- Sauf s'il le faut. ª

David et le Dr Salem échangèrent un regard.

´ que voulez-vous dire par là ? ª

Toni changea d'intonation. Elle parut soudainement sur la défensive. Éh bien, pour se protéger, par exemple. Si quelqu'un vous attaque. ª Elle donnait des signes d'agitation.

Śi un salaud veut vous faire subir des sévices sexuels... ª

Son agitation atteignait au paroxysme.

´ Toni... ª

Elle se mit à sangloter. ´ Pourquoi ne me fichez-vous pas la paix ? Pourquoi faut-il qu'on... ? ª Elle hurlait.

´ Toni... ª

Silence.

´ Toni... ª

Rien.

Élle n'est plus là, dit le Dr. Salem. J'ai envie de réveiller Ashley. ª

David soupira. ´ D'accord. ª

quelques minutes plus tard, Ashley ouvrit les yeux.

Ćomment vous sentez-vous ? demanda David.

- Fatiguée. «a s'est... ça s'est bien passé ?

- Oui. Nous avons parlé à Alette et à Toni. Elles...

- Je ne veux pas le savoir.

- Comme vous voudrez. Vous devriez peut-être vous reposer maintenant, Ashley. Je reviendrai vous voir cet après-midi. ª

Ils regardèrent une gardienne la reconduire à sa cellule.

Íl faut que vous la fassiez témoigner, David. N'importe quel jury au monde sera convaincu que...

- J'y ai beaucoup réfléchi. Je crois que ça me sera impossible. ª

Le Dr Salem lui adressa un regard intrigué. ´ Pourquoi ?

- Brennan, le procureur, ne fait pas de cadeaux, Il la réduirait en miettes. Je ne peux pas courir ce risque. ª

Deux jours avant l'ouverture du procès, Sandra et David étaient à table avec les quiller.

Ńous avons pris une chambre à l'hôtel Wyndham, dit David. Le gérant m'a fait une fleur. Sandra m'accompagne.

Incroyable ce qu'il peut y avoir de monde à l'hôtel.

- Si c'est à ce point maintenant, dit Emily, vous imaginez ce que ça sera au commencement du procès.

- Je peux t'être utile en quelque chose ? ª demanda quiller en s'adressant à David.

Celui-ci secoua la tête. ´J'ai une décision importante à

prendre. Faire témoigner ou non Ashley.

- C'est une question à double tranchant, dit Jesse quiller.

Dans un sens ou dans l'autre, tu es fichu. L'ennui, c'est que Brennan va présenter Ashley comme un monstre sadique, sanguinaire. Si tu ne la fais pas comparaître à la barre des témoins, c'est l'image que garderont d'elle les jurés quand ils se retireront pour délibérer. D'un autre côté, d'après ce que tu me dis, si tu la cites à la barre, Brennan pourrait la démolir.

- Il va faire discréditer par ses experts médicaux la thèse de la dissociation de personnalité.

- Tu vas devoir leur prouver que le syndrome de personnalité multiple existe bel et bien.

- C'est bien mon intention. Tu sais ce qui m'inquiète, Jesse? Les blagues. La dernière en date est que je voulais que le procès ait lieu dans un autre comté mais que je me suis ravisé parce qu'il n'existe pas un seul endroit o˘ Ashley n'ait pas tué quelqu'un. Tu te rappelles l'époque o˘ Johnny Carson animait son émission à la télé ? Il était spirituel et demeurait toujours dans les limites de la décence. Maintenant, les ani-mateurs de talk-shows ont tous l'esprit mal tourné. Il exercent leur humour aux dépens du public.

- David?

- Oui.

- Et ça ne va aller qu'en empirant ª, déclara tranquillement Jesse quiller.

La veille du procès, David Singer ne put trouver le sommeil, il ne parvenait pas à endiguer les pensées négatives qui lui traversaient l'esprit. Il avait enfin réussi à s'endormir lorsqu'il entendit une voix lui dire : Tu as laissé mourir ta dernière cliente. que se passera-t-il si tu fais la même chose cette fois-ci ?

Il se redressa dans le lit, tout en sueur.

Sandra ouvrit les yeux. ´ «a va?

- Oui. Non. Je me demande comment j'ai pu m'embarr-quer dans cette galère. Je n'avais qu'à dire non au Dr Patterson. ª

Sandra lui étreignit le bras et demanda d'une voix douce :

´ Pourquoi ne l'as-tu pas fait ?

- Tu as raison, grommela David. Je n'ai pas pu m'y résoudre.

- Eh bien voilà. Maintenant, si tu dormais un peu pour être frais et dispos demain matin ?

- Tu parles ! ª

Et il passa le reste de la nuit éveillé.

Le juge Williams avait été correct avec les médias. La presse était impitoyable. Les journalistes arrivaient en masse du monde entier, avides de couvrir le procès d'une belle jeune femme accusée d'être une tueuse en série, et qui pratiquait de surcroît sur ses victimes des mutilations sexuelles.

Le fait que l'on e˚t interdit à Mickey Brennan de citer les noms de Jim Cleary et de Jean-Claude Parent avait causé au procureur quelque dépit que les médias s'étaient cependant empressés de compenser à leur manière : les talk-shows télévisés, les magazines et les journaux contenaient tous des reportages horribles sur les cinq meurtres et castrations.

Mickey Brennan était ravi.

Lorsque David arriva au tribunal, la presse l'attendait de pied ferme. Il fut littéralement assiégé.

´ Maître Singer, êtes-vous employé par le cabinet Kincaid, Turner, Rose & Ripley ? ª

´ Regardez par ici, maître Singer... ª

Ést-il vrai que vous avez été licencié pour avoir accepté

cette affaire... ? ª

´ que pouvez-vous nous dire au sujet d'Helen Woodman ?

N'est-ce pas vous qui l'aviez défendue lors de son procès pour meurtre... ? ª

Állez-vous appeler votre cliente à la barre des témoins... ? ª

´ Je n'ai rien à déclarer ª, répondit sèchement David.

Dès son arrivée au tribunal à bord de sa voiture, Mickey Brennan fut entouré par les journalistes.

´ Maître Brennan, comment le procès va-t-il se passer, à

votre avis...?ª

Ávez-vous déjà plaidé dans un procès de personnalité

multiple...?ª

Brennan eut un sourire chaleureux. Ńon. Mais je suis impatient de m'entretenir avec toutes les accusées. ª Il obtint les rires qu'il désirait. Śi elles sont assez nombreuses, elles pourront faire équipe. ª Nouveaux rires. Íl faut maintenant que je rentre à l'intérieur du tribunal. Je ne voudrais pas faire attendre l'une ou l'autre des prévenues. ª

Le juge Williams entama la procédure de sélection du jury en posant des questions générales aux jurés potentiels.

Lorsqu'elle eut terminé, ce fut au tour de la défense puis de l'accusation de procéder aux interrogatoires.

Aux yeux d'un profane, la sélection d'un jury semble consister tout simplement à choisir le juré qui semble animé

d'intentions amicales et à écarter les autres. En fait, la procédure de sélection obéit à un rituel soigneusement préparé. Les avocats d'assises expérimentés n'interrogent pas les jurés potentiels sur des points susceptibles de provoquer des réponses affirmatives ou négatives. Ils posent des questions générales qui encouragent les jurés à parler et à révéler quelque chose sur eux-mêmes et sur leurs véritables sentiments.

A cet égard, Mickey Brennan et David Singer voyaient les choses d'un úil différent. Brennan voulait que le jury soit en majorité composé d'hommes, lesquels seraient dégo˚tés et scandalisés à la seule idée qu'une femme p˚t poignarder et ch‚trer ses victimes. Les questions de Brennan visaient à

repérer avec exactitude entre les jurés potentiels ceux qui avaient une mentalité traditionnelle, ceux qui étaient le moins susceptibles de croire aux esprits et aux farfadets et ceux qui affirmaient être habités par des alter ego. David avait adopté

la démarche opposée.

´ Monsieur Harris, n'est-ce pas ? Je représente la prévenue.

Avez-vous déjà fait partie d'un jury dans le passé, monsieur Harris?

- Non.

- Je vous remercie d'avoir pris le temps et la peine de vous déplacer.

- Un grand procès pour meurtre comme celui-là devrait être intéressant.

- Oui. Je le pense aussi.

- En fait, j'avais h‚te qu'il commence.

- Ah oui?

- Ouais.

- O˘ travaillez-vous, monsieur Harris ?

- A la United Steel. Dans la métallurgie.

- Je suppose qu'au travail vous avez parlé de l'affaire Patterson entre vous.

- Oui. Tout à fait.

- C'est compréhensible. Tout le monde en parle, on dirait.

qu'est-ce qu'on en pense, généralement? Vos camarades de travail jugent-ils Ashley Patterson coupable?

- Ouais. «a, je dois dire que oui.

- Et vous le pensez aussi ?

- Oui, elle m'a tout l'air d'être coupable.

- Mais vous êtes disposé à écouter l'exposé des preuves avant de vous faire une opinion définitive ?

- Ouais.

- quelles sont vos lectures préférées, monsieur Harris.

- Je ne lis pas beaucoup. Moi ce que j'aime, c'est bivoua-quer en plein air, la pêche et la chasse.

- Vous aimez la nature. quand vous campez la nuit et que vous regardez les étoiles, vous arrive-t-il de vous demander s'il existe d'autres planètes habitées ?

- C'est-à-dire ces idioties comme les soucoupes volan-tes ? Je ne crois pas à toutes ces balivernes. ª

David se tourna vers le juge Williams.

´ Refusé avec motifs à l'appui, Votre Honneur. ª

Autre interrogatoire d'un juré potentiel : Á quoi occupez-vous de préférence vos loisirs, monsieur Allen?

- Eh bien, à lire et à regarder la télévision.

- Ce sont aussi mes loisirs préférés. que regardez-vous à

la télévision ?

- Les grandes émissions de variétés du jeudi soir. Ce n'est pas facile de choisir. Ces sacrées chaînes, elles programment toutes leurs bonnes émissions à la même heure.

- Vous avez raison. Avez-vous déjà regardé X-Files

- Oui. Mes gosses adorent.

- Et Sabrina, la petite sorcière ?

- Ah oui. Nous la regardons. C'est une bonne émission.

- quelles sont vos lectures préférées ?

- Anne Rice, Stephen King... ª

Oui.

Autre interrogatoire d'un juré :

´ quelles sont vos émissions préférées à la télévision, monsieur Mayer ?

- Surtout les journaux télévisés, les émissions d'information, les documentaires...

- que lisez-vous de préférence ?

- Surtout des ouvrages d'histoire et des livres sur la politique.

- Merci. ª

Non.

Le juge Tessa Williams suivait les interrogatoires, le visage impassible. Mais, chaque fois qu'elle regardait David, celui-ci percevait chez elle un sentiment de réprobation.

Lorsqu'on eut finalement procédé à la sélection, le jury se trouva composé de sept hommes et cinq femmes. Brennan adressa un regard triomphal à David. «a va être un mas-sacre.

CHAPITRE SEIZE

Le jour o˘ le procès devait débuter, au début de la matinée, David alla voir Ashley Patterson au centre de détention. Elle était au bord de la crise de nerfs.

Ć'est insupportable ! Je ne peux pas ! Dites-leur de me laisser tranquille.

- Ashley, tout va bien se passer. Nous allons les affronter et nous allons gagner.

- Vous ne savez pas... Vous ne savez pas ce que c'est.

J'ai l'impression de vivre un enfer. ª

Elle tremblait. ´J'ai peur qu'ils... qu'ils me fassent subir des choses horribles.

- Je les en empêcherai, déclara David avec fermeté.

Faites-moi confiance. Rappelez-vous seulement que vous n'êtes pas responsable des faits qui vous sont reprochés. Vous n'avez rien fait de mal. On nous attend. ª

Elle respira profondément. ´ D'accord. «a ira. «a ira. «a ira. ª

Le Dr Steven Patterson était assis parmi le public, il avait répondu par une seule réponse au tir de questions que lui avaient adressées les journalistes à l'extérieur du tribunal :

´ Ma fille est innocente. ª

Jesse et Emily quiller, venus apporter leur soutien moral, avaient pris place plusieurs rangées derrière lui.

Sandra et Ashley étaient assises à la table de la défense, de chaque côté de David.

´ David, il suffit de regarder Ashley pour voir qu'elle est innocente.

- Sandra, il suffit aussi de regarder les preuves compro-mettantes qu'elle a laissées sur ses victimes pour savoir qu'elle les a tuées. Mais les avoir tuées et être coupable sont deux choses différentes. Il me reste à en convaincre le jury. ª

Le juge Williams pénétra dans le prétoire et se dirigea vers son siège. Le greffier annonça: ´Tout le monde se lève.

L'audience est ouverte sous la présidence de l'Honorable Juge Tessa Williams. ª

Celle-ci dit : ´ Vous pouvez vous asseoir. Nous allons juger l'affaire Ashley Patterson instruite par le ministère public de l'Etat de Californie. Commençons. ª Le juge regarda Brennan. ´ Le procureur désire-t-il faire une déclaration préliminaire ? ª

Mickey Brennan se leva. Óui, Votre Honneur. ª Se tournant vers les jurés, il s'approcha d'eux. ´ Bonjour. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, la prévenue est mise en accusation dans ce procès pour avoir commis trois meurtres extrêmement cruels. Les assassins se dissimulent sous divers travestissements. ª Il se tourna vers Ashley. ´ Le sien consiste à jouer la jeune femme innocente, fragile. Mais le ministère public vous prouvera au-delà de tout doute raisonnable que l'accusée a délibérément et en connaissance de cause assassiné et mutilé trois innocents.

Élle a utilisé un alias pour commettre l'un de ces meurtres, espérant ne pas se faire prendre. Elle savait exactement ce qu'elle faisait. Nous parlons ici de meurtre prémédité, commis de sang-froid. A mesure du déroulement du procès, je démêlerai un à un devant vous tous les fils qui relient ces crimes à l'accusée ici présente. Merci. ª

Il retourna à son siège.

Le juge Williams regarda David. ´ La défense a-t-elle une déclaration préliminaire à faire ?

- Oui, Votre Honneur. ª David se leva et se tourna pour faire face au jury, Il prit une longue inspiration. ´ Mesdames et Messieurs, au cours de ce procès, je vous apporterai la preuve qu'Ashley Patterson n'est pas responsable des faits dont on l'accuse. Elle n'avait aucune raison de commettre l'un ou l'autre de ces meurtres et en ignorait tout. Ma cliente est une victime. Elle souffre d'un syndrome de personnalité

multiple, une pathologie qui vous sera, bien entendu, expliquée au cours du procès. ª

Avec un coup d'úil en direction du juge Williams, il ajouta d'une voix ferme : ´ Le syndrome de personnalité multiple est un fait médical établi. Il signifie que d'autres personnalités, ou alter ego, prennent possession du sujet dont ils contrôlent les actes. Cette pathologie n'est pas nouvelle.

Benjamin Rush, un médecin signataire de la Déclaration de l'Indépendance des Etats-Unis, au xviiie siècle, discutait déjà

de certains cas atteints de cette maladie dans ses conférences.

Au XIXe siècle et durant ce siècle-ci, il est fréquemment fait état de gens envahis par des personnalités d'emprunt. ª

Brennan écoutait, un sourire cynique plaqué sur le visage.

Ńous vous démontrerons que c'est un alter ego qui a pris le dessus et a perpétré les meurtres qu'Ashley Patterson n'avait absolument aucune raison de commettre. Aucune. Elle n'était pas du tout maîtresse de ses actes et, au nom de la justice, nous demandons qu'elle ne soit pas reconnue coupable de crimes dont elle n'est pas responsable. ª

David se rassit.

Le juge Williams regarda Brennan. ´ Le ministère public est-il prêt à procéder? ª

Brennan se leva. Óui, Votre Honneur. ª Il adressa un sourire à ses collaborateurs et alla se placer devant le box des jurés, il y resta quelques instants silencieux et l‚cha délibérément un rot bruyant. Les jurés, surpris, le dévisageaient.

Il les regarda durant de longues secondes d'un air perplexe puis son visage s'éclaira. Óh, je vois. Vous attendiez que je vous fasse des excuses. Eh bien, je ne me suis pas excusé

parce que ce n'est pas moi qui ai roté. C'est Pète, mon alter ego. ª

David se leva, furieux. Óbjection. Votre Honneur, c'est la plus scandaleuse...

- Objection retenue. ª

Mais le mal était fait.

Brennan adressa à David un sourire condescendant puis revint au jury. Éh bien, j'ose espérer que l'on n'a pas adopté

un système de défense comme celui-ci depuis les procès des sorcières de Salem, il y a trois siècles. ª Il se tourna pour regarder Ashley. Će n'est pas moi, m'sieur. Non, m'sieur.

C'est le diable qui m'a fait agir. ª

David se leva de nouveau. Óbjection. Le...

- Objection rejetée. ª

David se rassit brutalement.

Brennan se rapprocha du jury. ´ Je vous ai promis de vous apporter la preuve que l'accusée avait assassiné et mutilé

avec préméditation et de sang-froid trois hommes - Dennis Tibble, Richard Melton et le shérif adjoint Sam Blake. Trois hommes! Malgré ce que dit la défense ª - il se tourna et montra de nouveau Ashley - íl n'y a qu'une seule accusée assise là et c'est elle qui a commis les meurtres. Comment maître Singer appelle-t-il ça? Syndrome de personnalité multiple?

Eh bien, je vais faire témoigner des médecins éminents qui vous diront, sous serment, qu'un tel syndrome n'existe pas !

Mais écoutons d'abord quelques experts qui établiront le lien existant entre l'accusée et les crimes. ª

Il se tourna vers le juge Williams. ´ Je voudrais appeler mon premier témoin, l'agent spécial Vincent Jordan. ª

Un petit homme chauve se leva et se dirigea vers le box des témoins.

´ Déclinez votre nom en entier, s'il vous plaît, et épelez-le pour le procès-verbal, dit le greffier.

- Agent spécial Vincent Jordan, J-o-r-d-a-n. ª

Brennan attendit qu'il ait prêté serment et se soit assis.

´ Vous travaillez à Washington pour le FBI ?

- Oui, Monsieur.

- Et que faites-vous au FBI, agent spécial Jordan ?

- Je suis responsable du service des empreintes digitales.

- Depuis combien de temps exercez-vous cet emploi ?

- quinze ans.

- quinze ans. Durant tout ce temps, avez-vous déjà

rencontré deux personnes qui aient les mêmes empreintes digitales ?

- Non, monsieur.

- Combien y a-t-il d'empreintes enregistrées actuellement dans les dossiers du FBI ?

- Au dernier relevé, un peu plus de cent cinquante millions, mais nous en recevons trente-cinq mille par jour.

- Et aucune ne se confond avec les autres ?

- Non, monsieur.

- Comment identifiez-vous une empreinte ?

- Nous comparons certains échantillons. Les empreintes sont uniques. Elles se forment avant la naissance et durent toute la vie. Si l'on excepte une mutilation accidentelle ou intentionnelle, il n'existe pas deux échantillons semblables.

- Agent spécial Jordan, on vous a envoyé les empreintes trouvées sur les lieux o˘ ont été assassinées les trois victimes que la prévenue est accusée d'avoir tuées.

- Oui, monsieur. En effet.

- Et on vous a aussi envoyé les empreintes de l'accusée, Ashley Patterson ?

- Oui, monsieur.

- Les avez-vous examinées personnellement?

- Oui.

- Et quelle a été votre conclusion ?

- que les empreintes laissées sur les lieux des crimes et celles prises chez Ashley Patterson étaient identiques. ª

Un murmure bruyant se fit entendre dans la salle.

Śilence ! Silence ! ª

Brennan attendit que le calme soit revenu. Élles étaient identiques ? Vous en êtes bien s˚r, agent Jordan ? Il ne peut pas y avoir eu d'erreur?

- Non, monsieur. Toutes les empreintes étaient nettes et identifiables.

- Pour que les choses soient claires... vous parlez bien des empreintes laissées sur les lieux des meurtres de Dennis Tibble, Richard Melton et le shérif adjoint Samuel Blake ?

- Oui, monsieur.

- Et les empreintes de l'accusée, Ashley Patterson, ont été

trouvées sur les lieux de ces meurtres ?

- En effet.

- Et quelle est la marge d'erreur selon vous ?

- Il n'y en a aucune.

- Merci, agent Jordan. ª Brennan se tourna vers David Singer. ´ Le témoin est à vous. ª

David demeura quelques instants immobile puis se leva et s'approcha du box des témoins. Ágent Jordan, lorsque vous examinez des empreintes, découvrez-vous parfois que certaines ont été délibérément brouillées ou endommagées d'une manière ou d'une autre par le suspect pour dissimuler son crime ?

- Oui, mais nous sommes généralement capables de les restaurer au moyen de techniques au laser haute intensité.

- Avez-vous d˚ le faire dans le cas d'Ashley Patterson ?

- Non, monsieur.

- Pour quelle raison ?

- Eh bien, comme je l'ai dit... les empreintes étaient toutes nettes. ª

David jeta un coup d'oeil en direction du jury. ´ Donc ce que vous êtes en train de dire, c'est que la prévenue n'a fait aucune tentative pour effacer ou déguiser ses empreintes ?

- En effet.

- Merci. Pas d'autres questions. ª Il se tourna vers le jury.

Áshley Patterson n'a fait aucune tentative pour dissimuler ses empreintes parce qu'elle était innocente et...

- Assez, Maître ! jeta sèchement le juge Williams. Vous aurez l'occasion plus tard d'exposer votre plaidoirie. ª

David retourna à sa place.

Brennan se tourna vers l'agent spécial Jordan. ´ Vous pouvez disposer. ª L'agent du FBI descendit du box des témoins.

´Je voudrais appeler mon témoin suivant, Stanley Clarke ª, dit Brennan.

On fit entrer dans la salle d'audience un jeune homme aux cheveux longs, il se dirigea vers le box des témoins. Le silence se fit dans le prétoire pendant qu'il prêtait serment et s'asseyait.

´ que faites-vous dans la vie, monsieur Clarke ? demanda Brennan.

- Je travaille au Laboratoire national de biotechnologie.

Je fais de la recherche sur l'acide désoxyribonuclénique.

- Plus communément connu de profanes comme nous sous le nom d'ADN ?

- Oui, monsieur.

- Depuis combien de temps travaillez-vous au Laboratoire national de biotechnologie ?

- Sept ans.

- Et quelles y sont vos fonctions ?

- Je suis directeur.

- Ainsi, durant ces sept années, je suppose que vous avez d˚ avoir de nombreuses occasions de faire des tests d'ADN?

- Bien s˚r. J'en fais tous les jours. ª

Brennan jeta un coup d'oeil en direction du jury. ´ Je pense que nous sommes tous conscients de l'importance de l'ADN. ª Il désigna le public. ´ Diriez-vous qu'il se peut qu'une demi-douzaine de personnes dans cette salle aient un ADN identique ?

- Ah ça, non, monsieur. Si nous prenions par exemple un modèle de molécules d'ADN et le comparions à un grand nombre d'exemplaires, seul un sur cinq cents milliards d'individus de race blanche aurait le même profil ADN. ª

Brennan parut impressionné. Ún sur cinq cents milliards.

Monsieur Clarke, comment faites-vous pour prélever l'ADN

sur les lieux d'un crime ?

- De plusieurs manières. Nous trouvons l'ADN dans la salive, le sperme ou les sécrétions vaginales, un cheveu, les dents, la moelle osseuse...

- Et à partir de n'importe lequel de ces échantillons il vous est possible de voir si l'ADN correspond à celui d'un individu ?

- Exactement.

- Avez-vous personnellement comparé les données ADN

dans les meurtres de Dennis Tibble, Richard Melton et Samuel Blake?

- Oui.

- Et on vous a par la suite remis des cheveux de l'accusée, Ashley Patterson?

- Oui.

- quand vous avez comparé les prélèvements recueillis sur les lieux des divers meurtres avec les cheveux de l'accusée, qu'en avez-vous conclu?

- qu'ils étaient identiques. ª

Cette fois, la réaction du public fut encore plus bruyante.

Le juge Williams abattit son maillet. Śilence ! Du calme ou je fais évacuer la salle. ª

Brennan attendit que le silence revienne. ´Monsieur Clarke, vous avez bien dit que l'ADN prélevé sur chaque lieu des crimes et celui de l'accusée étaient identiques! ª Brennan appuya sur le mot.

Óui, monsieur. ª

Brennan jeta un coup d'úil en direction de la table de la défense o˘ Ashley était assise, puis se tourna de nouveau vers le témoin. Ét la contamination ? Nous avons tous entendu parler d'un célèbre procès d'assises o˘ les données ADN

avaient, paraît-il, été contaminées. Se pourrait-il que les pièces à conviction de ce procès aient été manipulées avec négligence, ce qui les entacherait de nullité, ou que... ?

- Non, monsieur. Les pièces à conviction ADN de ces affaires de meurtres ont été manipulées très soigneusement et mises sous scellés.

- Ainsi donc aucun doute ne subsiste. L'accusée a assassiné les trois... ? ª

David se leva de nouveau. Óbjection, Votre Honneur.

L'accusation oriente les réponses du témoin et...

- Objection maintenue. ª

David se rassit.

´ Merci, monsieur Clarke. ª Brennan se tourna vers David.

´ Je n'ai pas d'autre question.

- Le témoin est à vous, maître Singer, dit le juge Williams.

- Pas de questions. ª

Les jurés avaient tous les yeux posés sur David.

Brennan feignit l'étonnement. ´ Pas de questions ? ª Il se tourna vers le témoin. ´ Vous pouvez disposer. ª

Brennan regarda les jurés et dit : ´ Je m'étonne que la défense n'ait pas de questions à poser sur ce témoignage, parce qu'il prouve sans aucun doute possible que l'accusée a assassiné et ch‚tré trois innocents et que... ª

David bondit de son siège. ´ Votre Honneur...

- Objection maintenue. Vous passez les bornes, maître Brennan !

- Excusez-moi, Votre Honneur. Pas d'autres questions. ª

Ashley, effrayée, regardait David.

Il lui chuchota : Ńe vous inquiétez pas. Ce sera bientôt notre tour. ª

L'après-midi vit défiler de nouveaux témoins de l'accusation dont le témoignage fut dévastateur.

´Le gérant de l'immeuble vous a demandé de venir à

l'appartement de Dennis Tibble, inspecteur Lightman?

- Oui.

- Et qu'y avez-vous trouvé ?

- Tout était sens dessus dessous, il y avait du sang partout.

- Dans quel état était la victime ?

- Elle avait été poignardée à mort et ch‚trée. ª

Brennan jeta un coup d'oeil en direction du jury, une expression horrifiée sur le visage. ´ Poignardée à mort et ch‚trée. Avez-vous trouvé des pièces à conviction sur les lieux du crime ?

- Oh, oui. La victime avait eu des rapports sexuels avant de mourir. Nous avons trouvé des sécrétions vaginales et des empreintes digitales.

- Pourquoi n'avez-vous pas immédiatement procédé à

une arrestation ?

- Les empreintes que nous avions trouvées n'allaient avec aucune de celles que nous possédons au fichier.

- Mais quand vous avez finalement eu celles d'Ashley Patterson ainsi que son ADN, tout correspondait?

- En effet. Tout correspondait. ª

Le Dr Steven Patterson assistait au procès tous les jours. Il s'asseyait au milieu du public, immédiatement derrière la table de la défense. Chaque fois qu'il entrait dans la salle d'audience ou en sortait, il était assailli par les journalistes.

´ Docteur Patterson, que pensez-vous du déroulement du procès ?

- Du bien.

- que va-t-il se passer, à votre avis ?

- Ma fille va être innocentée. ª

Un jour, en fin d'après-midi, en rentrant à leur hôtel, Sandra et David trouvèrent un message qui les attendait.

´ Veuillez appeler M. Kwong à votre banque. ª

Il se regardèrent. Ílfaut déjà payer une autre traite?

demanda Sandra.

- Oui. Le temps passe vite quand on s'amuse ª, répondit-

il sèchement. Ildemeura quelques instants songeur. ´ Le procès sera bientôt fini, ma chérie. Nous avons assez sur notre compte bancaire pour régler la traite de ce mois-ci. ª

Sandra le regarda, soucieuse. ´ David, si nous n'arrivons pas à payer toutes les traites... est-ce que nous perdrons tout ce que nous avons déjà versé ?

- Oui. Mais ne t'en fais pas. Les dieux sont avec nous. ª

Et il pensa à Helen Woodman.

Brian Hill avait prêté serment et il était à présent assis dans le box des témoins. Mickey Brennan lui adressa un sourire amical.

´Pouvez-vous nous dire ce que vous faites dans la vie, monsieur Hill ?

- Oui, monsieur. Je suis gardien au musée De Young à

San Francisco.

- Ce doit être intéressant comme travail.

- Oui, à condition d'aimer l'art. Je suis un peintre frustré.

- Depuis quand y travaillez-vous ?

- quatre ans.

- Est-ce qu'on revoit beaucoup les mêmes têtes au musée ? C'est-à-dire, est-ce que les gens reviennent souvent?

- Oh, oui. Certains.

- Je suppose par conséquent que vous apprenez à les connaître avec le temps, ou du moins que leur visage vous devient familier ?

- C'est vrai.

- Et il paraît que les artistes sont autorisés à venir copier certains tableaux du musée ?

- Oh, oui. Nous avons beaucoup d'artistes.

- Avez-vous déjà fait connaissance avec certains d'entre eux, monsieur Hill ?

- Oui, nous... On se lie d'amitié à la longue.

- Avez-vous déjà rencontré un nommé Richard Melton?ª

Brian Hill soupira. Óui. Ilavait beaucoup de talent.

- Il en avait tellement, en fait, que vous lui aviez demandé

de vous apprendre à peindre ?

- En effet. ª

David se leva. ´ Votre Honneur, tout cela est passionnant, mais je ne vois pas en quoi ça concerne le procès. Si Maître Brennan...

- Ces questions sont pertinentes, Votre Honneur. Je suis en train de démontrer que M. Hill connaissait la victime de vue et de nom, et qu'il peut nous dire qui elle fréquentait.

- Objection rejetée. Vous pouvez continuer.

- Et il vous a effectivement enseigné la peinture ?

- Oui, quand il en avait le temps.

- quand M. Melton venait au musée, vous est-il arrivé de le voir en compagnie féminine ?

- Eh bien, pas au début. Puis il a rencontré une jeune femme à qui il semblait s'intéresser et je le voyais avec elle.

- Comment s'appelait-elle ?

- Alette Peters. ª

Brennan parut intrigué. Álette Peters ? Etes-vous s˚r de ne pas vous tromper de nom?

- Oui, monsieur. C'est sous ce nom qu'il la présentait.

- Vous ne la voyez pas actuellement dans la salle du tribunal, par hasard, monsieur Hill ?

- Si, monsieur. ª Il désigna Ashley. Élle est assise là.

- Mais ce n'est pas Alette Peters. C'est l'accusée, Ashley Patterson. ª

David se leva de nouveau. ´ Votre Honneur, nous avons déjà dit qu'Alette Peters était incluse dans ce procès. C'est l'une des personnalités d'emprunt qui contrôlent Ashley Patterson et...

- Vous anticipez, maître Singer. Maître Brennan, pour-suivez, je vous prie.

- Maintenant, monsieur Hill, vous êtes s˚r que l'accusée, présente ici sous le nom d'Ashley Patterson, était connue de Richard Melton sous celui d'Alette Peters ?

- J'en suis s˚r.

- Et il n'y a pas de doute, c'est bien la même femme ? ª

Brian Hill hésita. Énfin... Oui, c'est la même femme.

- Et vous l'avez vue en compagnie de Richard Melton le jour o˘ il a été assassiné ?

- Oui, monsieur.

- Merci. ª Il se tourna vers David. ´ Le témoin est à

vous. ª

David se leva et s'approcha lentement du box des témoins.

´Monsieur Hill, ce doit être une grosse responsabilité que d'être gardien dans un musée qui expose des úuvres d'art qui valent chacune des millions de dollars.

- Oui, monsieur. En effet.

- Vous êtes obligé d'avoir l'oeil sur tout ce qui se passe.

- Pour ça, oui.

- Diriez-vous que vous avez l'esprit d'observation, monsieur Hill?

- Oui.

- Je vous pose cette question parce que j'ai remarqué que lorsque maître Brennan vous a demandé si vous étiez bien s˚r qu'Ashley Patterson était la femme qui accompagnait Richard Melton, vous avez hésité. Vous aviez un doute ? ª

Il y eut un silence. Éh bien, elle ressemble beaucoup à

cette femme, mais en un sens elle est différente.

- En quel sens, monsieur Hill ?

- Alette Peters avait davantage le type italien, elle avait un accent italien... et elle faisait plus jeune que l'accusée.

- Exactement, monsieur Hill. La personne que vous avez vue à San Francisco était une personnalité d'emprunt d'Ashley Patterson. Elle est née à Rome, et est de huit ans sa cadette... ª

Brennan était déjà debout, furieux. Óbjection. ª

David se tourna vers le juge Williams. ´ Votre Honneur, j'étais en...

- Approchez-vous, tous les deux, s'il vous plaît. ª David et Brennan s'approchèrent du juge Williams. ´ Je ne veux pas avoir à vous le répéter, maître Singer. Le tour de la défense viendra quand l'accusation aura conclu sa plaidoirie. D'ici là, cessez de plaider votre cause. ª

Bernice Jenkins était à la barre des témoins.

´ que faites-vous dans la vie, mademoiselle Jenkins ?

- Je suis serveuse.

- Et o˘ travaillez-vous ?

- Au café du musée De Young.

- De quelle nature étaient vos rapports avec Richard Melton?

- Nous étions bons amis.

- Pourriez-vous être plus explicite ?

- Eh bien, nous avons eu à un moment donné une passion amoureuse mais nos rapports se sont pour ainsi dire refroidis.

Ce sont des choses qui arrivent.

- Je n'en doute pas. Et alors ?

- Nous étions devenus comme frère et súur. Je veux dire... je lui confiais mes problèmes et il me parlait des siens.

- Avait-il discuté de l'accusée avec vous ?

- Eh bien, oui, mais elle se faisait appeler d'un autre nom.

- Et ce nom était ?

- Alette Peters.

- Mais il savait qu'elle s'appelait en réalité Ashley Patterson?

- Non. Il pensait qu'elle s'appelait Alette Peters.

- Vous voulez dire qu'elle le dupait? ª

David se leva, furieux. Óbjection.

- Objection maintenue. Cessez d'orienter les réponses du témoin, maître Brennan.

- Excusez-moi, Votre Honneur. ª Brennan se tourna de nouveau vers le box des témoins. Íl vous avait parlé de cette Alette Peters, mais les avez-vous vus ensemble ?

- Oui. Il l'a emmenée au restaurant un jour et nous a présentées l'une à l'autre.

- Vous parlez bien de l'accusée, Ashley Patterson?

- Oui. Sauf qu'elle se faisait appeler Alette Peters. ª

Gary King était à la barre des témoins.

´ Vous étiez le colocataire de Richard Melton ? demanda Brennan.

- Oui.

- Etiez-vous aussi amis? Le fréquentiez-vous par ailleurs ?

- Bien s˚r. Nous sortions beaucoup ensemble avec des copines.

- M. Melton était-il attaché à une jeune femme en particulier?

- Oui.

- Vous connaissez son nom ?

- Elle s'appelait Alette Peters.

- La voyez-vous dans la salle du tribunal ?

- Oui. Elle est assise là-bas.

- Pour le procès-verbal, c'est bien l'accusée, Ashley Patterson, que vous désignez ainsi ?

- En effet.

- En rentrant chez vous, la nuit du meurtre, vous avez trouvé le corps de Richard Melton dans l'appartement?

- Oui.

- Dans quel état était-il ?

- Ensanglanté.

- Le corps avait été ch‚tré ? ª

Frisson. Óui. Atroce. ª

Brennan jeta un coup d'úil en direction des jurés pour observer leur réaction. Ils avaient exactement celle qu'il espérait.

´ qu'avez-vous fait ensuite ?

- J'ai appelé la police.

- Merci. ª Brennan se tourna vers David. ´ Le témoin est à vous. ª

David se leva et s'approcha de Gary King.

´ Parlez-nous de Richard Melton. quelle sorte d'homme était-ce?

- C'était un type fantastique.

- Etait-il querelleur ? Aimait-il la bagarre ?

- Richard? Non. Tout au contraire. Il était très paisible, en retrait.

- Mais il fréquentait volontiers des femmes dures et capables d'en venir aux coups ? ª

Gary le regardait bizarrement. ´ Pas du tout. Richard aimait les femmes douces, paisibles.

- Se querellaient-ils souvent, Alette et lui ? ª

Gary était perplexe. ´Vous avez tout faux. Il n'échan-geaient jamais un mot plus haut que l'autre. Ils s'accordaient à merveille.

- Avez-vous déjà été témoin de quelque chose qui aurait pu vous laisser croire qu'Alette Peters pourrait éventuellement lui faire du mal... ?

- Objection.

- Objection maintenue.

- Pas d'autres questions ª, dit David.

En s'asseyant à la table de la défense, il dit à Ashley : Ńe vous inquiétez pas. Tout cela renforce notre position. ª

Il affichait une confiance qu'il était loin d'éprouver.

Sandra et David étaient en train de dîner au San Fresco, le restaurant de l'hôtel Wyndham, lorsque le maître d'hôtel s'approcha de David et dit : Ón vous demande d'urgence au téléphone, monsieur Singer.

- Merci. ª Il dit à Sandra : ´ Je reviens tout de suite. ª

Il suivit le maître d'hôtel jusqu'au téléphone. Íci David Singer.

- David... Jesse. Monte à ta chambre et rappelle-moi.

Tout est en train de s'écrouler ! ª

CHAPITRE DIX-SEPT

´ Jesse...?

- David, je sais que je ne suis pas censé intervenir, mais je pense que tu devrais demander une annulation du procès.

- que s'est-il passé ?

- As-tu été sur Internet ces jours-ci ?

- Non. J'avais d'autres chats à fouetter.

- Eh bien, il n'est question que du procès partout sur cette saleté d'Internet. On ne parle que de ça dans les salons de conversation.

- «a paraît normal, dit David. Mais qu'y a-t-il de... ?

- Tout est négatif, David. On dit qu'Ashley est coupable et qu'elle devrait être exécutée. Et on le dit dans une langue très imagée. Tu ne peux pas savoir à quel point tous ces gens sont pervers. ª

David, comprenant soudain de quoi il retournait, dit : Óh, mon Dieu ! Il suffirait que les jurés soient branchés sur Internet pour...

- Il y a de fortes chances que certains d'entre eux le soient. Ils seront nécessairement influencés. Moi, je demanderais une annulation du procès ou au moins que le jury soit isolé du monde extérieur.

- Merci, Jesse. C'est ce que je vais faire. ª David raccrocha. Lorsqu'il revint au restaurant o˘ l'attendait Sandra, elle lui demanda : ´ Mauvaises nouvelles ?

- Très. ª

Le lendemain matin, avant que la cour se réunisse, David demanda à voir le juge Williams. On le fit entrer dans le cabinet du juge en même temps que Mickey Brennan.

´ Vous avez demandé à me voir?

- Oui, Votre Honneur. J'ai appris hier soir que le procès constitue le sujet numéro un des discussions sur Internet. On ne parle que de ça dans les salons de conversation et on a d'ores et déjà reconnu la prévenue coupable, ce qui lui est très préjudiciable. Et comme je suis s˚r que certains des jurés ont un ordinateur connecté sur Internet ou qu'ils commu-niquent avec des amis qui en sont équipés, cela constitue un sérieux handicap pour la défense. Par conséquent, je dépose une motion en annulation du procès. ª

Le juge Williams prit quelques instants de réflexion.

´ Motion rejetée. ª

David dut lutter pour garder son calme. ´ Dans ce cas, je dépose une motion pour que le jury soit immédiatement isolé

du monde extérieur de manière que...

- Maître Singer, la presse se bouscule tous les jours dans la salle du tribunal. Ce procès fait la une des médias écrits et parlés du monde entier. Je vous avais prévenu que ça dégénérerait en cirque et vous n'avez rien voulu entendre. ª Elle se pencha vers lui. Éh bien, c'est votre cirque ! Si vous vouliez que l'on isole le jury, il fallait déposer la motion avant le procès. Et je ne l'aurais sans doute pas accordée. Y a-t-il autre chose ? ª

David avait l'estomac retourné. Ńon, Votre Honneur.

- Alors, rentrons dans la salle d'audience. ª

Mickey Brennan interrogeait le shérif Dowling.

´ Le shérif adjoint Blake a téléphoné pour vous dire qu'il allait passer la nuit chez l'accusée afin de veiller sur elle?

Elle lui avait dit que quelqu'un menaçait d'attenter à sa vie ?

- C'est bien ça.

- quand avez-vous eu par la suite des nouvelles du shérif adjoint Blake ?

- Je... Je n'en ai plus eu. On m'a téléphoné le lendemain matin pour m'annoncer qu'on avait trouvé son... son corps dans la ruelle derrière l'immeuble de Mlle Patterson.

- Et naturellement vous vous y êtes rendu immédiatement?

- Naturellement.

- Et qu'y avez-vous trouvé ? ª

Le shérif Dowling déglutit. ´ Le corps de Sam était enveloppé dans un drap ensanglanté. Il avait été poignardé à mort et ch‚tré comme les deux autres victimes.

- Comme les deux autres victimes? Les trois meurtres ont donc été commis de la même façon ?

- Oui, monsieur.

- Comme si elles avaient été tuées par la même personne ? ª

David se leva. Óbjection !

- Objection retenue.

- Je retire cette question. qu'avez-vous fait ensuite, Shérif?

- Eh bien, jusqu'alors, Ashley Patterson n'était pas suspecte. Mais après ce meurtre, nous l'avons incarcérée et avons fait prendre ses empreintes digitales.

- Et alors?

- Nous les avons envoyées au FBI qui nous a transmis un rapport positif.

- Pourriez-vous expliquer au jury en quoi ce rapport était positif? ª

Le shérif Dowling se tourna vers le jury. ´ Les empreintes d'Ashley Patterson correspondaient aux empreintes du fichier provenant de meurtres antérieurs et que le FBI était justement en train d'essayer d'identifier.

- Merci, Shérif. ª Brennan se tourna vers David. ´ Le témoin est à vous. ª

David se leva et s'approcha du box des témoins. Śhérif, vous avez entendu le témoignage selon lequel un couteau taché de sang a été trouvé dans la cuisine de Mlle Patterson.

- En effet.

- Comment était-il dissimulé? Etait-il enveloppé dans quelque chose ? Planqué quelque part pour qu'on ne puisse le trouver?

- Non. Il était bien en vue.

- Bien en vue. Laissé là par quelqu'un qui n'avait rien à

cacher. Par quelqu'un qui était innocent parce que...

- Objection !

- Objection retenue.

- Pas d'autre question.

- Le témoin peut disposer.

- Avec le consentement de la cour... ª, dit Brennan. Il fit signe à quelqu'un au fond de la salle et un homme en bleu de travail entra, portant le miroir de l'armoire à pharmacie d'Ashley Patterson. On pouvait y lire, écrit au rouge à lèvres : TU VAS MOURIR.

David se leva. ´ qu'est-ce que c'est que ça? ª

Le juge Williams se tourna vers Mickey Brennan. ´ Maître Brennan ?

- C'est l'app‚t dont l'accusée s'est servie pour attirer le shérif adjoint Blake chez elle pour l'assassiner. Je voudrais qu'on l'inscrive au procès-verbal comme pièce à conviction.

Il vient de l'armoire à pharmacie de l'accusée.

- Objection, Votre Honneur. Cet objet est sans rapport avec l'affaire.

- Je prouverai qu'il l'est.

- Nous verrons. En attendant, vous pouvez procéder. ª

Brennan posa le miroir bien en vue devant le jury. Će miroir provient de la salle de bains de l'accusée. ª Il regarda les jurés. Ćomme vous voyez, il y est griffonné "Tu vas mourir". C'est le prétexte qu'a utilisé l'accusée pour attirer le shérif adjoint Blake chez elle ce soir-là, soi-disant pour la protéger. ª Il se tourna vers le juge Williams. ´ Je voudrais appeler mon prochain témoin, mademoiselle Laura Niven. ª

Une femme d'‚ge m˚r, qui marchait avec une canne, approcha du box des témoins et prêta serment.

Ó˘ travaillez-vous, mademoiselle Niven ?

- Je suis consultante pour le comté de San José.

- Et que faites-vous ?

- Je suis graphologue.

- Depuis combien de temps travaillez-vous pour le comté, mademoiselle Niven ?

- Vingt-deux ans. ª

Brennan hocha la tête en direction du miroir. Ón vous avait montré ce miroir auparavant ?

- Oui.

- Et vous l'avez examiné ?

- Oui.

- Et on vous a montré un exemplaire de l'écriture de l'accusée ?

- Oui.

- Et vous avez eu l'occasion de l'examiner?

- Oui.

- Et vous avez comparé les deux ?

- En effet.

- Et quelle est votre conclusion ?

- que les deux écritures sont de la même personne. ª

Un murmure de stupéfaction parcourut le public.

Će que vous dites par conséquent, c'est que c'est Ashley Patterson elle-même qui s'est adressé cette menace ?

- En effet. ª

Mickey Brennan regarda en direction de David. Celui-ci hésita. Il jeta un coup d'úil à Ashley. Les yeux baissés sur la table, elle secouait la tête en signe de dénégation. ´ Pas de questions. ª

Le juge Williams observait attentivement David. ´ Pas de questions, maître Singer? ª

David se leva. Ńon. Tout ce témoignage est absurde. ª Il se tourna vers le jury. ´L'accusation devra prouver qu'Ashley Patterson connaissait ses personnalités d'emprunt et avait un mobile pour...

- Je vous ai déjà prévenu, l'interrompit le juge Williams d'un ton irrité. Ce n'est pas à vous d'instruire le jury sur le fonctionnement de la loi. Si...

- Il faut bien que quelqu'un le fasse, s'emporta David.

Vous le laissez agir à sa guise et...

- «a suffit, maître Singer. Approchez-vous. ª

David obtempéra.

´ Je vous impose une amende pour outrage au tribunal et vous condamne à passer une nuit dans notre jolie prison le jour o˘ le procès se terminera.

- Attendez, Votre Honneur. Vous ne pouvez pas...

- Je vous ai condamné à une nuit de prison, dit-elle, menaçante. Je peux doubler la sentence si vous insistez. ª

David la regardait d'un úil noir, la respiration saccadée.

´ Pour le bien de ma cliente, je... je garderai mes sentiments pour moi-même.

- Sage décision, dit le juge d'un ton cassant. L'audience est suspendue. ª Elle se tourna vers un huissier. Á la fin du procès, je veux que l'on incarcère maître Singer.

- Oui, Votre Honneur. ª

Ashley se tourna vers Sandra. Óh, mon Dieu ! que se passe-t-il ? ª

Sandra exerça une pression de la main sur son bras. Ńe vous en faites pas. Ayez confiance en David. ª

Sandra téléphona à Jesse quiller.

´Je suis au courant, dit-il. On ne parle que de ça aux informations, Sandra. Je ne bl‚me pas David de s'être emporté.

Le juge Williams lui cherche noise depuis le début. Mais que lui a-t-il fait pour qu'elle lui tombe dessus comme ça?

- Je ne sais pas, Jesse. C'était épouvantable. Tu devrais voir le visage des jurés. Ils haÔssent Ashley. Ils ont h‚te de la déclarer coupable. Enfin, c'est maintenant le tour de la défense. David va les faire changer d'avis.

- Il faut l'espérer. ª

´ Le juge Williams me déteste, Sandra, et ça nuit à Ashley.

Si je ne trouve pas de parade, son compte est bon. Il faut que je fasse quelque chose.

- Mais quoi ? ª

David prit une inspiration profonde. ´ Renoncer à assurer sa défense. ª

Ils savaient tous deux ce que cela signifiait. Les médias se repaîtraient de l'échec de David.

´ Je n'aurais jamais d˚ accepter ce procès, dit-il d'un ton rempli d'amertume. Le Dr Patterson a cru voir en moi le sau-veur de sa fille et j'ai... ª Il ne put continuer.

Sandra l'enlaça et le serra contre elle. Ńe t'en fais pas, chéri. Tout finira par s'arranger. ª

J'ai laissé tomber tout le monde, pensa David. Ashley, Sandra... Je vais être licencié par le cabinet, je vais me retrouver sans travail, et la naissance du bébé qui approche. ´ Tout finira par s'arranger. ª

En effet.

Le lendemain matin, David demanda à voir le juge Williams dans son cabinet. Mickey Brennan assistait à l'entretien.

´ Vous avez demandé à me voir, maître Singer? demanda le juge.

- Oui, Votre Honneur. Je veux me retirer du procès.

- Pour quelle raison ?

- Je ne crois pas être l'avocat qui convienne en l'occur-rence, répondit David en pesant soigneusement ses mots. Je crois que je nuis à ma cliente. J'aimerais être remplacé.

- Maître Singer, dit calmement le juge Williams, si vous pensez que je vais vous laisser vous défiler comme ça pour devoir recommencer ce procès et gaspiller encore plus de temps et d'argent, vous vous méprenez tout à fait. La réponse est non. Vous m'avez bien comprise ? ª

David ferma les yeux durant quelques secondes en s'effor-

çant de garder son calme. Puis il regarda le juge et dit : Óui, Votre Honneur. Je vous ai comprise. ª

Il était pris au piège.

CHAPITRE DIX-HUIT

Plus de trois mois s'étaient écoulés depuis le début du procès, et David ne se rappelait plus à quel moment il avait joui pour la dernière fois d'une vraie nuit de sommeil.

Un après-midi, alors qu'il revenait au tribunal en compagnie de Sandra, celle-ci lui dit : ´ David, je crois que je devrais retourner à San Francisco. ª

David la regarda avec étonnement. ´Pourquoi? Nous sommes au beau milieu de... Oh, mon Dieu. ª Il l'enlaça. ´ Le bébé. C'est pour bientôt? ª

Sandra sourit. ´D'un jour à l'autre maintenant. Je me sentirais davantage en sécurité là-bas, plus près du Dr Bailey.

Maman a dit qu'elle viendrait s'installer à la maison pour être à mes côtés.

- Bien s˚r. Il faut que tu retournes à San Francisco, dit David. J'avais perdu la notion du temps. L'accouchement est prévu dans trois semaines, n'est-ce pas ?

- Oui. ª

Il fit la grimace. Ét je ne peux pas t'accompagner. ª

Sandra lui prit la main. Ńe t'en fais pas, mon chéri. Le procès touche à sa fin.

- Ce maudit procès est en train de nous g‚cher la vie.

- David, tout va bien se passer. Je pourrai reprendre mon ancien travail. Après la naissance du bébé, il me serait possible de...

- Je suis tellement navré, Sandra. Je regrette d'avoir...

- David, il ne faut jamais éprouver de regrets quand on croit avoir bien agi.

- Je t'aime.

- Je t'aime.ª

Il lui caressa le ventre. ´ Je vous aime tous les deux. ª Il soupira. ´D'accord. Je vais t'aider à faire tes valises. Je te conduirai à San Francisco ce soir et...

- Non, dit Sandra avec fermeté. Tu dois rester ici. Je demanderai à Emily de venir me chercher.

- Invite-la à dîner avec nous ce soir.

- D'accord. ª

Emily avait été ravie. ´ Bien s˚r que je vais venir te chercher. ª Et elle était arrivée à San José deux heures plus tard.

Ils dînèrent tous les trois chez Chai Jane.

´ «a tombe vraiment mal, dit Emily. Je n'aime pas trop vous voir séparés l'un de l'autre justement maintenant.

- Le procès s'achève, dit David d'un ton encourageant.

Peut-être sera-t-il fini avant la naissance du bébé. ª

Emily sourit. ´ «a nous fera deux événements à célébrer. ª

C'était l'heure du départ. David enlaça Sandra. ´Je t'appellerai tous les soirs, dit-il.

- Je t'en prie, ne te fais pas de souci pour moi. «a ira. Je t'aime beaucoup. ª Elle le regarda et ajouta : ´ Fais attention à toi, David. Tu as l'air fatigué. ª

Ce fut seulement lorsque Sandra fut partie que David mesura l'ampleur de sa solitude.

Au tribunal, on était en pleine audience.

Mickey Brennan se leva et s'adressa à la cour. ´ J'aimerais appeler mon prochain témoin, le Dr Lawrence Larkin. ª

Un homme aux cheveux gris, distingué, prêta serment et prit place à la barre des témoins.

´ Je tiens à vous remercier de votre présence, docteur Larkin. Je sais que votre temps est très précieux. Pourriez-vous nous parler un peu de vos antécédents ?

- J'ai actuellement une très bonne clientèle privée à Chicago. J'ai été président de l'Association des psychiatres de Chicago.

- Depuis combien de temps exercez-vous, Docteur ?

- Une trentaine d'années.

- Et en tant que psychiatre, j'imagine que vous avez vu de nombreux cas de syndrome de personnalité multiple ?

- Non. ª

Brennan fronça les sourcils. ´ quand vous dites non, vous voulez dire que vous n'en avez pas vu beaucoup ? Une douzaine peut-être ?

- Je n'en ai jamais vu un seul. ª

Brennan regarda le jury avec une stupéfaction feinte puis s'adressa de nouveau au psychiatre. Én trente ans de pratique avec des patients atteints de troubles psychologiques, vous n'avez pas vu un seul cas de personnalité multiple ?

- En effet.

- Je n'en reviens pas. Comment expliquez-vous ça?

- C'est très simple. Je ne crois pas à l'existence du syndrome de personnalité multiple.

- Mais enfin, je suis intrigué, Docteur. De tels cas n'ont-ils pas été rapportés dans le passé ? ª

Le Dr Larkin eut un petit sourire méprisant. ´ qu'on en ait rapporté ne prouve pas qu'ils aient bel et bien existé. Voyez-vous, certains médecins pensent avoir affaire à un syndrome de personnalité multiple parce qu'ils confondent certains symptômes avec ceux de la schizophrénie, de la dépression et de divers autres troubles liés à l'angoisse.

- C'est très intéressant. Ainsi, selon vous, en tant qu'expert en psychiatrie, il n'existe pas de syndrome de personnalité multiple ?

- C'est ça.

- Merci, Docteur. ª Mickey Brennan se tourna vers David. ´ Le témoin est à vous. ª

David se leva et s'approcha du box des témoins. ´ Vous êtes ancien président de l'Association des psychiatres de Chicago, docteur Larkin.

- Oui.

- Vous avez d˚ rencontrer un grand nombre de vos pairs.

- Oui. Je suis fier de le dire.

- Connaissez-vous le Dr Royce Salem?

- Oui. Je le connais très bien.

- Est-il bon psychiatre ?

- Excellent. Un des meilleurs.

- Avez-vous déjà rencontré le Dr Clyde Donovan ?

- Oui. A plusieurs reprises.

- Diriez-vous qu'il est bon psychiatre ?

- C'est à lui que je m'adresserais ª - petit gloussement -

śi j'avais besoin d'en consulter un.

- Et le Dr Ingram? Le connaissez-vous ?

- Ray Ingram ? Mais oui. Un chic type.

- Psychiatre compétent ?

- Oh oui.

- Dites-moi, y a-t-il unanimité parmi les psychiatres sur toutes les pathologies ?

- Non. Il existe évidemment des divergences de vues. La psychiatrie n'est pas une science exacte.

- C'est intéressant, Docteur. Parce que les Drs Salem, Donovan et Ingram vont venir à cette barre témoigner avoir traité des cas de syndrome de personnalité multiple. Aucun d'entre eux n'est peut-être aussi compétent que vous. C'est tout. Vous pouvez disposer. ª

Le juge Williams se tourna vers Brennan. ´ Vous voulez reprendre l'interrogatoire? ª

Brennan se leva et s'approcha du box des témoins.

´ Docteur Larkin, croyez-vous que le fait que ces autres psychiatres divergent d'avis avec vous leur donne raison et vous donne tort ?

- Non. Je pourrais vous présenter des dizaines de psychiatres qui ne croient pas au syndrome de personnalité multiple.

- Merci, Docteur. Pas d'autres questions. ª

´ Docteur Upton, dit Mickey Brennan, vous avez entendu ce témoignage selon lequel il arrive que l'on confonde le syndrome de personnalité multiple avec d'autres pathologies.

Existe-t-il des tests permettant d'éviter ce type de confusion ?

- Non. ª

Brennan, bouche bée sous l'effet de la surprise, jeta un coup d'oeil en direction du jury. Íl n'y en a pas ? Etes-vous en train de dire qu'il n'y a aucun moyen de dire si un individu qui prétend souffrir de ce syndrome ment, simule, ou se sert de cette explication pour s'innocenter d'un crime dont il ne veut pas être tenu pour responsable ?

- Comme je viens de le dire, il n'existe pas de test.

- C'est donc une simple affaire d'opinion? Certains psychiatres y croient et d'autres non ?

- Exactement.

- Je voudrais que vous répondiez à une question, Docteur.

Par l'hypnose, on peut s˚rement savoir si quelqu'un souffre vraiment du syndrome de personnalité multiple ou s'il fait semblant ? ª

Le Dr Upton secoua la tête. ´ Même sous hypnose ou avec du sodium amobarbital, il est impossible de vérifier si quelqu'un simule ou non.

- C'est très intéressant. Merci, Docteur. Pas d'autres questions. ª Brennan se tourna vers David. ´ Le témoin est à vous. ª

David se leva et s'approcha du box des témoins. ´ Docteur Upton, vous est-il arrivé d'être consulté par des patients chez qui d'autres médecins avaient diagnostiqué un syndrome de personnalité multiple ?

- Oui. Plusieurs fois.

- Et avez-vous soigné ces patients ?

- Non.

- Pourquoi ?

- Je ne peux pas soigner les gens pour un syndrome qui n'existe pas. J'ai eu pour patient un escroc qui voulait que je témoigne qu'il n'était pas responsable, parce qu'un alter ego avait agi à sa place. J'en ai eu une autre, une mère de famille qui battait ses enfants. Elle disait que quelque chose en elle lui commandait d'agir ainsi. J'en ai eu quelques autres comme ça, qui avaient des excuses différentes, mais qui essayaient tous d'échapper à leurs responsabilités. En d'autres termes, c'étaient des simulateurs.

- Vous semblez avoir une opinion très arrêtée sur la question, Docteur.

- En effet. Je sais que j'ai raison.

- Vous le savez ?

- Enfin, je veux dire...

-... que tout le monde se trompe à part vous? que tous les psychiatres qui croient à l'existence du syndrome de personnalité multiple se trompent ?

- Je ne voulais pas dire ça...

- Et que vous seul avez raison. Merci, Docteur. C'est tout. ª

Le Dr Simon Raleigh était à la barre des témoins. C'était un petit homme chauve, ‚gé d'une soixantaine d'années.

´ Merci de vous être déplacé, Docteur. Vous avez eu une longue et brillante carrière. Vous êtes médecin, professeur, vous avez fait vos études à... ª

David se leva. ´ La défense ne doute aucunement du passé

distingué du témoin.

- Merci. ª Brennan se tourna de nouveau vers le témoin.

´Docteur Raleigh, qu'entend-on par une maladie iatrogénique ?

- Ce mot désigne une maladie déjà existante qu'une psychothérapie aggrave.

- Voudriez-vous être plus précis, Docteur?

- Eh bien, en psychothérapie, les questions et les attitudes du thérapeute exercent souvent une influence sur le patient.

Celui-ci peut se sentir tenu de répondre aux attentes du thérapeute.

- quel rapport cela a-t-il avec le syndrome de personnalité multiple ?

- Interrogé par le psychiatre sur différentes personnalités qu'il a éventuellement en lui, le patient en inventera parfois pour faire plaisir au thérapeute. Nous sommes ici en terrain délicat. L'amobarbital et l'hypnose peuvent produire des simulacres de personnalité multiple chez des patients par ailleurs normaux.

- Vous êtes donc en train de dire que, sous hypnose, le psychiatre lui-même peut modifier l'état du patient au point que celui-ci en vient à s'illusionner lui-même ?

- Oui, cela est déjà arrivé.

- Merci, Docteur. ª Il regarda David. ´ Le témoin est à vous.

- Merci ª, dit David. Il se leva et s'approcha du box des témoins. ´ Votre curriculum est très impressionnant, Docteur, déclara-t-il sur un ton désarmant. Non seulement vous êtes psychiatre, mais vous êtes aussi professeur d'université.

- Oui.

- Il y a longtemps que vous enseignez, Docteur ?

- Plus de quinze ans.

- C'est merveilleux. Comment partagez-vous votre temps ?

Je veux dire par là, consacrez-vous la moitié de votre temps à

l'enseignement et l'autre à exercer la psychiatrie ?

- J'enseigne désormais à plein temps.

- Oh? Depuis combien de temps n'avez-vous pas pratiqué la médecine ?

- Environ huit ans. Mais je me tiens au courant de toute la littérature médicale actuelle.

- Je suis admiratif, je dois le dire. Ainsi vous êtes très informé de tous les récents développements de la médecine ?

C'est par la littérature médicale que vous connaissez si bien la psychose iatrogénique ?

- Oui.

- Et dans le passé, vous avez été consulté par beaucoup de patients affirmant souffrir du syndrome de personnalité

multiple ?

- Eh bien, non...

- Non ? Diriez-vous que durant toutes les années o˘ vous avez exercé la psychiatrie vous avez eu une douzaine de cas prétendant être atteints du syndrome de personnalité multiple?

- Non.

- Six?ª

Le Dr Raleigh secoua la tête.

´ quatre ? ª

La question resta sans réponse.

´ Docteur, avez-vous déjà été consulté par un seul patient souffrant du syndrome de personnalité multiple ?

- Eh bien, c'est dur à...

- Oui ou non, Docteur?

- Non.

- Donc vous ne connaissez vraiment du syndrome de personnalité multiple que ce que vous en avez lu? Pas d'autres questions. ª

L'accusation fit comparaître six autres témoins et le même scénario se répéta chaque fois. Mickey Brennan avait réuni neuf sommités de la psychiatrie, venant d'un peu partout dans le pays, et unanimement convaincus que le syndrome de personnalité multiple n'existait pas.

Le ministère public avait appelé presque tous ses témoins à

la barre.

Lorsque le dernier de la liste se fut fait excuser, le juge Williams se tourna vers Brennan. Ávez-vous encore des témoins à citer, maître Brennan ?

- Non, Votre Honneur. Mais je voudrais montrer au jury des photos prises par la police sur les lieux des meurtres des...

- Pas question ! ª, intervint David d'un ton furieux.

Le juge Williams se tourna vers lui. ´ qu'avez-vous dit, maître Singer ?

- J'ai dit... ª - David se reprit - óbjection. L'accusation essaie de monter le jury contre la prévenue en...

- Objection rejetée. Rejet fondé sur une motion déposée avant le procès. ª Le juge Williams se tourna vers Brennan.

´ Vous pouvez montrer les photos. ª

David se rassit dans un mouvement rageur.

Brennan revint à son bureau et prit une pile de photos qu'il tendit aux jurés. Élles ne sont pas agréables à regarder, Mesdames et Messieurs, mais elles concernent la matière même de ce procès et non des mots, des théories ou des prétextes. Elles concernent trois individus réels qui ont été

brutalement et sauvagement assassinés. La loi dit que quelqu'un doit payer pour ces meurtres. A vous de veiller à ce que justice soit faite. ª

Brennan vit l'horreur se peindre sur le visage des jurés tandis qu'ils regardaient les photos.

Il se tourna vers le juge Williams. ´ L'accusation a conclu sa plaidoirie. ª

Le juge Williams consulta sa montre. Íl est quatre heures.

La cour se retire et reprendra à 10 heures lundi matin. La séance est suspendue. ª

CHAPITRE DIX-NEUF

Ashley Patterson était sur l'échafaud o˘ on allait la pendre lorsqu'un policier arrivait en courant et disait : Áttendez une minute. Elle est censée être électrocutée. ª

La scène changeait et elle se retrouvait sur la chaise élec-trique. Un gardien tendait la main pour abaisser la manette du commutateur au moment o˘ le juge Williams arrivait en courant et en hurlant: Ńon! Nous allons l'exécuter au moyen d'une injection mortelle. ª

David se réveilla et s'assit dans le lit, le cúur battant. Son pyjama était trempé de sueur, il voulut se lever mais se sentit subitement étourdi. Il avait la migraine et se sentait fiévreux.

Il toucha son front : il était br˚lant.

En voulant descendre du lit, il fut saisi de vertiges. Óh, non, grommela-t-il. Pas aujourd'hui. Pas maintenant. ª

C'était le jour qu'il attendait, le jour o˘ la défense devait commencer à présenter sa plaidoirie, il entra en titubant dans la salle de bains, se passa de l'eau froide sur le visage et se regarda dans la glace. ´ Tu fais peur à voir. ª

Lorsqu'il arriva au tribunal, le juge Williams siégeait déjà.

On n'attendait plus que lui.

´ Veuillez m'excuser d'être en retard, dit David d'une voix cassée. Puis-je m'approcher?

- Oui. ª

Il s'approcha du juge suivi de près par Mickey Brennan.

´ Votre Honneur, dit-il, je voudrais demander un ajournement de vingt-quatre heures.

- Pour quel motif?

- Je... Je ne me sens pas très bien, Votre Honneur. Je suis s˚r qu'un médecin me prescrira quelque chose et que j'irai mieux demain.

- Pourquoi ne pas vous faire remplacer par votre associé ? ª

David la regarda, tout étonné. ´ Je n'ai pas d'associé.

- Pourquoi n'en avez-vous pas, maître Singer?

- Parce que... ª

Le juge Williams se pencha vers lui. ´ Je n'ai jamais vu un procès pour meurtre mené de cette façon. Vous voulez occuper tout seul le devant de la scène pour vous attirer toute la gloire, n'est-ce pas ? Eh bien, la gloire, ce n'est pas dans ce prétoire que vous la trouverez. Je vais vous dire autre chose.

Vous pensez sans doute que je devrais me récuser parce que je ne crois pas à votre système de défense qui consiste à tout mettre sur le compte de forces diaboliques, mais je n'en ferai rien. Nous allons laisser les jurés décider de la culpabilité

ou de l'innocence de votre cliente. Autre chose, maître Singer ? ª

David resta là, à la regarder, tandis que la salle vacillait autour de lui. Il avait envie de lui dire d'aller se faire foutre, il avait envie de se jeter à genoux et de l'implorer d'être équi-table, il avait envie de rentrer se coucher. Il dit d'une voix enrouée : Ńon. Merci, Votre Honneur. ª

Le juge Williams acquiesça d'un hochement de tête.

´ Maître Singer, à vous d'entrer en scène. Ne faites pas perdre davantage de temps à la cour. ª

David se dirigea vers le box des jurés en essayant d'oublier son mal de tête et sa fièvre. Il prit la parole d'une voix lente.

´ Mesdames et Messieurs, vous avez entendu le procureur tourner en ridicule la réalité du syndrome de personnalité

multiple. Je suis s˚r que maître Brennan n'était pas animé

d'intentions malveillantes. Ses déclarations étaient dictées par l'ignorance. Le fait est qu'il ne sait manifestement rien du syndrome de personnalité multiple, et on pourrait en dire autant de certains des témoins qu'il a appelés à la barre. Mais je vais demander à des gens qui savent, eux, en quoi consiste ce syndrome, de venir vous en parler. Il s'agit de médecins renommés, des spécialistes de ce problème. quand vous aurez entendu leurs témoignages, je suis convaincu que vous interpréterez tout à fait autrement les propos de maître Brennan.

´Maître Brennan a déclaré ma cliente coupable d'avoir commis ces crimes atroces. C'est un point très important que la question de sa culpabilité. Pour prouver qu'il y a eu meurtre avec préméditation, il faut non seulement que l'acte soit coupable, mais que l'intention le soit aussi. Je vous démontrerai qu'Ashley Patterson n'avait pas d'intention coupable parce qu'elle n'était pas en possession d'elle-même au moment o˘ les crimes ont été commis. Elle était totalement inconsciente de ce qui se passait. Certains médecins réputés vont témoigner qu'elle a deux personnalités d'emprunt, ou alter ego, et que c'est l'une d'elles qui prend les décisions. ª

David regarda le visage des jurés. C'était comme s'ils oscillaient devant lui. Il ferma les yeux durant quelques secondes.

´ L'Association américaine de psychiatrie reconnaît l'existence du syndrome de personnalité multiple. Des médecins en vue du monde entier, qui ont traité des patients affligés de ces troubles, en reconnaissent eux aussi l'existence. C'est une des personnalités d'Ashley Patterson qui a tué, mais il s'agissait bien d'une personnalité, d'un alter ego, sur laquelle elle n'avait aucune prise. ª Il haussa le ton. ´ Pour que la question soit claire, vous devez comprendre que la loi ne punit pas une personne innocente. Nous nous trouvons donc devant un paradoxe. Imaginez qu'un jumeau de siamois soit jugé pour meurtre. La loi dit que l'on ne peut pas punir celui des deux qui est coupable parce qu'il faudrait alors punir celui qui est innocent. ª Le jury était tout ouÔe.

David hocha la tête en direction d'Ashley. ´ Dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas à deux mais à trois personnalités que nous avons affaire. ª

Il se tourna vers le juge Williams. ´ Je voudrais appeler mon premier témoin, le Dr JoÎl Ashanti. ª

´ Docteur Ashanti, o˘ pratiquez-vous la médecine ?

- A l'hôpital Madison de New York.

- Et vous êtes venu ici à ma demande ?

- Non. J'ai été mis au courant du procès par les journaux et je voulais témoigner. J'ai travaillé avec des patients qui souffraient du syndrome de personnalité multiple et je voulais me rendre utile, si possible. Le syndrome de personnalité

multiple est beaucoup plus répandu que ne le croit le grand public, et je voulais essayer de lever tous les malentendus à ce sujet.

- Je vous en sais gré, Docteur. Dans des cas comme ceux-là, est-il courant de trouver un patient qui a deux personnalités ou alter ego ?

- Selon mon expérience, les gens atteints de ce mal en ont généralement beaucoup plus, jusqu'à cent parfois. ª

Eleanor Tucker se tourna pour chuchoter quelque chose à

Mickey Brennan. Celui-ci sourit.

´ Depuis quand traitez-vous les troubles liés au syndrome de personnalité multiple, docteur Ashanti ?

- Depuis quinze ans.

- Chez un patient affligé de ces troubles, il y a généralement une personnalité d'emprunt qui domine ?

- Oui. ª

Certains jurés prenaient des notes.

Ét est-ce que le sujet - la personne qui a ces alter ego en elle - est consciente de leur présence ?

- «a dépend. Parfois, une des personnalités d'emprunt connaît toutes les autres, parfois elle n'en connaît qu'un certain nombre. Mais le sujet n'est généralement pas conscient de leur présence, pas avant une thérapie.

- C'est très intéressant. Le syndrome de personnalité multiple se soigne-t-il ?

- Oui, souvent, il exige un traitement psychiatrique de longue durée. De six ou sept ans parfois.

- Avez-vous déjà réussi à guérir des patients atteints de ce syndrome ?

- Oh, oui.

- Merci, Docteur. ª

David se retourna pour examiner les jurés durant quelques instants. Intéressés mais non convaincus, pensa-t-il.

Il regarda dans la direction de Mickey Brennan. ´Le témoin est à vous. ª

Brennan se leva et s'approcha du box des témoins.

´ Docteur Ashanti, vous avez déclaré être venu de New York en avion parce que vous vouliez vous rendre utile ?

- En effet.

- Votre présence ici est naturellement étrangère au fait qu'il s'agit d'un procès très médiatisé dont la publicité pourrait servir votre... ª

David s'était déjà levé. Óbjection. Tendancieux.

- Objection rejetée.

- J'ai expliqué les raisons de ma venue ici, déclara calmement le Dr Ashanti.

- Bien. Puisque vous pratiquez la médecine, Docteur, combien de patients estimez-vous avoir traités pour troubles psychologiques ?

- Oh, peut-être deux cents.

- Et combien de ces cas souffraient de troubles liés au syndrome de personnalité multiple ?

- Une douzaine... ª

Brennan le regarda avec un étonnement feint. Śur deux cents ?

- Eh bien, oui. Voyez-vous...

- Ce que je ne vois pas, docteur Ashanti, c'est comment il se fait que vous vous considériez comme un spécialiste si nous n'avez eu affaire qu'à quelques cas. Je vous saurais gré

de nous donner des preuves qui confirment ou infirment l'existence du syndrome de personnalité multiple.

- quand vous parlez de preuves...

- Nous sommes dans un tribunal, Docteur. Le jury ne peut se déterminer à partir de théories ou d'hypothèses. que diriez-vous par exemple de l'hypothèse selon laquelle l'accusée haÔssait les hommes qu'elle a assassinés et, après les avoir tués, a décidé de prétexter la présence d'un alter ego en elle pour... ª

David se leva. Óbjection ! La question est tendancieuse et influence le témoin.

- Objection rejetée.

- Votre Honneur...

- Asseyez-vous, maître Singer. ª

David adressa un regard furieux au juge Williams et s'assit avec un mouvement de rage.

Áinsi, vous êtes en train de nous dire, Docteur, que rien ne prouve l'existence ou la non-existence du syndrome de personnalité multiple ?

- Non. Mais... ª

Brennan hocha la tête. Ć'est tout. ª

Le Dr Royce Salem était à la barre des témoins.

´Docteur Salem, dit David, vous avez examiné Ashley Patterson?

- Oui.

- Et quel est votre diagnostic ?

- Mlle Patterson souffre d'un syndrome de personnalité

multiple. Elle a deux alter ego qui se font appeler Toni Prescott et Alette Peters.

- A-t-elle un moyen quelconque de les contrôler?

- Aucun. quand ces alter ego prennent les commandes, elle est en état d'amnésie hystérique.

- Pourriez-vous expliquer ce que vous entendez par là, docteur Salem?

- quand un patient est en état d'amnésie hystérique, il perd conscience de l'endroit o˘ il se trouve ou de ce qu'il fait.

Cela peut durer quelques minutes, des jours, voire des semaines.

- Et durant ce laps de temps, cette personne est-elle responsable de ses actions, à votre avis ?

- Non.

- Merci, Docteur. ª Il se tourna vers Brennan. ´ Le témoin est à vous. ª

Brennan s'approcha du box des témoins. ´ Docteur Salem, demanda-t-il, vous êtes attaché à plusieurs hôpitaux et vous donnez des conférences dans le monde entier?

- Oui, monsieur.

- Je suppose que vos pairs sont des médecins doués et compétents ?

- Oui, en effet.

- Ils sont donc tous d'accord pour reconnaître l'existence du syndrome de personnalité multiple.

- Non.

- que voulez-vous dire par non ?

- qu'ils ne sont pas tous du même avis.

- Vous voulez dire que certains d'entre eux doutent de l'existence du syndrome de personnalité multiple ?

- Oui.

- Mais ce sont eux qui se trompent et vous qui avez raison ?

- Je sais que ce syndrome existe pour avoir soigné des patients qui en souffraient. quand...

- Permettez que je vous pose une question. A supposer qu'il existe quelque chose comme le syndrome de personnalité multiple, est-ce que c'est toujours une de ses personnalités d'emprunt qui dicte ses actes au sujet? L'alter ego dit :

"Tue! "et le sujet obéit?

- «a dépend. L'influence des personnalités d'emprunt se fait sentir à des degrés divers.

- De sorte qu'il se pourrait que le sujet soit responsable de ses actes ?

- Parfois, évidemment.

- Le plus souvent ?

- Non.

- Docteur, quelle preuve y a-t-il que le syndrome de personnalité multiple existe ?

- J'ai été témoin de transformations physiques complètes chez des patients sous hypnose et je sais...

- Et l'hypnose peut servir à établir la vérité ?

- Oui.

- Docteur Salem, si je vous hypnotisais dans une pièce bien chauffée et vous disais que vous êtes au Pôle Nord, tout nu dans une tempête de neige, est-ce que la température de votre corps tomberait ?

- Eh bien, oui, mais...

- C'est tout. ª

David s'approcha du box des témoins. ´ Docteur Salem, doutez-vous de l'existence de ces personnalités d'emprunt chez Ashley Patterson ?

- Pas du tout. Et je suis convaincu qu'elles peuvent prendre le dessus et la dominer.

- Sans qu'elle en soit consciente ?

- Oui.

- Merci. ª

´ Je voudrais appeler Shane Miller à la barre. ª David l'observa tandis qu'il prêtait serment. ´ que faites-vous dans la vie, monsieur Miller?

- Je suis chef de service à la Global Computer Graphics Corporation.

- Depuis combien de temps y travaillez-vous ?

- Sept ans environ.

- Et Ashley Patterson y était employée ?

- Oui.

- Et elle travaillait sous votre direction ?

- Oui.

- Vous la connaissez donc passablement bien ?

- En effet.

- Monsieur Miller, vous avez entendu des médecins témoigner que les symptômes de personnalité multiple sont la para-noÔa, la nervosité, la détresse affective. Avez-vous déjà observé

l'un ou l'autre de ces symptômes chez Mlle Patterson ?

- Eh bien, je...

- Mlle Patterson ne vous avait-elle pas dit avoir l'impression que quelqu'un la harcelait ?

- Si.

- Et qu'elle ignorait de qui il pouvait s'agir ou la raison pour laquelle on aurait pu s'en prendre à elle ?

- En effet.

- Ne vous a-t-elle pas dit un jour que quelqu'un s'était servi de son ordinateur pour la menacer avec un couteau ?

- Oui.

- Et les choses n'avaient-elles pas empiré au point que vous l'aviez finalement envoyée consulter le psychologue qui travaille pour votre entreprise, le Dr Speakman ?

- Oui.

- Ainsi Ashley Patterson présentait les symptômes dont nous parlons ?

- Tout à fait.

- Merci, monsieur Miller. ª David se tourna vers Mickey Brennan. ´ Le témoin est à vous. ª

Ćombien d'employés avez-vous directement sous vos ordres, monsieur Miller ?

- Trente.

- Et sur ces trente employés, Ashley Patterson est la seule qui vous ait jamais paru psychologiquement perturbée?

- Eh bien, non...

- Oh, vraiment ?

- Tout le monde a parfois quelque chose qui ne va pas.

- Vous voulez dire que d'autres de vos employés doivent aller consulter le psychologue de l'entreprise ?

- Oh, certainement. Il ne chôme pas. ª

Brennan parut impressionné. Áh oui ?

- Oui. Beaucoup d'entre eux ont des problèmes.Ils sont tous humains.

- Pas d'autres questions.

- Vous pouvez reprendre l'interrogatoire du témoin, maître Singer. ª

David s'approcha du box des témoins. ´Monsieur Miller, vous avez dit que certains des employés qui travaillent sous vos ordres avaient des problèmes. De quelle nature ?

- Eh bien, consécutifs par exemple à une querelle de couple...

- Oui?

- Ou dus à des soucis financiers...

- Oui?

- Ou dus à l'inquiétude que leur causent leurs enfants...

- Autrement dit, des problèmes d'ordre domestique tels que nous en vivons tous ?

- Oui.

- Mais aucun d'eux n'était allé voir le Dr Speakman parce qu'il se croyait harcelé ou parce qu'il pensait que quelqu'un menaçait de le tuer ?

- Non.

- Merci. ª

Il y eut suspension de séance pour le déjeuner.

David monta dans sa voiture et traversa le parc, déprimé.

Le procès prenait mauvaise tournure. Les psychiatres n'arrivaient pas à prendre nettement position sur l'existence du syndrome de personnalité multiple. S'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord, pensa-t-il, comment vais-je obtenir l'unanimité du jury? Je ne peux pas abandonner Ashley à

son sort. Je ne peux pas. Il approchait du Harold's Café, un restaurant peu éloigné du tribunal, il se gara et entra.

L'hôtesse lui sourit.

´ Bonjour, monsieur Singer. ª

Il était célèbre. Honteusement célèbre ?

´ Par ici, s'il vous plaît. ª Il la suivit jusqu'à un box et s'assit. L'hôtesse lui tendit la carte, lui adressa un sourire appuyé et s'éloigna dans un déhanchement provocant. Les sommets de la gloire, pensa-t-il avec un humour lugubre.

Il n'avait pas faim mais il entendit la voix de Sandra lui dire : Íl faut que tu manges pour garder tes forces. ª

Le box voisin était occupé par deux hommes et deux femmes. L'un des hommes était en train de dire : Élle est bien pire que Lizzie Borden. Celle-ci n'avait tué que deux personnes.

- Et elle ne les avait pas ch‚trées, ajouta son compagnon.

- quel sort lui réserve-t-on, à votre avis ?

- Tu veux rire ? Elle va être condamnée à mort.

- Dommage qu'on ne puisse pas l'exécuter trois fois. ª

C'est la vox populi, pensa David. Il eut le sentiment décourageant que s'il faisait le tour du restaurant, il n'enten-drait que des variantes du même discours. Brennan avait fait d'Ashley un monstre, il entendit la voix de quiller : Śi tu ne la fais pas comparaître à la barre des témoins, c'est l'image que garderont d'elle les jurés quand ils se retireront pour délibérer. ª

Je vais courir le risque. Je vais laisser les jurés voir par eux-mêmes si Ashley dit la vérité.

La serveuse était debout près de la table. Étes-vous prêt à

commander, monsieur Singer ?

- J'ai changé d'avis. Je n'ai pas faim. ª En se levant et sortant du restaurant, il sentit des regards torves posés sur lui.

J'espère qu'ils ne sont pas armés, pensa-t-il.

CHAPITRE VINGT

De retour au tribunal, David alla voir Ashley dans sa cellule. Elle était assise sur le petit lit et fixait le sol.

Áshley. ª

Elle leva sur lui un regard désespéré.

Il s'assit près d'elle. Íl faut que nous parlions. ª

Elle l'observa en silence.

´Toutes ces choses horribles que l'on raconte à votre sujet... elles sont toutes fausses. Mais les jurés l'ignorent. Ils ne vous connaissent pas. Il faut que nous leur permettions de voir qui vous êtes vraiment. ª

Ashley le regarda et dit d'une voix terne : ´ qui suis-je vraiment ?

- Vous êtes quelqu'un de très bien qui souffre d'une maladie. Le jury éprouvera de la sympathie pour vous.

- que voulez-vous que je fasse ?

- Je veux que vous veniez à la barre et que vous témoigniez. ª

Elle le dévisagea, horrifiée. ´ Je... Je ne peux pas. Je ne sais rien. Je n'ai rien à dire.

- Laissez-moi m'occuper de ça. Vous n'aurez qu'à

répondre à mes questions. ª

Un gardien arriva à la hauteur de la cellule. ´ L'audience va bientôt reprendre. ª

David se leva et serra la main d'Ashley. ´ «a va marcher.

Vous verrez. ª

´Tout le monde se lève. L'audience est ouverte.

L'Honorable Juge Tessa Williams préside le procès opposant le ministère public de l'Etat de Californie à Ashley Patterson. ª

Le juge Williams prit place sur le siège.

´ Puis-je m'approcher, Votre Honneur? demanda David.

- Faites. ª

Mickey Brennan s'approcha lui aussi.

´ qu'y a-t-il, maître Singer?

- J'aimerais appeler un témoin de dernière minute.

- Le procès est terriblement avancé pour présenter de nouveaux témoins.

- Je voudrais appeler Ashley Patterson comme prochain témoin. ª

Le juge Williams dit : ´ Je ne...

- Le ministère public n'a pas d'objection, Votre Honneur ª, déclara vivement Brennan.

Le juge Williams regarda les deux avocats. ´ Très bien.

Vous pouvez appeler votre témoin, maître Singer.

- Merci, Votre Honneur. ª Il alla vers Ashley et lui tendit la main. Áshley... ª

Elle resta sans bouger, terrifiée.

Íl le faut. ª

Elle se leva, le cúur palpitant, et se dirigea lentement vers le box des témoins.

Mickey Brennan dit à voix basse à Eleanor : ´ Je priais le ciel pour qu'il la fasse témoigner. ª

Eleanor acquiesça. ´ La partie est gagnée. ª

Le greffier fit prêter serment à Ashley Patterson. ´Vous jurez de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Dites je le jure.

- Je le jure. ª Elle parlait d'une voix presque inaudible.

Elle s'assit dans le box des témoins.

David s'approcha d'elle, il lui dit gentiment : ´ Je sais que cela vous est très difficile. On vous accuse de crimes atroces que vous n'avez pas commis. Je tiens seulement à ce que le jury sache la vérité. Vous souvenez-vous avoir commis ces crimes ? ª

Ashley secoua la tête. Ńon. ª

David jeta un coup d'úil au jury puis continua. Ćonnaissiez-vous Dennis Tibble ?

- Oui. Nous travaillions ensemble à la Global Computer Graphie Corporation.

- Aviez-vous une raison quelconque de le tuer?

- Non. ª Elle avait du mal à parler. ´Je... je suis allée chez lui pour lui donner des conseils qu'il m'avait demandés et c'est la dernière fois que je l'ai vu.

- Connaissiez-vous Richard Melton ?

- Non...

- C'était un artiste. Il a été assassiné à San Francisco. La police a trouvé sur les lieux du crime des traces de votre ADN ainsi que vos empreintes digitales. ª

Ashley secouait énergiquement la tête. ´ Je... je ne sais pas quoi dire. Je ne le connaissais pas !

- Etes-vous consciente d'avoir en vous deux autres personnalités, ou alter ego, Ashley ?

- Oui. ª Elle avait la voix tendue.

´ quand l'avez-vous appris ?

- Avant le procès. C'est le Dr Salem qui m'en a parlé. Je n'arrivais pas à le croire. Je... ne le crois toujours pas. C'est...

c'est trop affreux.

- Vous ne vous étiez pas auparavant rendu compte de la présence de ces personnalités d'emprunt.

- Non.

- Vous n'aviez jamais entendu parler de Toni Prescott ou d'Alette Peters ?

- Non!

- Croyez-vous qu'elles existent en vous ?

- Oui... Je suis bien obligée de le croire. Ce sont elles qui ont d˚ faire toutes ces... toutes ces choses atroces.

- Ainsi vous ne vous rappelez pas avoir rencontré Richard Melton, vous n'aviez aucun mobile pour tuer Dennis Tibble ou le shérif adjoint Blake, qui était venu chez vous pour assurer votre protection ?

- Exactement. ª Elle balaya du regard la salle d'audience archicomble et eut un moment d'affolement.

Úne dernière question, dit David. Avez-vous déjà eu affaire à la justice ?

- Jamais. ª

Il posa ses mains sur les siennes. Ć'est tout pour le moment. ª Il se tourna vers Mickey Brennan. ´ Le témoin est à vous. ª

Brennan se leva, un grand sourire sur le visage. Éh bien, mademoiselle Patterson, nous allons finalement pouvoir vous parler à toutes. Avez-vous, à un moment ou un autre, eu des rapports sexuels avec Dennis Tibble ?

- Non.

- Et avec Richard Melton ?

- Non.

- Avec le shérif adjoint Blake ?

- Non.

- C'est très intéressant. ª Brennan jeta un coup d'oeil au jury. ´ Parce que des traces de sécrétions vaginales ont été

trouvées sur le corps des trois hommes. Les tests d'ADN

montrent qu'elles correspondent aux vôtres.

- Je... je n'y comprends rien.

- On a peut-être voulu détourner les soupçons sur vous.

Un monstre infernal en aura peut-être prélevé...

- Objection ! C'est tendancieux.

- Objection rejetée.

-... pour les déposer subrepticement sur les trois corps mutilés. Avez-vous des ennemis qui auraient pu vous faire un coup pareil ?

- Je... je ne sais pas.

- Le labo du FBI a examiné les empreintes trouvées sur les lieux des crimes. Et je suis s˚r que vous êtes surprise de...

- Objection.

- Objection retenue. Faites attention, maître Brennan.

- Oui, Votre Honneur. ª

Satisfait, David se rassit.

Ashley était au bord de la crise de nerfs. Će doit être les personnalités d'emprunt qui ont...

- Les empreintes trouvées sur les lieux des meurtres étaient les vôtres et uniquement les vôtres. ª

Ashley garda le silence.

Brennan alla vers une table, y prit un couteau de boucher enveloppé dans de la Cellophane et le tendit devant lui.

´ Reconnaissez-vous ce couteau ?

- C'est... c'est peut-être un de... un de mes...

- Un de vos couteaux ? C'est exact. Il figure au nombre des pièces à conviction. Les taches de sang qu'il y a dessus correspondent au sang du shérif adjoint Blake. Vos empreintes digitales se retrouvent sur l'arme du crime. ª

Ashley secouait violemment la tête de tous côtés.

´ Je n'ai jamais vu de cas plus flagrant de meurtre commis avec préméditation ni un système de défense aussi faible. Se cacher derrière deux personnages non existants, imaginaires, est bien la pire... ª

David se leva de nouveau. Óbjection.

- Objection retenue. Je vous ai déjà prévenu, maître Brennan.

- Excusez-moi, Votre Honneur. ª

Brennan continua. ´ Je suis s˚r que les jurés aimeraient faire connaissance avec les personnages dont vous parlez.

Vous êtes bien Ashley Patterson ?

- Oui...

- Bien. J'aimerais parler à Toni Prescott.

- Je... Je ne peux pas l'amener à se manifester comme ça.ª

Brennan la regarda avec étonnement. ´Vous ne pouvez pas? Vraiment? Eh, dans ce cas, que diriez-vous d'appeler Alette Peters?ª

Ashley secoua la tête, désemparée. ´ Je... je ne les maîtrise pas.

- Mademoiselle Patterson, j'essaie de vous aider, dit Brennan. Je veux que le jury voie les personnalités d'emprunt qui ont tué trois innocents. Faites-les se manifester !

- Je... je ne peux pas. ª Elle sanglotait.

´ Vous ne le pouvez pas parce que ces alter ego n'existent pas ! Vous vous cachez derrière des fantômes, Il n'y a que vous seule assise dans ce box, et vous seule êtes coupable.

Les alter ego n'existent pas mais vous, vous existez. Et je vais vous dire, il y a aussi une autre chose qui existe : la preuve irréfutable, indéniable, que vous avez assassiné trois hommes et les avez émasculés de sang-froid. ª Il se tourna vers le juge Williams. ´ Votre Honneur, le ministère public n'a rien à ajouter.ª

David regarda en direction des jurés. Ils dévisageaient tous Ashley, le visage empreint de répulsion.

Le juge Williams se tourna vers David. ´Maître Sin-

ger ? ª

Il se leva. ´Votre Honneur, je voudrais l'autorisation d'hypnotiser la prévenue afin de...

- Maître Singer, répondit sèchement le juge Williams, je vous avais d'emblée prévenu que je ne voulais pas que ce procès dégénère en spectacle de foire. Vous ne l'hypnotiserez pas dans mon prétoire. La réponse est non.

- Vous ne pouvez pas me le refuser, dit avec emportement David. Vous ne savez pas combien il est important que...

- «a suffit, maître Singer. ª Sa voix était glaciale. ´ Je vous impose une nouvelle amende pour outrage au tribunal.

Voulez-vous interroger de nouveau le témoin, oui ou non ? ª

David hésita puis, dépité, dit : Óui, Votre Honneur. ª Il s'approcha du box des témoins. Áshley, vous savez que vous témoignez sous serment?

- Oui. ª Sa respiration était saccadée et elle luttait pour rester maîtresse d'elle-même.

Ét tout ce que vous avez dit est la vérité telle que vous la connaissez ?

-Oui.

- Vous savez qu'il y a en vous deux alter ego sur lesquels vous n'avez aucun contrôle ?

- Oui.

- Toni et Alette?

- Oui.

- Vous n'avez commis aucun de ces meurtres horribles ?

- Non.

- C'est l'une de vos personnalités d'emprunt qui les a commis et vous n'êtes pas responsable. ª

Eleanor adressa un regard interrogateur à Brennan mais celui-ci se contenta de sourire en secouant la tête. ´ Laissons-le s'enfoncer ª, murmura-t-il.

´ Helen ª - David s'interrompit, blêmissant à ce lapsus.

´ Je veux dire Ashley... Faites venir Toni. ª

Ashley le regarda et secoua la tête d'impuissance. ´ Je... je ne peux pas, dit-elle à voix basse.

- Oui, vous le pouvez. Toni nous écoute en ce moment même. Elle s'amuse. Et pourquoi ne s'amuserait-elle pas?

Elle a commis trois meurtres et elle s'en tire. ª Il haussa la voix. ´ Vous êtes très intelligente, Toni. Allez, montrez-vous et venez saluer le public. On ne vous fera pas de mal. On ne peut pas vous punir car Ashley est innocente et il faudrait la condamner pour vous atteindre. ª

Tout le monde dans le prétoire avait les yeux fixés sur David. Ashley était immobile, comme figée sur place.

David se rapprocha d'elle. ´Toni! Toni, vous m'entendez ? Montrez-vous. Allez! ª

Il attendit quelques instants, il ne se passa rien. Il haussa encore la voix. ´ Toni ! Alette ! Montrez-vous ! Allez, montrez-vous. Nous savons tous que vous êtes là ! ª

On aurait entendu une mouche voler dans la salle d'audience.

David s'énerva. Il hurla. ´Montrez-vous! Montrez votre vrai visage... Zut alors! Allez! Allez! ª

Ashley fondit en larmes.

Le juge Williams dit sur un ton furieux : Ápprochez-vous, maître Singer. ª

David obtempéra lentement.

´ Vous avez fini d'importuner votre cliente, maître Singer?

Je vais envoyer un rapport au barreau concernant votre comportement. Vous déshonorez la profession et je vais recommander qu'on vous radie. ª

David ne répondit pas.

Ávez-vous d'autres témoins à citer? ª

Il secoua la tête, défait. Ńon, Votre Honneur. ª

C'était fini. Il avait perdu. Ashley allait mourir.

´ La défense a terminé son examen des témoins. ª

Joseph Kincaid, assis au dernier rang de la salle d'audience, assistait à la scène, l'air sinistre. Il se tourna vers Harvey Udell. ´ Débarrassez-nous de lui. ª Il se leva et s'en alla.

Udell arrêta David au moment o˘ celui-ci allait quitter la salle d'audience.

´ David...

- Bonjour, Harvey.

- Je suis navré que ça ait pris cette tournure.

- Ce n'est pas...

- M. Kincaid regrette mais, eh bien, il trouve préférable que vous ne reveniez pas au cabinet. Bonne chance. ª

Dès sa sortie du tribunal, David fut entouré par les caméras de télévision et les cris des journalistes.

Ávez-vous une déclaration à faire, maître Singer? ª

Íl paraît que le juge Williams a dit que vous seriez radié

du barreau... ª

´ Le juge Williams dit qu'elle va vous faire incarcérer pour outrage à la cour. Pensez-vous que... ? ª

´ Les spécialistes sont d'avis que vous avez perdu le procès. Avez-vous l'intention d'aller en appel... ? ª

´ Les experts juridiques de notre chaîne disent que votre cliente va être condamnée à mort... ª

Ávez-vous des projets d'avenir... ? ª

David monta dans sa voiture sans un mot et s'éloigna.

CHAPITRE VINGT ET UN

Il réécrivait sans cesse les scènes dans son esprit.

J'ai vu les informations ce matin, docteur Patterson. Si vous saviez comme je suis navré.

Oui. C'a été un choc. J'ai besoin de votre aide, David.

Bien s˚r. Je ferai tout ce que je peux.

Je veux que vous assuriez la défense d'Ashley.

Je ne peux pas. Je ne suis pas avocat pénaliste. Mais je peux vous recommander un bon avocat, Jesse quiller.

N'en parlons plus. Merci, David...

Vous êtes drôlement impatient, n'est-ce pas ? Nous n'avions rendez-vous qu'à 5 heures. Eh bien, j'ai de bonnes nouvelle pour vous. Nous vous nommons partenaire.

Vous avez demandé à me voir ?

Oui, Votre Honneur. Il est beaucoup question du procès sur Internet et l'opinion a d'ores et déjà déclaré la prévenue coupable. Cela risque de constituer un handicap grave pour la défense. Par conséquent, je dépose une motion en annulation du procès.

Je pense que ce sont là d'excellentes raisons d'annuler le procès, maître Singer. Je vais faire le nécessaire pour...

Le petit jeu, au go˚t amer, du conditionnel passé...

Le lendemain matin, l'audience était ouverte.

´ L'accusation est-elle prête à conclure ? ª

Brennan se leva, il s'approcha du box des jurés qu'il regarda tour à tour.

´ Vous êtes en situation de rendre un verdict historique. Si vous croyez que l'accusée est plusieurs personnes en une, qu'elle n'est pas responsable de ses actes, et si vous la remettez en liberté, cela revient à dire que, pour vous, n'importe qui peut s'innocenter d'un crime uniquement en déclarant qu'il ne l'a pas commis, qu'un mystérieux alter ego a agi à sa place. On peut alors voler, violer et tuer sans être coupable? Non. "Ce n'est pas moi, c'est mon alter ego."

Ken, Joe ou Suzy, qu'on l'appelle comme on voudra. Eh bien, je pense que vous êtes trop intelligents pour vous abandonner à ce fantasme. La réalité se trouve dans les photos que vous avez regardées. Ces gens n'ont pas été assassinés par des alter ego.Ils l'ont été de manière délibérée, calculée, cruelle, par l'accusée assise à cette table, Ashley Patterson. Mesdames et Messieurs du jury, le système adopté

par la défense en cette affaire a un précédent. Dans l'affaire Teller, il avait été décidé que l'existence d'un syndrome de personnalité multiple n'entraînait pas automatiquement l'acquittement. Dans l'affaire Whirley, une infirmière, qui avait tué un nourrisson, avait plaidé non coupable sous prétexte qu'elle souffrait d'un syndrome de personnalité multiple. Le tribunal l'a jugée coupable.

´Vous savez, j'ai presque envie de plaindre l'accusée.

Tous ces personnages qui vivent dans cette pauvre fille. Je suis s˚r qu'aucun d'entre nous ne voudrait être ainsi envahi par une bande d'inconnus complètement fous, n'est-ce pas ?

Des inconnus qui se baladent et qui ch‚trent les hommes.

Moi, ça me ferait peur. ª

Il se retourna pour regarder Ashley. ´ L'accusée ne semble pas avoir peur, vous ne trouvez pas ? Si elle a peur, cela ne l'a pas empêchée de mettre une jolie robe, de se coiffer avec soin et de se maquiller. Elle n'a pas l'air effrayée du tout. Elle pense que l'on va ajouter foi à son histoire et qu'on va la laisser partir. Comme personne ne peut prouver l'existence de ce syndrome de personnalité multiple, nous allons devoir nous déterminer nous-mêmes.

´La défense prétend que ces personnalités multiples se manifestent et imposent leur volonté au sujet. Voyons voir -

il y a Toni. Elle est née en Angleterre. Et Alette. Elle est née en Italie. Elles ne sont qu'une seule et unique personne.

Seulement, elles sont nées dans des pays différents et à des dates différentes. «a ne vous trouble pas ? Moi oui. J'ai offert à l'accusée l'occasion de nous laisser voir ses alter ego mais elle n'a pas saisi la perche que je lui tendais. Je me demande pourquoi. Serait-ce parce que ces personnalités d'emprunt n'existent pas...? La loi californienne reconnaît-elle le syndrome de personnalité multiple comme état psychologique ?

Non. La loi du Colorado ? Non. Du Mississippi ? Non. La loi

, fédérale ? Non. En fait, aucun Etat ne reconnaît juridiquement le syndrome de personnalité multiple comme système de défense. Et pourquoi ? Parce que ce n'en est pas un. Mesdames et Messieurs, c'est un alibi relevant de la pure fiction pour échapper au ch‚timent...

´La défense vous demande de croire en l'existence de deux autres personnes à l'intérieur de l'accusée, mais aucune qui soit responsable de ses actes criminels qu'elle a commis, Il n'y a cependant qu'une accusée dans le prétoire - Ashley.

Nous avons prouvé sans l'ombre d'un doute qu'elle est une criminelle. Mais elle prétend n'avoir pas commis les crimes.

qu'ils ont été commis par quelqu'un d'autre - un de ses alter ego - qui s'est servi d'elle pour tuer des innocents. Est-ce que ce ne serait pas merveilleux si nous avions tous des personnalités d'emprunt qui exécuteraient tout ce dont nous avons secrètement envie et que la société réprouve ? Ou peut-

être pas. Aimeriez-vous vivre dans un monde o˘ l'on s'entre-tuerait en disant, "Vous ne pouvez rien contre moi, c'est la faute de mon alter ego" et "Vous ne pouvez pas punir mon alter ego parce qu'il est vraiment moi" ?

´Mais ce ne sont pas des personnages mythiques qui n'existent pas que nous jugeons ici. L'accusée, Ashley Patterson, est jugée pour trois meurtres pervers, prémédités, et le ministère public réclame la peine de mort. Merci. ª

Mickey Brennan retourna à sa place.

´ La défense est-elle prête à conclure ? ª

David se leva, Il s'approcha du box des jurés dont il observa les visages, découragé par ce qu'il y lisait. ´ Je sais que cette affaire n'est facile pour personne d'entre nous. Vous avez entendu les experts déclarer sous serment qu'ils avaient soigné des cas de personnalité multiple et vous en avez entendu d'autres affirmer qu'il n'existait rien de tel. Vous n'êtes pas médecins et, par conséquent, personne ne s'attend à ce que vous fondiez votre jugement sur une base médicale.

Je tiens à m'excuser auprès de vous tous si mon comportement hier a paru brutal et grossier. J'ai interpellé Ashley Patterson en criant parce que je voulais obliger ces alter ego à

se manifester. Il existe réellement une Alette et une Toni, et elles sont capables de prendre le dessus sur Ashley quand elles le veulent. Elle n'a pas conscience d'être une criminelle.

´ Je vous ai dit au début du procès que, pour que quelqu'un soit reconnu coupable de meurtre avec préméditation, il fallait des preuves matérielles et un mobile. Ici, il n'y a pas de mobile, Mesdames et Messieurs. Aucun. Et la loi dit que c'est à l'accusation d'apporter la preuve de la culpabilité de l'accusé au-delà de tout doute raisonnable. Je suis s˚r que vous conviendrez que, dans ce cas, il y a doute raisonnable.

´ Pour ce qui est des preuves matérielles, la défense ne les nie pas. Il y a des empreintes digitales et des traces d'ADN

d'Ashley Patterson sur chaque lieu du crime. Mais le simple fait qu'on les y ait trouvées devrait nous inciter à réfléchir.

Ashley Patterson est une jeune femme intelligente. Si elle avait commis un meurtre sans vouloir se faire prendre, aurait-elle été assez stupide pour laisser ses empreintes chaque fois ?

La réponse est non. ª

David continua ainsi durant trente minutes. A la fin, il examina les visages du jury et ce qu'il vit ne le rassura pas. Il s'assit.

Le juge Williams se tourna vers les jurés. ´ Je tiens à vous instruire sur la loi applicable dans cette affaire. Ecoutez bien. ª Elle parla durant les vingt minutes suivantes pour préciser ce qui était admissible et acceptable par la loi.

Śi vous avez des questions ou désirez qu'on vous relise l'une ou l'autre partie des témoignages, le greffier le fera. Le jury peut disposer pour aller délibérer. L'audience est suspendue jusqu'à ce qu'il revienne avec le verdict. ª

David suivit les jurés des yeux tandis qu'ils s'écoulaient du box et entraient dans la salle des délibérations. Plus ils pren-dont de temps, mieux ce sera pour nous, pensa-t-il.

Ils revinrent quarante-cinq minutes plus tard.

David et Ashley les regardèrent rentrer dans la salle et reprendre leurs places dans le box. Ashley était impassible.

David s'aperçut qu'il était en sueur.

Le juge Williams se tourna vers le président du jury. ´ Les jurés sont-ils parvenus à un verdict ?

- Oui, Votre Honneur.

- Voulez-vous, s'il vous plaît, le remettre à l'huissier. ª

Celui-ci porta la feuille au juge qui la déplia. Un silence absolu régnait dans la salle.

L'huissier rapporta la feuille de papier au président du jury.

´ Voulez-vous lire le verdict, s'il vous plaît? ª

D'un ton lent et mesuré, le président du jury lut : ´ Dans l'instruction opposant le ministère public de l'Etat de Californie à Ashley Patterson, nous, le jury, déclarons l'accusée, Ashley Patterson, coupable du meurtre de Dennis Tibble en violation de l'article 187 du code pénal. ª

Un murmure de stupéfaction parcourut l'assistance. Ashley ferma les yeux.

´ Dans l'instruction opposant le ministère public de l'Etat de Californie à Ashley Patterson, nous, le jury, déclarons l'accusée, Ashley Patterson, coupable du meurtre du shérif adjoint Blake en violation de l'article 187 du code pénal.

´ Dans l'instruction opposant le ministère public de l'Etat de Californie à Ashley Patterson, nous, le jury, déclarons l'accusée, Ashley Patterson, coupable du meurtre de Richard Melton en violation de l'article 187 du code pénal. Nous, le jury, énonçons, dans tous les cas, un verdict de meurtre avec préméditation. ª

David avait du mal à respirer. Il se tourna vers Ashley mais ne sut trouver ses mots, il se pencha vers elle et passa le bras autour de ses épaules.

Le juge Williams dit : ´ Je voudrais que chaque juré

confirme son verdict. ª

Les jurés se levèrent à tour de rôle.

´ Le verdict qui a été lu était-il bien le vôtre ? ª

Et à chaque confirmation, le juge Williams disait : ´ Le verdict sera consigné dans le procès-verbal. ª Elle poursuivit.

´ Je tiens à remercier les jurés pour leur disponibilité durant le procès. Vous pouvez disposer. Demain, le tribunal abor-dera la question de la santé mentale de la prévenue. ª

David, prostré, vidé, suivit des yeux Ashley que l'on emmenait.

Le juge Williams se leva et se dirigea vers son cabinet sans un regard pour David. L'attitude du juge lui fit comprendre plus clairement que des mots qu'elle réservait sa décision pour le lendemain matin. Ashley allait être condamnée à

mort.

Sandra téléphona de San Francisco. ´ «a va, David? ª

Il essaya de prendre un ton enjoué. Óui, en pleine forme.

Et toi?

- «a va. J'ai regardé les informations à la télévision. Le juge n'a pas été juste avec toi. Elle ne peut pas te faire radier du barreau. Tu essayais seulement d'aider ta cliente. ª

Il ne répondit pas.

´Je suis tellement navrée, David. Je voudrais être à tes côtés. Je peux venir en voiture et...

- Non. Nous ne pouvons pas courir de risques. Tu as vu le médecin aujourd'hui?

- Oui.

- qu'est-ce qu'il dit?

- que c'est pour très bientôt. D'un jour à l'autre. ª

Joyeux anniversaire, Jeffrey.

Jesse quiller téléphona.

´ Je m'y suis mal pris, dit David.

- Allons donc. Tu es tombé sur le mauvais juge. que lui as-tu fait pour qu'elle s'acharne sur toi comme ça?

- Elle voulait qu'on plaide coupable en échange d'une réduction de peine. Elle ne voulait pas de procès. J'aurais peut-être d˚ l'écouter. ª

Il n'était question, sur toutes les chaînes de télévision, que de la manière honteuse dont il s'était comporté avec Ashley.

Il vit le consultant juridique de l'une des chaînes commenter le procès.

´ Je n'avais jamais entendu un avocat de la défense hurler après sa cliente. Je dois vous dire que le prétoire était estoma-qué. C'est l'un des plus scandaleux... ª

David changea de chaîne. A quel moment la machine s'est-elle déréglée ? Dans la vie, les choses sont censées finir en beauté. Parce que je m'y suis mal pris, Ashley va mourir, je vais être radié du barreau, le bébé va naître d'un moment à

l'autre et je n'ai même pas d'emploi.

On était au milieu de la nuit, et il était assis dans sa chambre, en pleine obscurité. Jamais il ne s'était senti aussi démuni. Il revivait mentalement la scène finale au tribunal.

Vous n'hypnotiserez pas dans mon prétoire. La réponse est non.

Si seulement elle m'avait laissé l'hypnotiser à la barre des témoins, je sais qu'Ashley aurait convaincu le jury. Trop tard.

Les jeux sont faits.

Et une petite voix intérieure, narquoise, lui susurrait : qui dit que les jeux sont faits? Je n'entends pas chanter la grande Faucheuse.

Je ne peux plus rien.

Ta cliente est innocente. Vas-tu la laisser mourir ?

Laisse-moi tranquille.

Les paroles du juge Williams lui revenaient sans cesse à

l'esprit. ´ Vous n'hypnotiserez pas dans mon prétoire. ª

Et trois mots surtout résonnaient encore à son oreille : dans mon prétoire.

A 5 heures du matin, David, tout excité, donna deux coups de fil urgents. Lorsqu'il raccrocha enfin, le soleil se levait à

l'horizon. C'est de bon augure, pensa-t-il. Nous allons gagner.

Un peu plus tard, il entrait précipitamment chez un anti-quaire.

Un vendeur vint à sa rencontre. ´ Puis-je vous être utile, monsieur ?ª Il reconnut David. ´ Monsieur Singer.

- Je cherche un paravent chinois. Avez-vous quelque chose de ce genre ?

- Oui. Nous n'en avons pas de très anciens, mais...

- Voyons ce que vous avez.

- Certainement. ª Il conduisit David dans un rayon o˘ il y avait de nombreux paravents chinois. Le vendeur lui désigna le premier. ´ Tenez, celui-ci...

- Il est bien, dit David.

- Oui, monsieur. O˘ dois-je le faire porter ?

- Je l'emporte. ª

David s'arrêta ensuite dans une quincaillerie o˘ il acheta un canif. quinze minutes plus tard, il entrait dans la salle des pas perdus du Palais de justice, le paravent sous le bras.

´ J'ai fait le nécessaire pour interviewer Ashley Patterson, dit-il au gardien, à l'accueil. J'ai l'autorisation d'utiliser le cabinet du juge Goldberg. Il est absent aujourd'hui.

- Oui, monsieur. Tout est réglé. Je vais faire venir la prévenue. Le Dr Salem et un autre homme vous attendent déjà

là-haut.

- Merci. ª

Le gardien le suivit des yeux tandis qu'il entrait dans l'ascenseur avec le paravent chinois. Fou à lier, pensa-t-il.

Le cabinet du juge Goldberg était une pièce d'apparence confortable, meublée d'un bureau qui faisait face à la fenêtre, d'un fauteuil pivotant et, le long du mur, d'un canapé et de plusieurs chaises. Le Dr Salem et l'autre homme étaient debout dans la pièce lorsque David y pénétra.

Éxcusez mon retard.

- Je vous présente Hugh Iverson. C'est l'expert que vous avez demandé. ª

Les deux hommes échangèrent une poignée de main.

´ Faisons vite, dit David. Ashley arrive. ª

Il se tourna vers Hugh Iverson et désigna un coin de la pièce. ´ «a vous va?

- Parfait. ª

Il regarda Iverson se mettre à l'ouvrage. quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit et Ashley entra en compagnie d'un gardien.

´ Je dois demeurer dans la pièce ª, dit le gardien.

David acquiesça. ´ Très bien. ª Il se tourna vers Ashley.

Ásseyez-vous, je vous prie. ª

Il la regarda s'asseoir. ´ Je tiens tout d'abord à vous dire combien je regrette que les choses aient tourné de la sorte. ª

Elle acquiesça, comme hébétée.

´ Mais ce n'est pas fini. Il nous reste une chance. ª

Elle le regarda d'un úil incrédule.

Áshley, je voudrais que le Dr Salem vous hypnotise de nouveau.

- Non. A quoi cela peut-il bien servir maintenant que...

- Faites-le pour moi. Vous voulez ? ª

Elle haussa les épaules.

David adressa un signe de tête au Dr Salem.

´ Vous avez déjà été hypnotisée, dit le Dr Salem à Ashley, alors vous savez que vous n'avez qu'à fermer les yeux et à

vous détendre. Détendez-vous. Rel‚chez tous les muscles de votre corps. Vous avez envie de dormir. Vous êtes somno-lente... ª

Dix minutes plus tard, le Dr Salem regarda David et dit : Élle est complètement sous hypnose. ª

David s'approcha d'Ashley, le cúur battant.

´ Je veux parler à Toni. ª

Il n'y eut pas de réaction.

Il haussa la voix. ´ Toni. Je veux que vous vous manifes-tiez. Vous m'entendez ? Alette... Je veux que vous me parliez toutes les deux. ª

Silence.

David hurlait à présent. ´ qu'est-ce qui vous prend ? Vous avez peur? A cause de ce qui s'est passé au tribunal, c'est ça? Vous avez entendu ce qu'a dit le jury? qu'Ashley est coupable. Vous avez eu peur de vous manifester. Vous êtes une l‚che, Toni ! ª

Ils regardèrent Ashley. Elle ne réagissait pas. David adressa un regard désespéré au Dr Salem. «a n'allait pas marcher.

´ L'audience est ouverte sous la présidence de l'Honorable Juge Tessa Williams. ª

Ashley était assise à la table de la défense à côté de David.

Celui-ci avait la main entourée d'un gros pansement.

Il se leva. ´ Puis-je m'approcher, Votre Honneur?

- Oui. ª

Il s'approcha du banc du juge. Brennan le suivit.

´J'ai des éléments nouveaux à verser au dossier, dit David.

- Il n'en est absolument pas question ª, objecta Brennan.

Le juge Williams se tourna vers lui et dit : ´ Permettez que je décide par moi-même, maître Brennan. ª Elle se retourna vers David. ´ Le procès est terminé. Votre cliente a été reconnue coupable et...

- Ces éléments concernent la plaidoirie d'aliénation mentale, expliqua David. Je ne vous demande que dix minutes de votre temps.

- Le temps ne signifie pas grand-chose pour vous, n'est-ce pas, maître Singer? dit avec irritation le juge Williams.

Vous en avez déjà fait perdre beaucoup à tout le monde. ª

Elle prit sa décision. ´ D'accord. J'espère qu'il s'agit de la dernière requête qu'il vous sera donné d'exposer dans un tribunal. La cour se retire pour dix minutes. ª

David et Brennan suivirent le juge dans son cabinet.

Elle se tourna vers David. ´Je vous accorde vos dix minutes. De quoi s'agit-il, Maître?

- Je voudrais vous montrer un film, Votre Honneur. ª

Brennan intervint : ´ Je ne vois pas ce que ça vient faire dans...

- Moi non plus ª, dit le juge Williams. Elle se tourna vers David. Íl vous reste neuf minutes. ª

David courut vers la porte donnant sur le couloir et l'ouvrit. Éntrez. ª

Hugh Iverson pénétra dans la pièce, portant un projecteur seize millimètres et un écran portatif. Ó˘ est-ce que je l'installe?ª

David indiqua un coin de la pièce. ´ Là-bas. ªIls le regardèrent disposer le matériel et brancher le projecteur.

´ Puis-je descendre les stores ? ª, demanda David.

Le juge Williams retenait à grand-peine son exaspération.

Óui, allez-y, maître Singer. ª Elle consulta sa montre.

´ Vous avez sept minutes. ª

On mit le projecteur en marche. Le cabinet du juge Goldberg apparut sur l'écran. David et le Dr Salem regardaient Ashley, assise dans un fauteuil.

Sur l'écran, le Dr Salem dit : Élle est complètement sous hypnose. ª

David s'approcha d'Ashley. ´ Je veux parler à Toni... Toni, manifestez-vous. Vous m'entendez? Alette... Je veux que vous me parliez toutes les deux. ª

Silence.

Le juge Williams regardait le film, le visage fermé.

David hurlait à présent. ´ qu'est-ce qui vous prend? Vous avez peur? A cause de ce qui s'est passé au tribunal, n'est-ce pas? Vous avez entendu ce qu'a dit le jury? qu'Ashley est coupable. Vous avez eu peur de vous manifester. Vous êtes une l‚che, Toni ! ª

Le juge Williams se leva. ´ J'en ai assez ! J'ai déjà été

témoin de ce spectacle répugnant. Votre temps est écoulé, maître Singer.

- Attendez, dit David. Vous n'avez pas...

- Terminé ª, trancha le juge Williams qui se dirigea vers la porte.

Tout à coup, une chanson résonna dans la pièce.

Il court, il court le furet

Le furet des bois, mesdames.

Il court, il court le furet,

Le furet des bois jolis.

Il est passé par ici. Il repassera par là.

Il court, il court...

Intriguée, le juge Williams se retourna. Elle regarda l'image sur l'écran.

Le visage d'Ashley était complètement méconnaissable.

C'était Toni.

Celle-ci dit d'un ton irrité : ´ Moi trop effrayée pour me manifester au tribunal ? Pensiez-vous vraiment que j'allais me montrer uniquement parce que vous me l'ordonnez ? Pour qui me prenez-vous, pour un chien savant ? ª

Le juge Williams revint lentement dans la pièce sans quitter l'écran des yeux.

´ J'ai écouté tous ces crétins se ridiculiser. ª Elle imita la voix de l'un des psychiatres : ´ "Je ne pense pas que le syndrome de personnalité multiple existe". quels imbéciles. Je n'ai jamais vu de tels... ª

Le visage d'Ashley se transforma de nouveau sous leurs yeux. Elle parut se détendre dans son fauteuil et sembla intimidée. ´ Monsieur Singer, dit Alette avec son accent italien, je sais que vous avez fait de votre mieux. Je voulais me manifester devant le tribunal pour vous aider mais Toni m'en a empêchée. ª

Le juge Williams regardait, inexpressive.

Le visage et la voix changèrent de nouveau. ´ «a, pour t'en avoir empêchée, je t'en ai empêchée, dit Toni.

- Toni, dit David, que se passera-t-il, à votre avis, si le juge condamne Ashley à mort?

- Le juge ne va pas la condamner à mort. Ashley ne connaissait même pas un seul des hommes qui ont été tués.

Vous vous rappelez ?

- Mais Alette les connaissait tous. C'est vous, Alette, qui avez commis ces meurtres. Vous avez eu des rapports sexuels avec eux puis vous les avez poignardés à mort et les avez ch‚trés...

- Espèce d'idiot ! dit Toni. Vous ne savez rien, n'est-ce pas? Alette n'aurait jamais eu le culot de faire ça. C'est moi qui les ai tués. Ils méritaient de mourir. Seul le sexe les intéressait. ª Elle respirait difficilement. ´ Mais je le leur ai fait payer cher, n'est-ce pas ? Et personne ne peut prouver que je suis la meurtrière. que la petite sainte-nitouche écope.

Nous irons toutes dans un petit asile pépère et... ª

A l'arrière-plan, derrière le paravent chinois posé dans le coin, un déclic bruyant se fit entendre.

Toni se retourna. ´ qu'est-ce que c'était?

- Rien, dit vivement David. C'était seulement... ª

Toni se leva et se mit à courir vers la caméra jusqu'à ce que son visage envahisse l'écran. Elle écarta quelque chose d'une poussée et l'image s'inclina; une partie du paravent tomba dans le champ. On y avait creusé un petit trou au centre.

´ Vous avez une foutue caméra derrière ce machin ! ª, cria Toni. Elle se tourna vers David. Éspèce de salaud, qu'est-ce que vous essayez de faire ? Vous m'avez eue ! ª

Un coupe-papier était posé sur le bureau. Toni le saisit et fonça sur David en hurlant : ´ Je vais vous tuer. Je vais vous tuer ! ª

David essaya de la maîtriser mais il avait affaire à trop forte partie. Le coupe-papier lui coupa l'intérieur de la main.

Toni leva le bras pour frapper de nouveau et le gardien courut vers elle pour tenter de l'immobiliser. Elle le frappa et le précipita par terre. La porte s'ouvrit et un policier en uniforme entra en courant dans la pièce. Voyant ce qui se pas-

sait, il se jeta sur Toni. Elle lui donna un coup de pied dans le bas-ventre et il s'écroula. Deux autres policiers entrèrent en courant. Ils durent s'y mettre à trois pour clouer Toni sur la chaise tandis qu'elle ne cessait de les injurier.

Du sang coulait de la main de David. Il dit au Dr Salem :

´ Pour l'amour du ciel, réveillez-la.

- Ashley... Ashley... écoutez-moi, dit le Dr Salem. Vous allez maintenant vous réveiller. Toni n'est plus là. Vous pouvez vous manifester sans crainte maintenant, Ashley. Je vais compter jusqu'à trois. ª

Le corps d'Ashley s'apaisa et se détendit sous le regard du groupe devant l'écran.

´ Vous m'entendez ?

- Oui. ª C'était la voix d'Ashley, lointaine.

Á trois, vous allez vous réveiller. Un... deux... trois...

Comment vous sentez-vous ? ª

Ses yeux s'ouvrirent. ´ Je me sens tellement fatiguée. Est-ce que j'ai dit quelque chose ? ª

L'écran s'éteignit. David alla jusqu'au mur et alluma les lumières.

Éh ben, dit Brennan. quel spectacle! Si l'on donnait l'Oscar du meilleur... ª

Le juge Williams se tourna vers lui. ´ Fermez-la. ª

Brennan la regarda, décontenancé.

Il se fit un silence dans la pièce. Le juge Williams se tourna vers David. ´ Maître ?

- Oui. ª Elle marqua une pause. ´ Je vous dois des excuses. ª

Le juge Tessa Williams, qui siégeait, dit : ´ Les deux parties ont décidé d'un commun accord d'accepter l'avis d'un psychiatre qui a déjà examiné l'accusée, le Dr Salem. La cour décrète que l'accusée n'est pas coupable pour cause de folie.

Elle sera conduite dans une institution psychiatrique o˘ elle pourra être soignée. L'audience est suspendue. ª

David se leva, exténué. C'est terminé, pensa-t-il. C'est finalement terminé. Sandra et lui allaient pouvoir recommencer à vivre.

Il regarda le juge Williams et dit joyeusement : Ńous avons un bébé. ª

Le Dr Salem dit à David : ´ J'aurais une suggestion à vous faire. Je ne suis pas s˚r que ce soit faisable, mais si vous pou-viez arranger ça, je crois que ça aiderait Ashley.

- De quoi s'agit-il ?