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LAURIE refusait de croire que Dwight était mort. Trois heures après le départ de l’inspecteur Reilly, elle espérait encore apprendre que ce n’était qu’une méprise.
Quand il avait téléphoné la veille au soir, elle avait tellement hâte de retrouver Steve Roman et d’établir ses liens avec les MD qu’elle n’avait même pas trouvé le temps de le rappeler. Maintenant, cet homme si charmant, ce grand enfant était mort et elle était convaincue que sa disparition était liée à l’enquête qu’elle menait sur le meurtre de Susan. Elle se demandait si elle aurait pu l’empêcher.
Timmy jouait à des jeux vidéo à l’étage, mais les adultes s’étaient tous rassemblés dans la salle de télévision pour suivre les informations. Entre le coup de fil de Keith Ratner à Martin Collins et l’annonce de la mort de Dwight, ils étaient sur les nerfs. Le LAPD avait obtenu un mandat d’arrêt contre Steve Roman, mais il était toujours en liberté. Était-il encore à Los Angeles, en chemin vers San Francisco, ou cherchait-il à s’enfuir vers la frontière mexicaine ? Risquait-il de revenir s’en prendre à l’équipe ?
Quand on sonna à la porte, Grace laissa échapper un cri puis mit une main sur sa poitrine. « Misère, j’ai l’air d’une actrice dans un film d’horreur. »
Leo alla à la porte d’entrée, revolver au poing, et regarda par le judas. « C’est l’inspecteur Reilly », annonça-t-il.
Laurie perçut le soulagement général.
« Désolé de vous déranger, dit Reilly en entrant dans la pièce, un ordinateur portable à la main. Avant tout, je crains d’avoir de mauvaises nouvelles. Le corps de Dwight Cook a été formellement identifié. Je vous épargne les détails, mais il n’y a aucun doute, c’est bien lui. »
Laurie retint les larmes qui lui montaient aux yeux.
Alex se pencha vers elle et lui murmura : « Ça va ? On peut faire une pause si tu veux. »
Elle fit signe que non. « Non, ça va. Poursuivez, inspecteur, je vous en prie.
– Je l’ignorais quand je suis venu la dernière fois, mais apparemment, cette maison appartenait à Dwight Cook, non ?
– Oui, répondit Laurie. Il nous l’avait prêtée pour nous rendre service.
– Vous rendre service, tiens donc. Voyez-vous, dans le cadre de l’enquête, un de mes collègues s’est intéressé aux ordinateurs de M. Cook. Visiblement, le révérend Collins n’était pas le seul à surveiller votre tournage. Cook avait truffé toute la maison de micros et de caméras de surveillance.
– Attendez, il nous espionnait ? demanda Grace. Ça ne se fait pas de dire du mal des morts, mais là, c’est carrément pervers.
– Pas les douches ni ce genre de choses, précisa Reilly. Mais à peu près tout ce qui s’est passé ici depuis votre arrivée a été enregistré.
– La maison est inoccupée, d’habitude, dit Laurie. Ce serait logique qu’il ait fait installer un système de sécurité ultraperfectionné dans une propriété aussi luxueuse.
– Il n’y a pas que le système, expliqua Reilly. Étant donné la configuration des fichiers vidéo, on sait que Dwight Cook les a visionnés. On sait également à quel moment et quelles images il a visionnées. Il a arrêté de les regarder hier soir, à vingt et une heures vingt-trois, semble-t-il. »
Laurie vérifia la boîte vocale de son portable. « Il m’a appelée quelques minutes plus tard. Il disait qu’il avait besoin de me parler.
– Et… ?
– On était en train de chercher en quoi Steve Roman était lié à notre affaire. Je n’ai pas eu le temps de le rappeler. Évidemment, si j’avais su… »
Son estomac se noua et Reilly leva les yeux au ciel, manifestement agacé de se trouver dans une impasse.
« Bon, voilà de quoi il retourne. » Reilly posa son ordinateur portable sur la table basse et se mit à pianoter sur le clavier. « Il y a deux séquences que Dwight s’est repassées plusieurs fois. »
Il tourna l’écran pour que tout le monde puisse voir. « La première séquence est celle où votre ami se fait agresser », dit Reilly. En voyant la brutalité avec laquelle Jerry avait été attaqué, Laurie eut un haut-le-cœur. Reilly arrêta la vidéo au moment où l’agresseur cagoulé penché sur le corps ensanglanté de Jerry se relevait. « Vous voyez ce logo sur sa chemise ? On a un technicien qui essaie d’affiner l’image, mais en tout cas, ce type a le même gabarit que Steve Roman.
– Dwight a dû m’appeler parce qu’il avait des images de l’agresseur de Jerry. »
Reilly secoua la tête en faisant défiler la vidéo en accéléré. « Ça m’étonnerait. Il a vu l’agression la première fois il y a trois jours et s’est repassé la scène à plusieurs reprises. Il vous aurait appelée plus tôt. Mais là », il ralentit la vidéo, « voilà la séquence que Dwight visionnait juste avant de vous appeler. »
Laurie reconnut immédiatement une scène de la veille : Keith, Madison et Nicole, côte à côte dans le canapé du salon, discutant du jour où Susan avait été tuée. Reilly passa l’interview en entier, puis il mit la vidéo sur PAUSE. « Apparemment, il n’a pas arrêté de se repasser la fin. Y avait-il une raison pour laquelle il s’intéressait à cette scène ? demanda l’inspecteur.
– Je n’en ai aucune idée, répondit Laurie. Il n’était pas vraiment ami avec eux, juste avec Susan. J’ai une question à vous poser, inspecteur. Vos collègues qui fouillent dans les ordinateurs de Dwight ont-ils la certitude que sa mort était un accident ?
– Non. Au contraire, il semblerait qu’il s’agisse d’un crime maquillé pour faire croire à un accident. Ils ont retrouvé des traces d’eau de Javel à l’intérieur du bateau et, d’après les premières conclusions du légiste, à en juger par le niveau d’azote dans les tissus, il est impossible que Dwight ait fait de la plongée ce soir-là. L’hypothèse qu’ils privilégient pour l’instant, c’est qu’il était déjà inconscient quand on l’a jeté dans l’eau.
– Une autre victime de la folie meurtrière de Steve Roman ? » Laurie réfléchissait à voix haute, se demandant si Steve Roman pouvait avoir une raison de s’en prendre à Dwight. « L’autre possibilité, c’est que Dwight savait quelque chose sur un des suspects.
– C’est notre hypothèse, dit Reilly, d’autant plus qu’il s’était focalisé sur la fin de cette séquence. Je pensais que vous sauriez ce qu’elle a de décisif. »
Laurie lui fit signe que non. Il y a quelque chose qui nous échappe, mais quoi ? se dit-elle.
Elle fut interrompue dans ses réflexions par le bourdonnement de son portable qu’elle avait laissé en mode vibreur. Elle eut envie de le balancer en travers de la pièce, mais vit que c’était Rosemary Dempsey qui l’appelait.
« Bonjour Rosemary. Je peux vous rapp…
– Vous regardez les informations ? Il paraît que Dwight Cook est mort. Et qu’il y a un mandat d’arrêt contre un certain Steve Roman, et que c’est lié à l’agression qu’a subie Jerry ? Est-ce qu’on est en danger ? Mais qu’est-ce qu’il se passe ? »