EXPLICIT LE DIT DE POISSY
Rubrique: A2 supprime l. du dit et ajoute qui s'adrece a un estrange
1 A1 Mon c.
i5 A1 priée et requier
22 A2 Des b.
41 A1 si vous
43 A2 supprime et g.
55 B p. si me voldrent p.
62 B1 Chevauchoye
63 A1 B2 qu'avec
77 A2 q. c. s. m.—B chantoit
88 A2 B Ne en
93 A2 p. tous c.—B1 c. resbaudir
110 A2 Par d.
121 B S. ces a.
129 B1 en estoient l.
154 B N. s. souvent et.
163 B l'envoyoit
174 B marchié ou f.
179 B on ne v.
181 A1 aussi a. a.
183 A2 supprime le 1er n'
201 B omet que
206 A1 honnesteté
219 A2 B ait q.
224 B Y ot
229 A2 Des v.
231 A1 f. nous a.
233 A1 et trés c.
242 A1 asés p.
262 B vers la d.
264 B1 Et h.
291 A2 B l'encline
292 A1 Si finees
302 A1 e. homme ne
307 B omet n'
313 B1 b. y a p.
325 B et ou r.
344 B preïsmes
345 A1 conjé
358 A2 N. b. f.
378 A2 v. e l. n. vindrent p.
386 B1 c. moult j.
401 A2 p ou mi—B t. bel p.
403 A2 qu'un s.
410 A2 voirriere
415 A1 b. ce puet estre prouvé
418 A1 et B2 omettent nous—A2 ne pouoit s.
435 B en eschiet
437 B1 r. n'a g.
452 B1 omet nous
461 A2 e. n'orent or ne a.
468 B1 ne verroye
475 B1 omet si
495 A1 hault v.
500 A1 chantant
502 A1 racontant
510 et 511 intervertis dans A2
514 B N'il
52l B1 omet le deuxième est
525 A2 A. de v.
527 A2 S. leurs m.
532 A1 De c.
536 B1 Vont
537 A1 s. si b. o.
540 B1 Si l.
544 B En telle
551 A1 b. vergiers
558 B Et la e.
559 B C. croy que bien p.
562 A2 de beaulz m.
570 A1 Et un v.
582 A2 s. departement
593 B ajoute et s.
601 A1 n'en f.
621 A1 d. et de table l.
631 A1 B2 f. est n.
632 B N'y f.
645 A2 au grant c.
647 A1 estrangier
649 A tousjour
663 B1 et des c.
665 A1 denssames—A2 Ne p.
694 B a. mais ou
702 A1 ques
703 A2 ou j'ay m.
707 A2 B p. c. m.
718 B1 v. en u.
719 A2 A par d.
721 B omet a
722 A1 d'entre eulx n.—B1 omet ens
726 A1 g. f. et p.
741 B1 Un e. delez elle fut près—B2 e. q. dellez e. fu e.
749 B1 presque n.
761 B omet trestous
763 A2 s. d'a. e. s.
765 A1 au t.
803 B en tel e.
813 A1 B2 l. desir
819 A1 de ce l.
851 B1 D. d'amour p.
855 veu et p. écrits après grattage dans A2—A2 B f. une p.
862 A2 l. q. d.—B q. d. l.
879 A1 voioit
887 B n. ait nuit
891 A2 P. d. d. c. et p.
902 A2 Dont o.
903 B a. font p.
907 B omet fu
913 B omet trop
916 B1 omet ou
919 B ou a. a.
928 B Se va
932 B ou en m.
938 A2 En p. d'e. aconsuivismes
939 B1 que c.
942 A1 vissage
943 B1 Car t.
949 B me p.
950 B1 Me t.
967 A2 v. ayés
984 A B courroucié
985 A1 B sié
998 et 999 intervertis dans B1
1001 B ma grant p.
1002 B1 m. vous m'o.
1006 B en tel p.
1017 A2 Car n.
1039 A2 B R. a s. un p. et com r.
1042 B m. d. d. et maz
1075 B l. c. d.
1081 B c. pour s.
1082 A2 En t.
1086 A2 H. de lui p. p. soubz l.
1092 A1 se c.
1094 A2 c. ot. c. et de p.—B omet ot
1100 A1 beau
1118 A t. bien fait
1122 A2 t. non pas.
1123 B omet et
1125 B com r. de
1126 A2 b. n. p.
1135 A2 L. p. d.
1145 B M. en m. c. e. la b. c.
1147 A2 d. qu'ay m.
1149 A1 ay est c.
1153 A1 ot pet b.
1163 A2 Ains en
1171 B C. b. et si trés p. y.
1174 B se a. v.
1178 B ajoute M. je
1183 B d'armes
1189 A et B2 omettent et
1197 A L. barre, lances, b.
1198 A2 l. hanter—B legierement hanter
1206 B f. d'un r.
1211 A2 B h. sur tous
1219 B1 omet jur
1233 A2 n'a. p. e.
1236 B1 omet fu
1249 B et je l.
1251 B supprime d' devant amer
1262 A2 B ou tant ot
1269 A1 B1 Hongrie
1273 A2 a. le Conte de N.
1285 A1 raçonna
1297 B bon et b. de t.
1309 B Hé! p.
1311 A2 Par t.
1319 B p. en v.
1321 A1 com d.
1324 A2 Certes t.
1337 A2 m. cuer a m.
1339 B Du grief m.—A2 c. perir
1341 A2 B c. je s. si dueillans
1372 B Et grief martire
1374 A m. r. n'oÿ l.
1375 A Moy p.
1377 A2 en parlant s'a. si d.
1390 A1 v. taire—A2 d. tous bas: P.
1393 B t. chargiez et
1419 A m. leur s.
1426 B r. je pris trop du b.
1430 A2 B et p.
1450 B Et l'u.
1463 A1 don
1470 A2 c. la g. n'a.
1491 B y. ouny p.
1492 Les mss. donnent Est
1501 A2 B Et n.
1504 B1 omet ses
1505 A1 Et trés p.
1523 B1 Et b.
1525 B R. doulcet, g.
1529 A1 respondent
1537 A1 M. avenoit
1546 B a. comme p.
1547 A2 s.; onc m.
1566 A1 demouroit
1569 A1 j. grassete
1573 A B creé
1580 A1 a sa v.
1586 B q. se compare
1590 A2 b. me s.
1591 A2 R. j. p. c.
1593 B t. bel m.
1597 A2 p. si meüe
1616 B Le d.
1634 A1 promier
1645 A omet s'e.
1647 A2 Sa g.
1649 A2 En va. A
1655 B Et j.
1661 A2 Le t.—A1 que e.
1667 A2 Ne p. o. p. a. ne
1670 B p. estrangoit
1675 A1 Qu'el
1678 A2 f. et s.
1681 A1 promesse et
1686 A1 Qu'en v. a. a. chetel—A2 Que n'en v.
1687 B supprime le deuxième et
1698 omis dans A1
1698 et 1699 intervertis dans A2
1705 A1 guerdon
1707 A2 En un p.
1710 A1 chosir
1713 A l. m'atire
1721 A1 B2 d. destrece
1729 B a elle t. r.
1733 B Le hardement du m.—A1 omet me
1742 B d. je l'eusse
1743 B supprime et
1745 A2 l. me v. pour elle a.
1782 A1 que o.—B q. n'onc f.
1802 A2 g. doulour, si d. couvertement
1822 A1 raccopis
1829 A2 Elle me
1830 B en m.
1846 B b. cuida
1858 A2 c. je dure
1862 A2 s. de m. p. e. t.
1863 B e. ne soustraire
1881 A1 s. vostre—B sauf vostre
1910 A2 q. confort
1912 à 1915 omis dans B1
1915 B1 desespoir
1918 A1 mains o.
1958 A1 omet ja
1975 B trop r.
1978 A1 d'o. que le c. s'en t.
1981 A2 t. autrement
1979 B s. se je
1987 A1 Ce qui je
2006 A1 supprime et l.
2013 B et qu'il s.
2023 A2 p. ilz m'o.
2034 A1 supprime et l.
2038 B Sire, de v.
2042 A2 q. prient et
2069 B2 Au d.
2075 On trouve dans creintis l'anagramme de Cristine
Rubrique B1: Cy fine le d. de P.
NOTES
LE LIVRE DU DIT DE POISSY (p. 159 à 222).
Des extraits assez importants de ce poème ont été donnés par Pougin dans la Bibl. de l'Ecole des Chartes, (4e série, III, p. 535 et suiv.) vers 1 à 14, 35 à 52, 212 à 731, 773 à 794. Paulin Paris a, de son côté, cité (Mss.fr. V, p. 171) les vers 34 à 46.
1 à 28.—Le chevalier auquel Christine dédie son livre de Poissy doit être sans aucun doute le célèbre sénéchal de Hainaut. Jean de Werchin était fils de Jacques de Werchin également sénéchal de Hainaut; d'abord simple écuyer à la tête d'une petite compagnie, (Revue passée à Corbeil le 1er sept. 1380. Titres scellés. Clair. III) il devint bientôt lui-même sénéchal et mérita d'être appelé par Froissart «moult vaillant homme et très renommé en armes». A l'époque où Christine composa le dit de Poissy, il était allé faire un pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle où il défia tous les chevaliers de France et d'Espagne. Christine fait allusion, dans deux passages différents, à ce lointain voyage et aux glorieuses actions qui en résultèrent (vers 7 à 10 et 821 à 829).
46 à 52.—L'Abbaye royale des dominicaines de Poissy fut fondée en 1304 par Philippe le Bel et placée sous l'invocation du roi Louis IX qui venait d'être canonisé. Ce monastère était d'une construction remarquable et jouissait des plus grands privilèges. On en trouve une description suffisamment complète dans Noël, Histoire de Poissy, 1869.
248 à 264.—Marie de Bourbon, fille de Pierre Ier de Bourbon, était la septième prieure de l'Abbaye de Poissy. Elle se trouvait être la tante du roi Charles VI, par suite du mariage de sa soeur Jeanne de Bourbon qui avait épousé Charles V. Elle prit l'habit religieux en 1351 dès l'âge de quatre ans, mais ne fit naturellement profession qu'à dix-sept ans. Élue prieure de l'abbaye le 14 août 1380, elle gouverna avec sagesse et distinction. Le duc de Bourbon, son frère, lui avait reconnu par acte du 1er mars 1380 une pension viagère de 500 liv., et fit en même temps don à la communauté de la seigneurie de Carrière, de l'hôtel de Bourbon sis à Paris et de la terre de Villevrard près de Lagny-sur-Marne. Marie de Bourbon mourut le 10 janvier 1401 et fut inhumée dans le choeur de l'église abbatiale de Saint-Louis où on lui érigea une belle statue en marbre blanc et noir. Ce monument, qui a échappé à la destruction du monastère, est aujourd'hui conservé dans l'église de Saint-Denis (Noël, op. cit.).
274 à 282—Marie de France, fille de Charles VI et d'Isabeau de Bavière, née le 22 août 1392. A cinq ans elle prit le voile au prieuré de Poissy le jour de la Nativité de la Vierge, en 1397. Elle mourut le 28 août 1438 et laissa au couvent la terre de Pissefontaine ainsi qu'un fief situé à Triel (Bibl. Nat. Fr. 20,176, fol. 1185).
286 à 289.—Catherine d'Harcourt, fille de Jean, comte d'Harcourt. Elle était effectivement la cousine germaine de la princesse Marie, son père ayant épousé Catherine de Bourbon, soeur de Jeanne de Bourbon, reine de France. Entrée au couvent de Poissy en 1380, on lui reconnut 200 liv. de rente le 8 août 1396. Sa soeur Blanche, d'abord religieuse à Sainte-Marie de Soissons, était, depuis 1391, abbesse du célèbre monastère de Fonteyrault (Bibl. Nat., Pièces orig. 1479 et P. Anselme, V, 133).
317.—La ville d'Arras possédait dès le XIVe siècle des ateliers dont la réputation fut universelle (Voy. Guiffrey, Hist. de la Tapisserie, p. 59).
334 à 340.—Philippe le Bel, par sa charte de fondation (juillet 1304), assigna au couvent de Poissy des revenus considérables. Cette riche dotation se composait de la plus grande partie du produit des domaines royaux de Poissy, Béthisy, Verberie, Pierrefont, Vernon et Andilly, plus de droits de pâturages dans les forêts royales, excepté celles de Laye et de Coucy, etc. La communauté possédait en outre de nombreux droits et privilèges, tels que le droit de passage sous les arches du pont de Poissy (Arch. Nat. L 1084, liasse 1), le droit de chasse dans la garenne royale de Draveil où elle avait un hôtel (Arch. Nat. K 191, liasse 5), des rentes établies sur les halles et moulins de Rouen (Arch. Nat. Xia 1473 fol. 206 v°), et bien d'autres avantages. A tous ces revenus il fallait encore ajouter les rentes souvent fort importantes servies par les familles aux filles de grandes maisons et les donations ou legs faits par les religieuses elles-mêmes à leur communauté. Le nombre des soeurs fut d'abord fixé à cent vingt, il s'éleva plus tard à deux cents; elles devaient être issues de familles nobles et avoir obtenu pour leur admission une autorisation expresse du roi (Noël, op. cit.).
1273 à 1280.—Jean sans Peur, duc de Bourgogne et comte de Nevers, partit à l'âge de vingt-cinq ans au secours de Sigismond, roi de Hongrie dont la patrie était menacée de l'invasion des Turcs commandés par Bajazet. On sait que l'armée française éprouva une sanglante défaite à Nicopolis, le 28 septembre 1396, le comte de Nevers et quelques chevaliers échappèrent seuls au massacre qui suivit ce désastre. Moyennant une rançon considérable, Bajazet consentit à rendre la liberté au comte de Nevers et à quelques-uns de ses compagnons d'armes qui firent leur rentrée à Dijon le 28 février 1398.
LE DIT
DE LA PASTOURE
(Mai 1403).
CY COMMENCE LE LIVRE DE LA PASTOURE
Moy de sagece pou duitte
Ja par mainte fois deduitte
Me suis de faire dittiez
De plusieurs cas apointiez,
5 Combien que pou entremettre
M'en sache, mais pour
desmettre
Aucunement la pesance
Dont je suis en mesaisance,
Qui jamais ne me fauldra
10 Jusques vie me fauldra;
Car oublier impossible
M'est le doulz et le
paisible
Dont la mort me separa,
Ce dueil tousjours
m'apparra.
15 Ay fait ce dittié en rimes,
A mon pouoir leonimes,
A requeste de personne
Dont par le mond le nom
sonne,
Qui bien me puet commander
20 Et son bon vouloir mander.
Si le fis et le rimay
En ce desrain moys de may
L'An Mil Quatre Cens et
troys;
Et m'est avis, qui veult
drois
25 Y visier, qu'on puet entendre
Qu'a aultre chose veult
tendre
Que le texte ne desclot,
Car aucune fois on clot
En parabole couverte
30 Matiere a tous non ouverte,
Qui semble estre truffe ou
fable,
Ou sentence gist notable.
Si diray le sentement
En rimant presentement:
La Pastoure
35 Antendez mon
aventure,
Vrais amans, par aventure
Oncques n'oïstes pareille,
Si y tendez tous l'oreille,
Voiez comment Amours traire
40 Scet soubtilment pour attraire
Les cuers et faire subgiez
De ceulz qu'il lie en ses
giez.
Pastoure suis qui me plains
En mes amoureux complains,
45 Conter vueil ma maladie,
Puis qu'il fault que je la
die.
Comme d'amours trop
contrainte,
Par force d'amer
estraintte,
Diray comment je fus prise
50 Estrangement par l'emprise
Du dieu qui les cuers
maistroie
Et qui bien et mal ottroie.
Si soit exemplaire aux
dames
Mon fait, qui jurent leur
ames
55 Que jamais jour n'aimeront.
Voiez comment Amours rompt
Par son trés poisant effort
Tout propos, soit foible ou
fort.
Trés que joenne
touse estoie,
60 Parmi bouscages hantoye
Et par ces landes sauvages
Pour repaistre enmi
herbages
Les berbietes mon pere,
Et quoy qu'adès en appere,
65 Ainsi par maintes anées
Furent par moy pormenées,
Tant que je fus ja
percreue,
Sans estre nul jour recreue
Du mestier, qui me
plaisoit,
70 De bergerie, et faisoit
Matin lever par grant cure.
D'autre riens n'avoye cure
Fors de repairier en champs
Et en bois, ou les doulz
chans
75 Des oysiaulx souvent ouoye,
N'autres gens je n'avouoye
Fors pastoures et pastours.
Si savoye tous les tours
Du mestier de bergerie:
80 Aigniaulx en la bergerie
Soignier, mettre fein en
creche,
Semer en toit paille
fresche,
Et les mottons d'une part
Trier, oindre et mettre a
part,
85 Berbis traire, et faire a heure
Aigneulx teter, et desseure
Le fourrage es rastiaulx
mestre;
Ne nulle mieulx entremettre
Ne se sceust de tout
l'affaire
90 Qu'il convient au mestier; faire
Anble de son et d'aveine
Pour faire remplir la veine
Aux berbis, qui aignelé
Avoyent qui n'est coulé,
95 Savoye, et mes berbis tondre
En may assise en belle
onbre
Au matin et a vesprée,
Et aporter de la prée
Herbe aux aignelez petiz,
100 Pour leur donner appetiz
Quant ilz viennent en
saison
Qu'on les tient en la
maison;
Et bien raporter des champs
Aucunes berbis meschans,
105 Vieilles et a dos pelé;
Et, s'aucune eust aignelé
La hors, l'aignel entre
bras
Porter dedens mon rebras,
Et eulz garir de la rongne.
110 N'y avoit si grant besoingne
Dont je ne fusse maistresse
Et des bergieres l'adrece.
De tout ce soigneuse
estoye.
A droitte heure me hastoye
115 De mener a remontée
Mes berbis sus la montée
D'un tertre ou herbe ot
menue;
Et quant soleil ert soubz
nue,
Au matin a la rousée
120 D'ou terre estoit arrosée,
Ou temps d'esté, par herbis
Couvers mener mes berbis
Bien savoye, et assembler
Mon parc, que le loup
embler
125 Ne m'en peüst chief ne queue
Et que nulle ne fust seue.
La en l'ombre me seoie
Soubz un chaine et essayoye
A ouvrer de filz de laine,
130 En chantant a haulte alaine;
Ceinturetes je faisoie,
Ouvrées com ce fust soye,
Ou je laçoye coyfettes
Gracieusetement faittes,
135 Bien tyssues et entieres,
Ou raisiaux ou panetieres
Ou l'en met pain et
fromage.
La soubz le chaine ramage
S'assembloient
pastourelles,
140 Et non mie tout par elles,
Ainçois veissiez soir et
main
Son ami parmi la main
Venir chascune tenant,
Plus de vint en un tenant,
145 Dont l'un flajolant venoit
Et l'autre un tabour
tenoit,
L'autre musete ou
chievrete;
N'il n'y avoit si povrete
Qui ne fust riche d'ami.
150 Et la vous veissiez enmi
La place mener la tresche
Joliement sus l'erbe
fresche
Parrot, Soyer et Harnou
Et Regnault, qui ot maint
nou
155 D'amours fait sus son chappel
Et boquet sus le jupel
Que Rambourt ot atachié
Et mis le chappel ou chié,
Comme a son ami trés chier.
160 Ainsi les veissiez treschier
Et karoler et baler,
L'un en dançant reculer
Tenant la main au cousté,
Et le pan devant osté
165 Et a la ceinture mis,
Puis en dançant s'est remis
A la queue emprès Gilon
Et devant met Sebilon.
Joliement y vait Belote
170 Qui bien joue a la pelote,
E Mangon et Jehanneton
Et Belon, au joly ton
Des instrumens acordés.
La veissiez bergiers hordez
175 De gans blans et d'aumosnieres
Et de diverses manieres
D'outilz telz qu'il
apartienent
A bergiers qui gays se
tiennent:
Trenche pain, cysiaulx,
forsetes,
180 Boiste a ointure, esguilletes,
Aloine, cernoir, cordele,
Une grande tace belle,
Fil, aguille, et deel avec
Y a, bergier n'est sanz
hec;
185 Mainte autre chose a dedens
Bonne, et lanieres pendans,
Et la grant clef de la
porte
De la bergerie on porte
Qui a une bille pent
190 Et derriere vait frappent,
Et tout pent a la ceinture,
Ou le mastin a esture
On tient lié a toute heure
Qu'après les conins ne
cueure,
195 La houlete bien taillée,
Par amoretes baillée,
Que bergier tient en sa
main,
Et la panetiere a pain,
Ou aulx et fromage on met.
200 Biaulx oysiaulz, je vous promet,
Ont ceulz qui sont les plus
cointes,
Tout n'ayent ilz nulles
pointes
Qui leur voise au pas
grevant,
Et la poittrine devant
205 Desnoulée, ou le blanchet
Pert blanc de nouvel achet
Ou la croix de la chemise
Quant toute neufve elle est
mise.
La a cotes de buriaulx
210 Vous veissiés ces pastoreaulx
Mener feste a desmesure,
Pour attaindre a la mesure
Fraper du pié en dançant,
Gautier emprès Helissant
215 A cloche pié faire un sault,
Si comme amours les
assault,
Huer, crier, rigoler
Et ensemble entr'acoler;
Est ce vie vie vie?
220 Qui jamais a d'autre envie?
Puis, quant de dancier sont
las,
Les veissiez par grant
solas
Eulx seoir sus l'erbe drue,
Chascun amant lés sa drue,
225 Sus la clere fontenelle,
En chantant de voix
isnelle,
Ataindre pain et fromage
Et tout mettre sus
l'erbage,
Et ces pastoureaulx gentilz
230 Vous trenchier ce pain faitis
Par lesches grandes et
lées,
Après doulces acollées
Les gitter en la fontaine
Et par bonne amour certaine
235 D'ycellui mengier eulx paistre.
En celle lande champestre,
De flours couverte a tous
tours,
Sont ilz aise ces pastours
Berbis gardans par sillons,
240 Et ces jolis oysillons
Qui les cuers leur
resjoïst!
En celle place on oÿst
Chanter Parrot et Margot:
«Larigot va larigot,
245 Mari, tu ne m'aimes mie,
Pour ce a Robin suis amie.»
Ainsi amont et aval
Tout y retentist li val
Des haultes voix deliées
250 De ces pastorelles liées,
Chantans a joyeuse chiere.
Et Robin, qui a moult
chiere
Marion qu'il aime moult,
Si quiert aval et amont
255 Pour trouver couldre qui ploye,
Large et longe, et la
s'employe
Atout un large coutel,
Assis sus son bleu mantel,
Si fent la couldre par mi
260 Et dit que, par Saint Remi!
Esclisse fera de couldre,
Ensemble veult les bous
couldre,
Si ara de flours chapiau
Moult bien suroré d'orpeau
265 Que s'amie a en sa bourse.
Adonc n'y a si rebourse
Qui chapel a lie face
A son doulz ami ne face
De muguet et flours d'amer
270 Ou de roses d'oultremer.
Tendis vont o leurs musetes
Cueillir cormes ou
noisetes,
Ou chastaignes en ce boys
Abatre ou cerner des noix,
275 Selon qu'il est la saisons,
Ou roysins en moustoisons,
Li pastours, puis les
aportent
Aux belles qui se deportent
En l'ombre et leur font
chapeaulz.
380 Chascun dit: «Li miens est beaulz.»
Si broustent la tel viande
Ne nul d'eulx plus ne
demande.
Telz y a qui jus leurs
fleustes
Mettent et trayent aux
butes,
285 Aultres la lute commencent,
Et les autres si s'avancent
A faire aucuns jeux de
forces,
Ou arrachent les escorces
Des arbres vieulx et
mossus;
290 Leurs chaperons lient sus
De bien estroitte maniere
Et cousent une lasniere
Grande et large a celle
escorce,
Leur main ou creux de la
torse
295 Boutent et bouclier en font,
Espées de boys reffont;
Lors commence l'escremie,
Chascun dru devant s'amie
Joue du bouclier et fiert
300 Ses compains comme il affiert.
La veissiez vous de beaulx
coups
Lancier sur teste et sur
coulz,
Et cellui qui mal se targe
De l'escorce dont fait
targe,
305 En emporte mainte boce
Souvent quant lui fault
l'escorce;
L'aultre le mort, et se
couche,
Fait, et tient close la
bouche;
La chascun se vient ploier
310 Et au lever essaier,
Et cellui qui mieulx le
lieve
Le pris et l'onneur
enlieve.
En yver jouent aux billes
Et au parquet et aux
quilles
315 Et aux meriaulx et aux noix
Et a autres esbanois.
D'aultres jeux font ilz
assez
Biaulx et plaisans, ce
pensez,
Devant leurs belles amies
320 Qui ne sont pas endormies
A jugier des mieux apris
Et bien asseoir le pris.
Et orriez ces valetons,
Quant ilz sont es sommetons
325 Des montaignes, jargonner
Et l'un l'autre ramposner
En jargon, tout en
chantant,
Que nul fors qu'entr'eulx
n'entent.
Ainsi se vont deportant
330 Li pastorel, mais pour tant
Ne laissent a prendre garde
Des berbis qu'ilz ont en
garde;
Puis au vespre s'en
retournent
Et tous et toutes
s'atournent
335 De trier leurs berbietes;
Congié de leurs amietes
Prenant li joli pastour,
Et se mettent au retour.
Ainsi longuement hantay
340 Celle vie ou je chantay
Mainte jolie chançon,
Et en l'ombre du buisson,
O mes compaignetes belles
Et leur ami avec elles,
345 M'ombroyay mainte journée.
Joenne estoye et atournée
Comme pastoure polie:
Surcot vert, cote jolie
J'avoye et graille
ceinture,
350 Bourse, espinglier a esture
Fait et cotelet faitis
Et tous les gentilz outilz
Qu'apertiennent a bergiere,
Et sus pelice legiere,
355 Chainse crespé et delié,
Blanc flairant et bien lié.
Mignote estoie et grassete,
Et riant a voix bassete,
Et gente, ce disoit on.
360 Si fus de maint valeton
Amée moult chierement,
Mais si me tins fierement
Que nul ne daignay amer;
Maint bergier a cuer amer
365 Plourant vint m'amour requerre,
Mais nul ne la pot
acquerre.
Non obstant que mes
compagnes
Veoye par ces champaignes
O leurs doulz amis deduire,
370 Nul ne pouoit mon cuer duire
Ad ce que l'amer empreisse
Ne qu'aultre vie appreïsse
Que celle qu'aprise avoie.
Qu'estoit amer ne savoie
375 N'aprendre ne le vouloie,
Ne de riens ne me doloie.
Tout mon soing ert de
berbis
Garder parmi ces herbis
Et ces flours par prez
cueillir
380 En may, ne un seul jour faillir
On ne veist, main ne
ressie,
Que chappellet de soussie
Ne meisse ou de passeroses
Ou de muguet ou de roses
385 Ou d'aultres flours plus nouvelles.
Ces pastoureaulx leurs
nouvelles
Me venoient raconter
Et pour mieulx mon cuer
domter
Nouvellès dons
m'aportoyent:
390 Ceinturetes ou estoient
Pendans bourses et
couteaulx,
Et aultres soubz leurs
manteaulx,
Chappellez vers, devisez
Gentement, moult desguisez,
395 Me presentoient en don;
Et vous y veissiez adon
Varlez descendens d'un
tertre,
Qui maton, formage et
tartre
M'aportoient ou flamiche;
400 Pomes, poires, blanche miche
Me venoient presenter,
Et de leurs maulx
guermenter
Piteusement se penoient,
Et près de moy se tenoient
405 Pour moy servir, s'eusse chier
Leur servise, ou pour
trenchier
Devant moy pain et fromage.
L'un me disoit: «C'est
dommage,
Marotele, se tu n'aimes
410 Je te pry qu'ami me claimes,
Pastourele gente et belle,
Ne soiez vers moy si
felle.»
L'autre disoit: «Doulce
amie,
Et ne m'aimeras tu mie
415 Quant je suis ton chier ami?
Tu vois que, s'un seul demi
Pain avoie, la moitié
T'en donroye a cuer haitié.
Aime moy, fillete doulce,
420 Je te donray une bourse
Jolie d'or et de soye.»
Ainsi alors ne pensoie
Nulle riens qui me grevast,
N'il ne fust riens qui
levast
425 De moy parole d'acort
D'amer, pour tout leur
recort.
A tous faisoie response
Que pour neant tel semonse
M'aloient amonnestant;
430 Si s'en souffrissent atant,
Car amer par tel devise
Ne vouldroie en nulle
guise.
En ce point longuement fus
Faisant de m'amour reffus
435 Et dongier a toute gent;
Tant fussent preux, bel ou
gent,
Pou m'estoit de leurs
clamours.
Orgueilleusete d'amours
On m'appelloit pour le
temps;
440 Mais je vous diray par temps
Coment Amours s'en venga,
Qui bien mon vouloir
changa,
Combien qu'il m'estoit avis
Que tant eust homme cler
vis,
445 Gent corps, beaulté ne valour,
N'aimeroie, ains grant
folour
Me sembloit d'ainsi amer
Pour en sentir doulz
n'amer.
Or diray je que m'avint,
450 Il n'a mie des ans vint,
Ains croy que quatre ans
passez
N'a mie encore d'assez:
Un jour en l'ombre seoie
Soubz un chaine et asseoie
455 Un vert jolis chappellet
Dessus mon chief
crespellet,
Sus une fontaine belle.
Et comme d'amours rebelle
Vouloye la seulete estre;
460 Ou lieu avoit moult bel estre,
Bois fueillu tout environ
Et l'erbe jusqu'au giron,
Par placetes drue et basse;
De flouretes a grant masse
465 Diverses ot et planté,
Sus la fontaine planté
Arbres beaulz de moult belle
ombre
Que soleil ne feist
encombre.
Mes berbietes gardant,
470 La seoie en regardant
Les floretes que cueilloye,
Qu'en la fontaine
mouilloie,
Et de haulte voix serie
Chantoye si que l'orie
475 Du boys en retentissoit.
Droit a celle heure passoit
Par le grant chemin ferré,
Qui ert lez le bois querré,
Une grant tourbe de gens
480 Sus chevaulx mignoz et gens
Qui entendirent le son
Et le dit de ma chançon.
Adonc se sont arrestez
Et ou boys, y ot de telz,
485 Entrerent, suivant la voix
Du chant queroient ou bois,
Mais ne m'ont pas tost
trouvée,
Car le boys fueillu leur
vée;
Mais moy, qui fus seule en
crainte,
490 Des chevaulx ouÿ la frainte
Qui par le bois se
hastoient
Et ja près de moy estoient,
Tout ne me veissent ilz
mie.
Adonc la char me fremie
495 De paour, si me tins coye
Et du tout mon chant acoye.
Au chief de piece tant
firent
Ceulz qui en riens ne
meffirent
Que dessus la fontenelle
500 Me trouverent; voix ysnele
N'oz pas a les saluer,
Ainçoys, sans moy remuer,
Me tins assise et honteuse
Et de baudour
souffraiteuse.
505 Tremblant et rougie ou vis
Je devins quant je les vis,
Car je n'oz gens de tel
pris
A veoir souvent apris:
Frains dorez, selles
couvertes
510 Avoyent blanches et vertes
Et de diverses couleurs
Faittes aux devises leurs.
Dessus gros chevaulx mignos
Et sus genez espagnolx
515 Montez estoient li ber,
Plus gentilz que nul ober,
Riches robes et trainans,
Vestues trés avenans,
D'or et de soye brodées
520 Et a devises bandées,
L'une d'or, l'autre
d'argent,
Escharpes qui bel et gent
Leur estoient avenans,
Dont les cliquetes sonnans
525 Tout le boys retentissoient
Pour les sons qui en
yssoient,
Chappeaulx jolis de festus
Sus leurs chaperons vestus
Avoyent jusques a l'ueil
530 Pour l'arsure du soleil.
Moult furent bien assesmez
Les gentilz hommes amez,
Beaulx et gens a droit
souhaid,
Gracieux et de bon hait.
535 Adonc assembla la route
Ou mainte haye fu route
Pour venir a l'assemblée
Ou sans cause fus troublée.
Lors, comme frans, sans
orgueil,
540 Tous descendirent ou brueil.
Or me tins je pour
surprise,
Bien cuiday morte estre ou
prise.
Vers moy adreçant leur pas
Tous ensemble isnel le pas
545 Distrent a joyeuse chiere:
«Dieux vous gard, doulce
bergiere.»
Et je honteuse et tremblant
Me lieve a couart semblant;
Si com je sceus leur rendi
550 Leur salu, plus n'atendi
Mais loings fus plus d'une
toyse.
En celle route courtoise
Ot un si fait chevalier
Que, s'ilz fussent un
millier,
555 Si passast il, com moy semble,
Trestous les aultres
ensemble
De valeur, de sens, de pris
Et de quanque bien apris
Doit avoir en tous endrois.
560 Beauls et gens, jolis et drois
Fu dessus les aultres tous,
Et me semble que trestous
L'appelloient Monseigneur,
Dont vi qu'il ert le
greigneur
565 Et le plus autorisié.
La un chevalier prisié
S'avance et me prist a
dire:
«Pastoure, paour n'ayez
n'yre,
Car vous n'arez se bien non
570 Par nous.» Lors nomma par nom
Cil qui les autres passoit
Et dist: «Par cy
trespassoit
Monseigneur que voiez cy
Et sa compagnie aussi.
575 Si chantiez, ce m'est avis,
Bel et bien a droit devis
De haulte voix deliée,
Pour ce vostre chiere liée
Moult desira a veoir
580 Et decoustes vous seoir
Pour vostre doulz chant
ouïr.
Si ne nous pouez fouïr:
Chanter il vous convendra
Dont ja mal ne vous
vendra.»
585 Adonc vers cellui me meine
Qui Dieu doint bonne
sepmaine,
Et je humblement m'encline
Devant lui la chiere cline,
Si le saluay tout bas,
590 Mais cellui fist un grant pas
Et tost relever me vint,
Un doulz ris qui lui avint
Gitta moult joyeusement
Et dist gracieusement:
595 «Et, par Saint Sauveur d'Esture
Voycy joyeuse aventure!»
Adonc sus l'erbe menue
S'assist et par la main nue
Me prist et decouste lui
600 M'assist, si n'y ot cellui
Qui ne se soit tost assis.
Adonc des foys plus de six
Me pria que je chantasse
Hault et cler, riens ne
doubtasse,
605 Mais longuement m'excusay
De chanter, car je n'osay.
Cil dist: «Doulce,
pastourele,
N'escondissez la querelle
Que vous fais, ainçois
chantez
610 La chançon que plus hantez.»
Quant vis la grant
courtoisie
De ceulz, aucques acoisie
Fut la paour qu'eue avoye;
Si m'asseuray toutevoye
615 Et dis a cil, qui rioit
Doulcement et me prioit,
Que par son commandement
Chanteroye ysnelement,
Mais en gré le voulsist
prendre,
620 Car moult y ot a reprendre.
Lors a chanter commençay
La chançon que je pensay
Qui la plus nouvelle estoit
Et qui le mieulx me
goustoit.
625 Si vous diray la chançon
Dont ouÿrent du chant
son:
Bergierette
Il n'est si jolis
mestier
Com de mener en
pasture
Ces aigneaulx sus
la verdure,
630 Jamais faire aultre ne quier.
Qui
verroit ces bergieretes
Et ces jolis
pastoureaulx
Entr'amer par
amouretes
Et faire de flours
chapeaulz,
635 Il diroit qu'il n'est sentier
Ne voye qui soit si
pure,
Jamais d'aultre
n'aroit cure,
Si s'en vouldroit
accointier.
Il n'est si jolis
mestier.
640 Ces pastours o leurs chevretes
Au joli chant des
oysiaulx
Vous dient ces
bergieretes
Et ces beaulx motez
nouveaulx,
Et
aiment de cuer entier,
645 Au son de leur turelure
Dançant tant comme
esté dure,
D'autre joye n'ont
mestier.
Il n'est si joli
mestier.
Ainsi ma chançon finay
650 Et devant cil m'enclinay
Qui de chanter m'ot
requise.
Mon chant loua de grant
guise
De son bien et de sa grace,
Si m'en sceut et gré et
grace
655 Et bien m'en remercia,
Et dist: «Pastoure, cy a
Maint gentil homme
vaillant,
Si ne soyez deffaillant
D'encore une a leur
requeste
660 Chanter, vous l'arez tost preste,
S'il vous plaist, en petit
d'oure,
Or chantez, doulce
pastoure.»
Adonc pour leur vueil
perfaire
Plus prier ne me voulz
faire,
665 Si chantay joliement
Ceste chançon liement:
Bergierete
Au joly
bousquet
Vont
ces pastoureles
Cueillir
du muguet.
670 Chappellet de flours
Font a
leurs amis,
Par
fines amours
Ou
chief leur ont mis.
La font
maint hocquet
675 O leurs chalemeles
Parrot
et Huguet,
Au joly
bousquet.