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J’ai dormi la moitié du trajet et somnolé le reste du temps. Lorsque j’émerge, la voiture roule dans un paysage de montagne et la neige est partout. Je me sens comme Flocon devant sa baie vitrée. C’est beau. On traverse un dernier village, on monte une route sinueuse et nous sommes arrivés.

J’ignore qui sont les amis des parents de Léa, mais ils doivent être riches. Leur chalet est magnifique. Large, posé dans son écrin de neige et de sapins, construit en gros rondins, avec des recoins, des fenêtres à volets ouvragés, des balcons et de larges cheminées, il semble tout droit sorti d’un conte nordique. À l’intérieur, entre le sol de pierre brute et les meubles de bois aux teintes chaudes, on se croirait dans une revue pour milliardaires. Léa et moi retirons nos chaussures et on se dépêche de tout visiter en poussant des exclamations à chaque porte ouverte. J’ai toujours aimé découvrir d’autres lieux. C’est comme déballer un cadeau.

Le salon ouvert donne par toute une série de fenêtres sur une belle forêt de pins, au-dessus de laquelle émergent les sommets enneigés. Ce décor perdu a quelque chose de tout de suite apaisant et, d’après ce que dit Élodie, le village n’est qu’à quelques minutes en coupant par les bois.

Le voyage a fatigué Léa. Elle monte se reposer à l’étage dans ce qui sera notre chambre sous les toits. J’aide Christophe et Élodie à nous installer. Julien doit arriver le lendemain par le train et le bus, avec un copain.

Je range les provisions dans les placards pendant qu’Élodie suspend les combinaisons de ski dans l’entrée. Christophe est allé chercher les forfaits à la station.

— Vous ne partez pas souvent en vacances de neige, remarque Élodie.

— Nous, c’est plutôt l’océan. Maman et papa se sont rencontrés dans un club de voile.

— Ils nous avaient caché ça ! La mer, c’est bien aussi. Il fait moins froid.

J’empile les paquets de biscuits au bout du plan de travail. Je n’en vois aucun de ceux qui me dégoûtent tant. Il n’y a même que ceux que j’aime.

Élodie revient dans la cuisine.

— Je me prépare un thé, tu en veux un ?

— Peut-être tout à l’heure. Je vais attendre Léa.

Ça me fait drôle d’être à la montagne, dans cette maison que je ne connais pas. Ça me fait aussi drôle d’être seule avec Élodie. Cela n’arrive jamais. La bouilloire siffle. Elle verse l’eau chaude et s’assoit à la table aux formes massives. S’abandonnant à la quiétude du lieu, elle soupire et place ses mains autour de la tasse fumante.

— Viens un peu près de moi, me dit-elle.

Je m’installe face à elle, sagement. D’une voix douce, elle me confie :

— Tu sais, la période est compliquée pour nous en ce moment.

— Je m’en doute.

— Merci d’être venue. Tu comptes énormément pour Léa et je pense qu’elle irait beaucoup plus mal si elle ne t’avait pas comme amie.

Trop de questions me viennent. Je voudrais lui demander si elle croit que Léa va s’en sortir, si elle a aussi peur que moi, si elle arrive à en parler avec sa fille. Je n’ose pas.

Du bruit dans l’entrée. Christophe est rentré.

— J’ai pris des forfaits VIP pour tout le monde ! annonce-t-il. On va pouvoir en profiter. Léa dort encore ?

Élodie confirme d’un hochement de tête.

— Tu veux du thé ? Je viens d’en faire.

— Bonne idée, ça me réchauffera.

— Je ne sais pas si Léa se servira beaucoup de son forfait, commente Élodie. Le professeur Nguyen dit qu’elle doit éviter les efforts.

— Je préfère qu’elle l’ait et ne s’en serve pas plutôt que de me résoudre à ne pas lui en prendre.

Il embrasse sa femme. J’ose m’immiscer :

— Je ne vais sûrement pas me servir du mien non plus. Je ne suis pas douée pour le ski, et je préfère rester avec Léa.

Christophe me sourit. Léa apparaît au pied de l’escalier. Elle s’étire.

— Coucou tout le monde !

— Tu as dormi ? demande sa mère.

— Comme une masse. Mais on n’est pas là pour dormir !

Elle s’approche des fenêtres et admire la vue.

— C’est vraiment magnifique. Camille, que dirais-tu d’aller faire un tour au village ?