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Chapitre Six

Sur un Trône de Mensonges

La danse des lunes du Vieux Monde était telle que seuls les mages du collège Céleste la comprenaient vraiment. Eux seuls savaient quand Morrslieb, la lune sorcière, allait grossir et que sa lueur verdâtre maladive allait apparaître dans le ciel, ou quand les étoiles seraient alignées pour dessiner une des constellations figurant sur les plus vieux monolithes, dont la construction remontait à une époque où toutes les civilisations connues n’étaient pas encore nées.

Quand le Neuvième alignement survenait, quand les étoiles prenaient l’aspect d’un serpent sinueux dans le ciel, l’ordre Lumineux fêtait l’événement en exécutant une série de cérémonies qui nécessitait l’attention de tous les acolytes et de beaucoup de magisters. La place cachée autour de la pyramide, dissimulée dans un repli de l’espace du Miroir de midi, était le théâtre d’un défilé au cours duquel les acolytes étaient réunis en sept cercles, puis maître Alric menait la sanctification rituelle des instruments du sacrifice.

Van Horstmann observa les acolytes qui se mettaient en place, selon les spécifications sacrées, passant d’une place à l’autre parmi les cercles pendant que des lignes de flammes blanches traçaient des motifs de plus en plus complexes entre eux.

La place située dehors était visible au travers des murs translucides des quartiers du grand magister. Van Horstmann vit Alric avancer au centre du plus grand cercle, un lourd serpent large comme la cuisse posé sur la nuque.

— J’ai cru comprendre que vous n’aimiez pas les serpents, » dit Elrisse.

— En effet, » confirma van Horstmann.

— Ce qui explique que vous ne souhaitiez pas participer aux cérémonies du serpent.

— Pas du tout, grand magister. Certes, elles me seraient… pénibles, mais je ne me serais pas insurgé si on m’avait demandé d’y prendre part. Mais mon travail sur le code d’Egelbert Vries arrive à un tournant crucial. Je dois le déchiffrer afin d’en finir. C’est à devenir fou, mais fascinant, et je crains de tout perdre en m’offrant ne fût-ce qu’une heure de distraction. Je vous demande la permission de poursuivre.

— Et à quel stade en êtes-vous ? » Le grand magister était assis à son bureau, coincé entre des piles de correspondances entassées devant lui et des soies d’Arabie suspendues derrière lui. Il signait des papiers avec une plume arrachée à un oiseau exotique. Sa signature prenait la forme d’une longue liste de titres honoraires.

— Ce n’est pas dans le texte, mais dans les illustrations. »

Elrisse s’enfonça dans sa chaise, le trône d’un sultan déposé rapporté par des explorateurs impériaux.

— Les illustrations…

— Vries use de mots inventés et de curieuses expressions pour faire croire que le texte cache quelque chose. Il y a une vague logique à tout cela, mais rien qui ne permette de déchiffrer l’ensemble. Et certaines parties soi-disant codées sont beaucoup trop simplistes pour un homme de l’envergure de Vries. C’est dans les illustrations que se trouve la solution. J’ai demandé à un herboriste de la ville de me trouver une fleur de marcescentine fraîche. Vries avait mal dessiné l’étamine. Là encore, une erreur grossière pour un homme tel que lui. C’est là que se cache le code. Je suis tout près, grand magister. J’ai juste besoin d’un peu de temps pour le déchiffrer.

— Pas besoin de mes sens magiques pour comprendre que vous n’allez pas tarder à me demander quelque chose, magister.

— D’autres échantillons de l’œuvre de Vries, » dit van Horstmann. « J’ai besoin du Codex Æthyrica. »

Elrisse inspira bruyamment.

— Le quatrième cercle ne me le pardonnera jamais. Ce genre d’ouvrage est gardé encore plus jalousement que le plus gros joyau de nos chambres fortes.

— Vries voulait que son code soit décrypté. Le nécessaire est dans ses écrits. Si j’étudie le Codex Æthyrica à tête reposée, ils ajouteront bientôt Herbes et cataplasmes du Pays des Trolls à leurs chambres, car il contiendra la transcription de la cérémonie perdue d’Egelbert Vries.

— Alors ce sera fait. Des résultats, van Horstmann. C’est tout ce que je vous demande. Un esprit tel que vous ne peut se dérober aux exercices routiniers de notre ordre que s’il en accroît les connaissances en échange.

— Vous ne serez pas déçu. »

Elrisse dévisagea van Horstmann avec une expression insondable. De nombreuses personnes cultivaient l’impénétrabilité, mais pas Elrisse, pour qui cacher ses émotions semblait inné.

— Je suis curieux de savoir ce que vous allez découvrir, van Horstmann. En cinq ans, vous avez sérieusement affiné les rituels de perception æthyrique et de protection élémentaire. Vous apprenez vite et vous percevez le monde non pas au travers de la matière froide et morte qui le compose, mais en termes de potentiel, de capacité de changement. Ma complaisance a des limites, mais j’accepte. Le quatrième cercle vous confiera le Codex Æthyrica. J’encaisserai leurs plaintes sans broncher. En échange, je présiderai les rituels perdus d’Egelbert Vries.

— Merci.

— Et si je puis me permettre, magister, vous vous sentirez mieux ici si vous apprenez à côtoyer les serpents. Ils comptent parmi les symboles de cet ordre depuis sa fondation.

— Je verrai ce que je peux faire à ce sujet. Mais pour l’instant, je dois regagner mes quartiers. La clef du code est à portée de main. Je crains qu’elle ne m’échappe.

— Alors, allez-y. Je vais envoyer un mot aux chambres fortes. Vous aurez votre codex. Veillez à ce que l’ordre ait ses secrets en retour. »

Lorsque van Horstmann retrouva ses quartiers, un intendant du demi-cercle l’attendait déjà à sa porte, le Codex Æthyrica entre les mains. Van Horstmann était passé par la chambre des ablutions pour y laver son visage en sueur, car la vision du serpent utilisé dans le rituel avait rempli son esprit d’images d’anneaux de chair et de crochets, des images qu’il avait mis plusieurs minutes à chasser de sa tête. Il prit l’ouvrage que lui tendait l’intendant, fit un signe de la tête à l’homme qui le saluait, puis s’enferma dans ses appartements.

Il posa le crâne de Katam sur son bureau, près du livre. Les émeraudes roulèrent dans leurs orbites et le crâne frémit. L’esprit semblait vouloir se manifester.

— Il ne ressemble à rien, » fit l’objet.

Il n’avait pas tort. Le Codex Æthyrica était ancien et usé jusqu’à la corde. Il disposait d’une couverture en bois couvert d’un fin tissu en lambeaux, et son titre était à peine visible. Peu de temps après l’avoir écrit, on l’avait muni d’une serrure fixée à des liens d’acier qui en faisaient le tour. La clef était accrochée à la tranche par une courte cordelette.

— Il n’existe pas d’ouvrage plus précieux dans les chambres fortes supérieures, » observa van Horstmann. « C’est en tout cas le plus précieux sur lequel je puisse mettre la main.

— Si cela ne suffit pas, il faudra en subir les conséquences.

— Et tu t’y connais en la matière. »

Si la relique avait pu se renfrogner, elle l’aurait certainement fait. Van Horstmann savait ce qu’était le crâne de Katam ; qui il était. Une information dont nul n’était au courant au sein de l’ordre Lumineux. Le quatrième cercle ne connaissait pas l’origine du crâne, qu’il détenait pourtant depuis des siècles. Ce qui soulevait une autre question : combien d’autres artefacts des chambres disposaient de pouvoirs dont nul ne saisissait la nature ?

— J’ai brisé les neuf Lames du Crépuscule incandescent, » dit le crâne. « Je les ai broyées sous le poids de milliers de cadavres. J’en ai jeté les fragments depuis le sommet du pic Dolent ! Ça a suffi. »

Van Horstmann défit la couverture du Codex Æthyrica. Le livre avait été écrit de la main d’Egelbert Vries, ce qui en faisait une relique sacrée, ou presque. Vries était l’un des premiers magisters de l’ordre Lumineux, instruit par Teclis en personne.

Des particules de lumière jaillirent des pages, comme si les syllabes s’envolaient. Vries avait une écriture dense et enroulée, qui constituait presque un code à elle seule, et il avait rempli les marges de notes et de schémas à l’encre rouge. De nombreuses pages étaient couvertes de représentations de cercles rituels, les premiers exemples des motifs créés devant la pyramide à ce moment-là.

— Est-ce que tu le sens ? » demanda le sorcier.

— Je ne sens plus rien depuis six cents ans.

— Mais si, tu peux. »

Van Horstmann se tourna vers une étagère située près de son bureau et prit un plateau en bronze encombré d’instruments alchimiques. Le magister Vek adorait accumuler ce genre d’objets, les babioles d’ordres de magie mineurs. Les instruments en question avaient été conçus pour un magister de l’ordre Lumineux, et van Horstmann se rappela sa discussion avec le mage Daegal.

Ils voyaient la magie comme un outil, comme un poignard ou une enclume, utilisable à loisir. Aucune imagination. Aucun respect.

Van Horstmann connaissait la véritable nature de la magie.

Il prit deux fins tubes en argent, enleva le bouchon de chacun, puis en versa le contenu sur le Codex Æthyrica. Chaque cylindre renfermait une petite quantité de poussière argentée, qui produisit des étincelles orange en tombant sur les pages de l’ouvrage.

Le Codex Æthyrica s’embrasa en dégageant une fumée grise. Van Horstmann agita la main et lança un cercle, de ceux qu’il avait souvent utilisés pour protéger les anciens quartiers du magister Vek des regards indiscrets. Il aurait suffi que quelqu’un sente la fumée pour se poser des questions. Mais la magie Lumineuse permettait facilement à van Horstmann de rester discret.

Il entendait hurler les mots de Vries dans son esprit. Cela ressemblait aux vagissements d’animaux terrifiés pris au piège de leur terrier incendié. Ils tentaient de s’échapper, de s’arracher au parchemin, l’encre s’agitant comme des pattes d’araignée. Mais ils n’avaient nulle part où aller.

Le Codex Æthyrica avait une valeur telle que sa vente aurait permis de s’offrir une propriété somptueuse à Altdorf ou de financer une armée. Aux yeux de l’ordre Lumineux, il était encore plus précieux, comme les os d’un saint ou une relique de Sigmar en personne. Et pourtant, il le brûla jusqu’à sa tranche, des lambeaux de papier voletant en direction du plafond sous l’action de la chaleur des flammes.

Van Horstmann passa la main sur l’ouvrage calciné. Le froid l’engourdit et les flammes s’évanouirent aussitôt, remplacées par un tas de cendres et des fragments roussis répandus sur le bureau. Certains vinrent même jusqu’au crâne de Katam.

« Et maintenant ? » demanda van Horstmann.

— Espérons qu’il écoute, » répondit l’objet.

Van Horstmann observa le crâne. Son expression changeait-elle jamais ? Parfois, il était sûr que si. Il arrivait que ce sourire figé soit un peu moins prononcé, comme lorsqu’il le portait parmi d’autres magisters. Peut-être s’offensait-il d’être vu comme un simple objet de décoration. Pour l’heure, il semblait un peu plus narquois, comme empreint d’une certaine suffisance.

— Je n’ai pas de maître, » dit van Horstmann.

Le sorcier sortit la boîte à secrets de sa poche et l’entrouvrit. Hiskernaath, le démon emprisonné, eut un léger ricanement et pesta.

« J’ai besoin de sang, » fit le sorcier.

— Laisse-moi, » répondit le démon de la boîte. « Je fais des galipettes avec tes ancêtres en enfer.

— Je t’ordonne de me donner du sang, » lança van Horstmann.

L’un des membres les plus insignifiants d’Hiskernaath sortit de la boîte en se déroulant. Le sorcier prit une dague rituelle posée sur une étagère parmi la collection fournie de Vek. La lame, très courbe d’un côté, avait une forme curieuse et s’élargissait à son extrémité, avec une poignée en corne ou en ivoire enroulée d’une bande de cuir. Van Horstmann l’utilisa pour clouer le membre du démon au bureau.

Un sang épais et sifflant comme de l’acide se répandit autour de la pointe de l’arme et se mêla aux cendres de l’ouvrage incinéré.

Le membre disparut dans la boîte, dont les panneaux complexes se refermèrent avec un ricanement. Van Horstmann se servit de la pointe du poignard pour graver un symbole sur le bureau. Il usa de toutes ses forces pour creuser le plus profondément possible.

Le symbole ressemblait à une comète à deux queues, et le premier ignare venu aurait pu y voir une version pervertie de la comète jumelle de Sigmar. Elle était un présage censé annoncer l’arrivée de Sigmar et, après sa mort et son ascension divine, la présence de son esprit sur le champ de bataille. Mais ce symbole était beaucoup plus ancien que l’Empire de Sigmar. Peut-être était-il plus vieux encore que les hommes eux-mêmes.

Van Horstmann reposa la dague.

« Écoute-moi, » siffla-t-il, les dents serrées. « Écoute-moi ! »

Le bureau trembla, suivi de la pièce. Les braseros se balancèrent et des braises en tombèrent. Puis ce fut toute la collection de bibelots de Vek qui tomba des étagères. Les deux statues barbues oscillèrent et menacèrent de basculer à leur tour. Van Horstmann écarta brutalement les bras et les mots de pouvoir se déversèrent dans la pièce pendant qu’il maintenait la bulle de silence. Qu’il soit découvert maintenant, et tout serait perdu. Malgré toutes ses précautions et ses multiples plans de secours, il arrivait que la malchance gâchât tout.

Une fissure s’ouvrit dans les airs. Un gouffre noir-violet bâillait au-dessus de sa tête, déversant des ombres dans la pièce. Cet endroit n’en avait pas vu depuis la construction de la pyramide, et il reculait maintenant face aux ténèbres qui envahissaient le sol et les coins.

Van Horstmann s’agenouilla pour ne pas tomber à la renverse. Des bourrasques gelées et brûlantes s’abattirent sur lui. Il se força à regarder dans le gouffre, en direction de la masse bouillonnante d’énergie qui y grouillait tel un ulcère.

« On ne m’ignorera pas ! » s’écria-t-il malgré le vent qui mugissait à ses oreilles. « Je serai entendu ! »

Le crâne de Katam riait. Il était impossible de l’entendre à cause du vacarme, mais son expression ne faisait aucun doute et il plissa les yeux avec une joie cruelle.

Le gouffre noir s’élargit et se referma sur van Horstmann tel une grande gueule sombre.

Van Horstmann avait passé beaucoup de temps dans sa tête, à parcourir des endroits qui n’existaient pas dans la réalité. Il connaissait le sentiment que procuraient ces endroits ; les pans qui se dérobaient aux sens, comme s’ils ne voulaient pas être perçus, et les autres, brillant d’un éclat aveuglant. La terre coincée sous ses ongles le piquait, et le ciel était si flou que son esprit n’en distinguait même pas la couleur.

Des bouts de roche brisés flottaient telles des îles. Des chaînes cloutées maculées de sang les retenaient au sol, s’entrecroisant à l’image de toiles d’araignée en fer. Des vers aussi longs et larges que les fleuves de l’Empire sinuaient et plongeaient dans le vide, leurs mâchoires arrondies se gonflant pour avaler les pierres incandescentes qui tombaient du ciel telle une pluie de lumière. Des arbres s’accrochaient aux îles, des corps désarticulés et en pièces coincés dans leurs branches noueuses et dénudées. Ici et là des cadavres se détachaient, les stigmates d’un supplice marquant leur peau lacérée et le visage figé comme s’ils poussaient un hurlement sans fin.

Derrière van Horstmann, il y avait un escalier qui s’élevait depuis l’île où il se situait. Un ouvrage bâti de blocs de pierre blanche. Des doigts et des lambeaux de peau étaient coincés entre ces blocs, assemblés par endroits avec les cadavres des esclaves qui l’avaient construit.

Van Horstmann prit une inspiration profonde. L’air était brûlant, quasiment irrespirable. Il posa un genou à terre et son esprit l’invita à monter. Il ne savait pas d’où sortait cette injonction mentale ; il lui semblait plus logique de se rouler en boule jusqu’à ce que l’endroit disparaisse. Mais l’ordre ne souffrait aucune discussion. Il devait monter.

Van Horstmann se releva et fit un pas. La roche aiguë et la terre lui arrachèrent la peau des paumes et des genoux. La douleur envahit ses membres, puis ses organes. Dans cet endroit, elle était magnifiée, du moins différente, comme un être vivant qui, une fois libéré, comptait bien profiter du corps jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à en tirer.

Un autre pas. Van Horstmann sentit le goût du sang lui envahir la bouche.

Il avait connu pire, avait voyagé dans certains recoins du Vieux Monde complètement abandonnés par les dieux, des endroits glacés oubliés de tous, à l’exception des fous. Il avait escaladé des montagnes couronnées de glace et manqué de périr dans les déserts du nord de l’Arabie, enseveli vivant par une tempête de sable dans la caverne d’un voleur, en luttant contre une fièvre terrible. Il avait survécu à tout cela. Il survivrait bien à ce qui l’attendait.

Mais même si cet endroit n’était pas complètement réel, à la manière d’Altdorf et de la pyramide de l’ordre Lumineux, il l’était assez pour qu’il y perde la vie. Cela, au moins van Horstmann l’avait bien compris.

Il posa la main sur la première marche. Ses doigts laissèrent des traces ensanglantées lorsqu’il s’y hissa. Il vit les plis de peau entre les pierres, distingua à peine les cerceaux d’orbites écrasées, les langues et les oreilles. S’agissait-il vraiment des bâtisseurs de l’escalier, ou des restes de ceux qui avaient tenté de le gravir ?

Van Horstmann se hissa, marche après marche, du sang lui coulant des doigts au moindre centimètre franchi. Les pierres semblaient bouger et pencher, tentant de le renverser ou de le renvoyer au pied des marches, mais il remit de l’ordre dans ses idées et poursuivit. Cet endroit était dans sa tête, ce qui ne voulait pas dire qu’il n’était pas réel, mais cela lui donnait une présence qu’il n’avait pas dans le monde physique. Tout cela n’existait finalement que grâce à lui. Il changeait et l’environnement changeait aussi. Lorsqu’il se raidissait, son milieu en faisait de même pour conserver sa cohérence.

Tout se passait dans sa tête, mais aussi dans l’Æthyr, où ces choses étaient réelles. Certains l’appelaient le Royaume du Chaos, un monde où tout pouvait devenir réalité pour ceux qui savaient sculpter par la pensée. Il existait certaines régions du monde qui étaient mitoyennes, et c’est de là que sortaient les armées des Dieux Sombres.

Si van Horstmann avait donné libre cours à ses pensées, ce monde aurait sombré dans une folie inimaginable, une sorte de fosse bouillonnante qui aurait privé son esprit de tout ce qui faisait de lui un humain. Il avait lu les mémoires de ceux qui avaient été contaminés de la sorte et craignait que la folie ne l’emportât. Il était déjà venu, dans les souvenirs de la poignée d’hommes passés ici et qui étaient encore capables d’écrire en en rentrant.

Au sommet de l’escalier se trouvait la salle du trône. Si on ne voyait d’en bas qu’un ciel infini et imperceptible, ici il s’agissait d’une salle voûtée cyclopéenne aux flancs de pierre, ornée d’assez de soie et de bannières brodées pour recouvrir un continent. Là, sur le trône gigantesque, un tas de livres brûlants de la taille d’une montagne, était assis le Prince des Mensonges : une énorme masse de chair vaguement humanoïde et dépourvue de tête. Son corps était couvert de visages : un millier – non, un million – autant de masques de peau rose, si nets que van Horstmann distinguait parfaitement l’expression de chacun. Toutes les émotions possibles y figuraient. Sur ce trône était assise la somme de tout ce qu’était capable de ressentir un être humain.

Tout autour du Prince des Mensonges gambadaient un million de démons composés de nœuds de chair luisante et d’os capables de se transformer cent fois par seconde. Toutes les formes de beauté et d’horreur monstrueuse y étaient représentées, offrant à chaque seconde une galerie vertigineuse de silhouettes que l’esprit de van Horstmann était incapable d’assimiler. C’était la folie incarnée, la Cour des Mensonges qui dansait et donnait le spectacle de la pièce dans laquelle toute chose à venir était jouée.

Van Horstmann réprima impitoyablement le sentiment d’incrédulité qui s’emparait de lui, qui voulait l’aveugler et l’assourdir, chasser la sensation, l’odeur et le goût du Prince des Mensonges. Il ne le permit pas. Il se préparait à ce moment depuis longtemps. Pour arriver au bout de la route qu’il avait empruntée, il devait relever cette épreuve.

— Ainsi, tu t’agenouilles enfin devant nous, » dit le Prince des Mensonges. « Tu auras pris ton temps, van Horstmann. »

Ce n’était pas une voix, mais les propres pensées de van Horstmann qui prenaient forme dans son esprit, tels des envahisseurs d’un autre royaume venus pour violer sa conscience. Il eut un mouvement de recul et son âme voulut rebrousser chemin pour se réfugier dans la pyramide de Lumière, mais il maîtrisait cette partie lâche de lui-même depuis longtemps.

— Tu n’es pas Tzeentch, » observa le sorcier. « Sans quoi je serais devenu fou en posant les yeux sur toi.

— Et comment sais-tu que tu n’es pas fou ? » demanda le prince de ses mille bouches.

— Tu es Son serviteur. Peut-être un de Ses aspects. Peu importe. Je sais qu’Il m’entend. Et j’ai fait ce qu’Il m’a demandé.

— Je ne t’ai rien demandé.

— J’ai détruit des connaissances sacrées sur Son autel, » rétorqua van Horstmann. « Je Lui ai fait ce sacrifice. C’est ce qu’Il a demandé à près d’une centaine de sorciers avant moi. J’ai lu leurs textes. Je sais ce qu’ils ont fait et ce qu’ils cherchaient. Je le cherche moi aussi.

— Et tu es différent des autres. Tu ne me décevras pas. Tu comprends ce que je demande. Tu peux satisfaire mes demandes. La volonté ne te fera pas défaut, tu ne tomberas pas au combat. Tu es différent de tous les sorciers qui se sont agenouillés comme tu le fais, et qui sont morts sans tenir leurs promesses.

— Oui, » confirma van Horstmann. « Je suis différent.

— C’est bien, c’est très bien, » dit le prince, d’une voix tellement sarcastique que van Horstmann s’écroula, face contre terre. « Quel régal. Sorcier Lumineux et ennemi des démons de jour. Et démonologue de nuit, à s’aplatir devant le Dieu du Changement pour obtenir ses faveurs. Comment un homme peut-il réussir cet exploit ?

— J’ai appris grâce à la haine, » répondit van Horstmann en serrant les dents. Du sang lui dégoulina de la bouche et tomba sur le sol de marbre. Peut-être en crachait-il réellement dans la chambre du magister Vek. « Tous deux peuvent coexister et se dévouer au seigneur Tzeentch si la haine qui les unit est assez grande. Et elle l’est, croyez-moi. Elle est aussi grande que tout ce que l’esprit d’un homme peut concevoir.

— Un esprit trop faible cependant pour regarder en face le dieu qu’il s’est choisi, » dit le Prince des Mensonges. Il se leva de son trône et aurait pu parcourir des royaumes entiers d’une simple foulée. Un déluge de livres incandescents tomba lorsqu’il se redressa de toute sa hauteur, mettant le feu aux soies qui partirent en fumée.

— Vous… vous êtes tel que Berthold Wormiaus vous avait décrit, » fit van Horstmann d’une voix entrecoupée, ses sens saturés par la vue du dieu qui s’approchait de lui à grands pas. « Dans les Fragments norses. Et tel que dame Eiger l’a écrit dans ses poèmes. Tel que mon esprit s’imaginait Tzeentch, et c’est donc comme tel que cette parcelle de Sa volonté m’apparaît.

— Et es-tu prêt à voir Tzeentch tel qu’il est vraiment ? »

Van Horstmann se redressa pour se mettre à genoux. L’effort fut tel qu’il crut bien se briser l’échine, et il regarda le Prince du Mensonge dans les yeux, situés sur sa poitrine. L’expression de ce visage était suffisante, méprisante, n’exprimait que de la pitié.

— Oui.

Van Horstmann savait que cela devait arriver, qu’il serait amené à faire face au Prince des Mensonges sur son terrain, dans un royaume où il contrôlait tout ce que ses sens percevaient. Et bien évidemment, après avoir accédé à tout ce que renfermait son esprit, il n’y aurait qu’une forme que pourrait adopter la chose.

La Cour des Mensonges s’enfonça dans une vaste fosse grouillante. Le Dieu des Mensonges se transforma en une masse de serpents, tous plus répugnants que les autres, le tout s’entremêlant de manière obscène.

Van Horstmann sauta dans la fosse, et même s’il savait que cela devait arriver, cela n’empêcha pas son esprit d’être submergé par l’horreur.

Dans les ténèbres étouffantes figurait un endroit qu’il avait visité à de nombreuses reprises. À certaines périodes de sa vie, il s’y était rendu chaque fois qu’il dormait. Désormais, il s’y retrouvait quand il était poussé aux limites de son endurance mentale, ou quand un grand choc survenait, comme si, pour se dérober à un traumatisme, il franchissait une porte l’emmenant dans le dernier endroit où il voulait aller.

Aujourd’hui, tout semblait plus réel que dans ses souvenirs ; aussi réel que le temps qui les inspirait. Les écailles contre sa peau. Le néant sous ses pieds, l’effroyable certitude qu’il n’y avait rien, sinon une éternité de serpents se frayant un chemin jusqu’au centre du monde.

Leur bruit. Leur odeur ; ils empestaient. Il arrivait à peine à respirer. C’était la même chose. Ce n’était pas un souvenir. Il était de retour, pour de vrai, cela ne faisait aucun doute.

Il tendit les mains comme un enfant tombé dans une rivière et ne sachant pas nager. Ses mains n’agrippèrent que des masses de muscles écailleux qui se dérobaient sans cesse et tentaient de le prendre dans leurs anneaux pour l’écraser et le noyer. Puis il effleura quelque chose du bout des doigts. C’était mou et frissonnant.

Une autre main, mince, qu’il prit dans la sienne. Il sentit une bague et sut que c’était elle.

Elle était chaude. Encore en vie.

Il redoubla d’efforts, agita les jambes en s’appuyant sur la masse de serpents pour remonter. Il crut sentir de l’air frais lui caresser le visage, comme s’il s’approchait de la surface. Sa main était cramponnée à la sienne et il avala une goulée d’air nauséabond, les poumons brûlants, en crevant la surface.

— Lizbeta ! » fit-il d’une voix entrecoupée, avant de replonger.

Les anneaux se refermèrent sur lui. L’obscurité, plus profonde que jamais, l’engloutit.

Quand van Horstmann se réveilla, il était seul. Il ne voyait rien et sentait juste le sol dur sous son dos. Il respirait de façon saccadée et sa gorge lui faisait mal. L’endroit était froid et silencieux.

Lizbeta. Il avait prononcé son nom. Cela tournait rarement aussi mal. En règle générale, il sortait son esprit de la fosse avant qu’elle n’arrive. Mais cette fois, il avait perdu le contrôle.

Une faible lueur au-dessus de sa tête attira son regard, comme une étoile éloignée visible par une nuit nuageuse. La tache grossit lentement. Les écailles polies qui scintillaient dans cette lumière prirent la forme d’un gros serpent musculeux sinuant en direction du sorcier.

La peur changea de nature. Van Horstmann voyait bien qu’il n’était pas réel, qu’il ne s’agissait pas de l’un des serpents qui s’étaient enroulés autour de lui et avaient broyé tous ses espoirs. Cette fois, la peur découlait du fait que le Prince des Mensonges s’était insinué dans son esprit et en avait tiré ce moment, cet instant que van Horstmann avait si pieusement protégé.

Le serpent se cabra au-dessus de van Horstmann et prit la parole avec la voix du Prince des Mensonges.

— Voilà ce que je suis vraiment, » dit-il. « Non pas un dieu de l’au-delà, mais un dieu qui vit en toi, et dans l’esprit de tous ceux qui se sont donnés à moi. Comprends-tu qui je suis maintenant ?

— Oui, » répondit van Horstmann, qui ne put que chuchoter.

— Et tu comptes toujours me servir ?

— Oui. » Il n’y eut aucune hésitation. « Je vous servirai.

— En échange de quoi ?

— Je ne veux qu’une chose. Et vous savez ce que c’est.

— En effet. Et je puis te l’offrir. »

Van Horstmann déglutit à grand-peine.

— Vous aurez tout ce que vous voulez de l’ordre Lumineux. De ses chambres fortes, de ses magisters, tout.

— Je sais, » dit le serpent. « Mais je suis un dieu. Je puis prendre ce que je désire de toutes les chambres fortes ensorcelées du monde, et les détruire si l’envie me prend. Tu pourrais par exemple m’offrir un autodafé, mais dis-moi pourquoi je devrais y porter la moindre attention.

— Parce que la seule chose que vous ne puissiez prendre, c’est l’obéissance ; j’entends par là une obéissance consentie. Elle doit vous être offerte librement. C’est la seule chose qu’un dieu désire ardemment, car c’est la seule chose qui est hors de Sa portée.

— C’est vrai, » fit le serpent en agitant sa langue fourchue. « Et effectivement, je le désire. Mais tu sais parfaitement ce que je veux vraiment.

— Vous ne pouvez pas l’avoir. Je ne vous remettrai pas mon âme, pas plus que je ne la confierais à Sigmar. C’est ma seule condition. Pour le reste vous aurez ce que vous voulez. Mais pas mon âme. Et je ne vous demande pas grand-chose. Juste une petite information. J’ai démêlé seul le gros de la voie que j’ai empruntée. J’ai juste besoin de quelques éclaircissements sur ma carte, et je ne vous demanderai plus jamais rien.

— J’aurai ton âme, Egrimm van Horstmann.

— Non, seigneur Tzeentch. Vous ne l’aurez pas. C’est le marché que je vous propose, le contrat que je signerai. Tout ce que vous voudrez, à l’exception de mon âme, contre les connaissances dont j’ai besoin pour obtenir ce que je veux. »

Le serpent parut réfléchir. Il avait un large cou, comme les cobras des déserts d’Arabie ou des Terres du Sud, et deux yeux semblables à des braises. Sa queue se balançait paresseusement de gauche à droite.

— Cela me convient, » dit le Prince des Mensonges, aussi connu sous le nom de Tzeentch, de l’Architecte du Changement et de mille autres noms. « Je signerai. »

Van Horstmann ferma les yeux et libéra le souffle qu’il retenait jusqu’à présent réalisa-t-il.

— Alors dites-moi. Je dois tout savoir. Dites-moi.

— Je t’offre ces connaissances uniquement parce que je veux bien que tu te venges. Tout arrive parce que je le veux bien. Ne l’oublie jamais, Egrimm van Horstmann.

— Je connais les conditions du marché que nous avons conclu.

— Alors écoute. »

Van Horstmann ne sut jamais combien de temps il était resté allongé là, à boire les paroles du serpent. Cela ne dura peut-être qu’une poignée de secondes, mais l’effort nécessaire à son esprit pour les assimiler lui donna l’impression que des heures s’étaient écoulées. D’ailleurs, peut-être s’agissait-il bien d’heures, car le temps est capable de s’étirer et d’être manipulé dans l’esprit.

Van Horstmann eut le sentiment de savoir déjà une partie des révélations du dieu, mais au moins fut-il libéré des doutes qui auraient pu détourner sa main de ce qui devait être fait. Certaines connaissances lui étaient néanmoins totalement inconnues. D’autres l’aidèrent à faire un choix entre deux voies, jugées jusqu’alors aussi dangereuses et profitables. Et beaucoup semblèrent inopportunes, mais van Horstmann les rangea dans un coin de la gigantesque banque de données de sa mémoire, en sachant qu’elles seraient importantes un jour.

Il y avait toujours plus, promit le Prince des Mensonges. Tout ce dont van Horstmann aurait besoin pour venir à bout de ses ennemis. Il pourrait avoir ce qu’il voulait. Il pourrait régner. Il pourrait se tailler son propre royaume dans l’Æthyr, un lieu fondé sur la magie dans lequel il exercerait sa volonté et régnerait tel un dieu. Mais le prix était trop élevé. C’était toujours la même chose : son âme, la seule chose grâce à laquelle il pouvait décider de son avenir. Et il était hors de question d’y renoncer.

Bien évidemment, beaucoup l’avaient fait. Chacun des ouvrages que van Horstmann avait découvert, au fil de ses recherches dans des cairns oubliés ou les bibliothèques interdites de nobles dépravés, avait été consigné par un pauvre idiot qui avait vendu son âme aux Dieux Sombres. Tous l’avaient regretté. La même parabole écrite un millier de fois, par ceux qui pensaient qu’il existait un monde digne de sacrifier leur liberté. Mais il n’y en avait jamais. Van Horstmann n’allait pas faire la même erreur. Peut-être n’arriverait-il jamais au bout de sa voie. Peut-être mourrait-il, peut-être serait-il tué, jugé et démembré devant une foule déchaînée, sous la hache d’un bourreau. Mais il était hors de question de perdre son âme en même temps que la vie.

Le Prince des Mensonges termina enfin. Le pacte avait été scellé et chacune des parties en avait accepté les conditions. Les outils de la vengeance, en échange de tout ce que van Horstmann pouvait arracher aux entrailles de l’ordre Lumineux. Le serpent disparut, les ténèbres volèrent en éclats et van Horstmann réalisa qu’il était allongé par terre, dans ses quartiers.

Le parfum âcre de la fumée flottait encore dans l’air. Le sorcier avait dû gesticuler, car certaines des babioles du magister Vek étaient renversées tout autour de lui, sans compter ses genoux et ses coudes couverts de bleus.

Le crâne de Katam, toujours sur le bureau, semblait le regarder de haut, non sans un certain amusement.

— On aurait dit un enfant faisant un cauchemar, » dit l’objet. « Comme un chaton miaulant pour que sa mère vienne le sauver. »

Van Horstmann se releva et fut pris de vertige quelques instants, sans doute parce que le sang redescendait brutalement dans ses membres. Il s’appuya contre le bureau, dans lequel était profondément gravé le symbole de Tzeentch. Il pensa aussitôt qu’il allait devoir trouver le moyen de le cacher. À bien y réfléchir, il allait devoir cacher beaucoup de choses.

Il sentit une douleur cuisante sur le dos de la main droite, qui remontait sur son poignet et son avant-bras. Il remonta la manche de sa robe et vit les mots qui lui brûlaient la peau. Contrairement au contrat écrit sur son torse, cette brûlure apparaissait sous la peau. Elle était due à des filaments d’énergie originaires de l’Æthyr.

Les mots étaient écrits dans une des langues de l’Æthyr, un langage lyrique dont le sens variait suivant l’humeur du lecteur et que van Horstmann avait appris au tout début de ses études démonologiques. La dernière ligne dévoilait la marque de Tzeentch, semblable à celle que le sorcier avait gravée sur le bureau, tandis qu’une autre avait la signature de van Horstmann. Le contrat complet lui couvrait le dos de la main et s’entortillait autour d’une bonne moitié de son avant-bras.

Van Horstmann fléchit prudemment les doigts. Ils le piquaient, mais la douleur était supportable. Il se rendit à la chambre à coucher et prit une robe de Vek avec un ourlet noir, de celles qu’il portait sans doute aux funérailles d’autres magisters. Il déchira une partie de l’ourlet et l’enroula autour de sa main blessée en serrant bien fort pour cacher le contrat.

« Alors ça y est, » dit le crâne de Katam.

— Ça y est, » confirma le sorcier.

— Je t’avais bien dit, » reprit l’objet, « qu’il te suffirait de lui faire une offre alléchante pour qu’il t’écoute. Les trésors de l’ordre Lumineux ont attiré Son attention, hein ?

— Oui.

— Et maintenant ?

— Je dois réfléchir. Tu as fait tout ce que je t’avais demandé.

— Mais bien sûr. » Le sourire du crâne parut s’élargir. « Après tout, nous sommes du même côté. »

Van Horstmann s’assit sur la chaise située près du bureau. Il était parfaitement conscient de son état de fatigue. Bien que l’ascension exténuante et la chute dans la fosse se soient déroulées dans son esprit, son corps avait reproduit chacun de ses gestes, si bien que sa robe était trempée de sueur et que ses articulations lui faisaient mal. Il se passa la main sur le visage et sentit son cuir chevelu dégoulinant de sueur. Il avait la gorge à vif, et il se demanda s’il avait hurlé pendant qu’il était inconscient.

« Il vaudrait mieux que tu déchiffres le code de Vries pour le donner au grand magister si tu ne veux pas qu’il commence à se méfier.

— J’ai déchiffré ce code il y a une demi-saison. Le vocabulaire se cache derrière le nombre de pétales, la grammaire derrière le nombre de feuilles. Vries n’a même pas utilisé de sous code, le texte saute aux yeux.

— Alors on reprend la route ?

— Oui. »

Van Horstmann contempla le crâne serti de joyaux. Il ne pouvait bien évidemment pas lui faire confiance. S’il avait appris quelque chose durant ses recherches, c’était bien cela. Mais il avait son utilité. Il lui avait permis de contacter le Prince des Mensonges, d’obtenir une audience, non pas un message onirique ou un étrange augure, mais une conversation avec le dieu. Ou un aspect du dieu, ou un serviteur, ou une partie de son esprit infectée par la volonté du dieu. Une audience, en tout cas, ce qui n’aurait pu arriver sans le crâne. Mais de là à lui faire confiance…

Van Horstmann se demanda s’il était encore capable de faire confiance à quelqu’un. Mais quelle valeur avait ce sentiment de toute façon ? S’il l’avait perdu à tout jamais, il y avait peu de chances qu’il lui manque.