, puis vingt. Le pouvoir de la Tribu empoissonnait quiconque s’en emparait.
Vingt-cinq ans plus tôt, Hilts était parvenu à graver ces mots dans les annales, bien que la tâche n’eût pas demandé beaucoup d’efforts. « Le Temps de la Putréfaction » se lisait partout. Au fil des sièges successifs, les riches avenues de Tahv sombrèrent dans le délabrement. Tombant dans l’oubli, les canaux aériens se mirent à s’encrasser et à déborder. La catastrophe du matin était devenue monnaie courante. Au sud, le Mont Sessal se déchaînait comme jamais il ne l’avait fait de mémoire Keshiri, libérant une explosion si puissante qu’elle fit s’effondrer l’une des façades de l’arène Korsinata. C’était comme si la planète elle-même se défendait contre les émigrés de l’au-delà.
Mais un endroit n’avait pas été victime de la moindre négligence ; un endroit situé dans un petit coin du bâtiment de la capitale : le bureau du Gardien. Au milieu de toutes les batailles que les Grand Seigneurs et les Anti-Seigneurs s’étaient livrés, seul le bureau du Gardien était resté intact.
Ce n’était pas parce que les Sith avaient peur du sacrilège. Le bureau de Varner Hilts, en-dehors de la hiérarchie traditionnelle, avait été établi au temps de Nida Korsin afin d’offrir à la Tribu une horloge précise et un archivage historique. C’était une affectation à vie, en partie parce que les candidats ne se bousculaient pas au portillon. La tâche d’un Gardien était un fardeau dont personne ne voulait. Ses seuls partisans étaient un groupe d’ecclésiastes Keshiris inadaptés à la vie militaire. De toute façon, ce n’était pas comme si Hilts en avait vraiment besoin. Un esprit universel lui avait dit un jour qu’avec les aptitudes qu’il avait au maniement du sabre-laser, il n’avait nul besoin de se méfier d’un allié perfide. Personne n’oserait jamais se tenir près de lui par crainte de démembrement accidentel.
Traversant l’antichambre pour rejoindre le hall aux perles, Hilts entendit de nouveau le clic-clac qui l’avait suivi durant la moitié de sa vie. Agenouillés en un demi-cercle, des Keshiris vêtus de brun travaillaient sur des tables de calcul construites à partir de coquillages et de jeunes pousses d’hejarbo. Hilts jeta sa robe dégoulinante et traversa la pièce à grandes enjambées, ne se posant même pas la question de savoir sur quoi les Keshiris travaillent aujourd’hui. La plupart du temps, Jaye calculait les dates en fonction des futilités que Hilts sortait des archives. Il s’était souvent émerveillé devant la précision de leur travail. Pour une espèce qui était encore étrangère aux mathématiques fondamentales lors du naufrage d’Omen, les Keshiris avaient embrassé la science du calcul aussi vigoureusement qu’ils l’avaient fait dans les autres arts qu’ils maîtrisaient déjà.
Saisissant un boulier abaque des mains d’un collègue, Jaye suivit Hilts jusque dans l’atrium ensoleillé. Des siècles auparavant, le premier Grand Seigneur, Yaru Korsin, avait vu son neveu Jariad se battre ici-même – sachant déjà que Jariad s’apprêtait à le trahir. Aujourd’hui, l’endroit était dominé par des sabliers gigantesques. Entretenu dans le plus grand calme par les filles Keshiris vêtues de noir, le réseau suspendu de fioles en verre remplies de poudre était l’un des rares moyens qu’avait la Tribu de mesurer le temps.
Comme si temps pouvait tenir dans une bouteille, pensa Hilts en se grattant un côté du visage.
— Je veux pouvoir admirer mon reflet sur ces conduits, dit-il sur un ton autoritaire. Inutile de vous rappeler que le grand jour approche.
En effet, c’était inutile. Les ouvriers se mirent à polir l’énorme appareil avec plus d’acharnement, faisant attention à ne pas entraver son fonctionnement. Pour la première fois au cours de leurs courtes vies, des visiteurs venaient sur leur lieu de travail. Aucun Grand Seigneur ou imposteur n’avait vécu dans les murs du palais depuis six cent ans. Les architectes de Korsin avaient conçu l’édifice pour la beauté, non pas pour la défense. Le Jour du Testament était le seul jour de l’année où les visites étaient autorisées. Tous les vingt-cinq ans, lors de l’anniversaire de la mort de Korsin, on écoutait à nouveau son ultime testament. Cinquante ans plus tôt, Hilts était encore un garçon. À l’époque, il était trop jeune pour pouvoir entrer dans le palais, mais l’idée de communier avec son passé avait saisi son imagination. À travers ses études et son travail, il s’était assuré que lorsque le prochain Jour du Testament arriverait, ce serait lui qui organiserait l’événement.
Ce jour était arrivé comme une comète. Mais aujourd’hui, le palais était un endroit plus miteux dont les réparations dépassaient de loin ses ressources. Jetant un coup d’œil aux fissures dans les fenêtres en verre fumé du plafond, Hilts ne ressentait aucune excitation.
Jaye n’avait pas ce problème.
— Gardien, ils l’ont confirmé ! dit le Keshiri d’une voix grinçante, le boulier tremblant dans ses mains. Mes calculs sur les sabliers…
— … n’ont que peu d’importance pour le moment, dit Hilts, à moins que tu aies l’intention de saisir un bout de tissu pour les nettoyer de fond en comble. (Il observa les jeunes femmes vaquant à leur tâche. Au moins, certaines parties de la pièce seraient présentables.) Il nous reste douze jours. Nous serons prêts.
L’ecclésiaste se mordit la lèvre.
— Le pouvons-nous seulement ? Tout ça… c’est une convergence mystique. Que dis-je, sacrée.
Hilts roula des yeux. Jaye n’était pas seulement amoureux des chiffres ; il les craignait également. Cette année était une première pour la Tribu. Le Jour du Testament n’était pas la seule commémoration – et Yaru n’était pas le seul Korsin. Sa fille, Nida, avait régné sur Kesh pendant une durée record de soixante-neuf ans, et sa promotion au rang de Grand Seigneur était célébrée tous les soixante-neuf ans en organisant un festival sur les terres situées à l’extérieur du palais. Même Hilts avait manqué les dernières festivités.
— Vous ne voyez pas, Gardien ? (Jaye se servit du boulier pour faire de nouveaux calculs.) Voilà maintenant mille neuf-cent-soixante-cinq ans que le Grand Seigneur Korsin a transcendé cette existence et que Nida lui a succédé. Ce qui fait soixante-neuf fois vingt-cinq ! C’est la première fois que le Jour du Testament et l’Avènement de Nida se retrouvent dans la même année ! (Jetant un regard inquiet autour de lui, le Keshiri baissa la voix.) La toute première fois.
— La toute première fois, dis-tu. (Prenant un air faussement sérieux, Hilts saisit son compagnon à la peau violette par les épaules, ce qui força Jaye à lâcher son appareil à calculs.) Ce que tu es en train de me dire, c’est que nous pourrons économiser le vin cette fois-ci ! (Hilts relâcha Jaye et lui donna une petite tape sur la joue.) Tes présages ne nous servent plus à rien, Jaye. Nous en avons déjà un{1} dans la montagne, tu te souviens ? Et personne n’a le droit d’y pénétrer.
Hilts marcha en direction de son bureau, laissant son assistant poser un regard vide sur son boulier.
— Mais, Gardien…
— Tu réagis de façon excessive, Jaye.
— Mais que faites-vous de ce que j’ai appris sur les Sabliers ?
— Ne remet pas le sujet sur la table !
Hilts entra dans son bureau et regarda son siège d’un air soulagé. Oui, voilà la réponse. Après un matin comme celui-là, il avait bien le droit de s’asseoir en silence et de siroter un…
Des voix s’élevèrent dans l’atrium. Reposant son verre à moitié plein sur son bureau, Hilts tourna légèrement la tête et hurla :
— Jaye, je t’ai dit de faire silence !
— Que c’est drôle, répondit une voix féminine et enrouée. Je lui ai dit exactement la même chose. (Hilts se retourna et vit une femme d’une vingtaine d’années, vêtue de noir, tenant un sabre-laser à lame rouge juste sous le menton de Jaye. Le regard brillant d’une intelligence maléfique, elle reprit.) Il faut qu’on parle, Gardien. Et je déteste qu’on m’interrompe.
Elle faisait bien deux mètres, dépassant largement Hilts. Ses cheveux, soigneusement coiffés, étaient d’un roux lumineux. Sa peau était d’un rose parfait. Hilts se dit qu’elle aurait fait sensation auprès de Seelah Korsin à l’époque où cette dernière organisait des inspections, des siècles auparavant. Et c’était bien là l’intérêt.
L’intrus conduisit Hilts jusqu’à l’atrium, où il vit une demi-douzaine de femmes vêtues de la même manière ; de parfaits spécimens d’humanité, tenant les ouvriers en joue à l’aide de leurs sabres-lasers. La femme reprit la parole.) Bien sûr, tu me connais.
— De réputation, seulement, répondit-il, la gorge sèche. (Il n’avait pas eu le temps de goûter sa boisson.) Je ne sors pas beaucoup.
— Ça se voit. (La femme esquissa un sourire compassé et désactiva son sabre-laser.) Iliana Merko. Et voici mes consœurs, les Sœurs de Seelah.
— J’ignorais que Seelah Korsin avait eu des sœurs, dit Hilts en admirant les beautés qui encerclaient ses Keshiris.
— Des sœurs spirituelles.
Iliana s’avança d’un air confiant, écrasant le boulier d’abaque de Jaye sur son chemin. Le mathématicien avait été forcé à rejoindre les autres et s’allonger sur le sol. Mais il était en vie. Faisant claquer le talon de ses bottes sur le sol en marbre, Iliana inspecta les statues de verre qui longeaient l’atrium. Toutes représentaient Yaru ou Nida Korsin. Iliana semblait mécontente.
— Désolé, dit Hilts. Les statues de Seelah ont été enlevées après ce qui s’est passé il y a des années. (Il partait du principe qu’Iliana savait pour le coup d’état manqué que Seelah avait fomenté avec Jariad à l’encontre de son mari.) Je crois qu’il ne reste plus aucune pièce à l’effigie de Seelah dans ses murs.
— Ça ne me surprend pas. Personne ne lui a jamais accordé le respect qu’elle méritait. C’est elle qui a fondé la Tribu, tu sais. Pas ces traîtres. (Posant un regard furieux sur une représentation en verre de Yaru Korsin, Iliana sembla devenir perplexe.) Est-ce qu’il ressemblait vraiment à ça ?
— À l’époque, les sculpteurs Keshiris avaient encore du mal à représenter les yeux humains.
Hilts s’approcha d’elle avec circonspection. La femme ne semblait pas pressée le moins du monde, ce qui jouerait probablement en sa faveur. Mais ce n’était pas comme si quelqu’un allait l’interrompre. Qui pouvait bien vouloir venir ici ?
— Tu sais pourquoi je suis là, dit-elle en lui faisant face.
— Personne ne jouera le Testament avant douze jours. Pourquoi venir maintenant ?
Iliana s’approcha de lui d’une manière brusque.
— Il faut qu’on parle du Testament de Korsin, dit-elle. Avant que les autres n’arrivent.
Hilts ne put s’empêcher de rire.
— Tu sais très bien ce que le Testament dit. Tout le monde le sait. Il a été traduit à de nombreuses reprises.
Iliana chargea brusquement, activant son sabre-laser pour le positionner juste en-dessous du menton poilu du Gardien.
— Bien sûr que nous le savons ! Mais cette fois, c’est différent. Ce Jour du Testament, cette lecture… Tout ça est devenu une sorte de conclave.
Elle plissa les yeux.
— La Paix du Panthéon.
— Exactement.
C’est alors que Hilts comprit. Durant des siècles, le Jour du Testament et la lecture avaient été la seule occasion pour toute la hiérarchie de la Tribu de se retrouver sous un même toit – celui de l’atrium du palais – afin d’entendre les paroles de leur défunt fondateur. Même après que les Sith se furent séparés, le respect dû aux grands leaders du passé avait été suffisamment fort pour rassembler les leaders des différentes factions en un même lieu. Aucun d’eux n’osait profiter de la rencontre pour semer le trouble. Certains considéraient maintenant Korsin comme un être magique, capable d’influencer les chaînes d’événements depuis la tombe. Leurs aïeuls avaient marché parmi les étoiles.
— Tous mes rivaux seront là, dit Iliana en maintenant son arme sous le menton de Hilts. Certains croient qu’ils entendront dans le Testament le soutien nécessaire à leur cause. L’appui d’un mort. (Elle reporta son regard sur la statue et esquissa un sourire de dédain.) Eh bien nous savons tous de quoi il s’agit… un vieux discours ennuyeux récompensant ceux qui l’ont aidé à contrecarrer les plans de Seelah.
Hilts déglutit. Non, Iliana et ses alliés ne trouveraient pas leur bonheur dans les dernières paroles de Korsin. Le leader ne faisait mention de Seelah que lorsqu’il parlait de son bannissement. Certains des autres groupes pourraient trouver dans les paroles de Korsin un soutien pour leur propre course au pouvoir. Mais pas les Sœurs.
— C’est pourquoi, vieil homme, je veux changer ce que contient le Testament. (Iliana parcourut la distance qui les séparait encore du gardien et le regarda de haut. Elle esquissa un sourire.) Le changer… en notre faveur.
Hilts soutint son regard pendant un moment.
— Tu es sérieuse.
— Très. (Pivotant sur elle-même, elle s’éloigna en désactivant son sabre-laser.) Je sais tout de toi, Wilts…
— C’est Hilts.
— … toi et tes petits ouvriers ici présents vivez pour entretenir des balivernes. Maintenant, dit-elle en se retournant, tu vas révéler à tous que tu as découvert le vrai Testament. Celui qui déclare que Seelah, ainsi que ceux qui suivent son enseignement, sont les héritiers légitimes du trône de Kesh.
L’une des camarades d’Iliana apporta un parchemin et le mit brutalement dans les mains de Hilts. Déroulant l’objet, il écarquilla les yeux.
— Je doute que ça fonctionne.
— Oh, ça fonctionnera, reprit Iliana. Les autres sont superstitieux. Parfois, ils invoquent une figure importante de notre histoire, parfois une autre. Ils tiennent en estime nos ancêtres célestes, et ils ont raison. Mais leur respect se fourvoie. (Elle montra du doigt le parchemin que Hilts tenait dans les mains.) Tout ça va changer une fois que tu auras lu ceci à la place du Testament Korsin. Les simples d’esprit le croiront, et me suivront. Ça devrait suffire.
Hilts expira, réprimant à peine son rire. Il étudia la femme du regard ; une femme pleine d’énergie et d’ingéniosité, deux qualités qu’elle utilisait en vain.
Non, bien sûr qu’elle ignore, pensa-t-il. Elle est trop jeune.
Iliana le fixa du regard.
— Quoi ?
— Je suis désolé, dit Hilts en montrant le parchemin. J’admire ton initiative, Iliana Merko. Mais personne n’a jamais fait de telle tentative auparavant. Et il y a une raison à ça. Pour le savoir, il aurait fallu que tu assistes à une lecture du Testament, ou que tu en discutes avec quelqu’un qui y a assisté.
— Mais de quoi est-ce que tu parles ?
Lentement, comme pour ne pas effrayer son invitée, Hilts contourna les Sabliers et s’approcha d’un piédestal.
— Vois-tu, je suis un Gardien. Ce n’est pas à moi de lire le Testament Korsin.
Perplexe, Iliana le vit revenir avec un objet enroulé dans un tissu raffiné.
— Dans ce cas, qui doit le lire ?
— Yaru Korsin.
Hilts ôta le bout de tissu, révélant un petit objet de forme pyramidale. Un appareil… dans une cité qui n’en avait aucun…