II – Le Premier Noël d’Harry Potter

 

Une histoire des Maraudeurs

 

Dédicacé à Tom Grey et supportstacie.net

 

 

En levant le menton avec approbation, le jeune homme désigna la rue animée.

 

   Admets quand même que la ville est belle à Noël, remarqua-t-il.

 

La jeune femme aux cheveux auburn qui se tenait à ses côtés eut un reniflement sceptique. Puis elle fit une grande enjambée pour éviter une flaque huileuse sur le trottoir.

 

   Admets ce que tu veux, dit-elle, ce n’est pas pour autant que ce sera vrai pour moi. Je préfère infiniment passer Noël dans le Berkshire et admirer des collines enneigées. Je n’ai jamais trouvé agréable de voir un faux Père Noël empalé sur l’antenne d’un taxi.

 

   Mais les lumières sont magnifiques, commenta l’homme sans se troubler. Et puis, j’aime cette animation, ce brouhaha. On se croirait au pôle Nord ! Tous les gens deviennent les elfes du Père Noël, actifs et empressés de faire leurs emplettes.

 

   Je connais beaucoup d’elfes, James, et je ne les trouve pas tellement joyeux, eux non plus. (La femme tira son bonnet de laine plus bas sur son front, et frissonna.) Je n’arrive pas à comprendre qu’il puisse faire aussi froid sans la moindre neige.

 

Avec un sourire, l’homme lui donna un coup de hanche.

 

   Souris, Lil ! C’est la première fois depuis des mois que nous sortons de la maison seuls. D’accord, il n’y a pas de luge enchantée ni de neige magique, mais quand même, c’est Noël. Et quelqu’un va absolument adorer ce qu’il trouvera très bientôt dans ses petits souliers.

 

En parlant, l’homme soulevait un petit sac blanc où était écrit « Caprice Enfantin, Chemin de Traverse » en lettres rouge sombre. La femme eut un sourire un peu moqueur, et lui arracha le sac des mains.

 

   Il est trop jeune pour savoir ce que représente une grenouillère. Tout ce qu’il verra, c’est qu’il n’aura pas froid à ses petits orteils la nuit dans son lit.

 

   Je ne parlais pas de lui, répondit l’homme – James – tranquillement.

 

Il mit le bras autour de la femme – Lily – et la serra contre lui en marchant. Elle eut un autre petit sourire, et se blottit plus près encore.

 

   J’adore mon bébé, quoi qu’il porte, affirma-t-elle. Mais le vert renforce la couleur de ses yeux, tu ne crois pas ?

 

James roula les yeux dans une grimace théâtrale.

 

   Je pense que tu m’as déjà posé au moins trois fois la question dans le magasin. Tu sais, je n’ai pas changé d’avis depuis, mais si tu me le demandes encore une fois, je pense le faire.

 

   Tu pourrais quand me laisser faire pendant que nous n’avons qu’un seul enfant. Attends un peu que nous ayons une maison pleine.

 

   Comme cette famille que nous avons croisée chez Caprice Enfantin ? répondit James amusé. Ne plaisante pas avec ce genre de choses ! Je n’ai jamais vu autant de rouquins de ma vie. Et je suis presque certain que l’un de ces « charmants bambins » a essayé de glisser dans la poche de ma veste une boule puante de chez Zonko. Ce petit vaurien ne devait pas avoir plus de 8 ans.

 

   Il y avait aussi des jumeaux, tu as vu ? Ça serait merveilleux d’en avoir, tu ne crois pas ?

 

   Non ! J’espère que tu plaisantes. Je préfère me concentrer sur un seul bébé à la fois ! Arrête, s’il te plait de parler d’en faire treize à la douzaine. D’accord ?

 

Lily ne répondit pas. Elle laissa le petit sac bringuebaler à son bras tandis qu’elle marchait, l’expression pensive. James lui jeta un regard en biais.

 

   Lil, tu ne continues pas à t’inquiéter ? demanda-t-il à voix basse.

 

Lily eut un hochement de tête, pas vraiment pour réfuter la question, puis elle haussa les épaules. Après un soupir, elle remarqua :

 

   Comment pourrais-je faire autrement ?

 

James prit une grande inspiration. Au même moment, le couple s’arrêtait à un carrefour entre deux rues. Un autobus couvert de crasse grisâtre passa bruyamment, suivi par ses gaz d’échappement. James se tourna pour regarder sa femme.

 

   Tu as entendu le directeur, Lil. Même si la prophétie est réelle, nous sommes à l’abri. Comme il l’a dit, si ça devient vraiment nécessaire, nous pourrons cacher la maison, choisir un gardien du secret, et garder un profil bas jusqu’à ce que le danger ait disparu. Si tu ne fais pas confiance au vieux Dumbledore pour savoir ce qu’il faut faire, alors vraiment…

 

Croisant les yeux de James, Lily les scruta intensément, le front plissé. Après un moment, elle détourna le regard, le prit par la main, et descendit du trottoir.

 

   Viens, dit-elle.

 

Après avoir traversé la rue, ils marchèrent un moment en silence. La foule des Moldus s’écoulait autour d’eux comme une rivière sur un rocher, dense, le visage intense, portant de nombreux paquets, hélant des taxis. Songeuse, Lily leva les yeux vers les fenêtres éclairées des appartements de la rue passante. Elle connaissait plutôt bien le quartier, malgré son dégoût affiché pour les grandes villes. Une de ses meilleures amies d’école, Anastacia Troïka, vivait maintenant au deuxième étage d’un immeuble, juste en face. Lily scruta la bâtisse, et trouva facilement la fenêtre de l’appartement de Stacia. Des lumières colorées clignotaient derrière les rideaux de dentelle. Les passants moldus de la rue pensaient certainement qu’il s’agissait de guirlandes de Noël, mais Lily savait la vérité. Stacy aimait décorer son sapin avec de petits oiseaux russes vivants, les Clignotos, dont les ailes lumineuses éclairaient l’arbre tandis que les oiseaux construisaient dans ses branches leurs petits nids immaculés. Autrefois, Lily avait aidé Stacia à décorer le même genre d’arbre dans le dortoir des filles de Gryffondor. Mais en troisième année, Dumbledore leur avait signalé que le clignotement coloré des oiseaux et leurs chants permanents empêchaient les autres filles de dormir. Lily était certaine que cette vipère de Christiania Corsica était allée se plaindre à Dumbledore – mais pas parce que les oiseaux troublaient son sommeil. Non, Christiania était simplement une fille odieuse et vaniteuse ; elle détestait ce qui détournait l’attention d’elle. Lily n’avait jamais rien pu prouver, mais ça n’avait pas ébranlé son intime conviction. Étrangement, Christiania aussi vivait non loin de là, dans un appartement terrasse au carrefour suivant, avec son affreux jumeau, Christopher. Aucun des deux Corsica ne travaillait, du moins d’après le réseau des anciens élèves de l’école que Lily fréquentait encore. La famille Corsica était riche, aussi chacun présumait que le luxueux appartement avait été offert aux jumeaux par leur père, un reclus que personne ne voyait jamais.

 

Tout en marchant près de James, Lili se demanda combien de fenêtres, parmi celles qu’elle voyait, appartenait à des familles du monde magique. Ou combien des magasins qui s’alignaient dans la rue marchande étaient en secret dirigé par des sorciers. Bien sûr, le Chemin de Traverse et ses environs formaient une zone étendue, pourtant, beaucoup de sorciers exerçaient leur commerce en dehors du district magique. Lily savait qu’ils gardaient des arrière-salles discrètes ou des bureaux à l’étage réservés aux sorciers qui fréquentaient les lieux chaque jour. Avec affection, son père les appelaient : « les déserteurs du Chemin de Traverse ». Certaines de ces boutiques secrètes se contentaient de vendre de la fausse magie et des gadgets – comme cet affreux coucou que James avait acheté l’an dernier. Par contre, d’autres proposaient des services plus dangereux. Sans raison particulière, Lily évoqua à nouveau les Corsica et leur mystérieux appartement. Était-il possible que ces deux-là soient impliqués dans de sombres affaires et utilisent leur demeure bien placée comme lieu de rendez-vous ? Puis Lily secoua la tête, et se moqua d’elle-même. Tu ne les aimes pas, d’accord, pensa-t-elle, mais ça ne te donne pas le droit de les impliquer dans de louches projets.

 

Elle décida de ne rien dire à James. Dès le premier jour à Poudlard, il avait détesté le jumeau de Christiania, Christopher, un Poufsouffle. Très impulsif, James était capable d’envoyer le pauvre diable devant un jury – et même à Azkaban – avant même leur retour à Godric Hollow.

 

En approchant du prochain carrefour, Lily remarqua un maigre Père Noël au visage sinistre. L’homme agitait une clochette, exhortant tous ceux qu’il écoutait à entrer dans le magasin derrière lui, dont il vantait les époustouflantes qualités. Alors que le couple le dépassait, James s’accrocha plus fort au coude de Lily, et l’attira dans une ruelle adjacente, plus calme.

 

   Où allons-nous ? s’étonna Lili en se tournant vers son mari.

 

   Je ne veux pas t’effrayer, mon amour, dit-il, mais j’aimerais que nous marchions un peu plus vite, en surveillant les environs.

 

   Mais pourquoi ?

 

   Je n’en suis pas certain, mais j’ai assez souvent suivi les autres pour reconnaître la sensation. Je pense qu’il y a quelqu’un derrière nous.

 

Lily prit une vive inspiration, mais James parla avant qu’elle puisse exprimer sa peur.

 

   Ne t’inquiète pas, Lil. Celui qui nous suit a notre âge, et je te garantis qu’il est bien moins bon pour les filatures que moi ou Patmol. Je l’ai remarqué quand nous sommes arrêtés au coin de la rue, il y a cinq minutes. Il s’est tourné trop vite pour regarder une boutique de chaussures. On aurait dit qu’il essayait de compter les boîtes.

 

   Pourquoi ne pas simplement transplaner jusqu’à la maison ? insista Lily le souffle coupé. Pourquoi l’attirer dans une ruelle ?

 

James jeta un coup d’œil de côté, pour examiner son reflet dans une vitrine.

 

   Parce que, répondit-il calmement, je veux savoir qui c’est.

 

   James, non ! chuchota Lily, en le regardant. C’est trop dangereux !

 

   Reste derrière moi, répondit James.

 

Lily fut agacée de constater que son mari semblait apprécier l’incident. Il tourna au coin de la ruelle et, très soudainement, attira Lily dans une impasse très étroite. Immédiatement, il la poussa de côté, et monta à quelques escaliers vers une porte sombre. Il resta posté devant elle, sa baguette à la main. Prestement, il la faisait tourner entre deux doigts – un geste que lui et Sirius avaient pratiqué dès leur cinquième année à l’école, croyant que ça les rendait audacieux et virils. Lily secoua la tête.

 

Des pas retentirent sur le trottoir, devant l’impasse, et peu après, une ombre apparut. Elle sembla hésiter avant de pénétrer dans la ruelle. Il s’agissait d’un homme grand et mince, enveloppé dans une longue cape noire. Le capuchon était baissé, découvrant des cheveux noirs et un long nez. Lily le reconnut immédiatement. Elle ouvrit la bouche pour l’appeler, mais James fut plus rapide. Il sauta au bas des marches, et avança, baguette levée.

 

   Levicorpus ! ordonna-t-il.

 

Sa voix fut noyée par celle du nouvel arrivant, qui fut plus rapide que lui d’une seconde à jeter un sortilège de désarmement. Il y eut un vif éclat rouge, et la baguette de James fut arrachée de sa main. Elle tomba bruyamment sur des poubelles alignées le long du mur, à l’entrée de la ruelle.

 

   Vraiment, Potter ! dit le nouveau venu d’une voix traînante. Depuis le temps, tu devrais avoir appris quelques nouveaux sortilèges.

 

Lily se précipita, dépassa son mari, et se mit entre les deux sorciers.

 

   Severus ! s’écria-t-elle. Qu’est-ce que tu fais ?

 

   Pas ce que tu penses en tout cas, Evans. Ce temps-là est dépassé. Je ne vois pas pourquoi j’aurais des explications à te donner.

 

James avança après de sa femme.

 

   Tu nous suivais, déclara-t-il. Ce n’est pas exactement le genre de comportement qu’on attend du nouveau maître des potions de Poudlard.

 

   Je te signale que marcher sans protection dans une rue animée de la ville n’est pas non plus ce qu’on attend de deux personnes averties d’une agression imminente.

 

James étrécit les yeux.

 

   Comment es-tu au courant ?

 

Rogue eut un soupir excessif.

 

   Pour un Gryffondor, Potter, tu es vraiment soupçonneux. Je te rappelle que je suis désormais maître des potions, ce qui me donne accès à certaines confidences. Pas la peine d’en rajouter.

 

Lily étudiait les yeux de Rogue.

 

   Mais Severus, pourquoi nous suivais-tu ?

 

Le sorcier soutint un long moment son regard, puis il détourna la tête et baissa sa baguette. Il sembla lutter contre lui même quelque secondes, puis il eut un geste vers James, et lui jeta un regard noir.

 

   Parce que, Evans, cet homme que tu as choisi d’épouser est trop arrogant ou inconscient pour être capable d’envisager que quiconque puisse l’atteindre. Il ne pourra pas te protéger. Et s’il ne remplit pas son devoir, quelqu’un d’autre doit le faire.

 

   D’accord, répondit James calmement. J’en ai assez entendu. Viens Lil, on y va.

 

Lily fit un pas en avant pour se rapprocher de la sombre silhouette du sorcier.

 

   Severus, dit-elle doucement, que peux-tu nous dire de plus ? Je suis certaine que tu en sais davantage que ce que tu prétends.

 

   Lil, tu ne peux pas lui faire confiance, dit James, en tirant sa femme par le coude. Il pourrait très bien être lié à ceux qui sont contre nous.

 

Rogue détourna les yeux, une fois de plus.

 

   Partez, dit-il d’une voix éteinte. Plus vous restez ici, plus c’est dangereux pour vous.

 

James se tourna vers sa femme.

 

   Attends-moi ici. Je reviens.

 

Elle hocha légèrement la tête, les sourcils froncés. James regarda Rogue, mais le sorcier aux cheveux noirs avait toujours la tête tournée, et refusait de croiser son regard. Avec un mépris écœuré, James secoua la tête, le dépassa, et avança vers les poubelles qui s’accumulaient à l’entrée de l’impasse. Pendant qu’il cherchait sa baguette, il entendit Lily et Rogue parler à voix basse. Même si Rogue n’était qu’un minable, il était inoffensif, pensa James, quasi convaincu. Penché en avant, il fouilla les poubelles rouillées pour retrouver sa baguette parmi les ordures, et marmonna des insultes à mi-voix. Il finit par la voir, dans un coin, sur un journal moisi. Il la récupéra, l’essuya sur son jean et retourna dans l’impasse. Il s’arrêta tout à coup, leva les yeux, et examina l’immeuble de l’autre côté de la rue. Lentement, un sourire lui illumina le visage.

 

   Je savais bien que cette rue me paraissait familière ! marmonna-t-il comme à lui-même.

 

Il faudrait qu’il en parle à Sirius, quand il retournerait à la maison. Combien de temps s’était passé depuis cette nuit fatale ? Quatre ans, peut-être cinq ? Incroyable ! Sirius éclaterait de rire, et demanderait sans doute si les traces des pneus de sa moto marquaient toujours le trottoir. Mais Remus lui ne serait pas amusé. Il était du genre superstitieux. C’était probablement dû à ce qu’il appelait sa « malédiction ». Se faire coincer dans la même impasse, d’abord par la police moldue, ensuite par Servilius, était le genre de coïncidence cosmique que Remus trouverait sans doute « sinistre ». Mais James avait la ferme intention de lui en parler quand même.

 

Il revint vers sa femme, s’attachant à tourner le dos à Rogue.

 

   Viens, Lil. Les autres vont nous attendre. La dernière fois que nous avons laissé le bébé à Remus et Peter, ils ont essayé de lui faire manger une purée de dragées de Bertie Crochue.

 

Lily avait toujours les yeux fixés sur Rogue.

 

   James, dit-elle doucement, Severus ne sait pas où aller pour Noël.

 

James se figea, et la regarda.

 

   Tu n’es pas sérieuse ? marmonna-t-il. Ce n’est pas possible.

 

   Si, je suis sérieuse, grosse brute. Et je suis certaine que c’est important.

 

James poussa un immense soupir résigné. Il jeta un coup d’œil derrière lui. Rogue avait rangé sa baguette, et relevé son capuchon sur sa tête. James vit le sorcier lui passer devant et retourner vers l’entrée de la ruelle.

 

   Hey, Severus ! appela James, en faisant un effort pour garder sa voix le plus calme possible. Euh… je suis désolé d’avoir tenté de te jeter un sort. Peut-être essayais-tu seulement de nous aider. Pour m’excuser, j’aimerais que tu viennes dîner chez nous ce soir. C’est Noël. Lil a fait cuire un canard, et il y aura aussi Sirius, Remus et Peter. Ce sera comme au bon vieux temps.

 

   Comme au bon vieux temps ? marmonna Rogue sans se retourner. (Il poussa un soupir.) On dirait, Potter, que tu ne réalises vraiment pas ce qu’il y a contre toi,. Tu m’invites chez toi ? Tu voudrais me montrer où tu vis, malgré tout ce que le directeur t’a expliqué ? C’est bien ça ?

 

James se rembrunit.

 

   Eh bien, si tu essayes de me dire qu’il ne faut pas te faire confiance…

 

   J’essaie de te dire de ne faire confiance à personne, Potter. Pas maintenant. Tu as Dumbledore, et ton réseau de ton côté. J’espère que tu as bien choisi tes amis – personnellement, j’ai des doutes. Mais tu dois bien comprendre que ceux qui te cherchent sont prêts à tout. Ils n’hésiteront pas à tuer ou à torturer. Il faut absolument que tu réalises le danger qui te guette, sinon tu vas continuer à faciliter la tâche de ceux qui te poursuivent. Ce sera probablement ton dernier avertissement.

 

Les yeux étrécis, James avança vers Rogue.

 

   Et comment peux-tu en savoir autant ? Dumbledore ne m’a jamais parlé de meurtre. Il nous a juste averti qu’à cause de d’une prophétie, Tu-Sais-Qui et ses acolytes s’intéresseraient à notre fils. Il nous a conseillé d’être prudents. Il m’a promis de m’avertir dès que le danger deviendrait plus grave. Pourquoi devrais-je te croire ?

 

   A ton avis, Potter, qui a informé le directeur de tout ça ? aboya Rogue tout à coup. (Il s’approcha tellement de James que les deux sorciers étaient quasiment nez à nez dans l’obscurité.) Les temps vont devenir horribles ! Il y aura des risques et des sacrifices qu’une personne comme toi ne peut pas envisager. Certains d’entre nous sont prêts à plonger dans la tourmente pour aider les ingrats comme toi. Certains d’entre nous sont prêts à accepter des responsabilités qui feraient frémir les autres. Et pourquoi ? Eh bien…

 

Rogue s’interrompit, et jeta un coup d’œil de côté à Lily. La jeune femme rousse les regardait, les yeux écarquillés et inquiets. Le sorcier s’écarta, et se détourna.

 

   C’est sans importance, dit-il sèchement. Ce qui compte, c’est que tu réalises l’importance des avertissements qu’on te donne, Potter. Ce qui compte, c’est que tu comprennes les risques qui t’attendent. Après tout, ton sort est entre tes mains.

 

Les yeux toujours soupçonneux, James étudia l’autre sorcier. Finalement, il s’écarta, et reprit Lily par le coude.

 

   Joyeux Noël à toi aussi, Severus, dit-il.

 

Quelques secondes plus tard, un craquement sonore résonna dans toute l’impasse. Quand Rogue leva les yeux, il vit que Potter et Lily avaient disparu – qu’ils avaient transplané jusque chez eux. Ils n’avaient pas pris la moindre précaution, mais Rogue n’en fut pas surpris. Très lentement, il secoua la tête. Il était en colère, mais surtout troublé par les émotions divergentes qui bouillonnaient en lui. Il avait pris un risque énorme en les suivant, en veillant sur eux, mais il ne pouvait s’en empêcher. Peut-être devrait-il s’entretenir à nouveau avec le directeur ? Pas tout de suite, mais bientôt. Il ne pourrait pas tout raconter à Dumbledore, bien sûr, mais il lui en dirait assez pour protéger Lily Evans. Il se fichait bien que les Mangemorts aient James, mais pas elle. C’était risqué… Peu importe, Rogue avait l’habitude des risques. Et puis, que pouvait-il lui arriver au pire ? S’il se faisait prendre, Le Seigneur des Ténèbres se contenterait de le tuer. Étrangement, Rogue pensa que mourir serait presque un soulagement.

 

En y réfléchissant, il se tourna et marcha au hasard dans les rues, sans aucun but.

 

 

Il n’y avait pas davantage de neige à Godric Hollow.

 

Quand Peter Pettigrew entendit l’alarme se déclencher dans la cuisine, il sursauta violemment, lâchant presque le livre qu’il feuilletait.

 

   C’est à toi, Queudver ! annonça Remus. C’est moi qui ai vérifié ce truc la dernière fois. Vas-y vite avant que ce fichu coucou ne recommence, et réveille le bébé.

 

   J’y vais, j’y vais, grommela Pettigrew en se levant.

 

Il traversa le salon à contrecœur. Il faisait trop chaud dans la maison, surtout dans la cuisine, et ça le mettait de mauvaise humeur. Depuis qu’il avait réussi à devenir animagus, Pettigrew trouvait toujours étouffante la température normale d’une demeure. Quand il devenait un rat, il appréciait les étroits passages entre les murs, les coins poussiéreux des sous-sols, la liberté de gambader dans les combles pleins de courant d’air. Pettigrew ne l’aurait jamais admis devant personne, mais ses caractéristiques de rat avaient modifié sa personnalité humaine. Parfois, il envisageait même de rester un rat. La vie était bien plus facile pour un rongeur ! Plus de compétition ni de jalousie comme chez les humains. Un rat avait qu’à dormir, manger, gambader, et couiner.

 

Une fois dans la cuisine, le sorcier ouvrit le four et regarda le gros canard qui rôtissait à l’intérieur. À ses yeux, la bestiole paraissait à point, mais bien sûr, il n’y connaissait rien. Il essaya de se souvenir des instructions de Lily avant son départ… sauf qu’elle avait tellement parlé qu’il n’avait en réalité rien écouté. Était-il censé retourner le canard et changer le bébé ? Ou bien était-ce l’inverse ?

 

Au-dessus du fourneau, un énorme coucou s’anima soudain. Immédiatement, l’alarme qui avait dérangé Pettigrew dans le salon se déclencha à nouveau. Le coucou émergea d’une porte en bois, et arriva tout droit devant le visage du sorcier. Deux petites ailes s’agitèrent, et l’oiseau ouvrit le bec.

 

   Canard rôti à l’orange ! chanta le coucou. Encore vingt minutes de cuisson. Il est temps de l’humecter. Il est temps de l’humecter. Personne n’aime la volaille desséchée.

 

   Je me demande ce que donnerait un coucou rôti, grogna Pettigrew en sortant sa baguette.

 

L’oiseau sembla tourner la tête pour mieux examiner le sorcier.

 

   Pas besoin d’être grognon, dit-il d’un ton sec.

 

Avant que Pettigrew ne puisse lui répondre, il retourna dans sa maison de bois, et referma la porte avec un claquement sonore.

 

D’un geste maladroit, Pettigrew inonda le canard d’une louche de sauce, sans trop savoir comment utiliser l’étrange ustensile tubulaire avec une grosse poire en plastique au bout. Il détestait les cuisines moldues ! James avait bien promis d’améliorer l’endroit quand lui et Lily s’étaient installés là, mais actuellement, le sorcier était bien trop occupé à savourer sa petite vie domestique au milieu de Nulle Part. Pettigrew détestait la campagne ! Heureusement, il avait grandi à Londres. Il adorait l’animation des grandes villes. Il avait aussi plutôt bien vécu. Bien sûr, sa famille n’était pas riche – du moins si on la comparait à celle de Sirius – mais il avait au moins connu une cuisine magique et bien organisée. Il referma la porte du fourneau un peu trop bruyamment.

 

Du salon, Remus s’exclama :

 

   Est-ce que le canard se montre récalcitrant ?

 

   Désolé, répondit très vite Pettigrew. La porte m’a échappé des mains. J’ai les doigts graisseux à cause du jus.

 

   En tout cas, fais attention ! Si tu réveilles le bébé, c’est toi qui le changeras.

 

   D’accord, Remus.

 

Debout dans la cuisine, Pettigrew lutta pour contenir sa colère. Ces derniers jours, il était de plus en plus frustré, sans trop comprendre pourquoi. Bien que Remus, Sirius et James soient ses meilleurs amis, la plupart du temps, Pettigrew avait envie de hurler contre eux. Il ne riait plus avec eux. Bien sûr, il ne pouvait pas davantage hurler… et quelque part, ça rendait les choses pires. La servilité aimable qu’il entendait dans sa voix le dégoûtait. Il aurait voulu hurler : « Tais-toi, Remus. Tu n’as pas d’ordres à me donner. Qu’est-ce que tu sais de la vie, d’ailleurs ? Tu restes assis, planté, content de toi, comme si tu connaissais tout. Et pourtant, c’est toi le loup-garou dans cette pièce, pas moi. Non, moi, je suis celui qui a passé des années à devenir animagus pour rester avec toi quand tu te transformes ; pour protéger le monde de toi ; pour te protéger du monde. Et voilà la toute gratitude que tu me montres ? Tu me donnes des ordres comme si j’étais un elfe de maison au cerveau déficient ! »

 

Pettigrew s’approcha de la fenêtre et, au-delà de son reflet, il regarda la lune qui brillait derrière les branches dénudées des arbres. Il soupira, et chercha à se calmer. Bien sûr, il était injuste envers Remus. Remus lui montrait sa gratitude, parfois. Oui, les trois Maraudeurs étaient gentils avec lui, la plupart du temps. Dans la fenêtre, Pettigrew vit son reflet hocher lentement la tête. Mais il savait la vérité. Aucun des trois autres ne le lui dirait jamais en face, mais tous savaient que Pettigrew ne faisait pas « réellement » partie de leur cercle. Pettigrew n’avait pas leur assurance, leur inconscience. Toute sa vie, il avait désespérément essayé de leur ressembler, de marcher comme eux, le visage au vent, une étincelle dans les yeux, sans jamais regarder en arrière. Mais au fond de lui, Pettigrew était conscient que cette bravoure affichée n’était qu’un simulacre. Ce qui, chez James, Remus et Sirius, était une noble qualité devenait chez lui de la couardise. Le sachant, la plus grande terreur de Pettigrew était qu’un jour les trois autres le voient sous son véritable jour : un rat sous forme d’homme, et non le contraire.

 

La semaine passée, Sirius avait pris Pettigrew à part. Il venait de rentrer d’un tour sur cette ridicule moto qu’il adorait, et avait proposé à Pettigrew de l’emmener un moment, pour qu’ils puissent parler discrètement. Pettigrew avait une peur panique de cette moto, et de ce fait, la détestait. Il avait bafouillé une excuse, prétendu devoir rentrer à son appartement, mais Sirius avait repoussé ses arguments de la main, sans s’y attarder, comme si le monde entier pouvait obéir à l’un de ses gestes négligents. Avec une jalousie féroce, Pettigrew n’avait pu s’empêcher de penser que pour Sirius, c’était peut-être vrai.

 

Bien campé sur sa moto, les yeux fixés sur la rue qui s’étendait devant lui, Sirius avait annoncé :

 

   James et Lily vont bientôt avoir besoin d’un gardien du secret. J’ai réfléchi sur celui qui serait le mieux à même de remplir cette tâche, Queudver, et j’ai pensé à toi. Qu’est-ce que tu en dis ?

 

Pettigrew savait que la plupart des sorciers auraient été flattés d’une telle proposition. C’était un grand honneur, pas vrai ? Mais lui ne le ressentait pas comme ça. Au contraire, il n’éprouvait que de la colère et de la honte. Sirius ne pensait pas à Pettigrew parce qu’il était le plus honorable ou le plus fiable du trio. Quelle plaisanterie ! Sirius suggérait Queudver parce qu’il avait la réputation d’être inoffensif. Les autres auraient éventuellement le courage, l’audace, ou même l’effronterie de commettre une trahison, mais pas Pettigrew. Il n’était qu’un rat. Quand on y réfléchissait, un rat n’était qu’une grosse souris, le symbole même de la lâcheté. Oui, Pettigrew ferait un excellent gardien du secret. Il n’était pas le meilleur sorcier, mais le plus faible et le plus timide. Il ne trahirait jamais les Potter, il n’en aurait jamais le courage.

 

La nuit passée, la lune était pleine. Et comme d’habitude, les quatre Maraudeur s’étaient transformés pour sortir dans le jardin de derrière, vers la forêt voisine. Remus, le loup ; James, le cerf ; Sirius, le chien ; et courant derrière eux comme un malheureux, il y avait eu Pettigrew, le rat. Quand les autres étaient entrés dans la forêt, Pettigrew était à la traîne, comme d’habitude. En fait, il s’était même retrouvé tout seul. Peut-être les autres couraient-ils plus vite, sans se donner la peine de l’attendre ? Peut-être Queudver avait-il cessé ses efforts pour rester avec eux ? Peut-être aussi – mais si c’était vrai, Queudver lui-même n’en avait pas eu conscience – s’était-il attardé en arrière juste pour vérifier si les autres remarqueraient ou pas son absence. Si telle avait été son intention, il avait été déçu. En quelques secondes, le trottinement de ses amis avait disparu au fond des bois, perdu dans le chaos dense de la nuit.

 

Mais Queudver n’était pas resté seul très longtemps. Après tout, il avait rencontré quelqu’un. Quelqu’un qui l’attendait.

 

Dans la cuisine, fixant toujours son reflet, Pettigrew pouvait à peine se rappeler cette nuit-là. Souvent, il avait la sensation que sa mémoire de rat était un peu brouillée. Mais ce souvenir en particulier possédait comme un flou volontaire, aussi peut-être sa mémoire avait-elle été magiquement modifiée. Pettigrew sentait tourbillonner dans sa tête quelques morceaux de souvenirs, comme un vol de moustiques qui ne se posait jamais. Il y avait eu des hommes en noir, qui avançaient furtivement dans la forêt… à la recherche de quelque chose. L’un d’entre eux avait trouvé Queudver, et reconnu le rat pour ce qu’il était. Ensuite, tous lui étaient tombés dessus. Bien sûr, Queudver était terrifié, certain d’être tué sous sa forme de rat. Mais alors, l’un des sorciers lui avait parlé, d’une voix insidieuse, apaisante et doucereuse. En tant que rat, Queudver devait se concentrer pour comprendre le sens des mots, mais il avait au moins saisi une certitude : ce sorcier était un démon – peut-être même le pire démon jamais créé. Et malgré ça, ce sorcier voyait en Queudver quelque chose d’intéressant. C’était une idée… enivrante.

 

   Personne ne t’apprécie à ta juste valeur, pas vrai ? avait soufflé la voix doucereuse au rat. Je le vois. Je le sens. Tes « amis » sont incapables de sentir ton véritable potentiel. Mais moi, je le fais. Oh oui, je te vois pour ce que tu es réellement, mon cher. Je saurais utiliser un sorcier avec tes rares talents. Tu devrais me rejoindre, je t’aiderais à atteindre la grandeur. Avec moi, mon petit ami rat, tu pourrais devenir bien plus important qu’aucun de tes « amis » n’a jamais pu l’imaginer. Et c’est ce que tu désires, pas vrai ? Oui… oui, bien sûr. C’est ce que tu désires plus que tout. Plus que tout

 

   Pourquoi ne pas le torturer ? avait proposé un des autres hommes noirs. Il pourrait nous montrer l’endroit dès cette nuit. Nous savons qu’ils vivent non loin de là.

 

   Lucius, ne te montre pas si hâtif, s’était moqué la voix douce. Que tu es maladroit, mon ami ! Tu manques de la plus élémentaire subtilité. Celui-ci a bien plus de valeur que tu ne le crois. Nous allons donc le surveiller… et attendre.

 

Ces mots avaient rendu Queudver enragé, comme une sorte de démangeaison plantée au centre de son cerveau. Ces êtres le terrifiaient ! Il craignait encore d’être tué quand soudain, tous avaient disparu, s’effaçant dans un tourbillon de fumée noire. Les chasseurs avaient abandonné la piste.

 

Bien sûr, Pettigrew devinait l’identité de ces inconnus rencontrés dans les bois. Il savait aussi ce qu’ils cherchaient. Il désirait ne jamais revoir cet être avec cette horrible voix tentatrice. Jamais. Malgré tout, Pettigrew ne voulait pas – ne pouvait pas – trahir ses amis.

 

Mais Queudver, par contre…

 

 

A ce moment, la porte d’entrée s’ouvrit, laissant un courant d’air froid pénétrer dans la petite chaumière. Pettigrew entendit en même temps la voix de Lily :

 

   Il a dû se tromper, James. Et sur un point au moins, il a raison : tu es très soupçonneux.

 

Remus leva les yeux, et referma son livre.

 

   Qui a dû se tromper ? demanda-t-il

 

   Nous avons croisé Servilius en quittant le Chemin de Traverse, répondit James. Et je te raconterai tout quand Patmol sera là. Je veux voir vos deux têtes en même temps quand je vous répéterai ce qu’il a dit. Au fait, où est Sirius ?

 

   Il est parti faire un tour dehors, en passant par le jardin de derrière, répondit Remus, les yeux au ciel. Tu sais qu’il n’aime pas du tout lire. Une heure à peine après votre départ, il a commencé à s’agiter. Il ne devrait pas tarder à revenir.

 

   Et mon canard ? demanda Lily.

 

Immédiatement, elle partit à grands pas vers la cuisine, et dépassa Pettigrew à la porte.

 

   Demande au coucou si tu veux en être sûre, répondit Pettigrew. Mais à mon avis, il est cuit. Nous pouvons manger quand tu voudras.

 

   Oh-oh, remarqua le Remus en se levant. Quelqu’un d’autre vous a entendu arriver.

 

   Il a dû être réveillé par le bruit de la porte, dit James.

 

Il levait les yeux vers l’escalier étroit. On entendait les cris affamés d’un bébé à l’étage. Lily réapparut immédiatement à la porte de la cuisine.

 

   Je vais le chercher, annonça-t-elle.

 

   Oh non, pas question, dit James qui s’élança vers les escaliers. Il faut d’abord le changer, et c’est à moi de le faire. Toi, tu as un volatile à sortir du four. Et je préfère que tu t’en charges.

 

   Quel père exemplaire ! s’exclama Remus avec un sourire.

 

   Oh, si nous étions des Moldus, James ne voudrait pas davantage changer une couche qu’écouter un opéra, dit Lily en sortant sa baguette. Mais Hagrid nous a offert ce nouveau pot nettoyeur en forme d’octoligator. Je ne sais pas qui rit le plus fort, de James ou d’Harry, chaque fois que la couche ressort de sa bouche toute propre et chaude.

 

Pettigrew se laissa tomber sur le canapé.

 

   Ça paraît marrant, dit-il.

 

   Lily ? (Remus s’approcha de la porte de la cuisine et demanda :) Tu as besoin d’aide ?

 

   Non, je pense pouvoir faire léviter un canard hors du… Non, attends !

 

On entendit le bruit d’une porte qui claquait, puis les pattes d’un gros animal claquer sur le carrelage. Remus s’effaça prestement du chemin tandis qu’un chien noir émergeait de la cuisine, traversait le salon en courant, et montait les escaliers, laissant derrière lui un courant d’air glacé.

 

   Sirius ! cria Lily en colère. Tu as failli me faire lâcher le… Et regarde un peu ! Tu as mis de la boue partout dans la cuisine !

 

   Je m’en occupe, dit Remus, en cachant son sourire.

 

Il sortit sa baguette, et pénétra dans la cuisine où Lily marmonnait toujours.

 

Assis sur le canapé, Pettigrew écoutait les bruits de la maison. Remus et Lily bavardaient dans la cuisine ; Sirius et James riaient à l’étage. Au bout de quelques minutes, les deux sorciers redescendirent l’escalier, Sirius le premier, avec un pantalon noir et un tee-shirt de la même couleur avec écrit à l’avant STYX en lettres blanches. James le suivait, un bébé serré dans les bras.

 

   En parlant de cadeaux, dit Sirius, j’ai laissé un petit paquet dans le jardin de ta voisine.

 

   Sirius ! aboya Lily de la cuisine.

 

   Quoi ? C’était juste un gnome de jardin. Pas un vrai, bien sûre. Juste une petite statue moldue. Je croyais qu’elle adorait ce genre de choses.

 

   Si tu continues à faire des bêtises pareilles, je ne te garderai plus de vêtements de rechange chez moi, cria Lily, mais elle paraissait adoucie.

 

Sirius s’approcha de James.

 

   Pourtant, c’est un très joli nain de jardin, grommela-t-il. Je l’ai pris chez le vieux type horrible, qui habite au bout de la rue.

 

   Voilà un bonhomme, tout beau, tout propre, dit James.

 

Il plaça le bébé dans les bras de Pettigrew et se jeta dans un fauteuil tout proche. Maladroitement, Pettigrew balança son fardeau, en essayant de lui sourire. Le bébé s’agita, et le regarda. D’un air solennel, le petit visage se plissa. Le bébé se mordilla la bouche et tendit la main. Il s’accrocha au petit doigt du sorcier de son petit poing serré.

 

Lily émergea de la cuisine, en s’essuyant les mains sur un torchon.

 

   Oh, qui voilà ? roucoula-t-elle. Mon petit Harry. Est-ce que tes oncles ont été gentils avec toi ?

 

Remus sortit de la cuisine derrière Lily. Lui aussi s’approcha du canapé, et regarda le bébé couché dans les bras de Pettigrew. Avec un sourire penaud, le petit sorcier maigrelet leva les yeux vers les deux autres.

 

   Aussi gentils que le méritait un gentil bébé endormi, répondit Remus à Lily.

 

   Tout le monde affirme qu’il a les yeux de Lily, remarqua James, qui souriait à son fils, mais le reste de son apparence est entièrement Potter.

 

S’installant également sur le canapé, près de Pettigrew, Sirius se pencha sur le bébé.

 

   Je ne sais pas trop, dit-il. Il est trop banal, non ? Sans aucun signe distinctif. Pas de marque de naissance, ni de tatouage, comme son parrain – moi. Est-ce que vous…

 

   Silence ! s’exclama Lily. (Elle se pencha, récupéra son fils, et le câlina avec amour.) Ce bébé est parfait, de la tête aux pieds. Pas vrai, mon chéri ? Bien sûr que tu es parfait. Un parfait petit bébé. Tu as faim ? Hmm-hmm.

 

Comme s’il comprenait, Harry poussa un petit cri et s’étira dans les bras de sa mère. Il était trop jeune pour le réaliser, mais il était parfaitement heureux. Tout allait bien dans le monde qu’il connaissait. Autour de lui, il y avait des visages aimants, des sons familiers. La chaumière où il vivait représentait tout son monde, bien douillet. Son ventre serait bientôt rempli. Pour un aussi petit bébé, le temps n’avait aucune signification, aussi seul le présent importait, le moment qu’il vivait. Dans l’immédiat, tout était parfait. D’après Harry, ce bonheur idéal serait éternel.

 

Pendant que Lily nourrissait son bébé, le canard attendait sur le fourneau de la cuisine. Bientôt, selon la tradition, Remus se chargerait de le découper. La jeune sorcière pensa aux événements de la soirée. Il était difficile de ne pas s’inquiéter. Aussi incroyable que ça paraisse, il y avait quelque part des gens, menés par un horrible mage noir, qui paraissaient en vouloir à la vie de son adorable bébé. L’ordre du Phénix les aidait, mais James et elle devraient vite prendre de strictes mesures pour placer leur chaumière sous la protection de divers sortilèges. C’était nécessaire pour que Lily puisse bien dormir la nuit. Malgré le mépris qu’avait James pour le pauvre Severus, Lily était heureuse de savoir qu’il veillait sur eux en secret. Severus Rogue était un sorcier incompris, malheureux et troublé. Lily était désolée en repensant à ce qui s’était passé – ou pas – entre eux autrefois, mais elle avait confiance en lui. Peu importait qui Severus fréquentait – et Lily préférait nettement ne pas connaître tous les détails qu’elle devinait pénibles – elle restait certaine que jamais il ne permettrait qu’un grave danger les menace, elle et son fils.

 

Elle se souvint de ce qui s’était passé entre eux dans la ruelle, plus tôt…

 

    Si tu tiens réellement à moi, tu te rappelleras de ça, chuchota Lily dans l’allée, tandis que James partait chercher sa baguette.

 

Elle avait ouvert le sac blanc de chez Caprice Enfantin, pour en sortir un petit pyjama d’un vert lumineux. Elle le tendit à Severus pour qu’il le touche. Ce qu’il n’avait pas fait. Lili étudia un moment les yeux noirs du sorcier, ses traits durs, son aspect farouche.

 

    Tu te souviendras que c’est ce qui compte le plus au monde pour moi, insista-t-elle. Je sais que tu détestes les choix que j’ai faits, Severus, mais je ne veux pas que tu haïsses ceux que j’aime. Fais tout ce que tu peux pour protéger mon bébé. Tu ne me dois rien, bien sûr, mais si tu tiens vraiment à moi, alors, sache qu’il fait partie de moi. Peut-être aura-t-il davantage besoin de toi que moi. Je t’en supplie, Severus.

 

Le sorcier n’avait rien répondu, mais c’était inutile. Alors que Lily rangeait la grenouillère dans le sac, James était revenu. Severus les avait regardés, avec une expression insondable. Il n’était pas parfait, mais Lily savait qu’il tenait toujours à elle, même s’il se détestait pour ça.

 

Lily hocha la tête. Severus ferait ce qu’il fallait. Bien sûr, ce n’était qu’un petit réconfort, mais pour l’instant, c’était assez.

 

Repu et satisfait, bébé Harry adressa à sa mère un grand sourire. C’était son premier Noël, un moment merveilleux.

 

À l’extérieur, silencieuse et parfaite, la neige se mit à tomber.

 

 

FIN