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Il eut un sommeil agité, plein de fiel et de colère. Mais au réveil il avait découvert la cachette.

La vérité jaillit en lui tout naturellement, sans le moindre effort, comme le retour inopiné d’un souvenir d’enfance. JQ revit l’entrée du vivarium au moment où ils y pénétrèrent, Hans et lui. Pendant quelques secondes, le local ne fut partiellement éclairé que par la lumière de l’escalier et la lueur orangée des infrarouges. Puis le chauffeur enclencha le commutateur et l’endroit se trouva illuminé.

Adolf se mit sur son séant. Il craignait que son esprit ne fut embrumé par un reste de torpeur et s’efforça de réfléchir sans précipitation. Mais tout était minutieusement réglé dans sa tête.

L’un des infrarouges différait des autres. Le caisson porteur était plus grand et il se trouvait suspendu d’une manière mobile au plafond, grâce à un système télescopique qui permettait de l’abaisser et de le remonter.

Hitler s’habilla rapidement et descendit prendre le petit déjeuner alors que la cuisinière savourait encore le sien. Elle l’accueillit fraîchement, ce qui le rendit furieux.

Il se pencha au-dessus de la table sur laquelle elle bâfrait, vida le bol de la lourde femme sur la nappe et déclara, son nez touchant presque le sien :

- Servez-moi à l’instant, sinon je vous vire à coups de pied dans votre gros cul de vache !

Elle faillit s’étouffer de surprise, de peur et de courroux ; mais les yeux d’Hitler la dissuadèrent de protester.

Hans se rasait quand il frappa à sa porte…

- Il est arrivé quelque chose à Madame ? s’inquiéta-t-il.
Le jeune homme le rassura :

- A cause de vos foutus serpents, je n’ai pu fermer l’œil de la nuit. Alors je vais employer la méthode empirique, traiter le mal par le mal. J’ai horreur d’être soumis à des pulsions irraisonnées. Prêtez-moi la clé du vivarium, pendant que vous achèverez votre toilette, je resterai en compagnie de ces horribles créatures.

- Bravo ! C’est cela, le courage ! déclara le baroudeur assagi.

Différents trousseaux s’offraient, fixés au mur par des crochets. Il en saisit un qu’il présenta à Adolf.

- Actionnez la clé plate en premier, recommanda-t-il, sinon tout reste bloqué ; le vieil Otto était très spécial.

Quand il pénétra dans le vivarium, Hitler eut une nausée car l’odeur des reptiles se montrait obsédante.

Ce qu’il fit alors fut pour lui une opération de routine, tant il l’avait ressassée. Il se rendit tout droit à l’infrarouge « spécial » chauffant un compartiment destiné à une race de vilains serpents noirs constellés de taches ocre. La lampe se trouvait à environ un mètre de sa portée. L’Autrichien chercha un moyen de l’atteindre sans pénétrer dans la cage.

Sa perplexité fut de courte durée car il vit, contre une paroi, une tige de fer à l’extrémité recourbée.

S’étant emparé de ce crochet, il s’en servit pour amener à soi l’appareil.

Celui-ci obéit docilement et descendit avec la base à laquelle il adhérait. Un astucieux système de dérouloir logé dans le plafond permettait ce souple halage.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, Adolf agissait méthodiquement avec un calme de chirurgien expérimenté. Il tira le fil au maximum, puis déposa la carène du transformateur sur le fauteuil. Dorénavant, il devait découvrir le dispositif d’ouverture.

N’ayant rien détecté au bout de cinq minutes et pensant que le chauffeur n’allait plus tarder, il remit tout en place et s’abîma dans la contemplation des immondes bestioles.

 

* *

 

La journée fut creuse. La perspective de mettre la main sur les bijoux le préoccupait à peine. Il s’aperçut que l’appât du gain ne serait jamais pour lui une motivation susceptible de le mobiliser entièrement. Quel allait être le but de sa vie si aucun appétit ne le tourmentait? Amour et fortune lui semblaient dérisoires. Que restait-il hormis ces deux moteurs ? L’ambition du pouvoir ? Utopie !

Il chercha un début de réponse dans la lecture des journaux, en vain. Un instant, il évoqua l’altruisme.

Une foule d’individus avaient prôné l’allocentrisme. Mais il le jugea comme étant une démarche de scout.

Le seul spectacle intéressant qu’il pouvait fournir c’est à lui-même qu’il le donnerait.

Il se rendit dans le bureau de Kurt où il n’avait jamais mis les pieds. Ayant son P.C. au siège de ses affaires, Heineman l’utilisait très peu ; la pièce faisait songer à ces appartements témoins dans lesquels tout est rassemblé pour une vie exemplaire, mais que l’absence de l’homme pétrifie.

Une photographie solennelle trônait sur la table de travail. Elle représentait un homme à demi chauve, dont le visage lourd et le regard impitoyable, aggravé d’un monocle, incommodaient. Une dédicace tempérait la sévérité de l’image : N’oublie pas, Kurt, que la vie t’appartient. Otto. 

C’était écrit en caractères gothiques par le pilleur de juifs !

Comment avait-il fait pour mourir dans son lit, ce criminel d’État ?

Adolf explora les tiroirs du meuble, espérant y dénicher le code d’ouverture du bloc. Il eut beau se livrer à de minutieuses recherches, il ne releva aucun indice pouvant le mettre sur la voie.

Le soir venu, il proposa à Hans une dernière virée nocturne avant le retour du maître, programmé pour le lendemain après-midi.

L’ancien militaire accepta d’enthousiasme. Il le convia dans l’un des meilleurs restaurants de Munich où, sous prétexte de bonne chère, Hitler fît boire son compagnon au-delà du raisonnable. Il l’acheva dans une brasserie sous des flots de bière.

Bien qu’il n’eût pas son permis de conduire, l’Autrichien pilota la grosse voiture pour rentrer. Il aida le chauffeur à grimper chez lui, l’allongea et poussa la sollicitude jusqu’à ôter ses chaussures.

Le dragon de Cracovie
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