GLOSSAIRE POUR LECTEUR PEU VERSÉ DANS L’ÉCONOMIE POLITIQUE

 

anarcho-mercantilisme (voir aussi libertariens) : Courant d’idée qui présente souvent avec subtilité et même ludisme la soumission au marché comme l’incarnation des idées libertaires parvenues à maturité. Le marché apparaît donc comme la victoire d’une espèce de ruse anarchiste de l’Histoire, accomplissant une synthèse pacifique de tous les rapports sociaux (économiques, politiques, culturels, etc…) censés être uniquement appréhendés à partir de l’individu particulier (voir individualisme méthodologique). Têtes de file du courant : Milton Friedman, James M. Buchanan, Gordon Tul-lock, Friedrich von Hayek – considérés comme les grands inspirateurs de la « révolution conservatrice américaine » – pour nous la Contre-Réforme néolibérale.

 

anarcho-ploutocratie : Voir anarcho-mercantilisme et libertariens, ainsi que le chapitre 3, traitant de l’ordre cyber-mercantile.

 

Buridan, Jean : Philosophe scolastique du xve siècle (logicien et commentateur d’Aristote), célèbre par ses études sur la liberté. On lui attribue (semble-t-il à tort) la fable de l’âne ayant également faim et soif et se trouvant à égale distance entre un boisseau d’avoine et un seau d’eau. Buridan aurait voulu illustrer ainsi l’existence de la liberté d’indifférence.

 

Burke, Edmund : Homme politique conservateur, connu pour son éloquence, sa lucidité et surtout sa farouche hostilité à la Révolution française (Reflections on the Révolution in France, 1790).

 

individualisme méthodologique : L’individualisme méthodologique prétend « partir » du seul individu pour comprendre la vie sociale. L’individu déjà formé avec ses savoirs, ses croyances, est supposé être l’unité de base d’évidence susceptible d’une « approche non idéologique », Cette « évidence » conduit à privilégier la particularisation au détriment de l’individuation, qui rend compte de la genèse et du dépassement de l’individu. L’individualisme méthodologique est un des piliers fondateurs de l’anarcho-mercantilisme : les égoïsmes-particularités sont censés construire, par le truchement de leurs interactions formant un marché, une harmonie supérieure. L’empiriste mercantile, personnage introduit au chapitre 3, est naturellement un fanatique de l’individualisme méthodologique. Selon lui, le socius se réduit à des faits de langage, langage d’ailleurs instrumentalisé en chaînes signifiantes binarisables, numérisâmes, vouées à la communication transparente exigée par la démocratie-marché : Le langage sera honnête et numérique ou ne sera pas.

Nous proposons ici quelques jeux, dont la description a été empruntée soit à J.M. Buchanan, soit à J.-R Dupuy, et qui permettent au lecteur bizut de s’initier aux vaudevilles cybernétiques de l’individualisme méthodologique :

— le Marchand de pastèques et le Professeur (cf. texte de Buchanan, note 8 du chapitre 3) ;

— la conjugalité pré-mercantile de Robinson et Vendredi (cf. Buchanan, Les Limites de la liberté, op. cit., p. 12) ;

— Dilemme du prisonnier (Dupuy, Logique des phénomènes collectifs, p. 53 ; nous avons suivi le texte… avec quelques modifications !) :

Considérez le jeu suivant. Deux condamnés à mort attendent dans leurs cellules respectives le jour prochain de leur exécution. Un beau matin, ils reçoivent un message du grand vizir : celui-ci a décidé de les gracier. Le lendemain matin, ils seront donc libres. Cependant, ils peuvent, s’ils le souhaitent, demander que leur condamnation soit commuée en une peine de dix ans de prison. Si tel est le cas, ils doivent adresser leur requête au grand vizir le jour même, avant minuit : elle sera immédiatement agréée. Mais ils doivent savoir alors que leur compagnon d’infortune sera le lendemain exécuté, et non pas gracié – sauf s’il a lui-même souhaité « bénéficier » de dix ans de prison. Les prisonniers n’ont aucun moyen de communiquer. Chacun des deux prisonniers a le choix entre deux stratégies : ne rien faire, ou écrire au vizir. La première est une stratégie de coopération, la seconde de désertion – puisque, en demandant dix ans de prison, on risque de condamner l’autre à mort : une désertion dont on ne voit pas à première vue l’avantage qu’elle peut bien apporter à celui qui s’en rend coupable. Il semble vraiment qu’il n’y ait pas de problème.

— Conjugalité postmoderne : le sèche-cheveux de Turbo-Bécassine :

Le sèche-cheveux de Turbo-Bécassine est cassé. Elle souhaite que Cyber-Gédéon le répare mais elle ne veut pas le lui demander directement. Elle imagine la mise en scène suivante. Elle démonte le sèche-cheveux et en éparpille les pièces autour d’elle, comme si elle était en train de le réparer elle-même. Mais elle s’arrange pour que Cyber-Gédéon se rende compte précisément qu’il s’agit d’une mise en scène. Son intention est bien informer Cyber-Gédéon qu’elle souhaite son aide, et le moyen qu’elle trouve pour transmettre cette information est de rendre manifeste à Cyber-Gédéon qu’elle a cette intention de l’informer. Cependant, cette intention de deuxième niveau – l’intention de rendre manifeste que l’on a l’intention d’informer – doit rester cachée à Cyber-Gédéon. C’est là la différence essentielle avec une communication ouverte, par laquelle Turbo-Bécassine demanderait directement à Cyber-Gédéon de l’aider. Avant d’analyser plus précisément en quoi consiste cette différence, voyons ses implications sur la relation entre Turbo-Bécassine et Cyber-Gédéon. Ces implications sont considérables. Turbo-Bécassine ne veut rien devoir à Cyber-Gédéon, mais elle ne veut pas non plus se voir rejetée. À s’adresser ouvertement à lui, elle court ce double risque. Sa mise en scène lui permet d’y échapper totalement. Si Cyber-Gédéon s’exécute, c’est de son propre chef ; Turbo-Bécassine, qui ne lui a rien demandé, ne lui doit rien Mais Cyber-Gédéon peut très bien ne rien faire : après tout, il n’est pas censé avoir interprété le manège de Turbo-Bécassine comme une demande d’aide. Turbo-Bécassine lui a ménagé cette porte de sortie : il ne s’agira pas d’un refus pénible, mais d’un simple manque d’attention.

— paradoxe de Newcomb (ou la boîte à malice de monsieur le prédicteur Strumpf, ibid., p. 98) : Soit deux boîtes, l’une, transparente, qui contient mille francs, l’autre, opaque, qui soit contient un million de francs, soit ne contient rien. Le choix de l’agent est soit A1, : ne prendre que le contenu de la boîte opaque, soit A2 : prendre le contenu des deux boîtes. Au moment où le problème est posé à l’agent, le prédicteur Strumpf a déjà placé un million de francs dans la boîte opaque si et seulement s’il a prévu que l’agent choisirait A1. L’agent sait tout cela et il a une très grande confiance dans les capacités prédictives du prédicteur Strumpf. Que doit-il faire ?

Le lecteur sera probablement étonné de la puérilité pathétique de toutes ces psychologies censées se coltiner avec une « perplexité » manifestement confectionnée pour la théorie des jeux et susceptible de recevoir l’adoubement des spécialistes de l’individualisme méthodologique. Nous saisissons mieux le regret de l’économiste Alfred Marshall : « Si j’avais une autre vie, je la consacrerais à la psychologie. » On ne répétera jamais assez que ce sont des amateurs (souvent peu doués) en psychologie qui ont fondé l’économie néoclassique. Certains ont même pu penser que le cœur du problème économique, c’est la psychologie. C’est vrai… si celle-ci se réduit à des calculs de droguiste ou des facéties de pion d’internat. Pour faire plus moderne, et séduire les Cyber-Gédéons, les Turbo-Bécassines et autres Topazes postmodernes, il convient naturellement d’épicer avec de l’économétrie et de la théorie des jeux.

 

libertariens : Certainement la secte la plus ludique de la grande famille anarcho-mercantiliste. Tête de file : Robert Nozick.

La grande astuce est de se présenter comme « radical » et même de « combattre » les anarcho-mercantilistes conservateurs allergiques à la liberté de l’avortement et à la légalisation contrôlée des drogues (sur ces points, les libertariens sont beaucoup plus avancés que beaucoup de progressistes classiques…). Les libertariens savent très bien jouer du côté séduisant de leur rôle de néobourgeois festifs, pour masquer une légitimation cynique du statu quo et même une accentuation dramatique des inégalités. Ils poussent à fond le principe du anything gœs et défendent l’idée d’une liberté privée maximale qui ne peut être atteinte, selon eux, que dans le cadre d’une économie de marché, associée à un Etat minimal (« veilleur de nuit ») ayant au plus pour fonction d’assurer l’ordre et la justice afin d’éliminer la violence et de protéger les droits de propriété.

Il s’agit donc, en particulier, de s’en tenir au principe ultraconservateur – inspiré par Pareto – de recherche de répartition sociale des richesses soumise à une condition expresse : ne léser personne (et surtout pas les deux mille habitants de la planète qui possèdent autant que deux milliards d’autres). Ce principe avait, semble-t-il, inquiété le chef de l’administration Mitterrand qui, à la fin de sa vie, aurait déclaré : « J’ai peut-être échoué. J’étais pourtant de bonne volonté – j’ai voulu améliorer le sort de chacun sans léser personne. »

 

nouveaux philosophes (cf. post-philosophes)

 

postmoderne : Ce courant (cette « mouvance » ?) pourrait aussi s’appeler post-cynisme-post-industriel et même post-n’importe quoi désormais. On le définit comme ce qui regarde la « modernité en arrière » ou comme ce qui en brouille les cartes, comme le dit très bien Henri Meschonnic dans son brillant essai Modernité, modernité.

Remarquons que le principe qui commande la tartufferie anarcho-mercantiliste (cf. anarcho-mercantiliste) : « Faire le bien sans nuire à personne », s’accorde très bien avec la tartufferie postmoderne : « Fais des vogues sans faire de vagues », qui, avec ses « jeux de langage », ses microdécisions, ses « oui-non, peut-être », ses « à tort ou à raison », finit toujours par se croiser les bras. N’oublions pas que l’anarcho-mercantilisme est plus branchant s’il est épicé d’un peu de « créatif » et d’un peu de « tragique ». C’est ici qu’interviennent respectivement deux vieux compères de la postmodernité : le Chaos et le Mal radical.

C’est peut-être pourquoi, dans son livre (op. cit., p. 222), Henri Meschonnic n’hésite pas à dire d’un des maîtres à penser de la postmodernité qu’il attribue « les guerres totales, les totalitarismes, l’écart croissant entre le Nord et le Sud, le chômage et la nouvelle pauvreté, la déculturation générale et la crise de l’école » massivement au « développement techno-scientifique, artistique, économique et politique ». Avec le mot de la fin : « Un nom signe la fin de l’idéal moderne : Auschwitz. » Terminons par l’excellent commentaire de Félix Guattari :

« Une certaine conception du progrès et de la modernité a fait faillite, compromettant dans sa chute la confiance collective dans l’idée même de pratique sociale émancipatrice. Parallèlement, une sorte de glaciation a gagné les rapports sociaux : les hiérarchies et les ségrégations se sont durcies, la misère et le chômage tendent aujourd’hui à être acceptés comme des maux inévitables. […] Rien d’étonnant, après cela, si les idéologies qui prétendaient, naguère, servir de guide pour reconstruire la société sur des bases moins injustes, moins inégalitaires, ont perdu leur crédibilité. […] Et je pense que c’est faute de pouvoir faire face, de façon convenable, à cette mutation prodigieuse que la subjectivité collective s’abandonne à la vague absurde de conservatisme que nous connaissons actuellement. […] Ne sommes-nous pas, dès lors, au foyer de ce que Jean-François Lyotard appelle la “condition postmoderne” – que, à la différence de cet auteur, j’entends comme le paradigme de toutes les soumissions, de tous les compromis avec le statu quo existant – en raison de l’effondrement de ce qu’il appelle les grands récits de légitimation (par exemple, le discours des Lumières, celui de Hegel sur l’accomplissement de l’Esprit, ou celui des marxistes sur l’émancipation des travailleurs) ? Il conviendrait, toujours selon Lyotard, de se méfier des moindres velléités d’action sociale concertée. Toutes les valeurs de consensus, nous explique-t-il, sont devenues désuètes et suspectes. Seuls les petits récits de légitimation, autrement dit, des « pragmatiques de particules langagières », multiples, hétérogènes et dont la performativité ne saurait être que limitée dans le temps et l’espace, peuvent encore sauver quelques valeurs de justice et de liberté. Lyotard rejoint ici d’autres théoriciens tels que Jean Baudrillard, pour qui le social et le politique n’ont jamais été que des leurres, des « semblants » dont il conviendrait de se déprendre au plus vite. « Pas de vagues ! Juste des vogues. Qu’ils soient peintres, architectes ou philosophes, les héros de la postmodernité ont donc ceci en commun qu’ils estiment que les crises que connaissent aujourd’hui les pratiques artistiques et sociales ne sauraient plus déboucher que sur un refus sans appel de toute projectualité collective d’envergure. Cultivons notre jardin, et, de préférence, en conformité avec les us et les coutumes de nos contemporains. Pas de vagues ! Juste des vogues, modulées sur les marchés de l’art et de l’opinion, par le biais des campagnes publicitaires et des sondages. « Mais d’où tient-il, au fait, que le socius soit ainsi réductible à des faits de langage et ces derniers, à leur tour, à des chaînes signifiantes binarisables, "numérisâmes" ? Sur ce point, les postmodernes n’ont guère innové ! Ils s’inscrivent tout droit dans la tradition, elle bien moderniste, du structuralisme dont l’influence sur les sciences humaines paraît devoir être relayée dans les pires conditions par le systémisme anglo-saxon. Le lien secret entre toutes ces doctrines tient, me semble-t-il, à ce qu’elles ont été souterraines – marquées par les conceptions réductionnistes, véhiculées dès l’immédiat après-guerre, par la théorie de l’information et les premières recherches cybernétiques. Les références que les unes et les autres ne cessaient d’extraire des nouvelles technologies communicationnelles et informatiques furent si hâtives, si mal maîtrisées, qu’elles nous projetèrent loin en arrière des recherches phénoménologiques qui les avaient précédées. « Il faudrait en revenir à une évidence simple, mais combien lourde de conséquences, à savoir que les agencements sociaux concrets – qui ne doivent pas être confondus avec les "groupes primaires" de la sociologie américaine, lesquels ne relèvent encore que de l’économie de l’opinion – mettent en cause bien d’autres choses que des performances linguistiques : des dimensions éthologiques et écologiques, des composantes sémiotiques économiques, esthétiques, corporelles, fantasmiques, irréductibles à la sémiologie de la langue, une multitude d’univers corporels de référence, qui ne s’insèrent pas volontiers dans les coordonnées de l’empiricité dominante. […]

« Les philosophes postmodernes ont beau papillonner autour des recherches pragmatiques, ils restent fidèles à une conception structuraliste de la parole et du langage qui ne leur permettra jamais d’articuler les faits subjectifs aux formations de l’inconscient, aux problématiques esthétiques et micropolitiques. Pour le dire sans ambages, je crois que cette philosophie n’en est pas une ; elle n’est qu’un état d’esprit ambiant, une "condition" de l’opinion qui ne tire ses vérités que de l’air du temps. Pourquoi, par exemple, se donnerait-elle la peine d’élaborer un étayage spéculatif sérieux à sa thèse relative à l’inconsistance du socius ? La toute-puissance actuelle des mass-médias ne supplée-t-elle pas amplement à la démonstration de ce qu’en effet n’importe quel maillon social peut se prêter, sans résistance apparente, au laminage désingularisant et infantilisant des productions capitalistiques de signifiant ? Un vieil adage lacanien, selon lequel "un signifiant représente le sujet pour un autre signifiant", pourrait être placé en exergue de cette nouvelle éthique du désengagement. Car, en effet, c’est bien là que nous en sommes arrivés ! Seulement, il n’y a vraiment pas de quoi pavoiser, comme le font les postmodernes. Toute la question serait plutôt de savoir comment il est possible de sortir d’une pareille impasse ! »

Rappelons aussi que Bill Clinton a été salué par le Time en octobre 96 comme le premier président « postmoderne ».

 

Post-philosophes : Cartel d’intervention médiatique suffisamment audacieux pour avoir réussi à vendre la peau de l’ours sans même l’avoir tué (cf. leur livre culte : Marx est mort) et à convaincre que l’état de renégat pouvait être géré comme un excellent patrimoine. A joué un rôle déterminant dans la création de la Régie française des Jobards du Consensus rapidement reconnue comme la plus efficace des sectes ayant accouché de la Contre-Réforme libérale.

 



[1] Sur le cochon, voir le beau livre de Claudine Fabre-Vassas, La Bête singulière (Gallimard, 1994).

[2] C'est pourquoi la philosophie et les mathématiques, associées depuis vingt-cinq siècles à une discipline totalement étrangère à la vie de tous les jours — la « survie » —, constituent des cibles à la fois redoutées et détestées.

 

[3] Monsieur de Closets est un spécialiste de ce genre de dénonciation (voir son livre : Toujours plus !).

[4] Le techno-populisme a obtenu quelques brillants résultats dans cette opération du « peser-vrai » de la République : les promotions de l'ENA ont appris à gérer leurs « ressources humaines » avec le maximum d'efficacité, les « bottes » se bousculent aux Finances mais abandonnent au « croupion » le Travail et, bien sûr, l'Éducation.

 

[5] De Richard Rorty, philosophe, figure emblématique de la postmodernité en Virginie dans les années 80.

[6] Chanson de Merle Hagard (1982) citée par Guy Sorman dans son livre La Révolution conservatrice américaine. Sorman, qui est certainement le représentant le moins ennuyeux de la Contre-Réforme libérale française, a pris des positions courageuses sur certaines « questions de société », en particulier sur le problème des drogues.

 

[7] Andy Warhol.

[8] Rappelons que la Commission trilatérale avait été fondée en 1973 à l'initiative privée de personnalités européennes, japonaises et américaines pour trouver une « solution » aux « problèmes » auxquels étaient confrontées les démocraties occidentales de l'époque. Certains des travaux de la Commission ont été publiés en 1975 dans un rapport sur la « gouvernabilité » des démocraties intitulé « The Crisis of Democracy », qui ne cachait pas son pessimisme vis-à-vis de l'avenir des « grandes démocraties ». Un des rédacteurs, le sociologue français Michel Crozier, n'hésitait pas à évoquer le « caractère ingouvernable » des démocraties européennes, le « romantisme » et l'« irresponsabilité civique » de certains intellectuels et en particulier la prolifération postindustrielle des « prétendus intellectuels » et des « para-intellectuels ».

[9] C'est le cas pour Atum, dieu égyptien qui sépare Nur en ses deux éléments, et pour Marduk, dieu de Babylone, qui distingue Ciel et Terre.

 

[10] G. Châtelet, Les Enjeux du mobile, chap. 3 (Le Seuil, 1993).

[11] H. Bergson, L'Évolution créatrice (PUF, 1966), pp. 224-239. Bergson insiste beaucoup sur la distinction entre « ordre voulu » et « ordre automatique ».

 

[12] Cette panoplie est assez indigente : il s'agit toujours de présenter certains phénomènes — toujours interprétables par le déterminisme classique — illustrant le gadget épistémologique de « l'ordre émergeant du Chaos ». Les exemples standards sont celui des cristaux, « structure ordonnée » qui « surgit » d'une structure désordonnée, et celui d'un fluide coincé entre deux plateaux horizontaux maintenus à des températures différentes et susceptible de faire apparaître des tourbillons. Il y a donc une dissymétrie donnée et cela met en déroute les thèses des « jardiniers du chaotisant » qui y voient une « réfutation » du principe d'entropie croissante de Boltzmann.

 

[13] « Dissertation on the Poor Laws », de W. Townsend (1786), cité par Karl Polanyi, La Grande Transformation, p. 157 (Gallimard, 1983).

 

[14] Friedrich A. von Hayek, La Route de la servitude (PUF, 1993).

 

[15] T. Hobbes, Le Léviathan (Sirey, 1971), p. 81.

[16] « La cruauté et le risque continuels d'une mort violente : la vie de l'homme est alors solitaire, besogneuse, pénible, quasi animale, et brève », Le Léviathan, op. cit., p. 125.

 

[17] Léo Strauss, La Philosophie politique de Hobbes, p. 27 (Belin, 1991), et Le Léviathan, op. cit., chap. XI.

 

[18] Sur ces questions :

— J.-C. Perrot, Histoire intellectuelle de l'économie politique, pp. 334-354 (EHESS, 1992) ;

— A. Desrosières, La Politique des grands nombres, chap. 1 (La Découverte, 1993) ;

— Pour une histoire de la statistique (Economica-INSEE, 1987), articles de Hecht et Bédarida ;

— B. Ingrao et G. Israël, The Invisible H and (MIT Press, 1990).

 

[19] Hobbes, La Nature humaine, p. 3 (Vrin, 1991).

[20] Cf. C. B. MacPherson, La Théorie politique de l'individualisme possessif (Gallimard, 1971).

[21] Pour toutes ces questions, voir le glossaire et le brillant exposé de J.-P. Dupuy, Introduction aux sciences sociales (Ellipses, Cours de l'Ecole polytechnique, 1992).

— J. M. Buchanan, G. Tullock, The Calculus of Consent (Michigan University Press, 1971) ;

— K. J. Arrow, Social Choice and Individual Values (Yale University Press, 1963) ;

— J. M. Buchanan, Les Limites de la liberté (Litec, 1975).

 

[22] L'empiriste mercantile adore les comptines pour étudiants qui charment par leur côté « tranche de vécu »... en faisant disparaître tous les problèmes à la trappe. Quoi de plus ravissant que l'histoire de la rencontre du professeur d'Université et du vendeur de pastèques pour illustrer la notion de contrat ? (Buchanan, Les Limites de la liberté, op. cit., chap. 2) : « Pendant l'été, à la sortie de Blacksburg, on trouve le long de la route un étal de fruits et légumes frais. J'y achète des pastèques en une quantité que je choisis, et à des prix qui, par convention, sont fixés par le vendeur. Il y a rarement marchandage et la transaction ne dure que quelques minutes. Ce genre d'échange économique nous est tellement familier, tellement quotidien que nous en ignorons en général les fondements institutionnels. Je ne connais pas personnellement le vendeur, et je ne m'intéresse pas particulièrement à son bien-être. Il a la même attitude envers moi. Je ne sais pas, et je n'ai pas besoin de savoir, s'il est indigent, très riche ou si son niveau de vie se situe quelque part entre ces deux extrêmes. Son ignorance de ma situation économique est identique. Pourtant nous sommes capables de réaliser ensemble et sans hésitation un échange que nous jugeons tous deux “juste”. Je n'essaie pas de m'emparer des pastèques sans son consentement et sans les payer. Et le vendeur ne s'empare pas de l'argent contenu dans mon porte-monnaie.

« L'échange se fait efficacement parce que nous sommes tous deux d'accord sur nos droits de propriété respectifs. Nous reconnaissons tous deux que ces pastèques bien empilées sur le bas-côté de la route "appartiennent" au vendeur ou à son patron. Nous nous entendons aussi sur mon droit de disposer librement de l'argent qui est dans mes poches ou sur mon compte en banque. De plus, nous sommes tous deux conscients que tout geste unilatéral qui violerait les droits exclusifs ainsi attribués serait puni par l'État. Autrement dit, nous sommes d'accord sur la "loi" qui gouverne l'échange auquel nous procédons.

« La signification de ces exemples est fort claire. Un accord mutuel sur des droits bien définis facilite les échanges économiques entre les gens. La présence pour cela des deux éléments concernés est nécessaire : les droits individuels doivent être bien définis et non arbitraires ; ils doivent aussi être connus et acceptés par les protagonistes. Si l'existence de droits bien définis et non arbitraires est acquise mais que, pour savoir ce qu'ils sont, on doive investir énormément dans la recherche d'informations, de nombreux échanges mutuellement avantageux peuvent fort bien ne jamais se réaliser. Que par contre les deux éléments soient présents, qu'on s'accorde sur la définition et les limites des droits de chacun, et l'échange économique devient presque l'archétype de l'anarchie ordonnée. Les individus peuvent traiter les uns avec les autres de façon purement volontaire, sans coercition ni menace. Ils peuvent proposer et conclure des échanges sans rien savoir sur les opinions politiques, les préférences sexuelles ou la situation économique de leurs partenaires. Ceux qui procèdent à la transaction peuvent fort bien être inégaux sous l'une ou l'autre des incidences sans que cela ne les empêche, dans la transaction même, de se considérer mutuellement comme des égaux. En ce sens — classique — l'échange économique est impersonnel, et en ce sens aussi, il constitue le type idéal d'interaction qui caractérise /'anarchie ordonnée. Chaque personne dans la relation est considérée strictement comme elle se présente, et donc sans doute comme elle choisit de se présenter. Peut-être le marchand de fruit bat-il son cheval, tue-t-il des chiens ou mange-t-il des rats. Aucun de ces traits n'a à affecter mes relations strictement économiques avec lui. »

Nous laissons le lecteur apprécier la « clarté » de l'argument. N'est-il pas « naturel » que, « sans coercition ni menace », la ménagère du Mali se présente sur le « supermarché mondial » en compagnie du dentiste de Zurich ?

 

[23] « The Putney Debates », p. 286, dans Divine Rights and Democracy (Penguin Books, 1986). Rappelons que les Niveleurs constituaient la fraction la plus radicale des combattants de la révolution anglaise de 1648. Ils préconisaient l'instauration d'une République absolument égalitaire, « La Société chrétienne », et furent éliminés par Cromwell qui les considérait comme dangereux.

 

[24]  Lambert-Adolphe Quételet (1796-1874). Mathématicien, statisticien et astronome belge. On lui doit de belles recherches sur l'optique astronomique et la statistique sociale, et, en particulier, une Statistique criminelle de la Belgique et une Statistique morale.

[25] De l'homme, p. 97.

 

[26] Ibid., p. 491.

[27] J. Romains, Prélude à Verdun (Flammarion, 1945), p. 11.

 

[28] Elias Canetti, Masse et Puissance (Gallimard, 1966).

 

[29] Sur la mystification du nombre, voir Alain Badiou, Le Nombre et les nombres (Le Seuil, 1992).

[30] Version économique du calcul différentiel élémentaire.

[31] Buchanan-Tullock, The Calculas of Consent, op. cit., chap. 2, 3 et 4.

[32] Voir glossaire.

[33] Voir chap. 9 sur les Turbo-Bécassines et les Cyber-Gédéons.

[34] Tout cela renvoie naturellement au chaos qui sait délivrer du singulier et du baroque comme par enchantement.

 

[35] Voir glossaire.

[36] James M. Buchanan, Les Chemins de la liberté, op. cit., p. 21.

[37] Voir chap. 2, note 5.

[38] Cf. en particulier V. Pareto, Traité de sociologie générale, § 2079, 2419, 2073 (Droz, 1968), et aussi Transformation de la démocratie (Droz, 1970).

[39] Voir l'exposé détaillé de C. B. MacPherson :

— Life and Times of Libéral Democracy (Oxford Univer-sity Press, 1977) ;

— Démocratie Theory (Oxford University Press, 1973).

 

[40] C. B. MacPherson, Life and Times of Libéral Democracy, op. cit., p. 79.

[41] Sir Dennis Robertson, « What does the Economist Economize ? », article des Economie Commentaries, Londres (1956).

 

[42] T. Jefferson, Kentucky Resolutions of 1798.

[43] G. W. F. Hegel, Principes de la philosophie du droit (Vrin, 1975), p. 236, sur l'individualisme possessif.

 

[44] J.-F. Lyotard, La Condition postmoderne (Minuit, 1979), pp. 15-16.

Pour une critique de la postmodernité, voir glossaire, et aussi H. Meschonnic, Modernité, modernité, et F. Guattari, La Quinzaine littéraire (février 1986, p. 21).

 

[45] Voir chap. 9.

 

[46] Sur toutes ces questions, voir G.W. F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 257, 258, 272.

 

[47]  J.-F. Lyotard, op. cit., p. 30.

[48] Pour toutes ces questions, cf. N. Wiener, Cybernétique et Société (Les Deux Rives, 1952, pp. 40-45).

 

[49] Il faut souligner que Norbert Wiener, progressiste convaincu, avait bien entrevu les dangers d'un ordre cyber-mercantile.

 

[50] N. Wiener, op. cit.

 

[51]  J. M. Keynes, Théorie générale de l'emploi et de la monnaie (Payot, 1968, p. 171) : « Pour varier légèrement la métaphore, la technique du placement peut être comparée à ces concours organisés par les journaux où les participants ont à choisir les six plus jolis visages parmi une centaine de photographies, le prix étant attribué à celui dont les préférences s'approchent le plus de la sélection moyenne opérée par l'ensemble des concurrents. Chaque concurrent doit donc choisir non les visages qu'il juge lui-même les plus jolis, mais ceux qu'il estime les plus propres à obtenir le suffrage des autres concurrents, lesquels examinent tous le problème sous le même angle. Il ne s'agit pas pour chacun de choisir les visages qui, autant qu'il peut en juger, sont réellement les plus jolis ni même ceux que l'opinion moyenne considérera réellement comme tels. Au troisième degré où nous sommes déjà rendus, on emploie ses facultés à découvrir l'idée que l'opinion moyenne se fera à l'avance de son propre jugement. Et il y a des personnes, croyons-nous, qui vont jusqu'au quatrième ou au cinquième degré ou plus loin encore. »

 

[52] F. Nietzsche, Généalogie de la morale (Gallimard, 1964, p. 45).

 

[53] Sur ces questions, voir K. Polanyi, La Grande Transformation (Gallimard, 1983). La forme moderne de cette transformation est naturellement l'exigence de « flexibilité » du travail.

 

[54] Les despotismes hydrauliques jouent un rôle prépondérant dans l'ouvrage fondamental de Karl Wittfogel, Le Despotisme oriental (Minuit, 1964).

[55] Sur l'opposition du chimisme et du mécanisme, voir G.W. F. Hegel, Science de la logique, « Logique du concept », pp. 217-246 (Aubier, 1981).

 

 

[56] F. Vatin, La Fluidité industrielle (Klinksieck, 1987), spécialement la deuxième partie.

[57] Cf. Vatin, op. cit., pp. 43-70.

[58] Robert Linhart, « Les archipels du capital », Le Monde diplomatique, juillet 1978.

[59] Ce parti ultraconservateur avait obtenu 5 à 10 % des voix voici quelques années.

 

[60] Paul Yonne t, Jeux, Modes et Masses (Gallimard, 1985, p. 279).

 

[61] Les italiques sont de nous, à l'exception du terme « autonomobilité ».

 

[62] Ibid., p. 289.

 

[63] Ibid.

[64] Voir chap. 5.

 

 

[65] Ibid.

[66] Sur le populisme américain, cf. George McKenna, American populism, N.Y., 1974, et Lawrence Goodwyn, The Populist Movement (Oxford University Press, 1978).

[67] Sur l'apathie politique, cf. S M. Lipset, Political Man, pp. 14-16 (N.Y., 1960), ainsi que les commentaires de MacPherson, Life and Times of Libéral Democracy, op. cit.

 

[68] Sur les questions de « fabrication du consensus » et de l’American Public Relations, cf. N. Chomsky, Pirates and Emperors (Amana Books, 1986), et E. S. Hermann et N. Chomsky, Manufacturing Consent (Panthéon Books, 1988).

Voir aussi E. Bernays, Propaganda (N. Y., 1928) ; The Engineering of Consent (1955) ; W. Lippmann, Public Opinion (1921) j R. Escarpit, Information et pratique politique (Le Seuil), et l'interview de Chomsky par B. Moyers dans A World ofldeas (Double-Day, 1989). Les extraits cités sont de Chomsky.

 

[69] Sur le narco-consensus, cf. A. Hoffmann, Steal this Urine Test (Penguin Books, 1987). Abbie Hoffmann décrit très bien l'utilisation du conformisme pour justifier n'importe quel licenciement.

Voir aussi I. Stengers, O. Ralet, Drogues : le défi hollandais (Les Empêcheurs de penser en rond, 1991) et F. Caballero, Droit de la drogue (Dalloz, 1989).

Pour une histoire du cannabis, cf. J. Herer, L'Empereur est nu (Le Lézard, 1993).

 

[70] Les citations proviennent du livre de J. Herer et de celui de Michka, Le Cannabis est-il une drogue ? (Georg, 1993).

 

[71] Le lecteur démocrate sera peut-être surpris de ces faits historiques : il y a bien eu un tsar contre la drogue aux États-Unis et une tsarine en France.

[72] Voir chapitre suivant.

[73] Une femme magistrate.

 

[74] Pour saisir l'optimisme pathétique des années 50, rien de tel que Le Grand Espoir du xxe siècle, de Jean Fourastié, inventeur du « concept » des « Trente Glorieuses » et des trois sociétés : la rurale, l'industrielle, et... la tertiaire de services, engendrant les trois prototypes de Bécassines. Voir aussi La Société postindustrielle, A. Touraine (Le Seuil, 1969).

 

[75] Il s'agit du socio-géographe J. Levy, dans un article de Libération, « Un nouvel espace légitime », 25 septembre 1992.

[76] On remarquera l'allusion typiquement postmoderne ; les italiques sont de nous.

[77] Voir S. Sassen, La Ville globale (Descartes et Cie, 1996). Cf. notamment le chapitre « Dispersion et formes de centralisation ».

[78] G. Becker, prix Nobel d'économie (1992), économiste de l'école de Chicago dont le rêve est d'unifier la logique du vivant et la logique du social, et de concurrencer la sociobiologie (en particulier celle d'Edward Wilson, La Sociobiologie, Le Rocher, 1987) sur son propre terrain, faisant atteindre à l'ineptie de l'individualisme méthodologique de rares sommets.Voir en particulier «The Economie Approach to Human Behaviour », et « Altruism, Egoism and Genetic Fitness », Journal of Economie Literature (14 mars 1976).

 

[79] « Internaliser » tel ou tel paramètre, c'est tenter de lui donner un fondement interne à l'économie.

 

[80] Voir glossaire.

 

[81] Cf. glossaire.

[82] Toutes les citations de M. Attali sont tirées soit de Lignes d'horizon (Fayard, 1990), soit de l'article « L'avènement de la planète nomade », Libération, 1er octobre 1993, soit d'un article récent sur « La surclasse » paru dans Le Monde.

[83] Ernest Renan, La Réforme intellectuelle et morale (Complexe, 1990).

[84] Voir chap. 3.

 

 

[85] Avis partagé par M. Olivier Rogez (Le Nouvel Économiste, n° 1026, p. 67), qui souhaite que les Moscovites deviennent aussi « modernes » que les Brésiliens, que ce spectacle n'afflige plus depuis longtemps.

 

[86] Les émeutes sont marketables et doivent même être encouragées (c'est l'opération « promo des rues » de Puff Daddy, Libération, 27 octobre 1997, p. 35).

 

[87]  Intervention à l'Unesco, mars 1996.

 

[88] Suivant la belle expression de J. Rancière, La Mésentente (Galilée, 1995).

 

[89] Rappelons que Plutos est une pièce d'Aristophane.

Pour un éloge de Plutos, cf. Que l'argent soit, de

F. Rachline (Calmann-Lévy, 1993).

 

[90]  Sur l'économie néoclassique, cf. B. Guerrien, L'Économie néoclassique (La Découverte, 1996). Sur les questions d'information imparfaite de marché, produits dérivés, de bulles spéculatives, de risque systémique, cf. le beau livre de M. Aglietta et A. Orléan, Violence de la monnaie (PUF, 1982) et les articles très éclairants :

— M.-A. Kleinpeter, Liquidités des actifs et procès d'évaluation (Preprint) ;

— H. Minsky, FRDNY Quarterly Review, printemps 92-93, et, surtout,

— M. Aglietta, Macro-Économie financière (La Découverte, 1995).

[91] W. Shakespeare, Henry II, 1,1, 197.

[92] Voir chap. 5.

[93]  Le rôle des politiques est d'expliquer les décisions économiques prises par les marchés.

 

[94]  Cf. le commentaire d'un prédateur boursier dans Le Monde diplomatique de mai 1995, p. 20 : « Les prédateurs constituent un stimulant nécessaire... Dans une réserve sans prédateurs, les animaux finissent par mourir... C'est ce qui arriverait dans les affaires si on éliminait les prédateurs... »

 

[95] Déclaration de G. Soros.

[96] Cf. chap. 5, note 16.

[97] Paramètres censés représenter l'économie « réelle » en principe garantie par un flux de biens et services réels.

 

[98] Garant ultime : tout finit toujours par retomber sur l'État, donc sur les gogos-contribuables. Cf. Aglietta, Macro-Economie, op. cit., p. 88.

[99] Cf. S. M. Lipset, Political Man (New York, 1960), pp. 14-16, et les commentaires de MacPherson, Life and Times of Libéral Democracy, op. cit.

 

[100] Cf. A. Downs, An Economie Theory of Democracy, chap. VIH et XII (NewYork, 1957).

 

[101] Les italiques sont de nous.

[102] E. Bernays, Propaganda (New York, 1928); The Engineering of Consent (1955) ; sur ces questions, voir aussi N. Chomsky, Manufacturing Consent (Panthéon, 1988).

 

[103] J. Schumpeter, Capitalism, Socialism and Democracy (NewYork, Londres, 1947), p. 271.

[104] Cf. l'interview de M. Gauchet et B. Kriegel (Le Monde, 12 juillet 1994), dont nous donnons quelques extraits. Remarquer en particulier le commentaire sur l'association du positivisme logique et du positivisme juridique, qui est « du bon côté » :

« Associé au positivisme logique, le positivisme juridique est du bon côté. Il ne change pas la structure de la loi, il ne touche pas à la connaissance du bien et du mal. C'est pourquoi il a été antitotalitaire alors que les philosophies augustiniennes du triomphe de la volonté ont préparé l'antijuridisme radical du début du XXe siècle. Si nous voulons fonder aujourd'hui la philosophie des droits de l'homme, nous devons chercher ailleurs et repartir de la philosophie du droit naturel du XVIIe siècle... L'idée de la loi naturelle, qui est au fondement des droits de l'homme, est simple : la nature humaine comporte de la norme, de la loi. Elle constitue un renversement de la vision augustinienne d'une nature vouée au mal et au péché. On peut d'autant plus parler de loi naturelle et de nature humaine hors d'un contexte théologico-politique que pour les classiques la loi naturelle est simplement la Raison. Aujourd'hui, il est possible de repenser la Nature car les sciences de la nature, les sciences politiques et les sciences humaines convergent pour découvrir le caractère universel du code, de la norme et du droit. Ainsi l'anthropologie a-t-elle fait de la prohibition de l'inceste une structure générale de la nature humaine. Il n'est plus nécessaire de dénaturaliser le droit pour le sauver d'une nature qui serait mauvaise par essence, ni de l'inscrire dans la décision d'un sujet ou d'un individu... Il faut au contraire penser le droit dans la nature. »

Rappelons que Marx a traité ce problème des droits de l'homme dans La Question juive ( 10/18 », 1968) : « En quoi consiste “la liberté” ? “Art. 6 — La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui.” Ou encore, d'après la Déclaration des droits de l'homme de 1791 : “La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.”

La liberté est donc le droit de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Les limites dans lesquelles chacun peut se mouvoir sans nuire à autrui sont marquées par la loi, de même que la limite de deux champs est déterminée par un piquet. Il s'agit de la liberté de l'homme considéré comme monade isolée, repliée sur elle-même. Aucun des prétendus droits de l'homme ne dépasse donc l'homme égoïste, l'homme en tant que membre de la société bourgeoise, c'est-à-dire un individu séparé de la communauté, replié sur lui-même, uniquement préoccupé de son intérêt personnel et obéissant à son arbitraire privé. L'homme est loin d'y être considéré comme un être générique ; tout au contraire, la vie générique elle-même, la société, apparaît comme un cadre extérieur à l'individu, comme une limitation de son indépendance originelle. Le seul lien qui les unisse, c'est la nécessité naturelle, le besoin et l'intérêt privé, la conservation de leurs propriétés et de leur personne égoïste. »

 

[105] Les citations sont tirées de l'article de Michel Crozier dans The Crisis of Democracy, Rapport de la Commission trilatérale, Crozier-Huntington-Watanuki (NYU Press, 1975).

 

[106] J. Attali, Lignes d’horizon, op. cit.

[107] G. W. F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, op. cit., p. 26.

[108] Les italiques sont de nous.

 

[109] J. M. Keynes, Théorie générale de l'emploi et de la monnaie (Payot, 1968), pp. 168-179.

[110] Expression de Pareto.

[111] C. Schmitt, Théologie politique (Gallimard, 1988), p. 26.

 

 

[112] Cf. la malheureuse définition de Winston Churchill : « La démocratie est le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres. »