Narcisse
On raconte que Narcisse était d’une si grande beauté que toutes les filles rêvaient de lui. Mais Narcisse avait été élevé par sa mère comme un enfant gâté. Il ne regardait aucune jeune femme et brisait tous les cœurs autour de lui.
Aussi, l’une de celles qu’il avait fait souffrir adressa aux dieux une prière :
— Que celui qui n’aime personne s’éprenne de lui-même !
Et les dieux l’exaucèrent !
Un matin qu’il marchait à travers bois, Narcisse parvint dans une clairière où il décida de se reposer. Près d’un saule, il découvrit une source. Il s’étendit pour boire et aperçut un visage si beau qu’il en tomba amoureux. Son cœur battait très fort dans sa poitrine, et il songea qu’il avait eu raison d’attendre puisqu’il avait enfin trouvé un amour digne de lui. Aveuglé par la passion, il ne comprit pas qu’il s’agissait de son propre reflet. Il lui parla, mais l’image ne répondit pas. Il approcha ses lèvres afin de l’embrasser, mais l’eau se troubla et le beau visage disparut. Il réapparut, mais chaque fois que Narcisse approchait, l’image disparaissait à nouveau. Le jeune homme devint comme fou. Se jugeant rejeté, il plongea son poignard dans sa poitrine en murmurant : « Adieu, mon amour ! »
Alors les dieux eurent pitié de voir disparaître à jamais le beau Narcisse. À l’endroit où son sang avait coulé, une fleur se mit à pousser, une fleur à laquelle on donna le nom de narcisse.
D’après le poète latin, Ovide (Ier siècle avant notre ère), Les Métamorphoses.
Dans l’atelier du philosophe
L’amour de soi est indispensable, et l’on ne peut pas aimer les autres si l’on ne s’aime pas soi-même. Pourtant un amour de soi excessif ne risque-t-il pas de nous aveugler et de nous faire mépriser les autres ? Tourner autour de son propre nombril peut-il rendre fou, comme dans ce récit mythologique ?
D’autre part n’y a-t-il pas plus de bonheur à aimer qu’à être aimé ?