Les sortilèges d’un affranchi [3]
Un citoyen affranchi tirait d’un tout petit champ des récoltes plus abondantes que celles de ses voisins. Ceux-ci, qui avaient des terrains beaucoup plus étendus, ne parvenaient pas à obtenir la moitié même de ce qu’il récoltait, et ils en étaient dévorés de jalousie. Aussi finirent-ils par l’accuser d’utiliser des sortilèges magiques et d’attirer dans son champ leurs propres moissons. Il fut donc cité à comparaître devant la justice de Rome. Craignant d’être condamné, il vint sur le forum [4] avec son attelage de bœufs en parfaite santé, ses instruments agricoles aux socs pesants et tous ses outils de travail.
— Voilà, Romains, leur dit-il, mes sortilèges… Car je ne puis vous montrer ni faire venir ici mes fatigues, mes veilles et mes sueurs.
Il fut acquitté à l’unanimité et put tranquillement reprendre son travail.
D’après l’écrivain latin Pline L’Ancien (23-79), Histoire naturelle
Le travail des hommes et leur volonté sont les plus grands des « sortilèges ». Ils sont capables des plus beaux miracles !
On voit ici que le travail est une valeur suprême. Dans nos sociétés occidentales, a-t-il gardé la même valeur ? La réussite est-elle toujours liée au travail accompli ? Si nous dévalorisons la notion de travail, quelles pourraient en être les conséquences ?