18
— J’aime tes cheveux.
— Tu veux rire !
Ils sont installés à une table près de la fenêtre, dans un restaurant ravissant et romantique de Long Beach, dominant l’océan Atlantique. L’éclairage de la salle est tamisé, les vagues viennent s’écraser régulièrement sur les rochers au-dessous d’eux – exactement comme au cinéma, pense Joanne. Une bougie vacillante sépare leurs mains nerveuses. La soirée a été calme. Joanne a pris grand soin de laisser son mari mener la conversation ; elle n’a parlé que lorsqu’il lui a adressé la parole, évitant tous les sujets susceptibles de lui causer la moindre anxiété. Montre-lui que tu es intéressée par ce qu’il dit, lui conseillait sa mère quand elle était jeune fille, comme elle-même l’a conseillé à ses filles. Était-ce vraiment un mauvais conseil ? se demande-t-elle. Je suis réellement intéressée par ce qu’il dit. Il dit qu’il aime mes cheveux, et il le répète.
— Non, je t’assure, je les trouve très bien. Je voulais te le dire ce matin quand je suis venu chercher les petites. (Joanne lève machinalement la main pour les lisser.) Non, ne fais pas ça ! Ils ont quelque chose de… je ne sais pas… une sorte de laisser-aller insouciant, d’abandon.
Joanne rit.
— C’est tout à fait moi… insouciante et abandonnée.
Un silence tombe alors que tout le poids de ses mots s’abat brusquement sur elle.
— Je ne voulais pas dire ça, franchement…
Sa voix meurt dans un murmure, tous ses efforts prudents détruits par une phrase irréfléchie.
— Ce n’est pas grave. (Elle voit qu’il est au bord du fou rire.) A vrai dire, c’est une réflexion plutôt drôle. Je l’ai méritée, d’ailleurs.
Il a fini sa phrase d’un ton plus sérieux. Joanne se tait. Où veut-il en venir ? Je regrette ? Pardonne-moi ? Si tu me permets de rentrer à la maison, je passerai le reste de ma vie à réparer le mal que je t’ai fait… Non.
— Je ne suis pas encore prêt à revenir, dit-il. Je préfère te l’avouer tout de suite pour qu’il n’y ait pas de malentendu…
— Je comprends.
— Je veux être franc avec toi.
— Je te remercie.
— Je t’aime, Joanne.
— Je t’aime aussi.
Surtout ne pleure pas, se dit-elle. Il te dit qu’il t’aime. Ne gâche pas tout en pleurant.
— Je t’en prie, ne pleure pas, dit-il.
— Pardon. Je ne voulais pas. Arrête cette idiotie !
— Je sais que c’est dur pour toi. (Elle secoue la tête, effaçant quelques larmes.) J’ai beaucoup réfléchi à nous deux, à notre situation…
Le garçon arrive et leur demande s’ils veulent commander le dessert. Joanne secoue la tête et regarde résolument la nappe. Elle ne peut vraiment plus rien avaler sans courir le risque, très peu romantique, de vomir.
— Deux cafés, répond Paul. (Elle en profite pour s’essuyer subrepticement les yeux avec sa serviette.) Est-ce que je t’ai dit que ton ensemble me plaît beaucoup ? (Elle doit baisser les yeux pour se rappeler ce qu’elle porte.) Il est neuf ?
— Non, bredouille-t-elle. (Elle tiraille nerveusement les boutons du corsage.) Je l’ai acheté l’été dernier mais je ne l’ai jamais mis parce que c’est du lin ; ça se froisse trop facilement.
— Ce tissu-là est toujours censé se porter froissé.
— C’est ce que m’a dit la vendeuse.
— Le blanc te va très bien. Ça fait ressortir ton bronzage. La main de Joanne remonte à son visage.
— C’est du fond de teint, avoue-t-elle, timide. A-t-elle eu tort de le lui dire ? Paul n’aime pas beaucoup le maquillage. Un nouveau silence tombe, un peu gênant. Le garçon revient avec les cafés, pose les tasses devant eux et disparaît discrètement.
— J’ai encore besoin de temps, reprend Paul comme s’il n’y avait pas eu d’interruption. J’ai tellement à faire en ce moment…
— A ton travail, tu veux dire ?
— Oui. Je n’arrive pas à m’en sortir.
— Comment cela se fait-il ?
— Je ne sais pas. Je ne peux pas l’expliquer. Ce n’est pas simplement le travail. Ça, je peux l’affronter. Bien sûr, je suis occupé. Très occupé. Je l’ai toujours été, bien trop ! Je suis fatigué. J’ai beau dormir, faire de longues nuits, ça n’y change rien.
Combien de longues nuits Judy lui laisse-t-elle passer ? se demande Joanne mais elle n’en dit rien. Elle se contente de demander :
— Tu as vu un médecin ?
— J’ai fait faire un bilan de santé par Phillips, j’ai même passé un examen de stress. Fondamentalement, je suis en assez bonne forme pour mon âge. Le cœur est bon, la tension est parfaite. Il m’a dit que je devrais faire plus d’exercice. Je me suis remis à la gymnastique.
— J’ai remarqué.
Il lève un peu les bras, les regarde, cachés sous sa veste bleue légère.
— Qu’est-ce que tu en penses ? demande-t-il timidement, avec un soupçon de fierté dans la voix.
Joanne fait un geste vague, pouffe. Elle se fait l’effet d’une adolescente idiote.
— Tu m’as dit une fois que tu n’as jamais pu développer tes muscles.
— Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
— Un jour, tu m’as dit que tes bras étaient fragiles car, tout petit, tu étais tombé et tu t’étais cassé les deux bras deux ou trois fois. Ainsi, ils ne se sont jamais développés comme il faut.
— Je ne t’ai jamais dit ça !
Le sourire pétillant dans ses yeux dément ses protestations.
— Si, parfaitement !
— Eh bien, oui, je me suis cassé les bras deux fois, ça c’est vrai, mais ça n’a rien à voir avec les muscles… Ainsi, je t’ai raconté ça, hein ?
— C’est une des raisons pour lesquelles je suis tombée amoureuse de toi, murmure Joanne. (Elle craint de se montrer trop hardie, d’aller trop loin.) C’était le seul défaut de ta cuirasse, explique-t-elle. (Elle décide d’aller jusqu’au bout puisqu’il paraît intéressé, et même flatté par cet aveu inattendu.) Tu étais toujours si sûr de tout ce que tu faisais, de tout ce que tu voulais faire. Et tu étais si beau garçon… tu l’es encore, reconnaît-elle. (Mais elle bat aussitôt en retraite dans un passé plus confortable.) Mais tu n’avais pas de muscles, et je trouvais ça bizarre. La plupart des garçons de ton âge avaient des muscles !
Un jour, nous devions parler de ça et tu m’as raconté tes malheurs d’enfance et tu as eu l’air soudain si vulnérable que j’ai commencé à t’aimer. Et maintenant, tu me dis que ce n’était pas vrai !
Ils se regardent un moment dans les yeux, chacun voyant un reflet de sa jeunesse dans ceux de l’autre. Joanne baisse précipitamment les siens sur son café.
— Ainsi, j’étais toujours si sûr de moi ?
Il ne veut pas laisser fuir les enfants qu’ils ont été.
— Toujours…
— Assez odieux, j’imagine ?
— Ça me plaisait. J’étais le contraire de toi.
— Tu t’es toujours sous-estimée. Et tu continues.
— C’est ce qu’Eve ne cesse de me répéter. Paul vide sa tasse et fait signe au garçon de lui en apporter une autre.
— A quoi penses-tu ? Hasarde Joanne.
Elle a surpris une expression d’étonnement dans le regard de Paul.
— Je me souviens que je voulais devenir le plus grand ténor du barreau, avoue-t-il avec un petit rire.
— Tu es un bon avocat, Paul.
— Je suis un excellent avocat, rectifie-t-il. Il le dit sans fanfaronner.
— Alors, où est le problème ? Une pénurie de torts à réparer ?
Il sourit et secoue la tête.
— Parlons d’autre chose.
— Pourquoi ?
— Pourquoi ? Parce que ce ne doit pas être très intéressant pour toi.
— Mais si ! affirme sincèrement Joanne. Nous n’avons jamais vraiment parlé de ton travail et je trouve que c’est important.
— Je n’ai jamais aimé rapporter mon travail à la maison.
— Ton travail, non, mais le reste… Maintenant, je pense que c’est important pour moi de savoir. Quels sont tes ennuis ?
Paul laisse échapper un long soupir.
— Nous avons des problèmes avec deux de nos associés… Ils n’aiment pas… Ils jugent que le cabinet est mal dirigé, ils veulent se débarrasser de McNamara.
— Pour quelle raison ?
— Ils prétendent qu’il est trop indulgent avec les associés qui réussissent moins bien.
— Et c’est vrai ?
— Peut-être. Écoute, il s’agit d’un grand cabinet d’affaires de Wall Street, pas d’un petit bureau d’avocats de quartier. Des affaires énormes sont en jeu ! Pour réussir, il faut produire. La tension est terrible en ce moment.
— Et tu commences à en souffrir.
— Je m’épanouis sous la tension ! Ou plutôt, je m’épanouissais. Je suppose que c’est ce qu’on appelle la crise de l’âge critique. Comment se fait-il que tes parents n’aient jamais eu de crise de l’âge critique ?
— Ils ne savaient pas qu’ils devaient en avoir une. Ils rient tous les deux.
Elle s’aperçoit qu’elle a dit deux choses, ce soir, qui ont fait rire Paul. Elle se rend compte aussi que c’est la première fois, depuis très longtemps, qu’ils rient ensemble.
— Est-ce que tu te rappelles la première fois que tu m’as emmenée au théâtre à Broadway ? demande-t-elle soudain. (Elle ne sait pas ce qui lui fait évoquer ce souvenir.) J’avais toujours rêvé de faire une promenade en fiacre dans Central Park et je n’arrêtais pas d’en parler après le spectacle. Tu as fini par saisir l’allusion et tu m’as offert ce plaisir. (Il se remet à rire, se rappelant l’incident.) Jamais je n’oublierai le moment où je me suis tournée vers toi, au milieu de cette promenade, et où j’ai vu tes yeux pleins de larmes. J’ai pensé : Mon Dieu, comme il est sensible, comme il est romantique…
— Comme il est allergique ! dit Paul.
— Et tu as passé le reste du week-end au lit. Pourquoi ne m’avais-tu jamais dit que tu étais allergique aux chevaux ?
— Je ne voulais pas gâcher ton plaisir.
— Ta mère m’a accablée de reproches et m’a dit que je devais prendre soin de toi mieux que ça.
— Elle aurait dû te dire de prendre tes jambes à ton cou.
— Trop tard. J’étais déjà amoureuse.
— De mes allergies et de mes bras maigres ! Et moi qui croyais que c’était de mon intelligence et de ma beauté virile !
— C’est drôle, les petites choses dont on tombe amoureux, murmure Joanne.
Paul fait signe au maître d’hôtel d’apporter l’addition.
— Je ne crois pas que je devrais entrer, dit-il à la porte de leur maison.
Joanne acquiesce. Elle était sur le point de suggérer le contraire.
— Ce n’est pas que je ne veuille pas, ajoute-t-il vivement. Mais, simplement, j’ai peur que ce ne soit pas une bonne idée.
— Je suis d’accord, souffle-t-elle.
— Première nuit toute seule, observe-t-il alors qu’elle cherche ses clefs dans son sac.
— Il faut que je m’y habitue. Je suis une grande fille, maintenant ! assure-t-elle en brandissant triomphalement son trousseau.
— Un nouveau porte-clefs ?
— J’ai perdu mon autre trousseau. Tu te rends compte ? Je fais changer toutes les serrures, et je perds ces maudites clefs ! Je croyais les avoir laissées chez Eve mais elle jure que non. Elle dit que sa mère a fouillé toute la maison sans rien trouver. Je ne sais pas. J’ai fait venir le serrurier ; il me dit que ça coûtera une fortune de faire changer les serrures, surtout avec les pênes dormants. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas moyen de savoir à qui appartiennent ces clefs, ni adresse ni rien, j’ai donc laissé tomber. Il reste le système d’alarme, au cas où quelqu’un chercherait à s’introduire par effraction dans la maison.
Elle ouvre, pousse la porte et va tout droit à la boîte du système, dans le vestibule, pour appuyer sur les bons boutons. Le voyant vert s’éteint, indiquant que la sirène est débranchée.
— Je suis chaque fois inquiète, avoue Joanne.
— Tu te débrouilles très bien.
Paul sourit. Elle le regarde, de l’autre côté du seuil, pleine d’espoir. Va-t-il l’embrasser ? Doit-elle le laisser faire ? Un baiser, après le premier rendez-vous ? Est-ce admis quand le rendez-vous en question est avec son mari depuis vingt ans ?
— J’ai passé une délicieuse soirée, dit-il.
Il la transporte dans le passé et elle voit qu’il est sincère, qu’il ne dit pas cela simplement pour lui faire plaisir.
— Moi aussi.
— Je te remercie.
— De quoi ?
— De m’avoir écouté. On dirait que j’ai vraiment besoin de quelqu’un à qui parler.
— Je suis toujours là, lui rappelle-t-elle.
Une petite voix intérieure lui susurre : C’est ça, Joanne, c’est ça, joue les indifférentes.
— Il faut que nous recommencions, dit-il. (Elle se retient de demander quand.) Je te téléphonerai.
Il se penche vers elle et l’embrasse légèrement sur la joue.
Je t’aime, articule-t-elle en silence en le regardant monter dans sa voiture et démarrer.
Il est près de dix heures quand Joanne ouvre les yeux, le lendemain matin. Il lui faut plusieurs secondes pour se réveiller tout à fait, pour se souvenir qu’elle est seule, que les filles sont en camp de vacances. Elles doivent avoir terminé leur petit déjeuner et sont en pleines activités du matin, pense-t-elle, vaguement curieuse de ces activités, et, presque au même instant, elle se demande ce que fait Paul, s’il est déjà réveillé. Elle doit s’empêcher d’être trop optimiste, d’imaginer trop de choses dans tout ce qu’il lui a dit la veille. Elle doit se forcer à se souvenir que Paul lui a affirmé qu’il n’était pas encore prêt à rentrer à la maison. Il lui a avoué qu’il l’aimait, qu’il était heureux de passer la soirée avec elle, mais il a encore besoin de temps.
Elle s’étire dans son lit et, malgré ses admonestations, elle voit l’avenir en rose pour la première fois depuis des mois. Paul reviendra à la maison, se dit-elle en rejetant les couvertures. Ce n’est qu’une question de temps, et elle lui accordera tout le temps qu’il lui faut. En échange, il lui a donné de l’espoir.
Elle se lève et va à la fenêtre, les articulations un peu raides ; le soleil lui fait signe, derrière les rideaux. Encore une belle journée, pense-t-elle en les écartant pour contempler son jardin.
Il est là, au bord de la piscine. Grand, maigre, ses cheveux noirs frisés tombant sur le col de sa chemise, les mains insolemment posées sur ses hanches. Le dos tourné, il se tient sur les dalles roses qu’il a aidé à poser et contemple la grande fosse vide qu’il a contribué à creuser. Que fait-il là ? se demande-t-elle en lâchant le rideau et en reculant contre le mur, le souffle court.
Elle court à sa penderie et passe un pantalon de coton informe, elle fourre dans la ceinture le T-shirt avec lequel elle a dormi, oubliant qu’elle est sans soutien-gorge. Dans l’escalier, elle voit la pointe de ses seins frémir sous le jersey rose pâle. Elle envisage de remonter, y renonce et file à la cuisine. Arrivée à la porte vitrée coulissante, elle s’aperçoit qu’elle n’a pas la moindre idée de ce qu’elle va faire dehors. Vers quoi se précipite-t-elle ? A-t-elle l’intention d’affronter cet homme ? Est-ce la minute de vérité, le règlement de comptes ? Dites donc, vous, là, dans mon jardin, c’est vous qui me téléphonez ? Vous venez me tuer ? Qu’est-ce que vous faites là ? Mieux encore : Qu’est-ce que je fais là ?
Elle recule vivement mais il est trop tard. Il l’a déjà vue. Il lui sourit, de loin, près de la piscine. Il l’attend. Il attend qu’elle aille à lui. Lentement, comme en transe, Joanne déverrouille la barre de sécurité et ouvre la serrure sur le côté. C’est lorsqu’elle fait glisser la porte qu’elle se rend compte de ce qu’elle a fait : elle a oublié de débrancher le système d’alarme. La sirène a déjà commencé à pousser ses hurlements stridents pour ameuter tout le quartier et le poste de police.
Joanne ne sait si elle doit être furieuse ou soulagée. C’est la troisième fois qu’elle déclenche une fausse alerte et, cette fois, elle devra payer une amende de vingt-cinq dollars… Au moins, elle sera en vie pour la payer, se dit-elle, et elle s’enhardit, elle s’avance sous la véranda de derrière face à son adversaire souriant. Il n’est pas stupide au point de tenter quelque chose, maintenant.
Le sourire s’élargit quand elle s’approche.
— Oublié de débrancher, hein ?
— Je branche le système tous les soirs avant de me coucher, lui dit-elle… (Pour l’avertir ?) Que faites-vous là ?
— Je passais en voiture. (Il parle sans se troubler, en laissant tomber ses mains de ses hanches.) J’ai voulu jeter un coup d’œil, voir si autre chose avait été fait.
— Rien du tout !
Joanne se demande si cette conversation a réellement lieu. Il est possible que ce soit un rêve. C’est l’impression qu’elle a, avec cette sirène hurlante. Elle sait qu’elle devrait rentrer, arrêter le système d’alarme, mais le bruit est rassurant. La police va venir de toute façon, et une fois de plus, les flics secoueront la tête d’un air navré en la trouvant encore en vie.
— Ça me fait vraiment mal, dit l’homme. (Lui non plus ne se soucie pas de la sirène, il n’est pas pressé de partir.) Nous faisions du si bon travail ! J’étais vraiment fier de celle-là… Ce n’est pas toujours le cas. Les piscines que nous installons sont parfois sans intérêt, les gens n’ont pas d’imagination, mais celle-ci était différente, avec sa forme en boomerang, cette courbe du côté du grand bain. J’aimerais bien la voir terminée.
— Si je comprends bien, Rogers Pools est toujours en faillite ?
Elle n’a pas achevé sa phrase qu’elle se rend compte de l’idiotie de sa question. Pourquoi est-elle là, dehors, à parler à cet homme ? Pourquoi est-il là ? Il ne faisait que passer, vraiment ? Il voulait simplement voir l’état de la piscine ?
— Je ne sais rien de Rogers Pools, répond-il. Je ne suis qu’un sous-traitant. J’ai des contrats avec toutes sortes de sociétés. Qui sait, je pourrais même revenir avec une autre maison, quand vous vous déciderez à la faire terminer. Je l’espère. Mais on dirait que vous n’allez guère en profiter cet été.
Il cligne de l’œil et son regard fait le tour du terrain. Cherche-t-il à se faire une idée du plan de la maison ? se demande Joanne.
— C’est dommage, reprend-il. Paraît qu’il va faire très chaud.
Il sourit, en montrant des dents inégales qui se chevauchent. Joanne se dandine sur ses pieds nus, attirant sans le vouloir l’attention sur ses orteils.
— Qu’est-ce qui est arrivé à vos orteils ?
— J’ai joué au tennis avec des chaussures trop petites, répond-elle, presque certaine, à présent, que c’est un rêve.
Il contemple le ciel et secoue la tête.
— Vous devriez prendre mieux soin de vous. Quelques secondes plus tard, il est parti. La police n’arrive que cinquante minutes plus tard.