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CHAPITRE VINGT-CINQ

Atavian vit les javelots d’énergie s’enfoncer dans la carapace des nécrons, y être absorbés sans avoir causé le moindre dommage.

Par la miséricorde d’Hera, sont-ils donc invincibles ?

Tirian répondit – Atavian ne s’était pas rendu compte qu’il avait énoncé ses inquiétudes dans sa radio. Tous les Devastators étaient reliés par un canal commun afin de mieux coordonner leurs tirs. Dans la fureur du barrage, Atavian avait tout simplement oublié de couper ses transmissions.

Je n’en doute pas, frère. Peut-être accepterait-il de venir ici depuis la ligne de front, de franchir au pas de course les trois cents mètres qui nous séparent des machines, et de nous montrer comment il s’y est pris la première fois ?

Le rire tonitruant de Tirian détonnait vu la gravité de la situation, mais il fit sourire Atavian.

Quelques centaines de mètres ne représentaient qu’une distance insignifiante. C’était théoriquement la portée optimale d’un canon laser, mais l’arme restait efficace à pratiquement n’importe quelle portée raisonnable. Atavian ne connaissait pas d’arme plus précise, plus meurtrière. Hektar et Iulus pilonnaient les monolithes qui utilisaient leur énergie pour transférer les phalanges nécrons de Kellenport vers l’arrière-garde des Ultramarines.

L’escouade de Tirian marquait la cadence. Les flammes des canons des bolters lourds étaient presque constantes, et ils avalaient leurs bandes de munitions en quelques secondes. Le fait qu’aucune des armes ne se soit enrayée témoignait de l’habileté et de la prévoyance du sergent et de ses hommes. Il n’était pas Techmarine, mais Atavian n’en rendit pas moins grâce à l’Omnimessie. Des explosions naissaient au milieu des rangs ennemis resserrés lorsque les bolts à haute vélocité les percutaient. Mais c’était comme jeter des pierres dans l’océan. Il y avait un remous quand plusieurs mécanoïdes mordaient la poussière, mais la marée revenait toujours, les pertes absorbées par l’immensité de la horde ou immédiatement redéployées par les portails des monolithes.

Les pyramides volantes devaient être détruites à tout prix, comprit Atavian. En privant l’ennemi de sa capacité à recycler instantanément ses guerriers, les Ultramarines pourraient au moins s’octroyer une chance de le ralentir. Dans la situation actuelle, c’était impossible.

Visez les matrices cristallines, ordonna-t-il à ses hommes. Toutes les armes.

Alors que les Tueurs de Titans levaient leurs canons, une ombre leur tomba dessus. Lorsqu’il perçut le sifflement de moteurs à répulseurs, Atavian cria :

À terre !

Deux plateformes d’armes nécrons leur fondaient dessus à grande vitesse.

Je peux les vaincre ! lança frère Ikus, qui était resté debout. Au nom de l’Empereur !

Le faisceau de son lance-plasma lourd enveloppa la première plateforme et la transforma en épave enflammée qui alla s’écraser. La deuxième évita la décharge de plasma et répliqua.

Ikus fit pivoter son arme lourde en grognant. Les bobines de son générateur portable tournaient encore pour se recharger. Le canon à fission lourd de la plateforme nécron émit un trait émeraude qui frappa l’Ultramarine en pleine poitrine et l’empala. Ikus frémit lorsque la plupart de ses organes internes furent réduits à l’état de particules, puis tomba tête la première sur les marches.

Neutralisez-le ! cria Atavian en désignant l’aéronef, qui décrivait une courbe pour refaire un passage.

Un missile tiré par les soldats de Tiran vint alors le percuter en milieu de course et le fit exploser. L’épave vint s’écraser juste devant les autres Devastators, broyée et en flammes.

Frère Korvus des Tueurs de Titans passa la sangle de son bolter sur l’épaule et se précipita pour récupérer le lance-plasma lourd d’Ikus. Dans le même temps, l’un des guerriers de Tirian se rua vers les débris de la plateforme pour éliminer définitivement le nécron qui y était piégé.

Il est encore vivant, dit Korvus en vérifiant les signes vitaux d’Ikus.

Pointez cette arme vers les monolithes, ordonna Atavian en envoyant un autre Space Marine avec bolter mettre Ikus à l’abri.

Il reporta ensuite son attention sur les monolithes. Au loin, les engins utilisaient leur énergie d’une manière inédite. Une toile de lumière apparaissait entre les trois machines, centrée sur le plus grand des véhicules.

Ça n’augure rien de bon, grimaça Atavian avant d’ordonner aux servants des canons laser d’intensifier leurs tirs sur la machine centrale.

Leurs tactiques avaient évolué. Au lieu de submerger les Ultramarines de leurs fantassins, les nécrons allaient les rayer de la surface de Damnos en concentrant sur eux une puissance de feu infernale.

Contemplant leur progression inexorable, sachant qu’il ne pouvait faire plus pour résister aux monolithes, Atavian ne put que regretter de ne pas avoir plus de canons laser.

Ullyious Ixion jura lorsque la plateforme volante échappa à son courroux. Il était encore en train de s’extirper de la carcasse de la machine sur laquelle il avait atterri. Son saut le conduisit au milieu d’une phalange de guerriers nécrons et il se mit immédiatement à l’ouvrage avec son pistolet à plasma et son gantelet énergétique. Aux côtés de leur sergent, les Vengeurs de Macragge se montraient aussi impérieux que brutaux. Une langue de flammes jaillit parmi les rangs serrés des nécrons, vomie par le lance-flammes de Ptolon. Ses frères bondirent sur les mécanoïdes embrasés et les mirent en pièces de leurs épées tronçonneuses. La tâche était difficile ; les nécrons se montraient coriaces, mais l’ennemi n’en recula pas moins devant la charge de l’escouade d’assaut.

D’autres plateformes d’armes, un nouveau groupe, viraient de nouveau pour attaquer tandis qu’Ixion scrutait le ciel. Attaquer, détruire, manœuvrer et répéter l’opération : telle était la routine tactique d’un Marine d’assaut. Sur ordre de leur sergent, les Vengeurs de Macragge prirent leur envol, ne laissant que du permafrost fondu dans leur sillage.

Alors qu’ils atteignaient l’apogée de leur bond, Ixion demanda :

Comment s’en sort Strabo ?

L’autre escouade d’assaut, les autoproclamés Héros de Selenopolis, se trouvait sur le flanc opposé à celui des Vengeurs de Macragge et se concentrait sur des cibles similaires. Ixion ordonna à frère Ptolon de tenir les comptes.

Ils ont détruit une plateforme de plus que nous, sergent.

De nouvelles cibles, rapides, rouges, se dessinaient sur l’affichage rétinien d’Ixion. Il pointa son pistolet à plasma et visa.

Il est temps de rééquilibrer le score.

Même au sein de cet affrontement désespéré, la rivalité entre les escouades se poursuivait. Sicarius, tout comme Ixion, s’en félicitait, car cela poussait ses frères à se dépasser.

Les nécrons étaient partout. C’était une bataille sans fin. Ixion s’en félicitait également.

La mort venue des cieux ! Feu et colère ! Pour Ultramar !

En dessous du duel aérien opposant les plateformes nécrons et les escouades d’assaut, Praxor élimina le dernier guerrier de la phalange envoyée pour affaiblir leur attaque. Les Porteurs de Bouclier transperçaient les rangs des mécanoïdes. Praxor n’avait jamais vu ses guerriers aussi inspirés. Lui aussi se battait au summum de ses capacités. Vu leur enfoncement au cœur des lignes ennemies, il n’en fallait pas moins.

Il vit Sicarius, juste devant lui, à travers la mêlée. Tout se jouait au combat rapproché, bolter et lame, le domaine dans lequel les Space Marines excellaient. S’ils se montraient robustes, les guerriers adverses n’étaient pas aussi adroits que les Astartes, ce qui les mettait en position de faiblesse malgré leur capacité à s’autoréparer. Au corps à corps, ou à portée très courte, il était plus facile de s’assurer qu’un nécron était suffisamment endommagé pour se dématérialiser ; à distance – comme au début de l’engagement, trop d’ennemis se régénéraient pour retourner au combat.

S’ils n’étaient pas spécialement équipés pour l’assaut, Praxor avait ordonné à ses hommes de tirer leurs gladius et leurs pistolets bolter dès que les nécrons étaient arrivés à portée. Progressant en coin, le sergent à leur tête, la charge brutale des Porteurs de Bouclier s’était enfoncée dans la formation ennemie.

Agrippen avançait tel un bélier. Lui et Ultracius avaient percuté les nécrons quelques secondes après Sicarius ; ils progressaient sur les flancs du capitaine et de ses Lions, broyant les mécanoïdes de leurs poings énergétiques et de salves à bout portant de leurs armes principales.

Les nécrons n’avaient rien pour lutter contre les Dreadnought. Leurs plateformes d’armes volantes ne pouvaient s’approcher suffisamment, car Ixion et Strabo occupaient les cieux. Rien d’autre n’était à même de les atteindre. Incapables d’aligner une puissance de feu adaptée aux monstres de métal, les nécrons étaient massacrés. Mais pour chaque guerrier qui mordait la poussière, trois autres apparaissaient. Et il ne s’agissait là que des troupes ordinaires – les automates d’élite allaient s’avérer plus coriaces. Le plan de Sicarius était risqué ; s’il n’arrivait pas à affronter et vaincre rapidement le seigneur suprême des nécrons, tous les efforts des Dreadnought, de tous les Ultramarines, seraient vains.

Un moment de calme descendit sur Praxor lorsqu’il élimina le dernier ennemi immédiat. Cela lui permit de prendre conscience du déroulement de la bataille. La percée des Ultramarines les avait amenés assez loin de la basilique, enfonçant un coin bleu cobalt dans cette mer de métal. En pénétrant davantage, le coin s’étrécissait pour devenir une pique tâtonnant lentement à la recherche du cœur de son ennemi – dans ce cas, le seigneur nécron. Mais une autre phalange contournait la mêlée pour venir étouffer l’audacieuse attaque des Ultramarines.

Praxor posa contre son casque la lame de son épée énergétique qui bourdonnait, assoiffée de sang, pour implorer la bénédiction de l’Empereur et du primarque avant de retourner au combat.

Le seigneur nécron doré était difficile à manquer. Sicarius verrouilla la créature de sa lentille rétinienne gauche. Des diagrammes apparurent sur la droite, superposés à son champ de vision. L’armature de métal du monstre rendait difficile la détection de ses points faibles. Il était cuirassé comme les autres nécrons, mais il était plus massif et faisait la même taille que les guerriers d’élite qui avançaient devant lui en rangs serrés.

Ceux-là étaient d’une caste différente de leurs homologues inférieurs ; ils étaient tout aussi implacables, mais mieux entraînés. Ils demeuraient autour de leur seigneur, juste devant un petit anneau de gardes du corps. Ces derniers brandissaient des fauchards scintillants qui semblaient capables de traverser sans peine une armure énergétique. Comme les guerriers d’élite, il faudrait eux aussi les abattre pour pouvoir attaquer le seigneur.

Sicarius avait joué la vie de ses Space Marines en les jetant dans la toile d’araignée du seigneur adverse, afin que celui-ci soit débusqué.

Je suis là, créature, chuchota-t-il sous son casque. À présent, viens me chercher.

Sicarius avait pris sa décision : d’une manière ou d’une autre, cette guerre se terminerait entre lui et le nécron doré. Même s’il devait tuer jusqu’au dernier des mécanoïdes d’élite et des gardes du corps, il le ferait. Jusqu’à la mort.

La radio crépita dans l’oreille du capitaine, couverte par les interférences qui accablaient les communications longue portée. Il ouvrit le torse d’un guerrier de sa lame et en immola un autre d’une brève rafale de son pistolet à plasma.

Ici Sicarius, grogna-t-il. Parlez.

La voix qui lui répondit était inattendue, mais les nouvelles qu’elle lui donna lui permirent d’élaborer un autre plan.

Cato Sicarius sourit.

Daceus, dit-il en se tournant vers son second. Préparez nos troupes au repli.

Le sergent était occupé à battre un guerrier nécron de son poing énergétique et leva les yeux.

Capitaine ?

Nous nous replions vers Kellenport, comme nous l’avions initialement prévu.

Nous sommes encerclés, frère-capitaine. Nous n’avons pas de couloir de retraite.

Pas encore. Postures de défense pour toutes nos troupes. Maintenant, frère-sergent.

L’ordre fut relayé. Les Ultramarines qui avaient repoussé les nécrons jusque-là furent contraints de céder le terrain pris et de se replier dans les ruines.

— J’ai un vecteur d’assaut sur les troupes d’élite. Nous pouvons attaquer. Je répète : nous pouvons attaquer.

Ixion volait sur les panaches de flammes de ses réacteurs dorsaux, verrouillant sa prochaine cible, lorsque la voix de Daceus détruisit son fantasme de triomphe.

Négatif. Repli vers les ruines, toutes les escouades.

La transmission fut coupée. Ixion changea de direction et atterrit sur une zone dégagée du no man’s land avec ses hommes. Ptolon vint se poser à côté de lui.

Sergent ?

Nous nous replions vers les ruines de la basilique. Tous.

Ixion leva les yeux et vit que Strabo était déjà en route. Il ne posait pas de question, il ne doutait pas ; il obéissait. Mais Ullyious Ixion sentait que sa propre colère ne faisait que croître face à la bataille dont on le privait.

Il tendit le cou pour scruter les étoiles qui apparaissaient dans le ciel et alluma ses réacteurs dans une traîne de flammes.

Vengeurs, décollage !

— Abattez-le !

Hektar et Ullius touchèrent le monolithe principal à maintes et maintes reprises, mais chacun de leur trait d’énergie était absorbé par la machine. Inexorablement, elle se rapprochait, accompagnée des deux autres engins. Lent et pesant, le trio de véhicules s’apprêtait à libérer quelque chose de terrifiant. Atavian savait qu’il devait l’empêcher. Mais au moment où le réseau d’énergie tendu entre les trois pyramides devenait un brasier flamboyant, une vérité absolue frappa le sergent.

Nous n’y arriverons pas.

Des éclairs émeraude crépitaient autour du sommet du monolithe principal alors que des vrilles d’énergie remontaient de ses conduites tubulaires pour nourrir sa matrice cristalline. Une auréole de lumière se dessinait peu à peu autour du cristal, gagnant en intensité à chaque seconde.

Atavian donna le seul ordre qu’il put entrevoir à cet instant.

À couvert !

Un épais rayon d’énergie partit du cristal du monolithe principal. Il frappa les marches juste sous la position des Tueurs de Titans, transformant l’air en vapeur et embrasant le monde autour des Devastators. L’onde de choc envoya les Space Marines dans les airs. Des mottes de poussière et de débris quittèrent brièvement le sol dans toute la zone touchée par l’explosion. Elle rayonna comme un séisme, dessinant une toile d’araignée de fissures sur le sol depuis son épicentre.

Malgré les compensateurs intégrés à son casque, le canal auditif d’Atavian fut surchargé. Des vaisseaux sanguins éclatèrent dans son nez et ses oreilles, neutralisant sur le coup deux de ses sens. Ses lentilles rétiniennes ne purent gérer assez rapidement l’éclat soudain de la décharge ; des avertisseurs de surchauffe défilèrent rapidement sur l’affichage avant de capituler eux aussi devant la puissance de l’onde. Il se souvint avoir eu le temps de s’accroupir avant l’impact, et avoir vu le pan de mur se désintégrer. Cela ressemblait à ce qu’il imaginait être une explosion atomique. Il crut être en apesanteur puis se rendit compte qu’il avait été projeté dans les airs. Il alla percuter une colonne et s’effondra, couché sur le dos.

Les Ultramarines jonchaient le sol autour de lui, les siens et ceux de Tirian mélangés. Ils étaient éparpillés comme des fétus de paille par un ouragan. Le terrible rayon vert ne témoignait aucun respect aux héritiers de Guilliman. C’était la mort, purement et simplement. Malgré lui, Atavian ne put s’empêcher de se sentir diminué face à tant de puissance. Mais cela n’entama pas sa détermination.

Les corps cuirassés de cobalt remuaient. La fumée et les flammes dansaient parmi eux. Les marches de pierre avaient été rasées, ainsi que le peu qui restait de la basilique. Le son de la céramite frottant la pierre résonnait tout autour d’Atavian comme ses frères se relevaient et essayaient de se regrouper. Le mot « défaite » ne faisait pas partie du vocabulaire des Ultramarines, du moins c’était ce que le sergent pensait. Des anesthésiques envahissaient déjà son système nerveux et ses cellules de Larraman entamèrent le processus de coagulation rapide cependant qu’il se relevait. Une chape amidonnée baignait l’atmosphère en raison de la poussière et des débris délogés. Des volutes de vapeur formaient de petites bourrasques avant de geler comme le froid reprenait ses droits.

L’affichage tactique d’Atavian révéla une grande quantité de runes ambrées – presque tous les Ultramarines de l’arrière-garde étaient blessés. Il y avait aussi quelques icônes rouges, désignant les infirmes ou les morts. Mais il ne devait pas se préoccuper des frères désormais inutiles, pas encore ; il lui fallait regrouper une puissance de feu conséquente, et vite. Il avait atteint le bord de la zone d’explosion – ironiquement, le cratère qui en résultait leur fournissait à présent un certain couvert. Plusieurs membres de son escouade, ainsi que les survivants de l’unité de Tirian, dont le sergent en personne, s’accroupissaient déjà derrière les parois du cratère.

Tirian tendit ses magnoculaires à Atavian.

À peine une égratignure.

Atavian devait admettre que Tirian disait vrai. La marche qui avait amené les nécrons et leurs monolithes sur les arrières des Ultramarines avait été lente, et ces derniers avaient eu le temps de déchaîner la colère de leurs armes sur l’ennemi. Mais, pour l’effet qu’elles avaient eu, les nécrons auraient pu tout aussi bien progresser en rampant.

Il rendit les jumelles.

Son point faible est la matrice cristalline à son sommet.

Tirian hocha la tête.

Une cible facile.

Ullius était accroupi à côté d’Atavian et dit alors :

Si quelque chose ne brouillait pas nos systèmes de visée automatique…

Ôtant le viseur du canon laser d’Ullius, Atavian l’examina.

La mire est faussée.

Il effectua quelques ajustements, regarda de nouveau dans la lunette.

Toujours faussée.

Enfin, il rendit l’appareil à Ullius et chercha quelque chose du regard dans le cratère.

Où est Hektar ?

Il est mort, sergent.

Où est son canon laser ?

Avec son cadavre, frère-sergent.

Atavian se retourna vers les monolithes.

Apporte-le ici.

Ullius fit ce qu’on lui avait ordonné. Il garda la tête baissée comme le feu des Devastators reprenait. Mais sa prudence était inutile. Les monolithes étaient occupés à recycler, crachant des nécrons réparés et vivifiés de leur portail, défaisant tout ce que le Marteau de Guilliman avait accompli. Tirian ne se laissa pas impressionner.

Nous gaspillons des munitions, grommela-t-il en ordonnant le cessez-le-feu.

Les lance-missiles restèrent armés, mais muets, les bolters lourds firent silence, bandes de munitions engagées.

Les machines de guerre doivent être neutralisées.

Depuis l’explosion, les Tueurs de Titans n’avaient pas effectué un seul tir.

Pendant qu’ils régénèrent l’infanterie, ils n’utilisent pas leur matrice cristalline pour nous attaquer. C’est un cycle. Une fois ce cycle terminé, les monolithes rechargeront ces conduites et libéreront leur faisceau.

Ullius revint, chargé du canon laser d’Hektar, et le posa à côté de son sergent.

Que vois-tu, Maxima ? demanda Tirian.

En entendant son prénom, Atavian se retourna pour lui faire face. Le casque balafré de Tirian se reflétait dans ses optiques écarlates.

Ce que j’ai vu, frère.

Au-dessus d’eux, l’air s’emplissait de traits émeraude de plus en plus nombreux. Les nécrons étaient à portée de fusillade et libéraient des rafales sporadiques tout en avançant. Les bolters leur répondirent, pour le principe.

Atavian poursuivit :

Nous ne pouvons pas nous fier à nos viseurs. Les nécrons sont des machines, en quelque sorte. L’affinité avec la technologie doit faire partie de leur constitution xenos. Nous subissons leur influence.

L’esprit de la machine de nos armes est corrompu ? demanda Tirian sur un ton furieux.

Non, mais il est compromis. Les réglages que j’ai pratiqués sur le viseur d’Ullius auraient dû rectifier les choses, mais ça n’a pas été le cas. Détruire ces cristaux demande une grande adresse, mais cela devra être fait à l’instinct.

Débloquant les sceaux de son gorgerin, Atavian retira son casque. Sans l’amplificateur vocal de son armure, il devait crier pour être entendu.

À l’œil nu, précisa-t-il.

Il jucha le canon laser sur son épaule. Le poids de l’arme avait quelque chose d’agréable, de presque nostalgique. Atavian lança un regard de côté à Ullius.

Suis-moi, frère.

Ôtant son casque avant de le fixer magnétiquement à sa hanche, Ullius essaya d’adopter la même visée que le sergent.

Nous visons la troisième machine ?

Oui. Attends qu’ils alimentent en énergie les armes principales. Je donnerai l’ordre de tirer.

Il allait devoir faire œuvre de tireur d’élite avec un canon laser. Or, les cibles de ce type d’arme étaient généralement massives et relativement immobiles : des chars, des Dreadnought, des bâtiments. Les monolithes étaient lents, mais la technologie nécron amenuisait considérablement la fenêtre de tir des Astartes. Ils devraient faire preuve d’une précision diabolique.

Un sniper doit souvent se préparer pendant des jours ; étudier son environnement, déterminer la position de tir optimale. Il prend en compte toutes les variables : la luminosité, la vitesse du vent, les anomalies climatiques, les points faibles de sa cible. S’il est bien plus puissant, un canon laser n’a pas la subtilité d’un fusil. Et faute de jours entiers, Atavian n’avait que quelques minutes pour ajuster son tir. Il prit en compte le recul de l’arme, la trajectoire, le point d’impact projeté. Mais, finalement, il ne se fia qu’à deux choses : son instinct et sa foi.

Le dernier des guerriers nécrons réparés émergea du portail et les matrices des monolithes recommencèrent à accumuler de l’énergie. Des arcs électriques furieux dansèrent autour de la machine principale avant de rejoindre les deux autres. Le cristal principal se nourrit du réseau et le crépitement s’intensifia.

À mon signal… dit Atavian en ajustant légèrement sa position.

Des tirs à fission labouraient le sol autour des Ultramarines, arrachant des mottes de terre au flanc du cratère pour les projeter sur leurs armures. Le sergent Tirian avait ordonné aux bolters lourds d’ouvrir le feu, afin d’accorder quelque répit au canon laser.

La lueur autour du monolithe principal continuait de croître. Il libérerait son énergie d’un instant à l’autre.

Frappe rapidement, frère, l’avertit Tirian.

Et je frapperai juste. À mon signal… murmura Atavian en collant la joue contre le canon avant de le baisser presque imperceptiblement.

L’une des maximes de ses anciens maîtres lui revint. Si vous essayez de neutraliser une cible rapide, attendez qu’elle vienne à vous.

Les monolithes avancèrent pour gagner une bonne position de tir. Cela les fit également entrer dans la mire d’Atavian. Il leva deux doigts de la détente du canon. C’était le signal.

Deux rayons laser vinrent frapper le monolithe principal alors que son cristal absorbait les dernières bribes de puissance. La matrice explosa et un retour d’énergie alla frapper les deux autres engins.

Le monolithe touché frémit tandis qu’une réaction en chaîne dévastait sa structure. Des fissures apparurent à sa surface, d’où s’échappèrent des vrilles de lumière émeraude. Des flammes blanches jaillirent de son portail et l’énorme machine s’écrasa au sol. Des traits d’énergie cinglèrent les deux autres engins, compromettant la procédure de tir. Frappés, endommagés, les monolithes restants entamèrent une lente retraite, laissant la troisième machine, désemparée, derrière eux.

Malgré lui, Atavian poussa un cri triomphal.

Il fut repris par plusieurs des frères de l’arrière-garde. La défaite des monolithes se répercuta sur l’infanterie qui commençait à faiblir sous les tirs croisés des deux escouades Devastators. Privés des portails des monolithes, les nécrons étaient incapables de se réparer et de se redéployer sur-le-champ. Au moins, leurs effectifs commençaient à s’amenuiser.

Un deuxième problème vint confondre les nécrons. Tirian le vit à travers ses magnoculaires.

Frères, nous recevons des renforts.

Sa voix laissait filtrer une joie féroce.

Atavian la ressentit aussi lorsqu’on lui passa les jumelles.

Je vois des conscrits et des formations de la Garde.

Ajustant le rapprochement de l’appareil, il ajouta :

Iulus Fennion et ses Immortels les mènent.

Tirian éclata d’un rire soulagé.

J’avoue que je croyais les défenseurs de Kellenport vaincus ; je nous voyais comme une île entourée d’ennemis.

Atavian remit le canon laser au remplaçant d’Hektar. Les monolithes étaient désormais neutralisés, du moins pour un temps ; il pouvait donc reprendre son rôle de sergent.

Nous sommes toujours une île, frère, dit-il, mais nous avons désormais un pont pour regagner le continent.

Les directives de Daceus leur parvenaient déjà depuis la ligne de front. Un repli en masse avait été ordonné : toutes les forces devaient retourner vers Kellenport. Vu la concentration des Ultramarines dans le secteur, plusieurs phalanges de nécrons avaient été redéployées pour les contrer. Quelque part en leur sein, un seigneur coordonnait leurs efforts. Sicarius devait les avoir irritées au point de mordre à l’appât. Les murs de Kellenport valaient bien d’autres lieux pour une bataille rangée.

C’est comme s’il l’avait prévu, dit Tirian.

L’infanterie nécron était à présent assaillie de toutes parts. Avant de remettre son casque, Atavian croisa le regard de Tirian.

Qu’est-ce qui te fait croire que ce n’est pas le cas ?

Hormis une garnison squelettique, le commandant Sonne avait pratiquement vidé Kellenport. Les armes lourdes retranchées avaient été ôtées de leurs positions pour doter des équipes d’appui-feu ; les soldats des diverses escouades avaient été réorganisés en pelotons. Les conscrits furent armés avec l’équipement des morts et formèrent leurs propres bataillons. Et ce qui restait des forces blindées de Damnos lança une sortie, menée par un petit groupe d’anges bleu cobalt.

Adanar était dans la coupole du tank de tête, un Leman Russ à l’obusier endommagé mais aux bolters lourds latéraux encore opérationnels. Deux autres chars de ce type le suivaient en formation dispersée. Eux aussi étaient passablement délabrés, mais ils disposaient encore de quelque puissance de feu. Des marcheurs Sentinelle, certains privés d’armes, et des Hellhound couvraient les flancs de la formation. L’arrière-garde était composée de solides transports Chimère. Un autre véhicule de ce type avançait en tête de la colonne blindée. Son écoutille supérieure avait été arrachée par des tirs à fission, de même que l’essentiel de son toit. Le reste de sa coque était néanmoins intact, tout comme ses chenilles et son moteur. Il constituait le transport idéal pour le sergent Fennion et quatre de ses hommes. Les autres Space Marines étaient disséminés parmi les pelotons d’infanterie, et leur présence avait un effet bien supérieur à celle des tanks sur le moral des humains.

Pour la première fois depuis le début du siège, Adanar ressentit autre chose que du désespoir. Ce n’était pas de l’espoir, car seule sa réunion avec sa famille pourrait le lui rendre. C’était quelque chose d’autre, qui avait le mérite d’atténuer le fatalisme qui s’était emparé de lui. Un désir de vengeance.

Du point de vue de Falka, les Cent portaient désormais bien mal leur nom. Il était de toute manière peu probable que ce régiment improvisé ait jamais compté précisément cent âmes. Mais cela n’avait pas d’importance, car le nom revêtait un certain prestige, et le mineur devenu soldat appréciait la chose. Ce qui restait des Cent avançait au même rythme que lui aux côtés des Space Marines. La Chimère des Ultramarines roulait au pas afin que les conscrits puissent la suivre. Le sergent Fennion avait tout d’abord refusé de monter dans un blindé, car il voulait marcher avec les humains, mais Falka l’avait convaincu qu’il lui fallait se montrer. Il était un fanal, un symbole vers lequel les soldats se tourneraient, et il les galvaniserait mieux que n’importe quelle bannière. Le Space Marine avait fini par céder, à contrecœur.

À quoi pensez-vous, frère-Ange ? demanda Falka en se tournant vers la coque malmenée de la Chimère.

Il aperçut les dernières lueurs du soleil qui basculait derrière l’horizon. Elles peignaient la toundra en rouge et soulignaient la crête des montagnes.

Iulus gardait les yeux fixés devant lui, comme s’il toisait son destin.

Que vous posez trop de questions, et des questions impudentes, soldat Kolpeck.

Falka s’esclaffa.

C’est pour ça que vous m’aimez bien.

Iulus lui jeta un regard en coin. Une ombre de sourire passa sur ses lèvres mais disparut aussitôt.

Êtes-vous prêt pour de nouveaux combats, frère Kolpeck ?

Falka hocha la tête.

Oui. Je crois que j’ai fait mon temps. Je serai heureux de laisser ma vie ici, du moment que j’emporte plusieurs de ces saloperies de robots avec moi.

Des paroles courageuses, frère. Vous auriez fait un bon Ultramarine.

Les lignes des nécrons étaient proches, à présent. Certains des mécanoïdes se retournaient pour répondre à cette nouvelle menace et des salves sporadiques de tirs à fission jaillissaient dans la direction des forces de Kellenport. La bataille était différente de celle qui s’était déroulée dans la cour, ou même sur les murs. Ces engagements avaient été des combats désespérés, où personne n’avait d’autre choix que de prendre les armes ou mourir. Ici, c’était autre chose. Une mer d’argent s’étendait devant les défenseurs impériaux, faite de machines à tuer extraterrestres que Falka ne voulait ni comprendre ni vraiment affronter.

S’ils se déplaçaient comme des automates, Falka reconnut une étincelle de conscience dans leurs yeux et ressentit leurs émotions, comme elles le faisaient elles-mêmes. C’était la haine qui brûlait dans leurs orbites flamboyantes, une haine pure et creuse. Les nécrons ne connaîtraient pas le repos tant que Damnos n’aurait pas été rasée, sa population éradiquée comme une tumeur. C’était cette certitude glaciale qui faisait marcher Falka et ses hommes, tous les Damnosiens, vers leur mort probable. Mieux valait combattre et mourir, que mourir sans combattre.

La mort ne l’avait jamais vraiment inquiété. Il ne savait pas si autre chose qu’un vide noir et amorphe l’attendait au bout du chemin. Il espérait qu’il y aurait de la lumière, peut-être pas le Trône d’Or dans le Palais Éternel de l’Empereur-dieu, mais suffisamment de lumière pour qu’il puisse retrouver Jynn. Cela lui suffirait amplement.

Falka mit son casque, sur lequel Iulus en personne avait gravé les insignes d’un sergent, et harangua ses troupes.

Rassemblez votre courage. Nous sommes les sauveurs de Damnos et nous nous battons pour notre terre natale. L’Empereur est avec nous. Il a envoyé Ses Anges pour se battre à nos côtés. Au nom de l’Imperium, honorez-les.

Des tirs de laser partirent des rangs impériaux et croisèrent les rafales à fission pour former une toile d’énergie mortelle au-dessus des désolations. Les détonations saccadées des bolters lourds se joignirent au tumulte lorsque les tanks ouvrirent le feu. Leurs armes tonnant sur leurs coupoles, leurs moteurs hurlant, les dernières machines blindées de Damnos chargèrent.

Une explosion violente, teintée d’émeraude, embrasa le lointain.

La lueur marquait encore les rétines de Falka lorsqu’il vit des lances d’énergie jumelles frapper l’une des pyramides volantes des nécrons et la détruire. Au-delà de la masse des ennemis, à travers la cascade de mort à fission, il vit aussi les Ultramarines assiégés, les véritables frères du sergent Fennion.

Même au milieu de la fusillade, entraperçus entre deux rafales, ils étaient glorieux. Une silhouette marchait parmi eux, revêtue d’une cuirasse ornée de dorures, au casque coiffé d’un cimier rouge et blanc. Sa cape, fixée sur ses épaulières ouvragées par des broches en forme de serres, virevoltait comme il terrassait les nécrons de sa lame scintillante. C’était l’image même du héros. La vaillance incarnée. Un archange. Sicarius.

Après avoir soufflé le nom de l’Empereur, Falka pleura.

— Immortels, débarquez !

Iulus bondit de la Chimère et se réceptionna en dégainant son épée tronçonneuse. L’instant d’après, il courait en gratifiant les nécrons d’un torrent régulier de bolts crachés par son pistolet. Quatre de ses frères étaient avec lui, chargeant à toute allure, pour la gloire d’Ultramar et des héritiers de Guilliman.

Le choc fut terrifiant. Iulus et ses quatre frères essuyèrent une grêle de rafales à fission avant d’atteindre l’ennemi. Les nécrons ripostèrent en force. Ils devaient être submergés, frappés avec tant de puissance que les mécanismes ésotériques qui leur permettaient de se relever comprendraient que leur destruction était imminente et qu’ils devaient disparaître du champ de bataille pour retrouver la sécurité de leur tombeau.

Malgré leur vulnérabilité, les humains firent montre d’une incroyable bravoure et s’élancèrent à quelques mètres seulement derrière les Ultramarines. Tandis qu’il tranchait la colonne vertébrale d’un nécron, Iulus ressentit une grande fierté en voyant ces pauvres hommes condamnés. Au milieu de la tempête de feu, les pertes subies par la Garde et les conscrits étaient effroyables. Sans armure énergétique ou carapace blindée, ils tombaient rapidement et en grand nombre.

Iulus perdit Kolpeck de vue presque immédiatement. Il s’en morigéna aussitôt mais c’était la guerre, le grand égalisateur, et il n’avait pas le droit d’écouter ses émotions. Sa lame tronçonneuse rugissait, avide de tuer, et il lui accorda sa pâture. Adoptant une formation en arc de cercle, les Immortels avancèrent en déchaînant un barrage incessant de bolts. Les nécrons avaient envoyé leur infanterie, une horde d’automates guerriers que les Immortels savaient à présent combattre. Les Space Marines s’adaptaient rapidement aux situations nouvelles et s’y entendaient à déceler les faiblesses de leurs ennemis pour les tuer le plus efficacement possible. Les Ultramarines, de la légion au chapitre, accomplissaient leur devoir depuis plus de dix mille ans. Ils avaient élevé la pratique au rang d’art.

Iulus se souvint des paroles de son mentor : c’est pour tuer que nous sommes nés.

Il n’y avait pas de place pour la ruse. Le fait que le gros des forces ait été composé de conscrits empêchait toute tactique sophistiquée. Cela importait peu. Ils emploieraient donc le marteau en espérant que cela suffirait.

Alors qu’il abattait un nécron qui tentait de se relever, Iulus aperçut les blindés. Celui qui emportait le commandant Sonne se précipitait vers la mêlée.

Derrière lui, deux chars n’étaient déjà plus que des épaves calcinées. Il les avait vus se faire cribler de tirs à fission puis exploser. Pourtant, les armes légères de l’ennemi n’auraient jamais dû être à même de percer un blindage aussi épais. Il ne restait donc qu’un Hellhound à la direction faussée et une Chimère armée d’un multilaser pour affronter les monolithes.

Qu’elle réagisse à sa proximité ou se soit simplement autoréparée pour retourner au combat, Adanar l’ignorait et ne s’en souciait guère ; l’une des pyramides nécrons avait pivoté et se dirigeait vers lui. Des traits de lumière émeraude jaillissaient des canons disposés sur ses flancs. Une rafale concentrée mordit la Chimère, la criblant de brèches avant d’embraser son carburant et de transformer le véhicule en boule de feu. Adanar la vit se retourner et s’écraser sur le toit. Il laissa la chaleur de l’explosion passer sur son visage, agiter les lambeaux de sa cape crasseuse.

Le Hellhound s’arrêta peu après ; sa transmission avait rendu l’âme. Son moteur continuait de hurler, mais ses bielles s’agitaient dans le vide. Adanar se retourna. L’équipage s’efforçait encore de s’extraire de la carcasse inutile lorsque le monolithe détruisit cette nouvelle cible. Finalement, ce fut une simple avarie de transmission qui causa la mort des tankistes. Le destin se montrait parfois ironique.

Les bolters lourds des tourelles latérales crachaient leurs projectiles, dévorant voracement leurs bandes de munitions. Soudain, l’une des armes émit un claquement final et la fusillade du flanc droit cessa. Puis, l’arme de gauche en fit autant. Ils avaient épuisé toutes leurs munitions.

Je veux voir cette chose abattue ! cria Adanar dans l’obscurité de la coupole.

Une salve crépitante de traits émeraude vint poignarder la coque du tank avant que l’équipage soit en mesure de répondre. Les chenilles ralentirent presque immédiatement ; le bruit du moteur passa du hurlement au gémissement, puis au vrombissement sourd. Décélération. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : le conducteur était mort.

Se laissant glisser à l’intérieur de la coque, Adanar y trouva une scène de carnage. Des fluides écarlates, qui paraissaient noirs dans la pénombre, couvraient ses parois là où l’équipage avait été frappé par les rayons écorcheurs ou les shrapnells. Dans un habitacle aussi confiné, la détonation était encore pire que celle d’une grenade. La position d’Adanar dans la coupole l’avait sauvé. Tous les autres étaient morts.

Je ne peux pas la laisser continuer, murmura-t-il.

Son médaillon s’était retrouvé dans sa main. Il le frotta distraitement, sans se rappeler l’avoir pris. Tirant le conducteur – ou du moins, ce qui restait de son cadavre cautérisé – hors du siège, Adanar se glissa à sa place et enfonça la pédale d’accélération. On disait souvent qu’il fallait un équipage de cinq hommes pour conduire un tank : de fait, un seul suffisait, pourvu qu’il soit suffisamment déterminé.

Adanar distinguait la forme massive du monolithe à travers la meurtrière. La vitre était à moitié couverte de sang et de poussière, si bien qu’il dut l’essuyer de sa manche. Pivotant pour percuter la machine, il accéléra autant que possible. Des projectiles de lumière percèrent la coque de la Chimère lorsque l’engin nécron ouvrit le feu, mais le VAB poursuivit miraculeusement sa charge.

Encore quelques mètres…

Les noms de la femme et de la fille d’Adanar étaient sur ses lèvres fissurées. Le flanc abrupt du monolithe se rapprochait, emplissant de ténèbres son champ de vision.

J’arrive… chuchota Adanar en fermant les yeux.

Une explosion illumina le champ de bataille. Falka vit des débris et des flammes, mais il était trop occupé à se battre pour distinguer les détails ; c’était le bruit, plus qu’autre chose, qui avait attiré son attention.

À sa droite, un conscrit dégoupilla une grenade à fragmentation et l’avait presque jetée lorsqu’un tir l’atteignit au cou. Il s’effondra et la grenade explosa, emplissant la zone de bruit et de métal brûlant. La vision de Falka s’obscurcit. Il était vaguement conscient d’être sur le dos et que quelque chose d’humide recouvrait son torse et ses jambes. La terre était accueillante et les sons se réduisaient progressivement à un doux murmure. À travers les ténèbres croissantes, il crut voir venir des anges à travers la brume blanche…

La victoire était à portée de main. Iulus avait suffisamment bataillé, au cours de ses décennies de service, pour le savoir. Attaqués sur deux flancs, d’une part par un bataillon essentiellement composé de soldats humains, d’autre part par la percée des Ultramarines, les nécrons étaient vaincus. Écrasés entre deux contingents aussi désespérés et féroces, les mécanoïdes disparaissaient du champ de bataille et ne laissaient que les corps des morts impériaux dans leur sillage.

Il leva son épée tronçonneuse, scrutant le carnage qu’ils avaient déchaîné.

Victoris Ultra !

Chaque Space Marine, chaque conscrit et chaque Garde de l’Arche leva le poing.

Victoris Ultra !

Et pour la gloire de Damnos ! ajouta-t-il tout en cherchant Kolpeck du regard au milieu de la masse triomphante.

Le soldat était introuvable. Iulus n’eut pas le temps d’y réfléchir davantage ; le capitaine et sa garde d’honneur approchaient.

Sicarius l’étreignit fermement.

Heureuse rencontre, frère.

Il fit un pas en arrière mais laissa les mains sur les épaulières d’Iulus pour lui communiquer sa gratitude.

Heureuse rencontre !

Iulus s’inclina humblement. Il croisa alors le regard de Praxor, qui se tenait derrière le capitaine.

Tout est prêt, à Kellenport ? demanda le capitaine en libérant le sergent.

Iulus acquiesça.

Alors, nous ferions bien de nous dépêcher.

Sicarius fit volte-face pour désigner l’importante force nécron qui les talonnait. Les Ultramarines avaient réussi à distancer les escarmouches à portée longue qui éclataient encore entre les escouades d’assaut et les plateformes d’armes, mais la plupart des phalanges avaient ralenti.

Le seigneur suprême regroupe ses forces, mais il poursuivra sur sa lancée. Nous devons atteindre le lieu de notre choix avant qu’il ne nous rattrape.

Quelque chose scintilla derrière les optiques du casque du capitaine ; la soif de vengeance ou de justice, Iulus n’aurait su le dire.

Je jure que ce sera notre dernier repli.

Sur ce, Sicarius le laissa. Iulus eut le temps de retrouver brièvement Praxor.

Je suis heureux de te revoir en vie, frère, dit Iulus avec sincérité.

Les deux sergents s’étreignirent le poignet. Si Iulus témoignait d’une certaine joie contenue, l’humeur de Praxor restait maussade.

Beaucoup n’ont pas eu autant de chance que moi.

À voir les rangs clairsemés des Porteurs de Bouclier, il était évident que nombre d’entre eux n’avaient pas survécu.

La mort ou la gloire, frère, dit Iulus. Telle est notre lot, notre voie.

Nous avons choisi la mort, dit Praxor en saluant, mais le geste était sec, uniquement destiné à mettre fin à la conversation.

Il repartit avec son escouade. Le Dreadnought, Agrippen, lui emboîta le pas.

Immortels, en effet, dit l’ancien guerrier en scrutant les hommes d’Iulus.

Nous sommes trop têtus pour mourir, ô vénérable.

Lorsque nous atteindrons les murailles de Kellenport pour y résister, votre nom sera mis à rude épreuve, je le crains, dit Agrippen avant de s’éloigner.

Iulus observa la marée de nécrons qui avançait lentement, un désert argenté destiné à tout détruire sur son chemin. Ixion et Strabo se repliaient eux aussi, après avoir neutralisé l’avant-garde de plateformes d’armes. Les nécrons consolidaient leurs positions. Le temps et le nombre étaient de leur côté.

Oui, répondit-il enfin, bien après que le Dreadnought soit parti. Oui, en effet.

En se retournant, il vit que les conscrits et les Gardes de l’Arche se rassemblaient eux aussi. Il arrêta un caporal qui les rejoignait.

Vous !

Le soldat leva un regard craintif sur l’imposant chevalier bleu.

Où est le soldat Kolpeck ?